jeudi 10 octobre 2019

L’offensive d’Erdogan en Syrie met le monde face à un chantage, un dilemme et une honte certaine (Art.649)


L'abandon des Kurdes, l'afflux de réfugiés ou le retour des jihadistes, il va falloir choisir avec le risque d’avoir les trois à la fois et encore des milliards d'euros à payer à la Turquie.


Et dire que Jacques Chirac était pour l’intégration de la Turquie dans l’Union européenne. Ce n'est pas demain la veille ! Pour comprendre les nouvelles complications au Moyen-Orient, provoquées par l’offensive militaire turque dans le Nord de la Syrie, il faut d’emblée avoir trois détails en tête.

Offensive de la Turquie en Syrie, bombardement de Ras el Aïn. Photo de Delil Souleiman, AFP

1. Depuis le début du conflit syrien, en mars 2011, Erdogan n’a rien fait d’effective et d’efficace, ni contre le régime syrien ni contre Daech & Co. Pire encore, il a permis à divers groupes islamistes de bien s’épanouir dans l’espoir d’affaiblir les Kurdes syriens, car justement, la principale préoccupation de la Turquie en Syrie, n’est pas la survie de Bachar el-Assad mais l’autonomie grandissante des régions contrôlées par les rebelles kurdes syriens.

2- Les diverses fractions kurdes de Syrie, rejointes tout au long de la guerre par des fractions kurdes de Turquie et d'Irak, se sont opposées aux troupes du régime syrien. Certes, il y a eu des arrangements lors de l'évacuation des troupes du régime syrien des régions kurdes du Nord au cours de l'année 2012, afin de mieux protéger la Syrie utile, notamment Damas et les régions alaouites de la Méditerranée. Il n'empêche que le régime d'Assad avait totalement perdu sa souveraineté sur ces régions, de gré ou de force, au point qu'il était obligé d'acheter le pétrole aux Kurdes ! Mais ce qui restera dans l'histoire, ce sont surtout les durs combats des forces kurdes contre les divers groupes islamistes, notamment l’organisation terroriste « État islamique ». Sans leur courage sur le terrain, la coalition formée par les États-Unis en 2014 aussi puissante soit-elle, n’aurait jamais pu réussir à débarrasser le monde de la menace de Daech. On leur doit la chute de Raqqa comme de Deir el-Zour et la fin du califat en toc. Les Kurdes ont perdu 11 000 hommes contre les jihadistes sur les différents champs de batailles. Les abandonner à leur sort est le signe d'une ingratitude qui ne peut que faire honte aux dirigeants arabes et occidentaux.

3. L’Union européenne s’est engagée en mars 2016, à la suite de l’afflux massif de réfugiés vers l’Europe et les lourdes conséquences de l’ouverture des frontières par la chancelière allemande Angela Merkel, à octroyer deux fois trois milliards d’euros au nouveau gardien de la Sublime porte, afin de maitriser l’afflux de réfugiés, pas que syriens.

Cela étant dit, 48 heures à peine après le début des combats dans les régions du nord de la Syrie, contrôlées actuellement par les Kurdes, les pays occidentaux, notamment européens, et les pays arabes, notamment le Liban, se trouvent devant un choix :

. D’un côté, si l’offensive turque en Syrie est entravée, Erdogan menace d’ouvrir ses frontières et de laisser filer à l'anglaise 3,6 millions de réfugiés. « Ô Union européenne, reprenez-vous. Je le dis encore une fois, si vous essayez de présenter notre opération comme une invasion, nous ouvrirons les portes et vous enverrons 3,6 millions de migrants. » Hélas, ce n'est ni la première fois, ni la dernière d'ailleurs que le dirigeant turc tombe aussi bas.

. D'un autre côté, si l’offensive turque se déroule comme prévu, les forces kurdes ont averti, étant donné les impératifs militaires, elles ne seraient plus en mesure d’assurer le contrôle des camps de prisonniers, 70 000 personnes au total avec près de 12 000 combattants jihadistes de Daech & Co (essentiellement Syriens), dont 2 000 étrangers (450 Français que la France ne souhaite pas rapatrier!), pourraient se retrouver libres comme l’air.

Notez la nuance dans le choix des mots, très révélatrice : Erdogan menace, les Kurdes avertissent. Voici donc le chantage et le dilemme auxquels le monde est confronté à la suite de l'offensive turque en Syrie : 3,6 millions de réfugiés dans la nature ou 10 000 jihadistes libres comme l’air ?

*

Si nous sommes arrivés là c’est évidemment par la faute d’un grand imposteur résidant à la Maison Blanche et répondant au nom de Donald Trump. Le bouffon de Washington a décidé de retirer les quelques milliers de militaires américains de la région et de donner son feu vert au projet militaire d’Erdogan pour des raisons aussi confuses que surréalistes. « Les Kurdes se battent pour leur terre, il faut que vous compreniez (...) Nous avons dépensé énormément d’argent pour aider les Kurdes, que ce soit en munitions, en armes ou en argent. » Et alors ? Aussi invraisemblable que l'histoire des batailles d'aéroports au cours de la Révolution américaine au 18e siècle, le président des Etats-Unis a déclaré texto: « (Mais) Ils ne nous ont pas aidés pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils ne nous ont pas aidés en Normandie, par exemple ». Vérifiez-le vous-même ! Et ça ne l'a pas empêché de conclure : « Cela étant dit, nous aimons les Kurdes ».

Officiellement, l’opération turque « Source de Paix » vise à lutter contre les « groupes terroristes kurdes » et créer une « zone de sécurité » au nord de la Syrie. Officieusement, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, de confession sunnite, est déterminé à affaiblir les forces kurdes, de confession sunnite aussi, et à construire des camps pour les réfugiés syriens de Turquie, de confession essentiellement sunnite, en plein territoire syrien.

A ce propos, notez que lorsque l'actuel président de la République libanaise, Michel Aoun, et Gebrane Bassil, le ministre libanais des Affaires étrangères, tous deux chrétiens, avaient fait une proposition comparable pour résoudre le casse-tête de la présence de 1,5 million de déplacés syriens au Liban, un quart de la population dont l’essentiel est présente depuis cinq ans, on les avaient crucifiés. Là, silence radio dans les milieux pro-turcs au Liban !


Le président Erdogan est pressé, même très pressé, pour au moins trois raisons :

. Primo, la nature ayant horreur du vide, si le parapluie américain placé jusqu’alors au-dessus des Kurdes est refermé et mis au placard, un des protagonistes de la scène syrienne doit bien en profiter : le régime d’Assad, l’Iran, la Russie ou la Turquie. Tout le monde le fera. Mais pour les Turcs, c’est maintenant ou jamais et l’occasion rêvée de s’attaquer aux épines kurdes : les troupes du parti de l’Union démocratique kurde (PYD, proche du PKK turc), appelées les Unités de Protection du Peuple (YPG), et depuis 2015, les Forces démocratiques syriennes (FDS). Celles-ci regroupent aussi des combattants syriens arabes, de confession chrétienne syriaque pour certains. Il faut comprendre, Erdogan n’a qu’une obsession, les Kurdes. Il n'évoque le terme de Daech qu'en l'associant à ce dernier, afin de créer la confusion dans les esprits et pour que les deux mots soient liés au terrorisme.

. Secundo, ce n’est qu’un secret de Polichinelle, il ne fait pas bon d’être Syrien en Anatolie depuis un moment déjà ! La population turque gronde à cause de la concurrence déloyale et d’autres conséquences de cette longue et massive présence. Ah si, il vaut mieux être Syrien à Beyrouth qu’à Istanbul, mais cela beaucoup de mauvaises langues au Liban et dans les pays arabes, où Erdogan a un important fan club, ne vous le diront pas. Donc il est temps de faire bouger les choses de ce côté-là, d’autant plus que l’accord sur les réfugiés conclu avec l’Union européenne en mars 2016 risque de prendre fin et de ne pas être renouveler.

. Tertio, faute de solution politique, de pacification du terrain, de stabilisation de la situation et de moyens financiers, la reconstruction de la Syrie n’est pas pour demain. Or, les années passent. La guerre en Syrie rentrera bientôt dans sa dixième année. La présence syrienne en Turquie commence à poser problème pour la population locale et les opposants politiques, d’où l’urgence pour Erdogan de bousculer la donne sur le terrain en créant cette « zone de sécurité » de 3 600 km2 (120 km de long et 30 km de large, soit 1/3 du Liban), en Syrie, afin de pouvoir réinstaller les Syriens réfugiés en Turquie, sur le territoire syrien.

Erdogan s’en sortira à tous les coups. Au mieux, même si c’est improbable, il réussira à exécuter son plan comme il l’a prévu. Au pire, il obtiendra des compensations financières au sujet des réfugiés comme en 2016.

*

Mais il ne fait pas de doute que le grand gagnant du nouveau chapitre de l’interminable guerre en Syrie est encore une fois, hélas, Bachar el-Assad. L’entrée en guerre de la Turquie oblige les Kurdes syriens à mettre de l’eau dans leur vin et à se rapprocher du régime syrien, pour sauver le précieux acquis de la guerre, leur autonomie. Si Erdogan réussit son plan, les Kurdes seront affaiblis, ce qui n’est pas si mal pour Assad. De plus, la Turquie, ennemie du régime d'Assad, sera forcément sous pression de la part de la communauté internationale, pour occupation illégale d’un fragment du territoire syrien. A moyen terme la situation est intenable, la zone occupée par les Turcs risque de passer rapidement sous la souveraineté du tyran de Damas, en échange de quelques garanties, pas de Kurdistan en Syrie comme en Irak, sous quelle que forme que ce soit.

Maintenant si Erdogan échoue et met à exécution ses menaces, c’est tout bénéf aussi. De nouveaux réfugiés syriens renvoyés en Europe et forcément au Liban, cela s’intègre parfaitement dans les projets de Bachar el-Assad, rendre le nettoyage ethnique de la composante sunnite de la Syrie et la colonisation du pays du Cèdre via les déplacés syriens, des réalités difficilement réversibles. Et si des jihadistes sont relâchés dans la nature à cause des combats, c’est du pain béni, l’occasion inespérée pour l'adoubement et la réhabilitation d'Assad sur la scène internationale, le régime pouvant se présenter comme le seul rempart face au terrorisme islamiste et une assurance inestimable pour l'élevage de lapins sur le plateau du Golan, occupé puis annexé par Israël.

Il y a beaucoup d’incertitudes à présent, mais il est clair que dans l’état actuel du monde, mieux vaut avoir comme allié Vladimir Poutine que Donald Trump. Vlad est fiable, solide et fidèle, un allié sur lequel on peut vraiment compter, pour le meilleur et pour le pire. Autre certitude, personne ne souhaite voir Daech renaitre de ses cendres autant que Bachar el-Assad. L’organisation terroriste ne constituera plus une menace pour le régime, mais pourrait justifier sa réhabilitation sur la scène internationale. D’ailleurs, les signes de réintégration ne manquent pas comme en témoigne l’accueil chaleureux réservé par Ahmed Aboul Gheit, Secrétaire général de la Ligue arabe, à Walid Mouallem, ministre syrien des Affaires étrangères, à l'occasion de la réunion de l'Assemblée générale de l'ONU il y a quelques semaines : « Bonsoir ! Incroyable. Comment vas-tu ? » Qu'il le veuille ou pas, Erdogan risque d’accélérer le processus.

*

L’offensive turque en Syrie a provoqué un tollé au niveau international. Malgré cela, elle continue pour le deuxième jour, comme si de rien n’était. Si elle n’est pas stoppée, hélas, nous risquons d’avoir et des millions de réfugiés et des milliers de jihadistes, de toutes nationalités. C’est pour dire qu’il est nécessaire que l’Union européenne et le Conseil de sécurité de l’ONU infligent un camouflet aux plans de Recep Tayyip Erdogan. Non seulement, il faut se montrer reconnaissants à l'égard des Kurdes syriens pour l'élimination de Daech, mais en plus, il faut faire savoir à ce dernier, que ses manoeuvres sont nulles et non avenues pour deux raisons.

D'une part, parce que la Turquie est obligée d'assurer un contrôle hermétique de ses frontières avec l'Union européenne, son pays abritant près de 4 millions de réfugiés (87% d'origine syrienne). D'autre part, parce que les réfugiés, arrivés en Grèce, dont la situation ne demande pas une protection internationale, doivent être reconduits à leurs points de départ, en Turquie. Ce sont les termes de l’accord conclu par l’Union européenne avec la Turquie en mars 2016, pour six milliards d’euros svp.

« À ce jour l’Union européenne a alloué 5,6 des 6 milliards d’euros approuvés » a annoncé en septembre la porte-parole de la Commission européenne, Natasha Bertaud. Comme le reste sera versé « prochainement » et marquera la fin du contrat UE-Turquie, le bouffon d'Ankara a décidé de mettre le feu aux poudres et de placer le monde face à un chantage et un dilemme abjects, les réfugiés et les jihadistes. Quant au bouffon de Washington, il est vraiment à l'ouest, on ne peut pas compter dessus non plus. Du devenir des jihadistes justement, voici ce qu'en dit le commandant en chef des forces armées américaines : « Ils vont aller en Europe. C’est là qu’ils veulent aller. Ils veulent rentrer chez eux... L’Europe aurait pu les traduire en justice, ils auraient pu en faire ce qu’ils voulaient, mais ils ne l’ont pas voulu (...) Nous avons dit à plusieurs pays: on aimerait que vous repreniez vos gens. Personne n’en veut, ils sont méchants (...) Peut-être que les Kurdes... ou sinon la Turquie pourrait s’occuper des combattants de l’Etat islamique... Laissons les Turcs le faire. »

Si l'Europe ne réagit pas avec force et fermeté, elle risque d'être devant le fait accompli : elle aura des réfugiés, des jihadistes et encore des milliards d'euros à payer au maitre chanteur du Bosphore. Et belote et rebelote.

vendredi 27 septembre 2019

Jacques Chirac n’est peut-être pas le meilleur leader politique en France, mais il a été sûrement le plus bienveillant pour le Liban et incontestablement le plus sympathique au monde (Art.644)


Ah comme il est difficile de choisir une image pour illustrer cet humble hommage que je voudrais rendre à Jacques Chirac, décédé hier à l’âge de 86 ans. Alors, que choisir ? Mangeant des rillettes au Salon de l’agriculture, avec des fleurs autour du cou, assoupi avec les pieds surélevés dans un avion, croquant une pomme à pleines dents, au fond d’un fauteuil noyé dans les volutes de fumée, englouti dans un bain de foule, non mais laquelle ? On a l’embarras du choix, il était si photogénique ! Du chef d’État, je garderai celle-ci en aparté avec son George W. Bush, elle illustre ô combien il a été visionnaire sur la guerre en Irak. De l’homme tout court, je choisirai celle-là où il saute par-dessus le tourniquet dans le métro parisien, elle reflète si bien son caractère. Le mien aussi.


Il faisait partie de ces rares hommes politiques qui gravissent les échelons comme les sportifs montent les escaliers, deux par deux. Haut fonctionnaire, président du parti RPR (1976-1994), député national de la Corrèze (près de 16 ans et demi), député européen (de la 1er législature de 1979), président du Conseil général de la Corrèze (9 ans), maire de Paris (1977-1995), secrétaire d’État (Emploi, Économie et Finances), ministre (Intérieur, Agriculture, Développement durable, Relation avec le Parlement), Premier ministre (à deux reprises, près de 4 ans et demi), président de la République française (1995-2007) et membre du Conseil constitutionnel (2007-2019). C’est pour dire.

Jacques Chirac est un personnage de roman. S’il n’existait pas, il fallait l’inventer. Il débutera sa vie politique chez les communistes où il vendra L’Humanité et se portera volontaire durant la guerre d’Algérie. Il ne commencera vraiment sa carrière qu’en 1967 en intégrant la meute des « Jeunes loups » envoyés pour arracher certaines régions à la gauche, puis comme « bulldozer » chez Pompidou.

Au cours de cette longue carrière politique, notamment comme député de la Corrèze, maire de Paris, Premier ministre et président de la République, Jacques Chirac s’est targué de beaucoup de succès politiques, non moins contestés pour certains : les accords de Grenelle en mai 1968, la baisse de la majorité à 18 ans, la légalisation de l’avortement, l'extension de la couverture de la sécurité sociale, la sortie de la crise économique suite au choc pétrolier de 1973, le développement de l’énergie nucléaire civile, la défense du « Fabriqué en France » et du savoir-faire français, la création du parti du Rassemblement pour la République (RPR, futur UMP, aujourd’hui LR, Les Républicains), la reprise de la construction de la Voie Express à Paris (Georges Pompidou), les motocrottes, la création de certains espaces verts dans la capitale, diverses privatisations (des banques Société générale/Paribas, TF1, Saint-Gobain, Suez, Pechiney, Bull, etc.), l’assouplissement des licenciements, la suppression de l'impôt sur les grandes fortunes, l’étrange libération des otages français détenus au Liban par le Hezbollah (trois jours avant les élections présidentielles de 1988, contre la libération d’un diplomate iranien retenu à Paris et des contreparties commerciales, dont une livraison d’uranium enrichi, déjà à l’époque !), un durcissement de la politique d’immigration (c’est l’époque Pasqua, auteur du « visa de sortie » des étrangers résidants en France en cas de voyage, il fallait l’inventer, on s’est cru en Chine !), l’autorisation accordée à Madonna pour organiser un concert au parc de Sceaux, le vaste plan d’aménagement de la ZAC Seine Rive Gauche (13e arrondissement, autour de la BNF), l’arrêt des essais nucléaires dans le Pacifique, la ratification du traité d'interdiction complète des essais nucléaires (non ratifié par les États-Unis et Israël), le parrainage des accords de Dayton (qui ont mis fin au conflit en Bosnie), la suspension du service militaire, la réforme de la Sécurité sociale, le soutien indéfectible à l’équipe de France de football qui remporta le Mondial de 1998, la baisse du mandat présidentiel à 5 ans, une opposition ferme à toute alliance entre le RPR et le FN, l’interdiction des farines animales, la baisse des impôts, la reconnaissance de la responsabilité de la France dans la déportation des Français de confession juive durant la Seconde guerre mondiale, la construction du musée des arts et civilisations d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et des Amériques, etc. C’est pour dire, son héritage est important. C’est le fruit de plus de quarante ans d’une carrière politique très riche.

Sur les ratés politiques, la liste est longue aussi, à commencer par l’abandon de la réforme des retraites (1995), la dissolution de l’Assemblée nationale deux ans après son élection et moins d’un an des élections législatives (1997, remportées par la gauche), les émeutes des banlieues (2005), l’abandon du droit au logement (2006) et les affaires de financement illégal du RPR, des emplois fictifs, des frais de bouche et du compte japonais. Sur les 12 années de mandat (1995-2007), il était pendant 5 années en cohabitation avec le socialiste Lionel Jospin comme Premier ministre (1997-2002).

Certains analystes et opposants ont reproché à Jacques Chirac son inconstance idéologique qui serait soi-disant la traduction d’un opportunisme politique. Étrange argument, comme si un bon leader est celui qui reste figé toute sa vie sur les mêmes opinions. Sur l’Union européenne par exemple, Jacques Chirac était d’abord favorable à l’Europe des nations (1978) et hostile à l’euro (1991). Il appellera ensuite à voter « oui » au référendum sur le Traité de Maastricht portant sur le fonctionnement de l’Union européenne et instaurant une monnaie unique (1992). Puis il sera un grand défenseur du respect du Pacte de stabilité imposant un ensemble de critères à respecter par les États de la zone euro (1995, comme la réduction du déficit budgétaire). Il fut même un temps favorable à l’élargissement de l’Union européenne jusqu’à la Turquie et pour l’Europe fédérale. Enfin, il s’est personnellement impliqué dans le référendum portant sur la Constitution européenne en faveur du « oui » (2005). Dites mauvaises langues, elle est où l’inconstance idéologique ? Jacques Chirac était un homme profondément attaché à l’Union européenne, fin de la discussion.

Au niveau économique, il parlera de « travaillisme à la française » (années 1970), puis de libéralisme et de privatisation (années 1980) et enfin de « fracture sociale » (années 1990). Et allez comprendre pourquoi certains ont vu en cela, encore de l’inconstance idéologique. Décidément !

Jacques Chirac était sans doute une personnalité complexe, mais une chose est sûre, c’était un homme de droite avec une nette ascendance de gauche. Il le prouvera à plusieurs reprises, notamment quand il légalisera l’avortement en France (1975) et quand il votera l’abolition de la peine de mort (1981), contrairement à la majorité des députés de son camp.

Au-delà de ses opinions politiques, Jacques Chirac était sensible au charme féminin jusqu'à la fin de sa vie, au grand dam de dame Bernadette. Mais pas que, il était un homme de sentiments en général. Il a est apparu très affecté et ému aux larmes, lors des obsèques de Georges Pompidou à Notre-Dame de Paris (1974). Cela ne l’empêchera pas de ruser pour parvenir à ses fins, comme tout homme politique de son espèce. Lors des élections présidentielles de 1981, il est arrivé 3e derrière ces deux adversaires, Giscard et Mitterrand. Maigre consolation, il était faiseur de roi. Bien qu’il ait appelé à voter pour le candidat de droite, sans conviction, on le soupçonne d’avoir milité en coulisse en faveur du candidat de gauche. Il a toujours nié l’existence de cet accord secret Chirac-Mitterrand, confirmé par ailleurs par plusieurs personnes.

Ayant une certaine reconnaissance envers lui, le président socialiste se montrera digne, treize ans plus tard lors de la campagne présidentielle, en faisant tout pour défavoriser et humilier les nouveaux rivaux de Chirac, le duo Balladur-Sarkozy, comme lors de la commémoration de la libération de Paris à l'Hotel de Ville en août 1994 où François Mitterrand fera poireauter le Premier ministre Edouard Balladur sur le parvis pendant 45 minutes, prenant le temps de s'entretenir avec le maire de Paris et bien faire comprendre à son adversaire d'antan « Maintenant, c'est votre tour et vous serez élu ». La suite ne fut qu’une affaire de marionnettes des Guignols de l’info (Canal+) : entre Chirac le loser-sympa, Balladur l’aristo-prétentieux et Jospin le mal-aimé-malchanceux, les dès étaient jetés et la route de l’Élysée toute pavée pour le premier.

De Jacques Chirac, je pense surtout à cette image, qui résume bien le personnage, celle d’un homme original, pas totalement comme les autres.


Alors qu’il se rendait en métro à la station Auber-Opéra afin d’inaugurer une expo de peinture, il va se retrouver bloquer devant un tourniquet impassible à son charme. Et que fait le député et maire de la capitale ? Sans hésitation, il prend de l’élan, pose ses deux mains sur les bornes métalliques et saute par-dessus le tourniquet devant tout le monde, avant même que le directeur de la RATP n’ait le temps de se précipiter pour retirer le billet qu’il a mis dans la machine quelques secondes auparavant, faute de quoi le tourniquet ne pouvait pas assurer sa fonction. C’est facile à dire mais pas à faire, il faut beaucoup d’agilité pour réussir. Et c’est un connaisseur qui vous le dit. La plupart des gens passent derrière quelqu’un ou par dessous. C’était un 9 décembre 1980, peu de temps après un grave accident de la route. Il voulait sans doute prouver qu’il était en pleine forme la veille des élections présidentielles de 1981, face à son ennemi juré, François Mitterrand. Ah c’était encore la belle époque des rêves et de l’insouciance, quand tout était encore possible avec une dette publique inférieure à 100 milliards d’euros, soit 21% du PIB ! L’instant est immortalisé par le photographe Jean-Claude Delmas pour l’AFP. Beaucoup ne verront dans cette action que de la com’ et pourtant, celle-ci est totalement spontanée et improvisée.

A ce propos, on ne peut pas oublier non plus son coup de gueule mémorable contre les services de sécurité israéliens en octobre 1996, qui voulaient l’empêcher de circuler librement à Jérusalem-Est et d’avoir le moindre contact avec la population palestinienne de la ville. Ayant compris la manœuvre israélienne, il immobilisa le chef de la sécurité avec une voix grave qui raisonnent encore dans les oreilles : « Qu’est-ce qu’il y a encore comme problème ? Je commence à en avoir assez ! What do you want ? To go back to my plane and return to France, is that what you want ? (…) It is not a method. This is provocation. »

« Un chef, c’est fait pour cheffer » et voici le résultat.

Sur le plan national, Jacques Chirac restera celui qui a fédéré la nation autour du « front républicain », réunissant 25,5 millions de personnes au second tour de l’élection présidentielle de 2002 (82,2 %) dans l’objectif d’empêcher le destin de la France de basculer entre les mains du candidat de l’extrême droite, Jean-Marie Le Pen.

Au niveau de l’Hexagone, il restera aussi celui qui a su trouver ces mots justes au Sommet de la Terre qui a lieu en Afrique du Sud en 2002, qui ont permis au monde de prendre plus conscience des risques que font peser les activités humaines incontrôlées sur l'avenir de l'humanité. « Notre maison brûle. Et nous regardons ailleurs... La Terre et l'humanité sont en péril, et nous en sommes tous responsables. Il est temps d'ouvrir les yeux... Prenons garde que le 21e siècle ne devienne pas, pour les générations futures, celui d'un crime de l'Humanité contre la Vie... La conscience de notre défaillance doit nous conduire, ici, à Johannesburg, à conclure l'alliance mondiale pour le développement durable (...) Nous avons devant nous, je crois, cinq chantiers prioritaires. Le changement climatique... l'éradication de la pauvreté... la diversité... les modes de production et de consommation... la gouvernance mondiale, pour humaniser et pour maîtriser la mondialisation (...) Le moment est venu de nouer avec la nature un lien nouveau, un lien de respect et d'harmonie, et donc d'apprendre à maîtriser la puissance et les appétits de l'homme »

Ce discours-clé a été un tournant pour la France. Il lui a permis de faire une avancée considérable dans ce domaine. Sous l’impulsion du président de la République de l’époque, Jacques Chirac, on s'est attelés à la rédaction d'une « Charte de l’environnement » en 2004. Celle-ci a été adoptée par le Parlement réuni en congrès et intégrée dans la Constitution française.


« Article 1 : Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. Article 2 : Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement (...) Article 4 : Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement (...) Article 6 : Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable (...) Article 10 : La présente Charte inspire l’action européenne et internationale de la France. »

Eh bien voilà, Greta et ses friends peuvent retourner gentiment en classe et arrêter de pomper l’air du monde !

Au niveau international, l’ancien président de la République française demeurera celui qui s’est farouchement opposé à la seconde guerre en Irak organisée et menée principalement par les États-Unis de George W. Bush en 2003, avec le soutien sans faille de l’establishment américain à l’exception de quelques noms dont Barack Obama et Bernie Sanders. Pour l’histoire il faut sans doute rappeler aussi que l’opposition de Chirac n’était absolument pas dans l’air du temps : la coalition montée par les Américains englobait 48 pays, dont le Royaume-Uni et l’Australie, engagés dès l’offensive initiale, et beaucoup de pays ayant apporté leurs soutiens politique, armé et logistique, dont (par ordre décroissant des effectifs) : la Corée du Sud, la Pologne, la Roumanie, le Danemark, la Slovaquie, la République tchèque, l’Espagne, l’Italie, le Japon, le Portugal, la Turquie et l’Ukraine.

Sans mandat de l’ONU et sur la base de fausses allégations de détention d’armes de destruction massive, la guerre d’Irak a plongé le Moyen-Orient dans un chaos responsable de plusieurs centaines de milliers de morts au total et de décennies de dévastation, qui a rendu le terrain triplement fertile à l’épanouissement de l’organisation terroriste al-Qaeda, à l’émergence de l’organisation terroriste État islamique/Daech et à l’extension de l’hégémonie de la République islamique d’Iran jusqu’au Liban, donnant à la notion de « croissant chiite », une réalité géographique. Jacques Chirac restera à jamais le dirigeant qui a eu le courage et l’intelligence de ne pas associer son nom et son pays à l’une des invasions les plus ignobles des temps modernes.

Au niveau local, au Liban, Jacques Chirac est dans toutes les mémoires et dans les cœurs d’une grande partie de la population. Si les dirigeants actuels du pays du Cèdre étaient dignes de l’attention internationale dont notre pays fait l’objet, ils graveraient son nom sur une stèle à Nahr el-Kalb, afin de rappeler aux générations Instagram que l’ancien président de la République française est le parrain de trois résolutions fondamentales de l’histoire contemporaine du Liban, dont la plus importante porte le numéro 1559, votée le 2 septembre 2004, en vertu de laquelle « le Conseil de sécurité demande instamment à toutes les forces étrangères qui y sont encore de se retirer du Liban ». Ainsi, l’initiative qui a permis aux Libanais de mettre fin à 29 ans d’occupation syrienne et au Liban d’arracher sa seconde indépendance, est française, chiraquienne pour être précis.


Jacques Chirac est également celui qui a su accompagner les Libanais dans leurs malheurs. Apprenant la mort de son ami, l’ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri, le 14 février 2005, il prendra le premier avion pour venir se recueillir sur sa tombe, au nez et à la barbe des criminels, et présenter ses condoléances à un peuple sous le choc, meurtri par cet assassinat odieux.


Au retour et dans les mois à venir, l’ancien président français jouera un rôle crucial dans le vote de trois résolutions :

. La résolution 1595 (7 avril 2005) : « Le Conseil de sécurité décide de créer une commission d’enquête internationale indépendante afin d’aider les autorités libanaises à enquêter sur tous les aspects de cet acte de terrorisme, et notamment à en identifier les auteurs, commanditaires, organisateurs et complices. »

. La résolution 1664 (29 mars 2006) : « Le Conseil de sécurité accueille avec satisfaction le rapport du Secrétaire général et le prie de négocier avec le Gouvernement libanais un accord visant la création d’un tribunal international. »

. La résolution 1757 (30 mai 2007) : « Le Conseil de sécurité décide, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies que les dispositions (...) relatives à la création d’un Tribunal spécial pour le Liban, entreront en vigueur le 10 juin 2007. »

Au final, cinq membres du Hezbollah seront poursuivis pour l’assassinat de Rafic Hariri (février 2005) et de Georges Haoui (juin 2005), et pour les tentatives d’assassinat de Marwan Hamadé (octobre 2014) et d’Elias Murr (juillet 2005).

A l’occasion de la guerre de Juillet 2006, où Israël s’est acharné sur le Liban pendant 33 jours suite à l’opération transfrontalière menée par le Hezbollah, une initiative diplomatique franco-américaine conduira au vote par le Conseil de sécurité d'une autre résolution capitale, la résolution 1701, qui mettra fin aux hostilités et dans laquelle « le Conseil de sécurité souligne qu’il importe que le Gouvernement libanais étende son autorité à l’ensemble du territoire libanais (...) afin d’y exercer intégralement sa souveraineté, de sorte qu’aucune arme ne s’y trouve sans le consentement du Gouvernement libanais et qu’aucune autorité ne s’y exerce autre que celle du Gouvernement libanais ».


Avant et après cette guerre dévastatrice, l’ancien président français est intervenu aussi en temps de paix pour soutenir le Liban sur les plans économique et financier à travers plusieurs conférences internationales : Paris I (février 2001), Paris II (novembre 2002), Stockholm (août 2006) et Paris III (janvier 2007).


Maintenant qu’il n’est plus parmi nous, nous ne pouvons que souhaitez à Jacques Chirac la paix éternelle. Il n’est peut-être pas le meilleur leader politique en France, mais il a été sûrement le plus bienveillant pour le Liban et incontestablement le plus sympathique au monde.

Il n’y a pas de doute, il fera toujours des émules dans la vie politique comme dans le métro parisien. Cette image de lui sautant par-dessus le tourniquet reflète à merveille ce qu’il a été, en Corrèze, au palais de Matignon, à l’Hôtel de Ville et au palais de l’Élysée, décontracté, dynamique, rebelle et déterminé. Un peu fraudeur diraient les mauvaises langues. Oui mais enfin, que « des histoires abracadabrantesques », et puis, « ce n'est pas qu'elles se dégonflent, c'est qu'elles font pschitt ». Sacré Chirac.

Aucun obstacle ne l’a empêché de continuer à avancer dans la vie, pas même un tourniquet bloqué, encore moins le conformisme. Il parait que pour signifier son indifférence, il se plaisait à sortir « ça m’en touche une, sans faire vibrer l’autre ». Mais on dirait une réplique des Tontons flingueurs ! C’est Jacques Chirac dans toute sa splendeur. Beau parleur, il en jette, non mais quelle prestance. Les Français l’ont aimé parce qu’il était si proche d'eux et bien à leur image, plein de charme, d’élégance et de désinvolture. Ne serait-ce que dans son art de s’exprimer et ses phrases-cultes qu’il nous lègue.

Adieu Monsieur le Président. Il n'y a pas de doute, une page est tournée pour la France comme pour le Liban et tout le Moyen-Orient. N'en déplaise aux récidivistes de l'ingratitude, à la mémoire courte et sélective, la journée de deuil national décrétée pour le lundi 30 septembre dans l'Hexagone comme au pays du Cèdre, est parfaitement justifiée. Elle est l'expression même de la reconnaissance de ces deux nations à l'égard d'un ancien président de la République française, qui par certaines de ses décisions a permis d'écrire des pages glorieuses de l'histoire contemporaine des deux pays.

mercredi 17 juillet 2019

Des aéroports du 18e siècle au deal du 21e siècle, un désastre nommé Trump (Art.625)


Depuis la nuit des temps, on sait que l’histoire est écrite pas les vainqueurs et contestée par les vaincus. Mais on ignorait jusqu’à présent, qu’elle pourrait être (ré)écrite par un imbécile heureux et approuvée par des électeurs imbus de sa personne.

Donald Trump de retour à la Maison Blanche, le 13 juillet
(photo compte Twitter)

« USA, USA, USA ». Nous sommes le 4 juillet, à Washington, sur les marches du plus célèbre mémorial de la capitale américaine. Donald Trump se voit rempiler pour quatre ans. Il part en campagne. La saison de la chasse aux électeurs est ouverture. Les techniques sont éprouvées. Il faut d’un côté, un leurre, « Make America great again », et de l’autre, de la glu, « America first ».

Il se tient fièrement devant ses partisans. Il aurait dû se méfier au moins de deux éléments : le ciel sombre suspendu au-dessus de sa tête et le regard sévère d’Abraham Lincoln dans le dos. 243 ans après la Déclaration d'indépendance des treize colonies de l’Est américain par rapport à la Grande-Bretagne, le 45e président des Etats-Unis se lance dans un grand récit historique sur la Révolution américaine, la guerre d’Indépendance et la grandeur de l’Amérique, afin d’expliquer que « rien n’est impossible » au peuple américain. Eh oui, à commencer par l’élection d’un bouffon à la tête du pays !

Jeudi en quinze, Donald Trump a affirmé d’un ton monocorde et sans sourciller que durant la guerre contre l’Empire britannique « le Congrès continental (l’assemblée formée par les délégués des treize colonies américaines) a créé une armée unifiée à partir des forces révolutionnaires qui campaient autour de Boston et de New York (elle sera placée sous commandement unique de George Washington ; c’est l’ancêtre de la US Army) ». Il aurait dû se tenir au texte devant ses yeux. Mais non, Trump a eu l’incongrue idée d’improviser. « Notre armée a dominé les airs, enfoncé les remparts et pris le contrôle des aéroports. Elle a fait tout ce qu'elle avait à faire ». C’est c’là oui, en « juin 1775 », selon ses propres dires !

Pour excuser sa bourde, le président américain a annoncé urbi et orbi le lendemain : « J’étais sous la pluie et le téléprompteur s’est éteint (…) il était kaput ». Mais alors c’est la preuve qu'il est l’auteur de cette belle ânerie ! Il a invoqué aussi le stress pour justifier cet anachronisme hallucinant. « Ce n’est pas évident quand vous êtes en face de millions et de millions de personnes à la télévision ». Et comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, il a rajouté, toujours sans sourciller malgré l’ampleur de la stupidité de ses propos : « J’imagine que la pluie a mis hors d’usage le téléprompteur, mais je connaissais très bien le discours, alors j’ai pu le faire sans téléprompteur. » Non mais, quel bouffon ! Il se surpasse à chaque fois.

Et dire que ce n’est pas la première fois que les Etats-Unis sont la risée du monde par la faute de leur président ! L’avant-dernière fois c’était deux semaines auparavant. Suite à la destruction d’un drone américain par le régime des mollahs, Donald Trump ordonne le 20 juin des frappes aériennes contre l’Iran. Les navires américains du Moyen-Orient se mettent en position de guerre et les avions décollent de leurs bases avec comme mission de détruire une liste de cibles militaires sur le territoire iranien. Brutalement, les militaires sur le qui-vive reçoivent l’ordre d’aller se baigner ! Pour expliquer ce volte-face, le commandant en chef des forces armées américaines invoque le risque de pertes civiles. « J’ai demandé combien de personnes allaient mourir. 150 personnes, Monsieur, a répondu un général. Ce n’était pas proportionné par rapport à une attaque contre un drone. » Oh, cœur d’artichaut ! Non mais, quel bouffon ! Et pourquoi n’a-t-il pas demandé cela avant d’ordonner aux F-35 de foncer sur l’Iran à 1 930 km/h ?

*

La liste des bourdes de Donald Trump est longue et ne cesse de s’allonger. Elle nous amène à nous poser des questions sur les capacités intellectuelles d’un homme à prendre des décisions graves sur des sujets sensibles. Mettons de côté le retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat. C’est stupide, ça ne fait pas débat. Limitons-nous à deux dossiers qui nous intéresse spécialement au Moyen-Orient, les sanctions contre l’Iran et le Hezbollah, ainsi que le deal du siècle sur la Palestine et Israël.

Il ne fait aucun doute, le programme nucléaire iranien était suspect dès l’origine, comportant beaucoup de zones d’ombres et de dissimulations pour être honnête. De ce fait, il était soupçonné d’avoir une double nature, civile et militaire. Ces soupçons étaient alimentés par la volonté flagrante de la République islamique chiite d’Iran d’avoir suffisamment de poids géopolitique afin de peser sur tous les dossiers de la région, en Irak, en Syrie, au Liban, en Palestine, au Yémen et au Bahrein.

Le mélodrame déclenché par le retrait des Etats-Unis de l’accord de Vienne fait oublier à ceux qui ont la mémoire courte et ceux qui ont la mémoire sélective trois certitudes :

• Primo, l’accord de Vienne (« Plan d’action global commun »), conclu en juillet 2015 entre l’Iran, le groupe P5+1 (Etats-Unis, Russie, Chine, Royaume Uni, Allemagne, France) et l’Union européenne, est la 6e tentative internationale de contrôler le programme nucléaire iranien. Il fait suite à l’accord de Téhéran (2003), l’accord de Paris (2004), le Plan de travail (2007), l'accord Iran-Brésil-Turquie (2010) et l’accord préliminaire de Genève (2013). Qu’importe les raisons, tous ces accords ont échoué totalement ou en partie, à l’exception de ce dernier. Donc si l’accord de Vienne échoue, ça ne sera pas une première mondiale.

• Secundo, la reprise de l’enrichissement de l’uranium par l’Iran il y a une dizaine de jours, au-delà du taux autorisé (3,67%), constitue bel et bien une violation flagrante de l’accord de Vienne -peu importe si elle est liée au retrait des Etats-Unis de ce dernier- qui expose le régime des mollahs à des sanctions. Sommer les Européens d’intervenir, avant septembre, pour sauver l’accord de Vienne, l’aider à contourner les sanctions américaines et vendre son pétrole, comme le répète en boucle l’Iran, relève plus du chantage que de la bonne intention, qui est destiné à briser le front occidental à l’égard de la République islamique.

• Tertio, dans cet accord donnant-donnant conclu il y a quatre ans, jour pour jour, il y avait deux volets. Dans le volet officiel on a d’un côté, un Iran autorisé à avoir une activité nucléaire civile, qui accepte d’être contrôlé par l’Agence internationale de l'énergie atomique, et de l’autre côté, des membres permanents du Conseil de sécurité (et l’Allemagne), ainsi que l’Union européenne, qui s’engagent à lever les sanctions internationales et multilatérales. Mais ce n’est qu’un secret de Polichinelle, tout le monde sait que l’accord de Vienne comportait un volet officieux, non déclaré et jamais signé. Les pays occidentaux engagés -les Etats-Unis, le Royaume Uni, l’Allemagne, la France et l’Union européenne- tablaient sur le fait que le rétablissement d’une confiance mutuelle conduirait la République islamique d’Iran à mettre de l’eau dans son vin. Cela relevait plutôt du wishful thinking.

Avec quatre ans de recul on peut dire que le pari occidental de l'époque, défendu à juste titre notamment par Barack Obama, a lamentablement échoué :

• Jamais le programme militaire iranien n’a été aussi développé qu’en ce moment (missiles balistiques, missiles de croisière, sous-marins, satellites, etc.). Rien de bien menaçant pour la paix dans le monde, comme le dénonce hypocritement l’administration Trump, mais juste ce qu'il faut pour foutre le chaos au Moyen-Orient.

A l'occasion du 40e anniversaire de la Révolution islamique, en février 2019, le président Hassan Rohani a exposé les ambitions de son pays. Il était très clair à ce sujet. « Nous n'avons jamais demandé et nous ne demanderons jamais la permission de développer différents types de… missiles (sol-sol …). Nous allons continuer à avancer et à développer notre puissance militaire ». En tout cas, le programme balistique iranien est une violation flagrante de la résolution 2231 du Conseil de sécurité, qui a entérinée l’accord nucléaire.

• Jamais la répression en Iran n’a été aussi forte qu’aujourd’hui. L’avocate et militante iranienne des droits de l’homme, Nasrin Sotoudeh, a été condamnée en juin 2018 et en mars 2019, à 38 ans de prison au total et à 148 coups de fouet pour « incitation à la débauche », alors qu’elle n’a fait que défendre plusieurs femmes iraniennes qui avaient osé enlever leur voile dans la rue.

• Jamais les ingérences iraniennes dans les affaires des pays arabes n’ont été aussi étendues que de nos jours. Le soutien politique, militaire et financier du régime des mollahs a été déterminant entre 2015 et 2019 pour assurer la survie et la victoire de la tyrannie des Assad en Syrie.

A vrai dire, l’accord nucléaire avec l’Iran présente deux tares originelles.

• D’un côté, sa durée de validité trop courte. « Dix ans à compter de la date d’adoption… toutes les dispositions de la résolution 2231 (2015) cesseront de s’appliquer et le Conseil de sécurité ne sera plus saisi de la question du nucléaire iranien », c’est très insuffisant pour sonder les véritables intentions de l’Iran. En 2025, tout prendra fin. Disons que c’est après-demain. Rajoutez à cela, que les mécanismes de contrôle que prévoit l’accord, ne permettent qu’une « marge d’action » d’un an, avant que l’Iran n’accède à suffisamment d’uranium enrichi pour produire une arme nucléaire, un délai plutôt grotesque.

• D’un autre côté, un ensemble de non-dits non-écrits, sur le développement du programme militaire balistique, les atteintes aux droits de l’homme et les ingérences dans les affaires arabes.

Ainsi, l’accord de Vienne -un moindre mal et un pari à prendre en 2015, mais qui est déjà mort en 2019- était condamné à moyen terme. Rien ne garantit que l’Iran ne développera pas un programme nucléaire militaire au-delà de 2025 ! Surement pas l’accord de Vienne. La manne financière engendrée par la levée partielle des sanctions n’est pas utilisée à bon escient, cela ne fait aucun doute. Elle a été investie dans l’industrie militaire iranienne, mais aussi en Irak, en Syrie, au Liban, au Yémen et au Bahrein, afin de renforcer le « croissant chiite », la sphère d’influence de la République islamique d’Iran. En principe, le régime des mollahs mérite bel et bien son isolement politique et économique. Toujours est-il que rarement le Moyen-Orient ne s’est retrouvé dans une situation géopolitique aussi compliquée. Mais de là à croire qu’un bouffon de la trempe de Trump, qui enchaine les bourdes comme d’autres changent de chemises, soit capable de s’y attaquer avec succès, il y qu’un pas invraisemblable que seuls les partisans du plus grand imbécile de l’histoire contemporaine, George W. Bush, avaient osé franchir auparavant ! On voit bien à quel prix, même aujourd’hui.

Le fameux "deal du siècle" pour le Moyen-Orient:
De la paix à la prospérité (volet économique)

De l’histoire, justement, et si nous parlions du projet de Donald Trump pour remodeler le Moyen-Orient, le deal du siècle. Il comporte un volet politique, qui ne sera dévoilé qu’en novembre, et un volet économique, présenté en grande pompe par le gendre du président américain, Jared Kushner, il y a à peine trois semaines à Manama. Il consistera à injecter dans les économies de la région (la Palestine, l’Égypte, la Jordanie et le Liban), pendant dix ans, 50,67 milliards de dollars, avec comme perspective, régler un des plus vieux conflit de la planète.

Une carotte alléchante ? Surement pas. Quand on regarde de plus près, on se rend compte de l’arnaque tout de suite : la moitié de ce montant est sous la forme de « prêts subventionnés » et un peu moins du quart sous la forme de « capitaux privés », les « subventions » pures ne constituent que 13,38 milliards, un montant très modeste à vrai dire, pour une injustice qui dure depuis plus d’un siècle et qui est entièrement due à la faute et à la complaisance des grandes puissances, notamment occidentales.

Dans les détails, le plan de Donald Trump, prévoit des investissements de 27,813 milliards de dollars en Cisjordanie et à Gaza, 9,167 milliards en Egypte, 7,365 milliards en Jordanie et 6,325 milliards au Liban. C’est beaucoup d’argent, n’est-ce pas, mais pour faire quoi au juste ?

Dans l’introduction, on nous dit que « l'objectif est de donner aux Palestiniens les moyens de construire un avenir meilleur pour eux-mêmes et pour leurs enfants ». Parfait, mais pourquoi tant de générosité pour le Liban ? Ah mais parce que ce projet constitue aussi « une vision pour les Palestiniens et pour la région du Moyen-Orient ». Oh mais ça reste bien louche. Pour s’en convaincre, il suffit d’aller à la page 45 du projet « De la paix à la prospérité ». Pour la Jordanie, l’Egypte et le Liban, Trump & Co ne s’en cache pas : « Renforcement du développement régional et de l’intégration ». Eh bien, nous voilà, « intégration », mais de qui et dans quoi ?

Passons à la page 50 pour en savoir plus. La première chose qui frappe en
parcourant ce tableau, c’est la composition de la manne financière de 6,325 milliards de dollars soi-disant octroyés au Liban : elle est composée de « prêts » à plus de 73 % (4,625 milliards) et d’investissement « privatif » pour 20 % (1,250 milliard). Eh oui, les subventions plafonnent à 7,11 % précisément, soit 450 millions de dollars, une véritable misère étant donné l’enjeux géopolitique du projet de Donald Trump !

Et ce n’est pas tout. Trump & Co prévoit cinq grands projets pour le pays du Cèdre.

Les deux premiers consisteront à « soutenir l'intégration commerciale régionale pour inciter les exportateurs à s'engager dans les chaînes de valeur régionales afin de réduire considérablement le coût des affaires dans la région » et à « élargir le programme actuel de l'Overseas Private Investment Corporation (OPIC) des États-Unis, qui appuie les petites et moyennes entreprises (PME) de la région ». Des généralités vaseuses, zappons.

Les trois autres bouquets de projets dédiés au Liban sont beaucoup plus intéressants. Ils prévoient de renforcer ou même de créer des « corridors économiques » dans le cadre d’un « programme d'intégration régionale » qui concernera les transports routier, ferroviaire, maritime et aérien : « Réparer et améliorer… les liaisons routières… sur les deux principaux couloirs, Nord-Sud et Est-Ouest (…) Soutenir la construction d'un réseau ferroviaire au Liban avec la possibilité de se connecter à un réseau ferroviaire régional (…) Appuyer la construction et la logistique connexe pour l'agrandissement de l'aéroport de Beyrouth et d'autres aéroports, l'agrandissement des ports libanais, y compris Beyrouth et Tripoli, et la modernisation des postes frontaliers ».

Ce que réserve le "deal du siècle" de Trump & Co pour le Liban : des infrastructures, routière, ferroviaire, maritime et aérienne, qui n'ont rien à voir avec les Palestiniens! Cherchez l'erreur.

EXCELLENT sans l’ombre d’un doute. Mais en quoi l’amélioration de la circulation des biens et des personnes au Liban et les développements des axes routiers entre Batroun et Saida ou entre Baabda et Baalbek, et du rail entre Tyr et Jbeil, ainsi que des ports de Tripoli et de Jounieh, et des aéroports de Riyak et de Beyrouth, donnent aux Palestiniens « les moyens de construire un avenir meilleur pour eux-mêmes et pour leurs enfants », comme on peut le lire dans l'introduction ? Et de quelle manière ces projets constituent « l'effort international le plus ambitieux et le plus complet à ce jour en faveur des Palestiniens » ? Non mais qu’est-ce qui permet d’affirmer dans la conclusion que « l'avenir des Palestiniens est un avenir plein de promesses et de potentiel », que « l'histoire palestinienne ne s'arrête pas là » et que « leur histoire est en train d'être écrite » ?

Certes, Trump & Co prévoit des dizaines de projets économiques au Moyen-Orient, qui d’après la brochure promotionnelle, sont réalisés en faveur des Palestiniens. Seulement voilà, tous les projets prévus pour le Liban, comme la majorité de ceux envisagés en Jordanie et en Egypte, n’ont absolument pas de rapport direct avec ces derniers ! Aucun. Ce « Plan Marshall » bâclé à une visée politique bien ciblée qui n’est pas dans l’intérêt des peuples de la région, ni les Palestiniens ni les Libanais d’ailleurs. Il vise simplement à débarrasser Israël du dossier encombrant des « réfugiés palestiniens », aux moindres frais et au rabais, en poussant les dirigeants arabes, notamment libanais, aux abois sur le plan économique, à accepter l’implantation de ces derniers dans les pays hôtes, en violation de la Constitution pour ce qui relève de la République libanaise. Il est curieux de constater que le gouvernement du Liban a peut-être commencé à préparer l’opinion public dans ce sens, en annonçant dès la fin de 2017 dans l’indifférence générale, qu’il n’y avait au Liban que 174 422 réfugiés palestiniens. Des foutaises puisque 469 555 Palestiniens sont enregistrés officiellement au Liban auprès de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).

Notons par ailleurs que les vastes projets américains de développements routier, ferroviaire, maritime et aérien, ne serviront évidemment pas à établir des ponts avec Israël mais plutôt avec la Syrie des Assad. Nous sommes sans doute en phase de terrassement des mentalités, le prélude à implanter jusqu'à 1,5 million de ressortissants syriens au Liban, réfugiés et déplacés, comme le prévoit les plans pernicieux de Bachar el-Assad.

Il n’y a pas de doute le « deal du siècle » est clairement « l’arnaque de tous les temps », pour les Arabes. Tout libanais qui croit encore qu’un bouffon incapable de sourciller en parlant de batailles d’aéroports en 1775 et qui ordonne des frappes pour se raviser quelques minutes plus tard à cause des dommages collatéraux, est capable de s’attaquer avec succès à des sujets complexes comme le dossier nucléaire iranien et le conflit israélo-palestinien, n’est pas conscient que l’histoire n’est pas seulement écrite par les vainqueurs, elle pourrait l’être aussi par un « imbécile heureux » et des « idiots utiles » qui croient en lui. 

dimanche 17 mars 2019

De l’idéologie de l’extrême droite à l’attaque terroriste de Christchurch, il n’y a qu’un pas que Brenton Tarrant a franchi (Art.601)


Vendredi, c’était une autre journée sombre dans l’histoire de l’humanité. 50 morts dans deux mosquées de Christchurch, dont un garçon de 3 ans qui accompagnait son père, un ado de 14 ans, un ingénieur-retraité afghan qui y vit depuis 1977, un réfugié syrien installé depuis moins d’un an, une femme qui voulait protéger son mari en chaise roulante, un chirurgien cardiovasculaire réputé, et tant d’autres innocents tués par la barbarie d’un homme qui se défit comme « raciste » et « fasciste ». Dix réflexions.

Masjid al-Nour de Christchurch
Photo de Tessa Burrows / AFP

 1 Cet acte terroriste n’est pas sans rappeler les tueries de masse survenues en France, en Norvège et en Egypte ces derniers temps, qui ont visé respectivement un peuple considéré alors comme chrétien et athée, un groupe de jeunes pour leurs opinions de gauche favorable à l’immigration et des personnes clairement de foi chrétienne. La particularité de l’attaque terroriste de la Nouvelle-Zélande, c’est qu’elle touche des individus visés uniquement parce qu’ils étaient musulmans. On voit bien que l’extrémisme est sans foi ni loi et les extrémistes n’ont ni Dieu ni maitre.

 2 Le terroriste a filmé la scène et l’a diffusé en direct. Les images sont abominables. Ce n’est pas la première fois qu’un psychopathe se met en scène. Ça ne sera pas la dernière. Autre exemple de cette perversion des réseaux sociaux, le lynchage cybernétique qui a eu lieu au Liban il y a quelques jours et que j’ai dénoncé dans mon dernier article. Sans preuve, sans défense, sans procès, on décrète, on condamne, on exécute. Cette dérive n’a plus de limites. Les réseaux sociaux sont devenus de formidables moyens pour cultiver l’égocentrisme, abrutir les esprits, justifier la violence, banaliser la haine, propager les fake news, etc. Les gilets jaunes ont réussi l’exploit d’être tout cela à la fois et d’avoir pignon sur rue, grâce aux réseaux sociaux. A vrai dire ce n’est pas la faute de ces plateformes en soi. Celles-ci restent d’extraordinaires outils d’échange et de communication, l’agora des temps modernes. C’est l’usage qu’on en fait qui pose problème. Une chose est sûre, il faudra tenir compte des défauts du système afin de l’améliorer. A défaut, les réseaux sociaux deviendront le terreau du populisme.

 3 D’après les premiers éléments de l’enquête, le terroriste australien appartient à la mouvance d’extrême droite. Il a contacté le terroriste norvégien (tuerie d’Oslo en 2011, 77 morts), pour obtenir sa bénédiction. C’est un adepte du « Grand remplacement », comme le confirme le titre de son manifeste envoyé à 70 personnes médiatiques et politiques, dont la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern, et publié sur internet 1h avant le grand massacre. C’est une théorie du complot popularisée par un écrivain français, Renaud Camus, qui circule dans les milieux d’extrême droite, selon laquelle les populations européennes sont progressivement remplacées par des populations non-européennes, noires et musulmanes, avec la complicité des hommes politiques, des intellectuels, des élites et des journalistes.

 4 Parmi les éléments déclencheurs du passage à l’acte du terroriste, on retrouve:

. Primo, un voyage en France, où il aurait vérifié la véracité de la théorie du grand remplacement.

. Secundo, la défaite de la haute représentante des poudres de perlimpinpin, Marine Le Pen, au second tour de l’élection présidentielle, qui « lui a fait perdre tout espoir dans une solution politique », malgré l’arrivée à la Maison blanche d’un bouffon, Donald Trump, le « symbole de l’identité blanche renouvelée ».

. Tertio, la conviction que sa tuerie provoquera un vif débat sur la détention d’armes à feu aux Etats-Unis, qui pourrait s’élargir sur d’autres sujets clivants d’ordres sécuritaires et identitaires. Il espérait qu’un climat de tension provoquerait un clash entre les communautés américaines qui déboucherait sur la balkanisation des Etats-Unis et une guerre civile. Un scénario apocalyptique qui entrainerait une séparation communautaire, la mort du melting-pot et le triomphe de la race blanche.

Après l’attaque terroriste au camion-bélier dans une rue piétonne du centre de Stockholm (Suède, 2017), commis par un demandeur d’asile islamiste ouzbek, qui fit cinq morts dont une fillette de 11 ans, il se radicalise et décide en tant qu’homme blanc de prendre les armes pour lutter contre les envahisseurs et venger les Européens tombés au cours des invasions islamiques dans le passé et lors des attaques terroristes récentes.

 5 Certes, l’acte terroriste de Brenton Tarrant est isolé. Il ne fait pas partie d’une mise en œuvre d’un plan établi par le Spectre et l’union des parties d’extrême droite. Il n’empêche que son manifeste, de 74 pages, et ses motivations, franco-américano-européennes, puisent leurs racines dans l’idéologie de l’extrême droite. Les Le Pen, père, fille et petite-fille, font référence, directement ou indirectement et régulièrement, au soi-disant risque de remplacement de la population en France et en Europe. Laurent Wauquiez, président LR, y croit, Nicolas Dupont-Aignan l’a adopté comme une réalité et pour Philippe de Villiers, le grand remplacement est même un plan de l’ONU. Robert Ménard, l’énigmatique ex-RSF, a considéré l’élection de l’actuel maire de Londres, Sadiq Kahn, comme le symbole du grand remplacement en cours. Alain Finkielkraut et Michel Houellebecq, abordent le sujet avec plus de subtilité et de camouflage. Eric Zemmour est le champion en titre, il détient le record incontesté. « Le grand remplacement, il est en cours », c’était en octobre dernier.

 6 Même son de cloche, de l’autre côté de l’Atlantique avec Donald Trump, l’extrême droite américaine et les suprémacistes blancs. Ces derniers sont à l’origine de l’intoxication générale du monde en décembre dernier, relayée par Le Pen & Co, et des gilets jaunes aussi, que l’ONU veut diluer les populations européennes avec des centaines de millions de migrants, le pacte de Marrakech. Alors qu’en réalité cet épouvantail n’est qu’une déclaration de principe non contraignante sur le plan juridique, dont l’objectif est de faire face à la crise des migrants, qui tue encore tous les ans des milliers de personnes en Méditerranée, conformément aux lois en vigueur dans l’Union européenne et aux valeurs humaines de l’Europe. Le texte affirme clairement que chaque pays est souverain en matière de politique migratoire.

 7 Bien sûr aucune de ces personnalités françaises ne justifiera ce nouveau crime contre l’humanité. Il n’empêche que leur discours ostracisant les étrangers en général, les noirs et les musulmans, en particulier, conduit de facto des esprits dérangés comme celle de Brenton T. et Anders Behring Breivik, à passer à l’acte. Toujours est-il qu’après chaque attentat commis par un individu se réclamant de l’islam, on a eu l’habitude d’entendre une foule en furie exiger de l’Etat et des musulmans d’Occident, l’exclusion, la dénonciation, des clarifications, des justifications, des réformes, des mesures, etc. Après la double attaque terroriste de Christchurch, qui fait écho à la double attaque terroriste d'Oslo et d'Utoya, il y a comme un effet boomerang. On est tenté d’émettre les mêmes exigences des partisans des extrêmes droites d’Occident.

 8 Les victimes sont à peine enterrées, que les rapaces sont déjà à l’œuvre pour exploiter le drame. Les exemples sont nombreux mais je n’en donnerai qu’un, Mohammad Jawad Zarif, le ministre iranien des Affaires étrangères que des Occidentaux naïfs ont pris pour un partenaire respectable. « L’hypocrisie occidentale qui défend la diabolisation des musulmans sous le prétexte de la ‘liberté d’expression’ doit s’arrêter. L’impunité dans les ‘démocraties’ occidentales pour promouvoir la bigoterie mène à cela ». Foutaises.

S’il y des contrées où il fait bon de vivre dans ce monde de nos jours, que l’on soit athée ou croyant, chrétien ou musulman, c’est en Occident et nulle part ailleurs. Non, ce qui mène à cela, entre autres, c’est le fait qu’un grand pays comme l’Iran soit encore contrôlé sur les plans politique, militaire et idéologique - en l'an de grâce 2019- essentiellement par des hommes religieux. Ce qui conduit à cela, c’est de venir à Beyrouth il y a quelques semaines seulement, afin de commémorer le 40e anniversaire du triomphe de la révolution iranienne et la proclamation d’un État islamique chiite, qui n’a apporté que malheur pour le peuple iranien et les peuples du Moyen-Orient. Ce qui conduit à cela, c’est d’avoir un régime extrémiste des mollahs qui ne s’est jamais caché de vouloir exporter la Révolution islamique chiite dans la région et qui a participé à la guerre en Irak et en Syrie, ce qui n’a pas manqué de créer le terreau fertile pour l’épanouissement de l’extrémisme sunnite d’al-Qaeda, responsable du 11-Septembre, et de Daech, responsable du 13-Novembre.

 9 Qui connait Christchurch vous le dira, c’est un des rares endroits sur Terre, où l’on se sent vraiment au bout du monde. Et pourtant, le psychopathe s’est senti menacé par les envahisseurs. Comme quoi tout est une question de perception. En tout cas, une question s’impose : comment a-t-il pu se procurer cet arsenal meurtrier ? Difficile à croire, le plus simplement au monde car là-bas, il suffit d’avoir 18 ans et toutes ses dents, d’obtenir un permis dont la délivrance ne prend en compte que les antécédents judiciaires et psychiatriques, et d’aller s’offrir une arme militaire semi-automatique de son choix. Il n’y a même pas d’obligation d’enregistrer son arme. Dans ce pays paisible, la Nouvelle Zélande, personne n’a pensé qu’un psychopathe profiterait de cette législation caduque pour notre époque pour tuer de sang froid 50 personnes.

 10 Que les victimes reposent en paix et que le tueur et ses complices aillent au diable.

vendredi 18 janvier 2019

Emmanuel Macron face au nihilisme des Gilets jaunes, à la rancune de Le Pen-Mélenchon et au parti pris du journal Le Monde (Art.590)


Déjà entre l'acte IX et l'acte X. Qui l'aurait cru? Pas même les personnes concernées, qui ont totalement oublié pourquoi ils étaient descendus dans la rue en novembre. Qu'importe, cela fait deux mois que la contestation de ce mouvement de foule populiste vire au nihilisme destructeur à Paris et dans toutes les grandes villes de province. Rien ne semble l'arrêter. Et pourtant, il faut sortir de la crise des gilets jaunes. Nous sommes entre le débat I et le débat II, déjà. C'est là où réside la grande opportunité de la France. Le point.

Le premier grand débat national, entre Emmanuel Macron et 653 maires de Normandie. Il a eu lieu le mardi 15 janv. 2019 entre 15h18 et 22h10 à Grand Bourgtheroulde (Eure)

 1  Droite et gauche ont fini par comprendre le danger de la crise des gilets jaunes


La mythologie du mouvement populaire spontanée de citoyens apolitiques qui n'arrivent plus à joindre les deux bouts, ne trompent plus personne aujourd'hui. Les « gilets jaunes » constituent depuis le début, un mouvement politique hétéroclite, fédérateur de tous les courants anti-Macron de France et de Navarre: l'extrême gauche bien évidemment, une partie de la gauche et de la droite naturellement, et surtout et au-delà de tout, l'extrême droite. En un mot, les mauvais perdants des élections présidentielles et législatives de 2017, tous ceux que la montée spectaculaire d'Emmanuel Macron et de La République En Marche avait ringardisé.

Le parti des Républicains (LR) s'est rendu à l'évidence, les gilets jaunes représentent un danger pour le système politique français. Son attitude est parfaitement illustrée par celle de son président, Laurent Wauquiez. Gilet jaune le temps d'une photo quand c'était encore bon enfant, beaucoup plus réservé par la suite avec les débordements. Comme beaucoup de Français d'ailleurs. Au fil du temps, il est devenu de plus en plus clair que pour la droite c'est un jeu de dupe, le grand gagnant de cette contestation populiste de masse, est essentiellement le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen. Pour un parti de gouvernement comme LR, encourager un mouvement illégal (ne serait-ce que pour le blocage des ronds-points et des manifestations non déclarées), à caractère insurrectionnel, anti-démocratique, violent et à forte consonance d'extrême droite, c'est prendre le risque de revivre un remake et d'en faire les frais, le jour où il sera au pouvoir! C'est le cas aussi des partis de gauche, Parti socialiste (Olivier Faure) et Génération.s (Benoit Hamon).

 2  Le grand perdant, Jean-Luc Mélenchon (la rancune de l'ex-comandante de l'Alliance bolivarienne)


Le parti de La France insoumise (LFI) lui, n'a pas compris le danger des gilets jaunes et ne le comprendra jamais. Il croit encore tirer profit de la situation, au mieux, en faisant tomber le gouvernement, au pire, en vue des élections européennes au mois de mai. C'est la stratégie établie par le chef, Jean-Luc Mélenchon, « ex-comandante de l'Alliance bolivarienne », qui a fait campagne en 2017 pour détacher la France de l'Europe, afin de lier son destin au Venezuela svp, un pays qui connait actuellement une inflation de 1 000 000 %, et qui n'a jamais appelé ses partisans à voter pour Macron, car il souhaitait la victoire de Marine Le Pen, afin de s'auto-introniser comme Don Quichotte de la République française. Avec Le Pen à l'Elysée, il espérait faire campagne pour les législatives sur le thème « je suis le seul rempart contre le FN », remporter une majorité, être nommé Premier ministre, s'essuyer les pieds, rentrer à Matignon et en finir avec la Ve République. Echec sur toute la ligne.

Pour mieux cerner l'attitude de Mélenchon dans ce dossier, il faut se rappeler qu'il est empêtré dans de graves difficultés financières et judiciaires. Il utilise son immunité parlementaire pour empêcher les policiers de l'Office central de lutte contre la corruption d'enquêter sur ses magouilles financières, concernant les emplois fictifs d'assistants parlementaires européens et ses comptes de campagne lors de la présidentielle de 2017. « Je suis un parlementaire... Ma personne est sacrée ». Il utilise aussi ses partisans dans le même but. Rappelez-vous le cirque qu'il a fait il y a trois mois, à son domicile et au siège de son parti. Il faut dire que les accusations qui le concernent sont graves: « escroquerie », « abus de confiance » et « détournement de fonds publics », auxquelles se sont ajoutés, « menaces ou actes d'intimidation contre l'autorité judiciaire et violences sur personnes dépositaires de l'autorité publique ». C'était à la mi-octobre. Il avait défié l'autorité de l'Etat, les institutions de la République et l'état de droit. Déjà! Donc, quand les gilets jaunes commencent à s'activer vers la mi-octobre, l'agitation est perçue comme une grande bouffée d'oxygène et une aubaine par Jean-Luc Mélenchon et ses fidèles.

Tous les moyens sont bons pour récupérer les électeurs de l'extrême droite. Pour ce faire, le président de LFI a voulu marquer le début de l'année et les esprits par un billet d'éloge publié le 31 décembre, en l'honneur d'Eric Drouet, un des initiateurs et représentant des gilets jaunes, qui voulait envahir l'Elysée et qui a terminé sa course sur le périphérique. « Je regarde Éric Drouet avec tant de fascination ». Comandante ose même un long parallélisme historique. « Il y a déjà eu un Drouet décisif dans l’histoire révolutionnaire de la France », un homonyme du chauffeur routier, qui a permis l'arrestation de Louis XVI en juin 1791, alors en fuite. « Monsieur Drouet, on vous retrouve avec plaisir. » Bonne chance, sauf que l'héros de Mélenchon aurait voté pour Le Pen aux deux tours de la présidentielle. Enfin bref, aujourd'hui seul le chaos, peut sortir Mélenchon de ce sale pétrin.

 3  Seul le chaos sauvera Marine Le Pen des ennuis financiers et judiciaires (la rancune de la haute représentante des fabriques de poudre de Perlimpinpin)


Pour se tailler une stature internationale, pendant la campagne électorale du printemps 2017, la benjamine des filles de Jean-Marie Le Pen réussit à mobiliser son réseau franco-libanais pour lui organiser une visite officielle au pays du Cèdre. On dit qu'elle est revenue avec des valises. Pour sûr, elle a provoqué une polémique en faisant son cirque devant Dar el-Fatwa, le siège de la haute autorité musulmane sunnite du Liban. Ça ne lui a pas porté chance. Après sa performance catastrophique lors du débat d'entre-deux-tours (de l'aveu même des partisans du FN), la « haute représentante des fabriques de poudre de Perlimpinpin » peine à reprendre la main. Les tensions politiques au sein du parti conduisent au départ du vice-président du FN, Florian Philippot. La suite est marquée par les ennuis judiciaires et financiers. Et là, c'est l'embarras du choix. Mais comme pour Mélenchon, mi-octobre sera un tournant, une aubaine.

Après son interrogatoire au tribunal, la mise en examen de la présidente du FN concernant les emplois fictifs de son parti est aggravée par les juges d'instruction. Désormais, Marine Le Pen est poursuivie pour « détournements de fonds publics » (7 millions d'euros!), un délit passible de dix ans d'emprisonnement et d'un million d'euros d'amende. Si c'est confirmé, les courses présidentielles, c'est terminé pour elle. Ça sera la fin de sa carrière, l'archivage comme pour Mélenchon. Elle n'est pas la seule dans le box des accusés. Une quinzaine de membres du Rassemblement national, ex-FN, sont poursuivis aussi pour « abus de confiance » et « escroquerie en bande organisée ». Ils sont soupçonnés d'avoir payé des salariés du FN avec l'argent des contribuables européens, en détournant les enveloppes des eurodéputés réservées à l'emploi d'assistants parlementaires entre 2009 et 2017. C'est ce qui a poussé la justice française à l'automne 2018, de saisir un million d'euros d'aides publiques attribuées au RN.

Alors vous pensez bien, quand les gilets jaunes commencent à s'activer vers la mi-octobre, l'agitation est perçue comme une grande bouffée d'oxygène et une aubaine par Marine Le Pen et ses fidèles. Ils s'impliqueront corps et âme. Il y va de leur survie politique. La suite tout le monde la connait, versons de l'huile sur le feu et essayons de récupérer le mouvement. Aujourd'hui seul le chaos peut sauver Le Pen de ce sale pétrin.

Tous ces ennuis financiers et judiciaires n'empêchent pas Mélenchon et Le Pen de donner des leçons de justice sociale, de critiquer la gestion de l'argent public et de réclamer des élections anticipées. Rejet du système, populisme, euroscepticisme, stratégie de la victimisation, idées extrêmes, magouilles financières, pro-Poutine, pro-Assad, gilets jaunes, complexe Macron, décidément, Jean-Luc et Marine devraient faire alliance, ils auront plus de chances de vivre leur quart d'heure de célébrité warholien.

 4  Les gilets jaunes auraient fait pschitt sans la convergence de facteurs déterminants : les politiques et les médias traditionnels


 La voie démocratique est dans une impasse, elle ne permet pas de déstabiliser le pouvoir en place. En décembre, l'extrême gauche et l'extrême droite étaient pourtant déterminées à le faire. Insoumis, Communistes, Socialistes et Nationalistes s'étaient ligués pour déposer une motion de censure au Parlement (13 décembre), dans l'espoir de faire tomber le gouvernement d'Edouard Philippe. Pour Mélenchon, « c’est le plus court chemin vers... la dissolution ». Même son de cloche du côté Le Pen. Hélas pour eux, au moment fatidique, l'alliance incongrue n'a obtenu que 70 voix en tout et pour tout. Pour réussir, il leur a fallu 219 voix de plus. Autant pisser dans un violon.

Le mouvement des gilets jaunes a démarré vers la mi-octobre (2018), via des actions individuelles sur les réseaux sociaux, portant sur la taxe sur les carburants et une soi-disant chasse aux automobilistes. Depuis, il a fait coulé beaucoup d'encre et engendré beaucoup de mythologies. Et pourtant, réseaux sociaux ou pas, il aurait pu faire pschitt rapidement sans la convergence de trois facteurs déterminants.

Primo, l'immixtion des hommes politiques et des militants politisés, notamment de l'extrême droite et de l'extrême gauche. Cela s'est traduit très rapidement par des revendications politiques, allant jusqu'à la réclamation de la démission du président de la République et la dissolution de l'Assemblée nationale. Il est évident que le seul espoir de changer la donne pour Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, tous deux empêtrés dans de graves difficultés financières et judiciaires, s'est incarné par les gilets jaunes. Voilà pourquoi leurs militants se sont alors impliqués en masse dès le départ.

Secundo, le diktat des sondages. Gouverner par les sondages n'a rien de nouveau en France. C'est François Mitterrand qui a ouvert la voie. Il est allé jusqu'à commander un sondage par jour lors de la présidentielle de 1988, payé à l'époque en liquide par les fonds secrets. Sous Nicolas Sarkozy, on voulait de la transparence. Du coup, on est allés encore plus loin, en instituant le recours régulier et systématique aux sondages. Bilan des courses, 330 études d'opinion commandées entre 2007 et 2012, pour 9,39 millions d'euros, soit 28 500 euros par sondage. C'est ce qui a poussé l'élu écologique Raymond Avrillier, le lanceur d'alerte de l'affaire des sondages de l'Elysée sous Sarkozy (qui est devant la justice), à parler d' « ivresse sondagière ». Avec les gilets jaunes, on a franchi une autre étape, on est passé jusqu'au « délire sondagier ».

Dans cette crise, les sondages seront invoqués à tort et à travers par la coalition anti-Macron, avec plusieurs objectifs : compenser l'incapacité des gilets jaunes à mobiliser les Français sur le terrain (au zénith de la contestation, le taux de mobilisation n'a pas pu franchir la barre de 0,2% de la population) ; faire croire que les gilets jaunes ont le soutien de la majorité des Français, malgré les débordements dès le départ, en confondant délibérément l'échantillon de l'étude, composé de quelques centaines de personnes, avec une population de 67 millions d'habitants ; occulter le fait que l'écrasante majorité des sondés désapprouvent le recours des gilets jaunes à la violence comme modus operandi ; laisser croire qu'un soutien aux gilets jaunes équivaut forcément à une sanction de la politique d'Emmanuel Macron.

Tertio, le parti pris de certains médias. Qui a suivi de près la couverture des actions des gilets jaunes par les médias français, ne pouvait qu'être frappé par un certain regard bienveillant sur le mouvement d'une partie d'entre eux. Comme par enchantement, pour ces médias, la violation de l'état de droit (ne serait-ce qu'à travers les blocages des ronds-points et les manifs non déclarées) et l'atteinte à l'expression démocratique (par la réclamation de la démission du président et la dissolution du parlement, un an et demi après les élections!), n'étaient que des détails de l'histoire. C'est à peine si la problématique est abordée, enfin, d'une manière proportionnelle à la gravité des faits.

Aussi surréaliste que ça puisse paraitre, il y avait même comme une volonté de la part de certains médias en France, de donner aux sondages, le même poids politique que les résultats des élections démocratiques, pour les raisons détaillées précédemment. L'étude de l'opinion de quelques centaines d'individus devenant le gouvernail d'une grande démocratie comme la France, peuplée par 67 millions de personnes. L'objectif de ces médias était clair et double: profiter des gilets jaunes pour faire le buzz (et augmenter le trafic et les ventes), mais aussi, affaiblir Emmanuel Macron.

Ces médias ne se sont pas contentés d'informer et d'analyser les événements, ils sont devenus une partie prenante et camouflée du conflit socio-politique qui agite la France.

 5  Le parti pris de certains médias, notamment du Monde et du Point, contre Macron


Cet aspect du problème a été occulté du débat, alors qu'il est très inquiétant. Pour mieux le comprendre, il faut revenir sur le délire médiatique qui a caractérisé l'affaire Benalla. Comme je l'avais montré à l'époque, au total, les dix principaux médias de la presse quotidienne, hebdomadaire et numérique en France, avaient produit durant les deux dernières semaines du mois de juillet 2018, 1 409 documents sur cette histoire. Le journal Le Monde, qui a voulu en faire une « affaire d'Etat », a mobilisé pour la peine, 48 journalistes, afin de rédiger 178 articles sur le sujet durant ce laps de temps. Nous connaissons la suite, « l'affaire d'Etat » a fait pschitt.

Et vous croyez que les médias ont tiré la leçon de cette dérive? Pas du tout. Prenez Le Point, qui a mis le paquet dans l'affaire Benalla. Le 6 décembre 2018, l'hebdomadaire croyait viser juste en titrant : « Les derniers jours du modèle français ». Rien que ça! En photo de couverture, « 'La Marseillaise' à l'Arc de triomphe brisée » et en sous-titre, « Pourquoi Macron doit tout changer ». Notez bien, Macron, pas les gilets jaunes et les partis politiques irresponsables et opportunistes. Un mois plus tard, rebelote : « Mais quand est-ce qu'on arrête ça! ». Peut-être quand certains feront mieux leur boulot! Là aussi, une photo de couverture choc, accompagnée d'un commentaire neutre et insipide « Paris sur la passerelle Léopold-Sédar-Senghor », et non l'agression d'un gendarme par un gilet jaune. En sous-titre, les lecteurs ont eu droit à « La France sur un volcan ». Rien que ça! Eh bien, quand le journalisme fait du militantisme et se met au sensationnalisme, ça donne exactement cela.

Deux couvertures du Point sur la crise des gilets jaunes (6 déc. 2018 et 10 janv. 2019)

Revenons au Monde, dont le parti pris est encore plus subtile. Le journal a commencé ses 1 200 articles sur le sujet, par « 'Macron est avant tout le président des urbains et de la France qui va bien » (une chronique éditoriale du 6 novembre 2018). Les jours suivants, les lecteurs ont eu droit à des articles intéressants, divers et variés, ainsi qu'au grotesque et au ridicule.

Le grotesque c'était notamment avec « Gilets jaunes : Arnaud et Jessica, la vie à l'euro près » (15 déc.).

L'article qui se situe entre le populiste et le sensationnalisme, qu'on désigne par le « journalisme jaune », a tellement suscité de réactions négatives, que le journal fut obligé de publier un autre pour justifier le choix bizarre de ce « couple représentatif » des gilets jaunes, qui en veut au système avec plus de 1 194 euros d'aides sociales (allocations, logement, etc.), qui a des fins de mois difficiles avec 2 700 euros de revenus (alors qu'il vit en province avec un loyer de 507 €), qui a quatre enfants à 26 ans (eh non, ce sont pas des immigrés!) mais qui ne veut pas les priver des vêtements de marques, et le pompon, c'est les deux abonnements téléphoniques du couple à 78 €/mois, quand tous les opérateurs mobiles en France proposent des offres généreuses ou même illimitées facturées entre 2 et 10 €/mois. Le Monde ne s'est posé la question de savoir s'il n'y avait pas un problème de gestion financière et d'organisation dans ce couple. Non mais, c'est la faute à Macron de toute façon!

Le ridicule c'est la couverture ratée de « M, le magazine du Monde », consacrée à Macron (29 déc.), avec des codes graphiques déjà utilisés dans la propagande nazie des années 1930 et dans une affiche de 2017 de l'artiste canadien Lincoln Agnew, faisant référence à l'incendie de Reichstag en 1933, exploité par Hitler pour asseoir sa dictature (le profil 3/4, l'expression du visage, la foule, le bâtiment historique, la fumée, le rouge et noir, etc.). Ça saute aux yeux! Le tollé qu'elle a provoquée obligea le prestigieux journal à présenter ses excuses.

De gauche à droite. 1. Affiche sur un rassemblement avec Hitler éditée par les Nazis (Getty Images, années 1930). 2. Illustration sur Hitler réalisée par Lincoln Agnew (Harper's Magazine, 2017). 3. 'Les Champs-Elysées théâtre du pouvoir macronien' par M, le magazine du Monde (29 déc. 2018)

Par la suite il y a eu d'autres articles divers et variés. Et ça s'est terminé en apothéose par l'article d'avant-hier où le journal s'est demandé: « Emmanuel Macron s'est-il enfermé à l'Elysée? » (16 janvier 2019). Pourquoi pas, sauf que cet article tombe comme un cheveux sur la soupe. Et comment, c'est au lendemain du lancement du Grand débat national par le président de la République ! Le Monde a partagé avec les 4 314 736 abonnés de sa page Facebook, trois articles sur le sujet : avant, pendant et après le débat. Comme par hasard, les trois sont négatifs et à côté de la plaque.

Les trois articles du Monde sur le premier grand débat national : avant (15 janv. à 14:17), pendant (15 janv. à 18h32) et après le débat (16 janv. à 9h15). Force est de constater que tous les trois sont décalés et négatifs.

Alors qu'Emmanuel Macron venait d'effectuer un dialogue-marathon de 6 heures et 52 minutes où il a répondu aux doléances de 653 maires de Normandie, pas spécialement acquis à sa cause, où il a montré qu'il avait une ouverture d'esprit extraordinaire et une maitrise incroyable de tous les dossiers, tout ce que le prestigieux journal Le Monde trouve à dire à ses lecteurs le lendemain matin, c'est ceci: « Rendu méfiant par l'affaire Benalla, lâché par plusieurs fidèles, surprotégé par son premier cercle, le président se serait progressivement enfermé à l'Elysée... » Ah, si les journalistes du Monde s'étaient contentés de cela, ils auraient éviter le grotesque de ce rajout populiste inutile, «... comme dans une tour d'ivoire ». Non mais, la honte.

Non seulement c'est ridicule de tomber sur ce titre, alors que Macron vient de discuter près de 7 heures avec près 700 maires de France!, et discutera au moins 3 heures en fin de semaine avec 600 autres maires de France, mais je n'ose pas imaginer qu'il ait été aussi difficile pour les journalistes du Monde, de comprendre, qu'un débat épineux de cette importance, comme la rédaction d'un article sur un sujet délicat, a nécessité beaucoup de préparation en amont !

Le site du grand débat national

 6  Emmanuel Macron a ouvert la voie vers une sortie de la crise des gilets jaunes par le haut : le grand débat national 


Qu'on ne s'y trompe pas, la crise des gilets jaunes est avant tout une lutte de pouvoir. Depuis bientôt deux ans, il existe un nouvel ordre politico-médiatique.

D'un côté, on a le nouveau monde, incarné par un parti politique contemporain, La République en marche. Pour pérenniser la place qu'il s'est taillé au soleil, Macron a compris qu'il faut à la fois tenir les promesses qu'il a faites aux électeurs, garder le cap contre vents et marées, et être réactif à toute nouvelle donne, mais aussi verrouiller sa com' (en raréfiant ses apparitions), garder les journalistes à distance (en délocalisant la salle de presse en dehors de l'Elysée) et organiser son propre canal d'information (à travers des lives sur Facebook). Cette stratégie ingénieuse permet au président de la République de répondre aux attentes des citoyens français, tout en restant à l'abri du bon vouloir du « pouvoir médiatique ».

D'un autre côté, on a l'ancien monde, représenté par les partis politiques et les médias traditionnels, qui peinent à se tailler une place au soleil (c'est notamment le cas des partis La France insoumise et le Rassemblement national), ou à retrouver l'âge d'or où ils faisaient la pluie et le beau temps (c'est le cas des médias, le Monde et du Point par exemple).

Dans ce nouvel ordre politico-médiatique des individus ou des mouvements modernes (qui communiquent via Facebook, Twitter, Youtube, Blogs, etc.), parviennent à tirer leur épingle du jeu. C'est le cas entre autres, des gilets jaunes. Toutefois, comme je l'ai exposé précédemment, ces derniers ne se trouvent là que grâce aux partis et médias traditionnels. Sans eux, le nouveau mouvement aurait fait pschitt, tôt ou tard. Ainsi, par un jeu d'opportunisme, les gilets jaunes et certains partis (ex. LFI et le RN) et médias (ex. Monde et Point), profitent de l'aubaine pour reprendre la main ou se tailler une place au soleil, y rester et chasser ceux qui s'y trouvent, Macron et LREM.

La lettre d'Emmanuel Macron aux Français

La situation étant ce qu'elle est, l'essentiel est d'aller de l'avant. La crise des gilets jaunes a magistralement démontré qu'Emmanuel Macron est la seule personnalité française digne de la fonction présidentielle et à la hauteur du défi qu'elle pose. Au moins pour l'instant et jusqu'à nouvel ordre! En affectant dix milliards d'euros en faveur du pouvoir d'achat et en lançant un grand débat national ouvert, jusqu'au 15 mars, le président de la République donne à la France une occasion en or pour sortir de la crise des gilets jaunes par le haut. Mardi c'était le dialogue-marathon de près de 7 heures devant environ 700 maires de Normandie à Grand Bourgtheroulde (Eure). Ce vendredi c'est un autre dialogue-marathon qui prend place devant 600 maires d'Occitanie à Souillac (Lot).

« Nous devons nous rappeler qui nous sommes... la France est, de toutes les nations, une des plus fraternelles et des plus égalitaires. C'est aussi une des plus libres (...) Il faut rendre à la France sa prospérité pour qu’elle puisse être généreuse, car l’un va avec l’autre (...) C’est ainsi que j’entends transformer avec vous les colères en solutions. » Ainsi, en mairie, lors des débats qui seront organisés aux quatre coins de la France et sur internet, comme l'a dit le président de la République dans sa lettre adressée aux Français dimanche dernier, chacun pourra exprimer ses « attentes » et faire valoir ses « propositions » et ses « idées », concernant quatre grands thèmes : « la fiscalité et les dépenses publiques, l’organisation de l’État et des services publics, la transition écologique, la démocratie et la citoyenneté ». Il sera aussi question d'immigration, de laïcité, et « n’importe quel sujet concret dont vous auriez l’impression qu’il pourrait améliorer votre existence au quotidien ».


Un site internet est dédié à ce projet national (granddebat.fr). On y trouve sur chacun des quatre thèmes proposés, une fiche qui présente le contexte, les points du débat et les questions auxquelles les citoyens doivent répondre. En tout, il y en a 82, certaines sont fermées et d'autres ouvertes. Sur le site, on trouve également un « kit méthodologique », pour permettre à tout un chacun d'organiser son propre débat. Dans un café, un salon, une cage d'escalier ou sur un rond-point, au choix. Les propositions « permettront de structurer l’action du Gouvernement et du Parlement, mais aussi les positions de la France au niveau européen et international ». La réussite de ce « nouveau contrat pour la Nation » dépend de tous les protagonistes de la société française, les élus, les partis, les médias et les citoyens. Chacun doit assumer ses responsabilités. C'est l'heure de vérité pour savoir qui se soucie de la France et qui se limite à son agenda personnel. Que demande le peuple de plus ?