jeudi 26 juillet 2018

Emmanuel Macron : la France avait un chef d'Etat, elle a désormais un grand président! Merci surtout au journal « Le Monde », au comandante Mélenchon et à Alexandre Benalla (Art.549)


Près d'une semaine après le début de l'affaire Benalla, le chef de l'Etat a décidé de s'exprimer pour la première fois sur ce sujet mardi soir, loin des caméras et des journalistes, filmé avec un simple téléphone portable, devant les députés LREM qui étaient réunis à Paris pour clore la session parlementaire. Le lendemain, mercredi soir, alors qu'il était en déplacement dans les Hautes-Pyrénées, il l'a fait devant la presse, reprenant les points développés la veille, avec beaucoup de sarcasme. Jeudi soir, il en a remis une couche. C'est parce ces trois interventions sont exceptionnelles que j'ai décidé de rédiger cette note et d'en transcrire un large pan.

Emmanuel Macron lors de son voyage en Suède, le 17 novembre 2017
Photo : Phlippe Servent / Présidence de la République

Sur la forme, le président de la République a expliqué que c'était à lui de « choisir les moments » de parler et à ne pas se les faire dicter, d'autant plus qu'il n'avait pas à le faire pendant que « la justice fait son travail » et lorsque « les esprits s'embrasent pour être des participants d'une mêlée ». Il a fustigé au passage « ceux qui défendent la République (…) et l'oublient rapidement, quand il s'agit au fond de leur but ultime dans cette affaire, de salir le président de la République ».

L'affaire Benalla vue par Plantu, un régal!

Sur le fond, l'intervention devant les parlementaires se divise en plusieurs parties. Il a commencé la première partie, consacrée aux faits, en s'attaquant à ce qu'il a qualifié de « fadaises » dites par les mêmes, qu'ils soient « parlementaires, commentateurs ou journalistes ».

Ainsi, on apprend « qu'Alexandre Benalla n'a jamais détenu les codes nucléaires (comme l'a cru un député LR), n'a jamais occupé un 300 m2 à l'Alma, n'a jamais gagné 10 000 €/mois et que lui non plus n'a jamais été mon amant. » Mais encore, « Alexandre Benalla est quelqu'un qui nous a accompagné durant la campagne, avec beaucoup de courage et d'engagement (…) je n'ai pas à (l')oublier. »

Macron a rappelé qu'une fois la campagne était terminée, il fallait constituer des équipes à l'Elysée de « gens qui connaissent l'Etat » et de « gens qui étaient engagés à mes côtés durant la campagne (…) comme ça a toujours été le cas d'ailleurs. »

Certes, Alexandre Benalla avait « beaucoup fait » durant l'année qui s'est écoulée et avait gagné « la confiance », mais ce qui s'est passé le 1er mai, en dehors de sa fonction, en tant « qu'observateur », est pour le président de la République « grave et sérieux », vécu comme « une déception et une trahison ».

Il n'en dira pas plus car des enquêtes sont en cours, mais Emmanuel Macron a tenu à rappeler que « le lendemain (2 mai), mes collaborateurs à l'Elysée ont pris une sanction et il m'en a été rendu compte. Elle a été jugée proportionnée car il y avait un contexte et des circonstances que l'enquête de l'IGPN comme la justice éclaireront ». Avec force il a affirmé « qu'à aucun moment, ceux qui dirigent mon cabinet, n'ont caché cette affaire (…) Mes équipes à l'Elysée ont fait ce qu'ils devaient faire... La justice et d'autres pourront dire s'il y a eu des erreurs et si on n'a pas été conforme au Code de procédure pénale ou autre (…) Moi j'ai considéré que c'était proportionné à ce moment là, j'assume. »


La seconde partie est sans aucune doute, un moment clé de son mandat, l'acte de foi d'un grand président de la République. Et comment!

Un grand président est celui qui assume pleinement ses responsabilités. « Dans notre République, depuis un an, il n'y a eu qui que ce soit protégé ou soustrait au droit de la République. C'est ce que nos concitoyens attendent de nous. Et s'ils cherchent un responsable, dites-leur... Le seul responsable dans cette affaire, c'est moi et moi seul... Parce que celui qui a fait confiance à Alexandre Benalla, c'est moi, le président de la République. Celui qui a été au courant et qui a validé l'ordre, la sanction de mes subordonnés, c'est moi et personne. »

Un grand président est celui qui se met en première ligne. « Les valeurs qui nous ont fait, ce qui nous a conduit là, ce n'est pas la République des fusibles, ce n'est pas la République de la haine, celle où on fait traquer un fonctionnaire ici, un collaborateur là. On ne peut pas être chef par beau temps et vouloir se soustraire lorsque le temps est difficile. S'ils veulent un responsable, il est devant vous, qu'ils viennent le chercher. Ce responsable répond au peuple français, au peuple de France et à personne d'autre. »

Un grand président est celui qui protège ses troupes. «  La République tient quand chacun assume ses responsabilités. J'assume les miennes... Mes collaborateurs assument. Vous avez vu le préfet Strzoda (Patrick, directeur de cabinet du président de la République) aujourd'hui, avec une immense dignité (devant la commission parlementaire), parfois traité d'une manière que je ne qualifierai pas. Le Premier ministre assume ses responsabilités. Et les ministres les assument... Nous avons une Constitution, elle fixe les responsabilités. »


La troisième partie est consacré au spectacle lamentable de gens aux abois, du monde politique comme du monde médiatique, qui œuvrent désespérément pour faire d'un fait divers une affaire d'Etat, chacun ayant ses propres raisons.

En préambule, le président de la République a tenu à faire savoir : « J'assume ce qui a été fait par mes collaborateurs et je condamne la gravité des actes commis par Alexandre Benalla, en considérant aussi que cela ne lui enlève pas le reste et que ça ne lui enlève pas la dignité. » Là aussi, on retrouve une autre caractéristique d'un grand président qui sait se séparer d'un collaborateur s'il le faut, mais qui demeure reconnaissant eu égard au travail accompli. Devant la presse, Macron a répété : « Je suis fier de l'avoir embauché à l'Elysée, parce que je considère que c'était quelqu'un de dévoué, qui avait un parcours différent . Il a fait beaucoup de bonnes choses quand il était à l'Elysée. » Cependant, il a commis une « faute réelle et grave » pour laquelle il a été sanctionné (mis à pied). « Quand il a fait une seconde faute, il a été sanctionné plus durement (licenciement) ».

Mais encore, un grand président ne se laisse pas impressionner par ses adversaires, malgré la virulence de leurs propos et de leurs procédés. Sur le front médiatique, il avait beaucoup à dire.

Mardi. « Ce que je regarde depuis quatre jours, c'est un spectacle où la tentation pour presque tous les pouvoirs est de sortir de son lit. Nous avons une presse qui ne cherche plus la vérité. Elle disait ce matin, "regardez, un directeur de la préfecture de police a dit que c'était faux", il dément quelques heures plus tard, on l'entend à peine. On dit "regardez les images tournent en boucle" d'une scène inadmissible, et que je condamne, on ne voit jamais la scène d'avant ou la scène d'après, quel est le contexte, que s'est-il passé? S'agissait-il d'individus qui buvaient gentiment un café en terrasse? Que s'est-il passé juste ensuite? J'ai cru comprendre qu'il y avait des images, où sont-elles? Sont-elles montrées avec la même volonté de rechercher la vérité et d'apporter de manière équilibrée les faits (Macron fait allusion à d'autres images publiées par France 3 après les révélations du Monde, évoquées dans mon premier article sur l'affaire, où l'on voit clairement les deux présumées victimes jeter des objets en verre sur les CRS tout en les insultant)? Non. Je vois un pouvoir médiatique qui veut devenir un pouvoir judiciaire, qui a décidé qu'il n'y avait plus de présomption d'innocence dans la République et qu'il fallait fouler aux pieds un homme et avec lui toute la République. »

Mercredi. Et belote. « La presse aussi se trompe parfois, mais il faut qu'elle se corrige. Et à ce moment-là on lui pardonne (...) Beaucoup de gens ont perdu la raison. Beaucoup ont dit des choses fausses et oublient de les corriger (...) Vous avez dit ces derniers jours beaucoup de bêtises sur soi-disant des salaires, des avantages. Tout ça était faux, et c’est important de le dire aux Français... Ce qui a été dit aux Français pendant des jours et des jours était des fadaises. »
Et rebelote. « Les gens qui sont en charge du cabinet de l'Élysée - ce n'est pas le président de la République - ont pris leurs responsabilités, et les décisions qu'ils ont prises, je les ai approuvées. Je ne vais pas chercher des fusibles parce que vous avez envie de voir du sang et des larmes dans le tournant de l'été. »

Sur le front politique : « Nous assistons à la coalition baroque qui ne trompe personne dans notre pays, de ceux qui prétendent provenir du gaullisme et qui en ont oublié tous les principes et la dignité, et des extrêmes qui eux sont cohérents dans leur recherche, ils n'aiment pas l'Etat et ils veulent basculer la République. »

Un grand président sait aussi résister au populisme. « Je ne donnerai pas des têtes parce que je ne fonctionne pas comme ça. Quand après une analyse rigoureuse les responsabilités sont définies, elles doivent s'exercer... Lorsque nous en sommes encore au stade de l'élucidation de la vérité, on ne sacrifie pas des fonctionnaires, des collaborateurs et des ministres sur l'autel des émotions populaires et de la démocratie d'opinion instantanée. »

Enfin, un grand président a un esprit clair, une vision globale et un cap. « Dans ce contexte chacun doit garder son calme et chaque pouvoir doit être au cœur de son exercice (…) Je veux que la justice fasse calmement son travail jusqu'au bout. Elle devra mettre en lumière les faits... et définir les responsabilités. Toutes les conséquences en seront tirées. Il appartient aux médias de faire leur travail calmement... avec un rapport au réel et à la vérité qui doit toujours être questionné (…) J'aurai aussi à demander au Premier ministre et à plusieurs ministres des éclairages sur d'autres faits ou des réformes qui au vu de ce que nous sommes en train de vivre s'imposent. C'est pour cela l'Elysée fera son travail et que j'ai demandé au Secrétaire général conformément à notre Constitution de me faire des propositions. »

Emmanuel Macron, candidat à la présidence de la République
Salon de l'Agriculture, 1er mars 2017 (photo perso)

Non seulement Emmanuel Macron agit comme il se doit et fait un sans faute dans l'affaire Benalla, mais étant intelligent, réactif et pragmatique comme il est, il sait en tirer profit d'une manière magistrale. Ces trois interventions en apportent la preuve. L'affaire Benalla permet à Emmanuel Macron de muer d'un chef d'Etat à un grand président, et encore, indépendamment de sa politique. Il est fort le Macron !

La faute originelle dans cet emballement estival revient incontestablement au journal Le Monde, suivi par L'Express et d'autres médias, qui ont cherché d'une manière explicite à transformer un fait divers en une affaire d'Etat, avec comme objectif principal, atteindre Macron : « La mécanique d'une affaire d'Etat » / Le Monde et « Comment un fait divers devient une affaire d'Etat » / L'Express, avec une variante pour Mediapart, qui pour la peine a créé un dossier dont le titre exprime explicitement les intentions, « L'affaire Macron-Benalla ». Des fadaises oui, ce n'est point « une affaire d'Etat » comme l'a dit et répété le président de la République. Foutaises même, comme je l'ai démontré dans mon article « Alexandre Benalla, une affaire d'Etat qui risque de faire pschitt ».

Le Monde et d'autres médias, ne digère pas le fait qu'un président de la République se fasse rare, qu'il réussisse à verrouiller sa communication et qu'il mette en oeuvre son propre canal d'information, une stratégie ingénieuse qui le place à l'abri du bon vouloir du « pouvoir médiatique » et des turbulences journalistiques (« L’Elysée boute les journalistes hors du palais » / Le Monde). Ils ont tenté de le contrecarrer et de lui rappeler que ce sont eux qui font la pluie et le beau temps. Ils ont échoué et on ne peut que s'en féliciter. Leur attitude est d'autant plus condamnable, que les préoccupations pécuniaires n'étaient probablement pas loin. Une « affaire d'Etat » dans une période creuse, en plein été alors que la France croule sous un soleil de plomb, aurait prolonger l'embellie du Mondial et booster les ventes. En période de vaches maigres pour la presse, c'est toujours ça de pris. Raté. L'affaire d'Etat a beau faire pschitt au fil des jours, « Le Monde » s'accroche à son enquête à charge. Son dernier titre en date : « Emmanuel Macron espère tourner la page Benalla ». Comme les Belges, ils sont en plus mauvais perdants!


Du côté des politiques, c'est un désastre, de l'extrême gauche à l'extrême droite, en passant par la gauche et la droite. On n'a fait que surfer sur la vague créée par les médias. A défaut de bousculer Macron de son piédestal politique, ils ont essayé d'égratigner sa stature présidentielle.

« L'affaire Benalla » confirme donc que certains journalistes font mal leur boulot, que les partis traditionnels sont toujours aussi mauvais et que Macron mérite son surnom de Jupiter. De ce fait, il est sûr que la méfiance des citoyens par rapport aux grands médias grandira, la traversée du désert des partis politiques traditionnels durera et plus fort Macron sortira. Comment voulez-vous qu'il en soit autrement? On dit ce qui ne tue pas rend plus plus fort. C'est vrai. Mais qu'en sera-t-il, si à la base, on est déjà fort comme Macron et si ceux qui cherchent à le « tuer », ne font que l'égratigner?

Ah, où est-ce j'avais la tête, j'ai failli oublier, un grand président a du sang froid et évidemment du sarcasme. Mercredi, en déplacement à Bagnères-de-Bigorre, Emmanuel Macron a relevé le fait que « la chaleur et la fatigue, c'est à Paris que ça monte à la tête », pas dans les Hautes-Pyrénées. Aujourd'hui jeudi, il en a remis une couche : « J’ai dit ce que j’avais à dire, c’est-à-dire que je crois que c’est une tempête dans un verre d’eau. Et pour beaucoup, c’est une tempête sous un crâne! » Mais oui, un degré de différence, ça va, mais six à neuf degrés, bonjour les dégâts!


Post-scriptum : Les dernières nouvelles de « l'affaire Benalla Pschitt » en vrac 

- La frustration grandit au sein des députés de l'opposition, ils n'arrivent pas à en tirer profit comme ils pensaient. Pourtant, la commission parlementaire leur avait donné du pouvoir, donc de l'espoir, de juger Jupiter plutôt que de chercher la vérité sur ce qui s'est passé ce 1er mai. Comandante Mélenchon (ex-Alliance bolivarienne) et Benoit Hamon (ex-PS) avaient projeté auditionner le président de la République, Florian Philippot (ex-FN) allant jusqu'à décréter que Macron devrait envisager quitter ses fonctions ! Raté. Les voilà donc tous se retirant les uns après les autres. Les Républicains, les Insoumis, le Rassemblement national, le Parti communiste, etc.

- Après Les Républicains, c'est autour de La France insoumise et la Gauche démocratique et républicaine, d'envisager recourir au coup d'épée dans l'eau, pour éclabousser Jupiter, en déposant une motion de censure contre le gouvernement d'Edouard Philippe. Comandante Mélenchon déclarant même qu'il votera la motion de la droite.

- Les deux victimes de la violence d'Alexandre Benalla le 1er mai, pourraient elles aussi faire l'objet de poursuites judiciaires. Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire concernant les violences commises place de la Contrescarpe. D'après des vidéos tournées le 1er mai et le témoignage de Benalla, outre les insultes, l'homme a lancé une bouteille en verre sur la tête d'un CRS et la femme a jeté une chaise.

- Coup de théâtre jeudi, « Alexandre Benalla livre ses vérités ». A qui svp, au « Monde ». Parmi la soixantaine de demandes d'interview qu'il a reçues, il a choisi le journal qui l'a identifié sur une vidéo molestant des manifestants, ce qui a conduit à son licenciement (après s'être procuré les images illégalement). Attention, c'est un « entretien exclusif ». Pour le lire, il faut soit acheter le journal papier, soit s'abonner en ligne. Affaire d'Etat et entretien exclusif, non mais quelle aubaine ce Benalla! En tout cas, voici les points les importants de l'interview :
. L'homme était serein, selon l'un des journalistes présents. Il confirme que son salaire est de 6 000 euros comme l'a dit Emmanuel Macron (et non 10 000 € comme l'ont avancé les médias). Sa fonction était de gérer « les affaires privées du président ». Le logement qui lui a été attribué fait 80 m2 (et non 300 m2 comme l'a avancé L'Express).
. Il s'est rendu en tant « qu'observateur » à la manif du 1er mai, « invité » par le chef d’état-major à la préfecture de police, Laurent Simonin (aujourd'hui mis en examen).
. Il comprend la « déception » du président, mais ne considère pas l'avoir « trahi ». Il a le sentiment d'avoir commis une « grosse bêtise » et « assume ».
. N'étant pas du système, il révèle que sa vie à l'Elysée l'a conduit à avoir des « frictions » avec les groupes chargés de la sécurité du président de la République.
. Il ne se fait pas d'illusion sur « les gens qui ont sorti cette information » : « On a essayé de m’atteindre, de me "tuer", et c’était l’opportunité aussi d’atteindre le président de la République ». La messe est dite. 

lundi 23 juillet 2018

Alexandre Benalla, une « affaire d'Etat » qui risque de faire « pschitt » (Art.548)


Il n'a pas eu beaucoup de temps pour mettre à profit la victoire de la France à la Coupe du monde de football. Moins de 48 heures après l'accueil triomphal des champions à l'Elysée, Emmanuel Macron est happé malgré lui, par la plus grave crise de sa carrière politique, l'affaire Alexandre Benalla. C'est l'histoire d'un chargé de sécurité d'Emmanuel Macron, candidat et président, accusé d'avoir violenté un couple lors des manifestations du 1er mai. Dix réflexions à chaud.

Emmanuel Macron, candidat à la présidence de la République, au Salon de l'Agriculture, avec à droite Richard Ferrand, et à gauche, Alexandre Benalla (photo perso, 1er mars 2017)

 1  L'affaire a été révélée par Le Monde le 18 juillet. L'homme a été identifié dans des vidéos filmées le 1er mai. Il fut un temps, où un nombre de quotidiens français étaient accusés par la droite, d'une part, de s'être acharnés sur François Fillon, leur souffre-douleur, et d'autre part, d'avoir fait d'Emmanuel Macron une bulle électorale, leur chouchou. L'affaire Benalla a aujourd'hui le mérite de nous prouver qu'ils avaient tort. Les journaux ne font que leur boulot, parfois mal et d'autres fois intéressés, sachant que les préoccupations financières n'étant jamais très loin. On ne comptait plus les articles sur Penelope et Fillon. Il en sera de même sur Benalla et Macron.

 2  Sur les vidéos qui l'accusent, on voit Alexandre Benalla violenter deux manifestants. C'est abjecte. Ce point ne fait pas débat. Mais il faut tout de même commencer par reconnaître, comme « bavure policière », on en a connu bien pire et plus d'une, avec mort d'homme et relaxe policière ! Il a fallu 14 ans de batailles judiciaires pour qu'Abdelkader Ghedir, un jeune Français de 21 ans, obtienne enfin gain de cause et réparation, après avoir été passé à tabac par des policiers. Paralysé à 95% et pourtant, ses bourreaux n'ont jamais été inquiétés en France. Il a fallu passer par la Cour européenne des droits de l'homme, pour se voir accorder 6,5 millions d'euros de dédommagement. C'était il y a à peine deux mois.

Certes, Alexandre Benalla a eu un comportement violent. C'est encore une fois ignoble, mais rien d'extraordinaire en somme, pour une journée des manifestations parisiennes placées sous haute tension avec 1 200 black blocs en cavale. Mais encore, ses deux victimes présumées aussi ont été violentes, puisque sur une autre vidéo diffusée aujourd'hui par France 3, on les voit tous les deux clairement jetant des objets en verre sur les CRS, tout en leur lançant des invectives. Ils n'étaient pas du tout "extrêmement pacifiques" comme l'a fait croire un journaliste de France Info. Les deux victimes d'ailleurs n'ont pas eu d'arrêt de travail. Elles n'avaient même pas porté plainte à l'époque.

Si la « violence » du 1er mai était aussi grave qu'on le dit, on n'aurait pas attendu près de trois mois pour en entendre parler. A l'heure du portable, les réseaux sociaux auraient été inondés par les images, le jour même. Ça était diffusé, mais c'est resté limité. Et pour cause, il n'y avait rien d'extraordinaire. Si je mets en lumière ce point précis, ce n'est certainement pas pour justifier le comportement inqualifiable d'Alexandre Benalla, mais pour établir les faits, leur donner leur juste valeur et surtout, prouver qu'il y a bel et bien de la part de certains, une volonté nette et claire d'aggraver artificiellement la situation, dans un but bien précis, en faire une « affaire d'Etat ».

 3  En cette belle journée du 1er mai, Alexandre Benalla était en civil, portait un casque de CRS un talkie-walkie et un brassard de la police. Les premières questions qui viennent à l'esprit sont de savoir pourquoi il était présent et qui l'avait envoyé? Il s'est trouvé là-bas en tant « qu'observateur », ses accessoires étaient imposés par le contexte de ces protestations « anti-Macron ». Dans une manif à risque qui peut déraper à tout instant, au moment où les CRS chargent, il faut être en mesure de reconnaître tout de suite ceux qui font partie de la maison. Maintenant la question est de savoir, est-ce que c'est Macron qui l'a envoyé en mission? Officieusement, oui. Officiellement, non. C'est le directeur de cabinet du Président de la République qui l'a fait. Et pourquoi faire? Justement en tant « qu'observateur », pour lui faire remonter des éléments précis sur l'ampleur et la nature des protestations, peut-être en vue de passer rencontrer des manifestants, voire boire un café avec les jeunes révolutionnaires sur cette charmante petite place de la Contrescarpe, qui se situe derrière le Panthéon à Paris. Certainement pas pour tabasser les manifestants! Benalla était en congé d'ailleurs, il était censé agir avec décontraction et ne pas prendre partie. Cela étant dit, ce que Benalla a fait ou n'a pas fait, n'engage que sa propre responsabilité civile et pénale, et celle de personne d'autre. Surement pas celle du président de la République! La France dispose de près de 150 000 policiers, dont 15 000 CRS, elle n'a vraiment pas besoin d'un de plus, pour ramener l'ordre dans la capitale!

 4  Alexandre Benalla a été sanctionné, moins de 48 heures après les faits, le 3 mai. Il a été « mis à pied » pendant quinze jours avec suspension de salaire. C'est peut être pas à la hauteur de son acte, et il a même repris du service. Avec 10 000 euros de salaire, un logement au frais de la princesse au palais de l'Alma, une voiture avec chauffeur, bref, pour certains, c'était encore la belle vie comme si de rien n'était. On l'a même vu pavoiser avec les Bleus, soi-disant « chargé des bagages ». Il n'empêche qu'il est très malhonnête de qualifier la sanction qu'il a eue comme insuffisante, légère et banale. Dans le droit français, la « mise à pied » constitue un avertissement de l'employeur, en cas de faute lourde ou grave, qui peut conduire au licenciement.

En tout cas, contrairement à ce qu'a pu affirmer le directeur de l'ordre public à la préfecture de police de Paris, Alain Gibelin, devant la commission d'enquête parlementaire aujourd'hui, l'Elysée a confirmé le fait qu'Alexandre Benalla n'a participé à aucune réunion pendant sa mise à pied. C'est peut-être parole contre parole, en tout cas, tel est l'état des choses jusqu'à nouvel ordre. Aux dernières nouvelles, mardi après-midi, Alain Gibelin est revenu sur sa déclaration la veille, il avait mal compris la question, croyant qu'elle concernait la période allant du 2 mai au 18 juillet. Ainsi, non seulement une sanction a été prise à l'encontre de Benalla, mais elle a été bel et bien appliquée.

 5  A ce stade de l'exposé, une question vient rapidement à l'esprit : pourquoi avoir attendu l'éclatement de l'affaire pour licencier Benalla, fallait-il le faire sèchement dès le départ? Oui et non, pas facile de trancher, ça se discute. Mais le pus grave est ailleurs. En ne saisissant pas la justice, tout responsable ayant eu connaissance des faits graves qui étaient reprochés à Benalla, s'est rendue coupable de non-dénonciation d'un délit au procureur de la République, une violation de l'article 40 du Code de procédure pénale. Disons-le franco, toute la question est donc de savoir qui était au courant de ces faits? Pas de doute, le préfet de police, le ministre de l'Intérieur, le chef de cabinet du président de la République et le président lui-même. Moralement c'est grave. Pénalement, ça ne l'est pas. C'est la loi qui le dit, via la jurisprudence dans des cas similaires.

 6  On ne peut pas bien comprendre un aspect de l'affaire Benalla, si on n'est pas conscients des menaces sécuritaires auxquelles sont exposées les hauts responsables politiques. Il ne fait pas de doute qu'entre Emmanuel Macron et Alexandre Benalla, il y a de la loyauté et de la reconnaissance mutuelles. Est-ce que celles-ci ont permis au jeune homme de 26 ans de bénéficier de privilèges indus? Peut-être bien, mais pas à l'examen des faits.

La presse répétait en boucle qu'il recevait 10 000 €/mois comme rémunération, un salaire astronomique. En vérité, c'est 5 000 € nets, d'après le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux. Et là, c'est peu pour quelqu'un qui est chargé de la sécurité du président de la République française! Il ne faut pas oublier quand même que c'était le salaire du coiffeur de son prédécesseur, François Hollande. La résidence cossue ? Tiens, parlons-en. C'est là où logeait Mazarine, la fille de François Mitterrand. La presse (Le Monde, L'Express, etc.) a dit, des révélations!, que le jeune homme habitait quai Branly, dans un logement de 200 et même 300 m2 et qu'on avait engagé des travaux à hauteur de 180 000 € pour réunir deux apparts et en faire un duplex. Foutaises sur toute la ligne. Alexandre Benalla n'habite pas encore, l'appart fait 80 m2, les travaux concernent quatre appartements en "mauvais état" propriétés de l'Etat français, ils ont été décidé en novembre 2017! Parole de porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux. « Tout cela, c'est beaucoup de fantasmes pour construire un personnage et une affaire qui n'en est pas une. »

Toujours est-il que des hommes dignes de confiance, ça ne court pas les rues et on ne les trouve pas par annonce sur le Bon coin ou à Pôle emploi. Alors, quand on a repéré quelqu'un dans les parages, surtout avant de passer pleinement sous les feux de la rampe, on fait tout pour le garder, allant même jusqu'à sous-estimer peut-être le risque encouru, en cas de faute grave de la part de l'heureux élu.

 7  Comme dans tous les scandales, complexes et aux nombreuses ramifications, on trouve tout et n'importe quoi sur la toile au sujet de l'affaire Benalla. Un vive débat agite même des milieux d'extrême droite, la fachosphère, ainsi que les islamophobes et les antisémites en herbe: Benalla, c'est arabe ou juif? Le savoir n'apporte rien au débat. Quant au fait qu'il s'appellerait Lahcène Benahlia et aurait francisé son nom, il s'agit d'une fake news fabriquée dans les officines citées précédemment.

 8  Parlons peu, parlons bien. Il ne faut pas se leurrer, il y a de la part de tout un tas de gens (la Ligue des revanchards de François et Penelope, les orphelins de Nicolas Ier et dernier, les soumis du comandante Mélenchon, les walking dead de Hollande, les journaux Le Monde, L'Express, etc.), chacun ses raisons!, une détermination de faire d'un fait divers, grave sans aucun doute, une affaire d'Etat. El-comandante n'a pas hésité à évoquer un "Watergate" français, demandant même l'audition du président de la République. Il n'a toujours pas digéré sa défaite et cherche encore à faire oublier son désire inavouable de voir Marine Le Pen à l'Elysée, afin de dynamiter la Ve République. Benoit Hamon est plus modeste, il n'a réclamé pour l'instant que la démission de Gérard Collomb. A droite, ce n'est guère mieux. Les députés Les Républicains vont déposer une motion de censure contre Edouard Philippe, même si Christian Jacob, le président du groupe parlementaire, reconnait que ça ne fera pas tomber le gouvernement. Quelle stratégie impressionnante de reconquête du pouvoir ! Le député LR des Alpes-Maritimes, Eric Pauget, a même demandé un "audit complet" par les parlementaires sur le fonctionnement de l'Elysée, après avoir découvert que "Benalla avait les codes nucléaires", info diffusée par Nordpresse, un site humoristique belge ! Comme l'a fait remarquer le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, « c'est évidemment un comportement inacceptable qui doit être durement sanctionné (…), mais ça n'est pas une affaire d'État, malgré ce qu'essaient de construire nos oppositions ». Au cours de la séance de question au gouvernement mardi, le Premier ministre Edouard Philippe est allé dans le même sens : « une dérive individuelle de la part de ce chargé de mission ne fait pas une affaire d’Etat ».

Ainsi, un homme et un seul est visé depuis le début, Emmanuel Macron. Ses ennemis sont nombreux. Ils sont aux abois et prêts à tout pour le faire tomber de son piédestal. Soit. Jusqu'où ira-t-on? A mon avis, nulle part, concernant le président de la République, bien évidemment. Pour le reste, des erreurs ont été commises. Mais aucune n'est éliminatoire. Alexandre Benalla a été sanctionné par l'Elysée. Pas assez, mais sanctionné, 48 heures après les faits. La sanction a été appliquée. Il a été licencié. Tardivement, mais licencié. La justice n'a pas été saisie à temps. Mais, elle l'est maintenant. Elle jugera les coupables, Alexandra Benalla en tête. Deux commissions d'enquête sont mises sur pied, à l'Assemblée et au Sénat, pour établir la vérité. Elles détermineront la nature et l'ampleur des défaillances.

 9  Le seule élément consistant de l'affaire Benalla c'est la non saisine de la justice malgré des faits de violence. Qui aurait dû le faire? Emmanuel Macron, le président de la République? Il faut être sérieux un moment, surement pas. Gérard Collomb, le ministre de l'Intérieur? Il l'a fait savoir devant la commission d'enquête ce matin, « ce n'est pas au ministre qu'il appartient de le faire et je m'inscris dans la lignée de mes prédécesseurs ». Il ne reste que deux personnes dans le box : le directeur de cabinet de Macron, Patrick Strzoda, dont dépendait Benalla en général et qui l'a autorisé à se rendre place de la Contrescarpe (officiellement Benalla était "adjoint au chef de cabinet"; officieusement, il s'occupait de la sécurité du président et de sa femme, ainsi que de l'agenda privée d'Emmanuel Macron), et le préfet de police de Paris, Michel Delpuech, dont dépendait Benalla le 1er mai et qui avait accepté de le prendre sous ses ails. Aucun des deux n'est responsable de la bavure elle-même, mais les deux responsables ont été informés de l'incident et n'ont pas jugé utile de saisir la justice. Elle est là leur faute. Et encore, quelle est la force d'une loi qui les appelle à le faire dans une telle situation, mais qui ne prévoit aucune sanction s'ils ne le font pas? Aucune. Avant de reprendre la réforme de la Constitution, il est clair que l'article 40 du Code de procédure pénal doit être revu et corrigé. Quand le président de la République décidera de s'exprimer, le moment venu, il est évident qu'il évoquera ce point précis.

 10  Ça n'a sans doute rien à voir, mais bon, l'info s'est glissée le même jour dans les fils d'actualité. Les grèves de la SNCF organisés aux mois d'avril, mai et juin (à raison de deux jours de grève et trois jours de fonctionnement normal), pour protester contre la réforme ferroviaire voulue par Emmanuel Macron, auraient coûté à la société, donc à la France et aux Français, 790 000 000 euros (pertes de chiffres d'affaires, mesures commerciales, bus supplémentaires, indemnisations, etc.), soit 21 000 000 € pour chacun des 37 jours de grève. Tout le bénéfice net de l'entreprise pour l'année 2017 a été englouti, plus 111 millions d'euros de plus. On est pas loin du milliard d'euros et ce n'est une « affaire d'Etat » pour personne. Aucune commission d'enquête ne verra le jour pour faire la lumière sur le plus grand gaspillage d'argent public du siècle et le sabotage d'un des fleurons de la France. Et comble de l'absurde, pour rien, absolument rien, la réforme a été adoptée. Pour l'instant, nombreux sont ceux qui s'accrochent à l'affaire Benalla, dans une tentative désespérée d'égratigner "Jupiter", faute de le mettre KO sur le terrain politique.