dimanche 10 février 2013

Mieux vaut être une brebis galeuse, que derrière un berger égaré! La visite du patriarche maronite en Syrie (Art.111)



1. Nul visiteur de la Syrie n’est censé ignorer que le conflit syrien
, qui oppose le deuxième et dernier tyran des Assad à son peuple, a fait plus de 60 000 morts en deux ans et que la population syrienne est plongée dans une souffrance sans fin, encore moins un homme d'Eglise.

2. Nul Libanais entrant sur les Territoires de Bachar el-Assad n’est censé ignorer qu’il y a des centaines de compatriotes qui croupissent dans les geôles syriennes depuis des dizaines d’années dont Boutros Khawand (un homme politique, membre du parti Kataeb, proche de Samir Geagea, kidnappé devant son domicile en 1992), encore moins un chef maronite.

3. Nul n’a le droit d’imposer au patriarche maronite d’Antioche et de tout l’Orient, sa conduite. Si Bechara Raï a jugé, en son âme et conscience, qu’il était opportun de se rendre en Syrie -chose qu'à toujours refusée l'ancien patriarche maronite Mar Nasrallah Boutros Sfeir- pour assister à l'intronisation de Youhana Yazigi, le nouveau patriarche grec-orthodoxe, c’est son droit. Il répondra de ses actes le jour du Jugement dernier. A moins que... il ne manquerait plus qu’il n’y croit pas !

4. Nul n’est au-dessus de la critique à partir du moment où ses actions sont publiques. Bechara Raï n’est certainement pas l’exception à la règle.

5. Nul homme public n'a dilapidé en si peu de temps l'énorme capital de sympathie ou de respect dont il disposait à son avènement, autant que le patriarche Raï.

6. Nul ne peut en ces jours difficiles où les positions politiques de Bechara Raï laissent beaucoup à désirer, notamment par son indulgence avec le régime syrien et la milice du Hezbollah, ne pas regretter la sagesse du 76e patriarche, un homme digne de son titre, Patriarche maronite d'Antioche et de tout l'Orient, Mar Nasrallah Boutros Sfeir !

7. Rien ne permet de donner à cette visite plus d’importance qu’elle ne mérite réellement, même s'il s'agit d'une première pour un patriarche maronite depuis l'indépendance (1943) et même si
Bakhos Baalbaki aurait conseillait à son coreligionnaire de ne pas y aller. Les visites de Walid Joumblatt à Bachar el-Assad tout au long de la période où le compteur des morts était à 4 chiffres, dans l’indifférence générale, était bien plus grave. Rappelons que Bechara Raï ne rencontrera pas le président syrien au cours de cette « visite paroissiale », annoncée au lendemain de son intronisation le 25 mars 2011.

8. Rien ne justifie les âneries, même des novices de la politique. Le fiston à papa-Machnouk (Saleh), l'arriviste aux 120 000 likes, a encore une fois raté une bonne occasion de se taire. Impulsif, il lance d'abord, « Le patriarche Raï célèbre une messe satanique à Damas ». Il essaye de se rattraper ensuite avec « Le patriarche Raï a cimenté à travers sa messe à Damas son partenariat avec le diable ». Et il termine enfin avec « Le patriarche Raï a présidé une messe parrainée par le diable (Bachar el-Assad) ». Eh bien, il en faut des tentatives à un novice de la politique pour exprimer clairement son idée !

9. Mieux vaut éviter de prendre Bechara Rai pour un bouc émissaire, pire, pour un punching-ball ! Le patriarche maronite n'est pas responsable ni de l’enlisement de la situation en Syrie, ni des crimes de Bachar el-Assad, ni de l’entêtement des rebelles à rester dans une stratégie foireuse, ni de l’islamisation de la Révolution syrienne, ni de l'expulsion des Syriens en dehors de leur pays, ni du soutien indécent de Vladimir Poutine au tyran de Damas, ni du refus raisonnable de Barack Obama d’armer les rebelles, ni de l’impuissance des pays arabes et occidentaux, ni de la chute du gouvernement de Saad Hariri, ni de l'hégémonie du Hezbollah sur le Liban, ni du maintien du gouvernement Mikati en place, ni de la léthargie du 14 Mars, ni de l’assassinat de Wissam el-Hassan, ni de l’absence d’acte d’accusation contre l’ancien ministre du 8 Mars Michel Samaha pour les complots terroristes qu’il projetaient commettre au Liban à la demande de Bachar el-Assad dont l’assassinat de Bechara Raï himself, ni de la demande grotesque de levée de l’immunité parlementaire du député Boutros Harb, ni de la fuite des 4 membres du Hezbollah accusés de l’assassinat de Rafic Hariri, ni du vote en bloc des communautés libanaises, ni des obstacles claniques pour parvenir à une loi électorale juste, ni des coupures électriques, ni du manque de verdure au pays du Cèdre, ni de la pluie et du mauvais temps, ni de la connerie humaine tout court ! Ce sont les hommes politiques qui font la politique, et non les hommes religieux, c’est une évidence, sauf pour les esprits communautaires !

10. Mieux vaut être une brebis galeuse, que derrière un berger égaré ! (« Raï », berger en arabe).

11. Point de schizophrénie en politique, même si c’est commode. Nous ne pouvons pas passer notre temps à souhaiter mettre les religieux à l’écart de la vie politique et guetter continuellement leurs faits et gestes, et même sauter sur leur moindre déclaration, soit pour les applaudir soit pour les maudire. Pour une vie politique saine au Liban, et pour déconfessionnaliser les esprits des Libanais, il faudrait déjà commencer par ignorer les hommes de soutane, qu’ils s’appellent Bechara Rai, Mohammad Rachid Kabbani ou Hassan Nasrallah. Le sadomasochisme religieux et la masturbation intellectuelle ont des limites !

12. Point de miracle en politique, même pour des croyants. Notre salut viendra des urnes et uniquement des urnes. Le SEUL fait dans un avenir proche qui soit porteur de changement réside dans les élections législatives libanaises du 9 juin 2013. Deux ans déjà au coup d'Etat démocratico-milicien du Hezbollah le 12 janvier 2011! Et deux ans déjà que Bakhos Baalbaki répète inlassablement qu'il faut préparer les élections. Et préparer les élections impliquaient deux choses: une loi électorale et des programmes politiques. Hélas, on n'a fait ni l'un ni l'autre. Et pourtant, l'un et l'autre, le camp du 14 Mars et le camp du 8 Mars, attendaient la chute de Bachar el-Assad pour le premier et l'écrasement de la Révolution syrienne pour le second. Et en attendant, on palabre !