dimanche 15 décembre 2013

Assad, personnalité n°4 de 2013, pour Time : toutes mes félicitations à Nasrallah et Aoun (Art.199)


C’est ce qu’on appelle un « marronnier » dans la presse. Tout le monde s’y met. Chaque année, à la même saison, à la même période, on nous gave jusqu’à la nausée avec ces sujets redondants, qui vont de l’incontournable « comment maigrir en trois nuits top chrono », le sujet d’avant-plage qui nait quand on se retrouve en petite tenue devant les miroirs du printemps et qu’on pense aux beaux jours estivaux, aux « erreurs fatales à éviter avec une femme » et « tout ce qu'il ne faut pas faire avec un homme », les sujets de l’été, interdits aux cardiaques et aux migraineuses, qu’on retrouve en prévision des speed datings en tenue légère à la plage, ainsi qu’aux sujets d’après-plage, les « comment rendre votre jules fou au lit » et « comment faire grimper votre nana au rideau » qui poussent comme des champignons à l’automne, quand les jours raccourcissent et qu’on s’enlacent en tenue légère, pour se réchauffer et plus si affinité.

Parmi les marronniers d’hiver et de fin d’année, il y a les marrons glacés évidemment, achtung baby à la balance!, et le fameux « Person of the year » du Time, un rituel immuable depuis 1927. Le dernier classement vient de tomber. Ça vaut ce que ça vaut, mais enfin, ça vaut le détour certainement. Les personnalités de 2013, au nombre de cinq, sélectionnées par le magazine américain, regroupent pour cette année trois noms connus et prévisibles, et deux, peu connus et peu attendus en dehors des USA.

Pour succéder à Charles Lindbergh « l’aigle solitaire », élu personnalité de l’année 1927 pour avoir relié New York à Paris en 33 heures et 30 minutes à bord du Spirit of Saint Louis, Mark Zuckerberg (élu en 2010) et The Protester (en 2011), Time magazine a choisi François « le pape du peuple ». Premier pape non européen depuis 1200 ans, un jésuite d’origine modeste, à la tête, moralement parlant, d’un peuple qui compte 1,2 milliard de catholiques. Et moi, et moi, et moi ! Ce positionnement est largement mérité. C’est une personnalité hors du commun. Humaniste, humble et tolérant, il incarne un retour aux sources de l’Eglise catholique, dont Jésus serait fier. Personne n’a oublié que quelques jours après son élection, il a choisi de célébrer le Jeudi saint dans un centre pénitencier de Rome, où il a lavé les pieds de douze jeunes détenus, dont deux filles, une Italienne catholique et une Serbe musulmane. On se souvient aussi que pour ses déplacements, il a abandonné la traditionnelle et luxueuse Mercedes pour la petite citadine Ford Focus, une claque pour un grand nombre d’hommes d’Eglise, notamment dans le schizophrénique Liban ! La suite nous ne décevra certainement pas.

Suit le pape, Edward Snowden « le sombre prophète », en 2e position, ce qui est tout aussi prévisible. Cet homme a tout risqué -son confort, sa carrière et sa vie- pour révéler aux Américains et au monde entier, alors que rien ne l’y obligeait, l’étendue de l’espionnage des services de renseignements des Etats-Unis car pour lui la fin ne justifiait absolument pas les moyens. Toi qui lis ces lignes, lui, elle, nous, vous, Angela Merkel, Myriam Klink, Bakhos Baalbaki, tout le monde est concerné, sauf Gilberte Zouein à ce qu’il parait. Rien à en tirer d’après la NSA, la National Security Agency. Alors, pas de cochonneries dans nos messages inbox svp et nous devons casser moins de sucre sur le dos des uns et des autres. A part ça, sourions, la vie est belle, nous sommes tous espionnés, ainsi va le monde. 

En 3e position, on retrouve Edith Windsor « l’improbable activiste », une ancienne cadre chez IBM, au look BCBG, ce qui ne l’a pas empêché de devenir la matriarche des militants des droits des homosexuels américains. 

A la 5e place, il y a Ted Cruz « l’incendiaire de grange », un jeune loup républicain, opportuniste ambitieux, conservateur classe triple A, qui vise sans doute la présidentielle de 2016, un excité de la gâchette, moulin à paroles, farouchement opposé à l’Obamacare où il s’est tristement illustré par une prise de parole continue au Sénat de 21 heures et 19 minutes non-stop, pour empêcher dans le pays le plus riche du monde, les millions d’Américains qui n’ont aucune couverture sociale, d’en avoir une à bon marché grâce à la réforme de la protection sociale de Barack Obama. C'est un cas.

Last but not least, en 4e position, trône Bachar el-Assad « le tyran létal » du haut des 125 000 cadavres et des 7 millions de déplacés, dont 1,3 million au Liban. Quel pléonasme de la part de Time magazine, comme si un tyran pouvait conduire à autre chose qu’à la destruction, à la désolation et à la mort !

Voilà ce qu’il en est dans le dernier numéro de Time. Je voudrais donc profiter de ce moment historique pour adresser toutes mes félicitations aux Libanais qui ont misé sur Bachar el-Assad, publiquement ou hypocritement, au fin fond de leur âme et conscience. Ce n’était pas en vain, votre poulain vient d’être couronné « le tyran mortel » par Time magazine. Number four, ce n’est pas rien ! Vous lui avez assuré un soutien indéfectible, même au pire moment de l’année 2013, lors du massacre chimique de 1 500 Syriens à Ghouta le 21 août, où 400 enfants ont été fauchés dans leur sommeil. Je pense notamment à sayyed Hassan Nasrallah, qui n’a pas hésité une seconde à engager sa milice chiite aux côtés du régime alaouite, depuis le début du conflit. Sans ses martyrs tombés dans « l’accomplissement de leur devoir djihadiste », nous ne serons sans doute pas là. Je pense également au général Michel Aoun. Certes, son appui ne change rien au rapport de force en Syrie, mais au Liban, si ! Ah comme il avait raison de se réjouir en annonçant et en confirmant la victoire de Bachar el-Assad dans ces dernières interviews au quotidien Annahar et à la chaine MTV. Des visionnaires comme il y en a peu au Moyen-Orient. Yiredd el3ein.

Personnellement, j’aurais établi un autre classement. Quitte à déplaire encore aux millions d’OSF de par le monde, les Obamaphobes Sans Frontières, j’aurai remis Barack Obama sur la couverture du Time, même pour la 3e fois en 5 ans (2008 et 2012). Allons, à la 3e place au moins, en gardant François et Snowden, là où ils sont. Je l’aurai fait sans hésitation car l’histoire écrirait un jour, la prudence grammaticale s’impose puisque ce n’est pas encore fait, que grâce à sa stratégie intelligente, et sans recourir à un seul Tomahawk, il aurait permis de débarrasser le Moyen-Orient de deux armes de destruction massive. N’en déplaise à beaucoup, il a obligé le régime de Damas de détruire son arsenal chimique et le régime des mollahs, de renoncer à la bombe nucléaire. Qu’il en soit remercié.

A la 5e place j’aurai mis Bachar el-Assad, flanqué du titre que j’utilise depuis le 15 mars 2011, qui vaut largement le pléonasme du Time : « le dernier tyran des Assad ». Pour moi, ce titre présente l’avantage de résumer trois informations capitales. Primo, il établit une filiation entre Bachar el-Assad et Hafez el-Assad, tel père, tel fils, une funeste famille qui règne sur la Syrie et le Liban depuis plus de quarante ans. Secundo, il rappelle la nature tyrannique des 42 ans de règne des Assad, père et fils, responsables de tant de souffrances en Syrie comme au Liban (oppressions, tortures, massacres et assassinats), prêts à tout pour rester au pouvoir quel qu’en soit le prix à payer par les populations civiles. Tertio, si Hafez fut le premier tyran des Assad, Bachar sera forcément le dernier tyran des Assad car il nage à contresens du courant de l’Histoire : un homme qui s’est montré « d’une cruauté absolue et continue », pour reprendre les termes du Time, sera tué avec une cruauté absolue.

mardi 26 novembre 2013

L’Iran n’aura pas la bombe atomique et c’est tant mieux (Art.194)


Quand Barack Obama m’a contacté par télépathie, le moyen de communication le plus protégé à ce jour, afin que je me charge d’expliquer l’enjeu de l’accord conclu ce week-end à Genève, je n’étais pas disposé au départ à répondre favorablement à sa requête, me trouvant haut perché, pour m’adonner à une activité amusante qui me permet de joindre l’utile à l’agréable, aérer mon esprit, délester mes neurones, élaguer mes arbres! Eh oui, les arbres ont besoin d’être élagués régulièrement, les esprits aussi, les actualités plus que tout. Avec certaines analyses d’entrée de gamme, il y a de quoi perdre le nord et son arabe au Moyen-Orient.

Il faut sans doute aller au-delà de la brièveté insignifiante d’un tweet pour comprendre ce qui s’est réellement passé à Genève, après la conclusion de l’accord sur le dossier nucléaire iranien. « We have reached an agreement » de Mohammad Javad Zarif, ne permet pas du tout de saisir la nouvelle donne orientale. Son grand sourire non plus. La propagande de ses alliés libanais, Hassan Nasrallah et Michel Aoun, encore moins. Certes, le ministre iranien des affaires étrangères et ses alliés libanais sont soulagés par cette entente, qui évite l’humiliation de nouvelles sanctions contre l’Iran, mais ce soulagement est sans doute proportionnel à l’importance de l’étranglement que vit la République islamique d’Iran depuis quelques années.

Le programme nucléaire iranien a commencé sous le Shah en 1953. La Révolution islamique, puis la guerre Iran-Irak l’a relégué au second plan. Sa reprise et son orientation militaire furent découvertes en 2002. Et depuis cette date, le régime des mollahs n’a cessé de mentir sur ses recherches atomiques. Sans l’ombre d’un doute, tout le monde sait que le programme nucléaire de l’Iran n’est pas civil comme le prouvent, entre autres, son stock de 186 kg d’uranium enrichi à 20 % et les 19 000 centrifugeuses qu’il détient, deux chiffres qui vont bien au-delà de ce qu’exige une exploitation civile de l’uranium pour la production électrique et l’usage médical.

L’accord de ce week-end est historique. Il faut dire que l’enjeu du dossier nucléaire iranien est colossal. On peut le résumer en une question toute simple. Est-ce que le monde peut assister passivement à l’acquisition un jour de l’arme atomique par la République islamique d’Iran ? La réponse est incontestablement, NON. Et ce ne sont pas les raisons qui manquent. J’en vois essentiellement trois.
D’abord, parce que le régime iranien est un régime théocratique à tendance fasciste. Il sera donc dangereux pour la sécurité internationale, notamment pour le Moyen-Orient, de laisser ce régime fanatique, détenir une arme de destruction massive. D’autant plus que l’Iran est inscrit par les États-Unis depuis 1992 sur la liste noire des pays soutenant le terrorisme.
Ensuite, parce que le programme nucléaire iranien n’est pas entrepris dans un but dissuasif. L’Iran des mollahs veut détenir l’arme nucléaire pas pour dissuader Israël de l’attaquer, encore moins pour attaquer Israël, mais tout simplement pour accroitre sa capacité d’ingérence et de nuisance dans les pays arabes. Ainsi, l’arme nucléaire pour l’Iran est un moyen de s’imposer comme un acteur incontournable dans tous les pays arabes ayant une communauté chiite ou apparentée (alaouite). Du Liban à l’Arabie saoudite, en passant par l’Irak, la Syrie, le Yémen et le Bahreïn, les ingérences iraniennes dans les affaires du monde arabe ne sont plus à démontrer. La plus ostentatoire étant celle du double soutien militaire et financier au régime syrien, une assistance qui allonge l’espérance de vie du régime alaouite de Bachar el-Assad.
Enfin, parce que l’acquisition de l’arme nucléaire par l’Iran, poussera inévitablement les pays arabes du Golfe à la course aux armements de destruction massive, faisant de la région explosive du Moyen-Orient, déjà avec les armes conventionnelles, la zone la plus dangereuse du monde. Et même avec des dirigeants responsables et de bonnes intentions, le risque d’accidents graves, involontaires ou pas, ne sera jamais écarté pour toutes les populations de la région.

Voilà pourquoi le programme nucléaire iranien préoccupait le monde entier, notamment les pays arabes, depuis une dizaine d’années. Et le fait qu’Israël possède des centaines de têtes nucléaires, n’était pas une raison convaincante pour laisser produire dans la région des centaines d’autres têtes nucléaires, et les placer entre les mains d’un régime fanatique qui n’a jamais caché son soutien direct et indirect au terrorisme dans le monde (régime syrien, Hezbollah libanais, Hamas palestinien, etc.). En tout cas, il est prématuré et sans doute illusoire d’espérer que les braves pays permanents du Conseil de sécurité et l’Allemagne, vont un jour se pencher avec la même ardeur qu’ils ont montré dans le dossier chimique syrien et le dossier nucléaire iranien, sur les dossiers nucléaires, chimiques et bactériologiques israéliens, un arsenal d’armes de destruction massive qui constituent une très grave menace pour tous les pays du Moyen-Orient. Les pays occidentaux devraient œuvrer comme le demandent les pays arabes, notamment l’Arabie saoudite, à l’élimination des armes de destruction massive du Moyen-Orient. En pratique, il faudrait déjà commencer par obliger Israël dans un premier temps, à reconnaître être probablement la 3e puissance nucléaire au monde après la Russie et les États-Unis, et détenir autant d’ogives nucléaires que la Chine, la France ou la Grande-Bretagne (soit 80 à 400 au total ; l’État hébreux produirait une quinzaine de nouvelles bombes par an), et dans un deuxième temps, à signer le Traité sur la Non-Prolifération des armes nucléaires (TNP).

L’accord de Genève n’aurait jamais pu avoir lieu sans les sanctions. Et des sanctions, il y en a de plus en plus depuis le début de la révolution islamique de Khomeiny en 1979, à cause du programme nucléaire, mais aussi pour des raisons liées aux violations des droits de l’homme en Iran et au soutien au terrorisme dans le monde. Elles ont touché notamment les domaines pétroliers et financiers, là où ça devait faire le plus mal. Elles étaient prises soit unilatéralement par divers arabes et occidentaux, notamment les États-Unis et l’Union européenne, soit par le Conseil de sécurité de l’ONU. Cela va du gel des avoirs iraniens à toutes sortes d’interdiction, échange de biens et de services, commerce de pétrole et investissement dans l’industrie pétrolière iranienne. Le pays est même exclu du réseau SWIFT ce qui a restreint les transactions interbancaires entre les banques iraniennes et celles du reste du monde. L'Iran est privé de l'accès à pratiquement toutes les transactions avec la plus grande économie du monde. Les années 2012 et 2013 ont été deux années noires pour l’Iran qui a vu les sanctions américaines, européennes et onusiennes, toutes renforcées, notamment en ce qui concerne la monnaie iranienne (mesure prise par les États-Unis), ainsi que l’embargo pétrolier et le gel des avoirs de la Banque centrale iranienne (mesures prises par le Conseil européen). Ainsi, il faut bien comprendre que l’accord de ce week-end ne tombe pas du ciel et n’est pas un acte de bienfaisance unilatéral des Iraniens. Il est le fruit de mesures imposées à l’Iran, qui croulent sous le poids des sanctions. Elles ont fini par pousser ce pays belliqueux à mettre de l’eau dans son vin. 

Cet accord n’aurait jamais pu avoir lieu sans le soutien de Vladimir Poutine et sans l’intransigeance de François Hollande, non plus. Autant les Russes s’en foutaient de l’arsenal chimique de leur lointain allié syrien, qui ne représentait aucune menace pour leur sécurité, autant ils n’avaient aucun intérêt d’avoir un voisin peu commode détenir des missiles balistiques nucléaires. Quant à la France, sans l’intraitable ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, le secrétaire d’État américain John Kerry, était prêt à pavoiser avec un accord incomplet, il y a déjà une dizaine de jours. Cependant, nul ne peut nier que l’accord d’aujourd’hui est avant tout l’œuvre personnel de Barack Obama. « Depuis que j'ai pris mes fonctions, j'ai dit clairement ma détermination à empêcher l'Iran d'obtenir l'arme nucléaire. » C’est clair, et pourtant cela a échappé aux petits esprits médisants.

L’accord établi ce week-end est incontestablement une avancée importante pour l’humanité. Toutes les populations du Moyen-Orient peuvent s’en féliciter. Cette bonne nouvelle renvoie naturellement à l’autre bonne nouvelle pour la région, le processus d’élimination de l’arsenal chimique syrien, après l’acceptation du tandem Assad-Poutine de s’en débarrasser pour éviter l’humiliation des frappes militaires occidentales. Sachez au passage que l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) a validé à la mi-novembre le plan de destruction des 1 000 000 de litres d’agents chimiques syriens d’ici le 30 juin 2014, dont quelques litres ont suffi au régime syrien pour exterminer 1 500 civils en quelques minutes, le 21 août 2013, dans la banlieue de Damas (massacre de Gouta).

Les négociations de Genève opposaient la République islamique d’Iran aux P5+1, les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU en plus de l’Allemagne (États-Unis, France, Grande-Bretagne, Chine, Russie, Allemagne). Qu’on ne s’y trompe pas, bala tahwajé wala man ya7zarounn, comme l’a précisé la Maison Blanche qui a publié les termes de l’accord historique, « l’objectif (des négociations) était de parvenir à une solution diplomatique vérifiable qui empêcherait l'Iran d'obtenir une arme nucléaire ».

Dans ce but, selon les termes de cet accord préliminaire, l’Iran s’engage à :
- arrêter tout enrichissement de l’uranium supérieur à 5 % et à démanteler les processus techniques qui le permettent (l’uranium naturel ne contient que 0,7 % d’uranium 235, fissile, l’isotope nécessaire à l’usage civil et militaire ; selon l’AIEA, l’Iran possède déjà plus de 6 774 kg d’uranium enrichi à 3,5 %);
- ne pas installer de nouvelles centrifugeuses pour l’enrichissement (qui permettent de concentrer l’uranium 235); rendre inutilisable la moitié des centrifugeuses du site Natanz et les trois quarts de celles de Fordow ; ne pas utiliser de centrifugeuses de nouvelles générations ; limiter la production de centrifugeuses à celles nécessaires au remplacement des machines endommagées (au grand mécontentement d’Israël) ;
- ne pas accroitre son stock d’uranium enrichi à 3,5 % ;
- diluer la totalité de son stock d’uranium enrichi à plus de 20 % pour descendre en-dessous de 5 % (exigé par la France ; une fois l’enrichissement atteint les 20%, processus long, il est plus rapide de passer à un enrichissement de 90 %, nécessaire pour fabriquer une bombe nucléaire)
- arrêter son projet de développement du réacteur nucléaire au plutonium d’Arak (exigé par la France ; ce projet démarré en 2004, pouvait à terme constituer une alternative à l’uranium pour fabriquer une bombe nucléaire) ;
- se soumettre aux contrôles et vérifications nécessaires de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), dont les visites quotidiennes des sites de Natanz et Podow, l’accès aux sites d’assemblage des centrifugeuses, l’accès aux mines et usines d’uranium, la fourniture des informations sur le réacteur d’Arak.

En contrepartie, les P5+1, s’engagent à :
- ne pas imposer de nouvelles sanctions contre l’Iran au cours des six prochains mois si l’Iran respecte ses engagements ;
- alléger certaines sanctions concernant le commerce des métaux précieux, le secteur de l’automobile, les exportations pétrochimiques dégageant 1,5 milliard de dollars ;
- garder les achats de pétrole iranien au niveau très réduit actuellement (60 % de moins qu’il y a deux ans) ;
- débloquer 4,2 milliards de dollars d’avoirs provenant de ces ventes si l’Iran respecte ses engagements ;
- autoriser le transfert de 400 millions de dollars à des organismes iraniens pour couvrir les frais de bourses d’étude des étudiants iraniens à l’étranger ;
- faciliter les opérations humanitaires qui sont déjà autorisés, notamment les achats alimentaires et médicaux.

Il convient de préciser que si certaines mesures coercitives seront levées, toutes les sanctions imposées par le Conseil de sécurité de l’ONU resteront en place (on compte quatre résolutions à ce jour), ainsi que la « grande majorité » de celles imposées par les pays occidentaux (Etats-Unis, Union européenne, Canada, etc.) et les pays négociateurs, P5+1. Comme celles contre les banques et les organismes financiers iraniens, y compris la banque centrale iranienne, notamment le gel des avoirs de certains ressortissants iraniens à l’étranger (plusieurs centaines de personnes), l’embargo sur les armes, les sanctions financières, les restrictions commerciales, les sanctions contre plusieurs secteurs de l’économie iranienne, les restrictions de la liberté de circulation de certaines personnes, les inspections des navires et des avions iraniens, j’en passe et des meilleures. Comme l’a précisé la Maison Blanche, « Toutes nos sanctions ciblées liées à l'état de soutien de l'Iran au terrorisme, son rôle déstabilisateur dans le conflit syrien, et son bilan catastrophique des droits de l’homme, entre autres préoccupations, demeurent en vigueur... Les P5+1 continueront à les appliquer vigoureusement ». On dit que l’argent est le nerf de la guerre, et pour cause ! Pour mesurer le poids des sanctions qui resteront en place, deux chiffres. Le premier, en apéro : 100 milliards de dollars en réserves de change demeurent inaccessibles au régime iranien. Le second, le plat de résistance : les sanctions pétrolières seules entraineront un manque à gagner pour l’Iran de 30 milliards de dollars pour cette période de test, soit 5 milliards $ /mois, par rapport aux chiffres de 2011 (avant l’entrée en vigueur de ces sanctions).

Les négociations continueront durant les six mois de test afin de trouver « une solution qui nous donne suffisamment de confiance que le programme iranien est pacifique ». Selon les P5+1, la solution complète devra « limiter le programme nucléaire de l'Iran sur le long terme, fournir des garanties vérifiables à la communauté internationale que les activités nucléaires de l'Iran seront exclusivement pacifiques, et veiller à ce que toute tentative de l'Iran de poursuivre une arme nucléaire serait détectée rapidement... Dans le cadre d'une solution globale, l'Iran doit également entrer en pleine conformité avec ses obligations au titre du TNP et de ses obligations envers l’AIEA. » En deux mots : « rien n'est convenu tant que tout n'est pas convenu. »

Ainsi, l’Iran se trouve devant un choix fatidique. Soit la République islamique prouve d’ici six mois qu’elle est de bonne foi, pour négocier et signer une solution globale juste à son programme nucléaire, et « assurer à la communauté internationale que ses activités nucléaires resteront pacifiques », ce qui lui permettra de rompre son isolement, soit il y aura de nouvelles sanctions qui renfonceront son isolement de la communauté internationale. Pour l'instant, tout se passe dans un esprit d'ouverture et dans la concertation entre Hassan Rohani, le nouveau président de la République islamique d'Iran et le Guide suprême, wali el-fakih, Ali Khamenei. Jusqu'où et jusqu'à quand, nul ne le sait. Dans tous les cas, les deux hauts personnages du régime des mollahs sont conscients des mises en garde de la communauté internationale. « Si l'Iran ne peut pas répondre à nos préoccupations, nous (P5+1) sommes prêts à augmenter les sanctions et la pression. » Que personne ne s’y trompe, le monde entier, des États-Unis à la Russie, n’acceptera pas que l’Iran détienne l’arme atomique un jour. « En tant que président (des États-Unis) et commandant en chef (des forces armées américaines), je ferai ce qui est nécessaire pour empêcher l'Iran d'obtenir l'arme nucléaire. Mais, j'ai une grande responsabilité pour tenter de résoudre nos différends de façon pacifique, plutôt que de se précipiter vers le conflit. Aujourd'hui, nous avons une réelle opportunité de parvenir à un règlement pacifique et global, et je crois que nous devons le tester. » Et ce n'est pas pour rien que Barack Obama est prix Nobel de la paix. Rideau, jusqu'au prochain acte.

lundi 4 novembre 2013

Bilan d’Obama : les lacunes d’un directeur de recherche libanais d’un think tank français (Art.190)


C’est un ancien de l’ENA (Ecole Nationale d’Administration) et de Sciences Po (Institut d’Etudes Politiques de Paris). Il est spécialiste du Moyen-Orient. Il dirige un cabinet de conseil en stratégie, communication et affaires publiques. Il enseigne les relations internationales, la philosophie politique et le management. Il est également directeur de recherche à l’IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques), une association créée en 1991, qui est actuellement considérée comme le think tank le plus influent en France. C’est pour vous dire que lorsque Karim Émile Bitar dresse dans L’Orient-Le Jour d’aujourd’hui, le bilan temporaire du second mandat du président américain, Barack Obama, ça vaut la peine de s’y arrêter un bon moment.

A l’arrivée, on a une excellente analyse et un tableau globalement satisfaisant, sauf sur la Syrie. Cible ratée. « Il est incontestable que la crise syrienne restera comme une tache indélébile sur le bilan d’Obama... il a semblé froid, calculateur et insensible face à l’ampleur de la tragédie syrienne. En soi, l’hésitation n’est pas un défaut..., le problème est que le chef de la première puissance ne peut pas se permettre d’afficher ainsi aux yeux du monde son hésitation, d’autant plus que sa stratégie moyen-orientale manque de lisibilité. » Désolé, mais Karim Émile Bitar se trompe de diagnostic. Même le choix de cette photo d’Obama, pour accompagner l’article, et surtout, pour orienter le lecteur dans cette direction, ne pourra pas produire les effets escomptés. Hélas pour tous, la réalité est ailleurs.

Dans les grandes lignes du bilan de l’actuel président américain, pour se limiter à la Syrie, on peut parler de tout sauf de cette ridicule histoire d’hésitation. Depuis deux ans et demi, on nous rabâche les oreilles et les yeux, à longueur de journée et de colonne, avec l’hésitation d’Obama. Pour faire court, ce n’est pas parce que Obama n’a pas voulu produire un remake des exploits dantesques de W, George W. Bush, le cowboy de la maison blanche entre 2000 et 2008, que l’on peut dire « il a semblé froid, calculateur et insensible face à l’ampleur de la tragédie syrienne ». Ces propos généralistes sont inexacts, déplacés et inadaptés au contexte. Au fait, il est étonnement curieux de constater que l’hésitation d’Obama est un point brandit essentiellement par deux catégories de gens : les obamaphobes sans frontières et les interventionnistes en Syrie.

La stratégie de l’administration américaine depuis le 15 mars 2011 est claire comme l’eau de source. En voilà une preuve. Quelques mois après le début de la révolte syrienne, le président américain a déclaré texto : « Il appartient au peuple syrien de déterminer son avenir... Nous avons à maintes reprises déclaré que le président Assad devait soit mener une transition démocratique - ce qu'il n'a pas fait - soit s'écarter de la voie. Dans l'intérêt du peuple syrien, le temps est venu, pour le président Assad, de se retirer... Les États-Unis ne sauraient imposer cette transition à la Syrie. Il incombe aux Syriens de choisir leurs chefs et nous les avons entendus exprimer leur vif désir qu'il n'y ait aucune intervention étrangère dans leur mouvement... Le peuple syrien devra s'armer de patience pour obtenir la justice qu'il mérite. Il y aura encore des luttes et des sacrifices. » Tout était là, limpide, il n’y avait vraiment pas de quoi tirer des plans sur la comète. Et puis, indépendamment de la complexité du dossier syrien, mais enfin, quelqu’un qui s’est fait élire, entre autres, sur sa promesse de désengagement des États-Unis du bourbier irakien, n’allait quand même pas se lancer dans le bourbier syrien, surtout après les ratés libyens ! Impensable. Que Barack Obama ait raison ou pas dans ses choix est une chose, que cette politique soit hésitante et manque de lisibilité en est tout autre. Dans tous les cas, en politique comme dans toute analyse, il ne faut jamais prendre ses désirs pour des réalités.

Au passage, je voudrais rappeler un détail sur Barack Obama que peu de gens connaissent, mais qui permet pourtant de mieux comprendre les choix politiques du prix Nobel de la paix. Quand les néoconservateurs américains ont décidé d’envahir l’Irak pour des raisons idéologico-financières, appuyés plus tard même par les démocrates, Barack Obama fut parmi les rares personnalités américaines à prendre le risque de déclarer publiquement son opposition à cette intervention, et Dieu sait avec quelle simplicité on peut être accusé d’antipatriotisme aux USA quand l’Amérique entre en guerre. « Je ne suis pas opposé à toutes les guerres. Je suis opposé à une guerre stupide. Une guerre irréfléchie. Une guerre basée non pas sur la raison, mais sur la passion, non sur les principes, mais sur la politique. » Eh bien, ça résume le bonhomme. C’était en octobre 2002, bien avant de découvrir que Colin Powell, le Secrétaire d’État de W avait menti devant le Conseil de sécurité et que le président irakien Saddam Hussein ne cachait aucune arme de destruction massive, Obama n’était alors qu’un sénateur de l’État de l’Illinois.

A propos de l’Irak justement, une étude conduite par des chercheurs américains, canadiens et irakiens sur les pertes humaines, sans doute la plus précise à ce jour, et publiée à la mi-octobre dans la revue scientifique PLOS Medecine, estime que 500 000 Irakiens sont morts entre 2003 et 2011, durant la période d’occupation américaine de l’Irak, un tiers par les forces de la coalition internationale et un tiers par les milices irakiennes, un peu moins de deux tiers au cours de violences diverses (combats, bombardements, attentats...) et un peu plus du tiers des conséquences indirectes de la guerre (problèmes sanitaires, manque de nourriture, choc post-traumatique, criminalité...). Près de 4 500 soldats américains sont morts durant ce conflit et 33 000 ont été blessés. La troisième guerre du Golfe a coûté 4 000 milliards de dollars aux contribuables américains. Depuis le retrait américain de ce pays, les Irakiens meurent à un rythme pouvant atteindre 1 000 personnes par mois. C’est sans parler du fait que l’Irak post-W est entièrement sous l’emprise de la République islamique d’Iran. Bref, tout président américain qui ne tiendrait pas compte de la désastreuse expérience américaine en Irak, serait purement et simplement, un imbécile. « Cette étude fera réfléchir à deux fois (les États) sur les conséquences d'une invasion et fera prendre un peu plus conscience de son coût en vies humaines », conclut Amy Hagopian, experte en santé publique à l'université de Washington, qui a dirigé l’équipe de chercheurs.

Pour revenir au conflit syrien, il est inutile de chercher des boucs émissaires. Je l’ai montré dans le passé, je le dis et je le répète aujourd’hui. La brutalité et la sauvagerie du régime syrien ne sont plus à démontrer. Il n’empêche que la militarisation et la généralisation du conflit syrien par les rebelles furent une grave erreur tactique, pour les populations syriennes et libanaises. Ni Obama, ni la communauté internationale, n’y était pour quelque chose. La solution au conflit syrien et le remède « à la souffrance des Syriens » se trouvent à Genève et nulle part ailleurs, encore moins entre les mains de Barack Obama.

Enfin, je ne comprends pas comment on peut dresser le bilan d’Obama sans faire mention de l’engagement du processus de destruction de l’arsenal chimique syrien. Pas un seul mot. Le zapping total. C'est à peine croyable ! Et pourtant, grâce à la stratégie d’Obama, qui a d’une part, fixé dès l’été 2012 une ligne rouge au régime syrien en l’avertissant que toute utilisation d’armes chimiques dans la guerre civile entrainera de graves conséquences, et qui a d’autre part, menacé le tandem syro-russe de frappes aériennes après le massacre chimique de Damas à l’été 2013, Bachar el-Assad et Vladimir Poutine ont accepté sans aucune condition, étant donné la culpabilité du régime syrien dans cette tragédie abominable, l’idée lancée par John Kerry, le Secrétaire d’État américain, de détruire l’arsenal chimique syrien avant le mois de juin 2014. La semaine dernière, les inspecteurs de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), prix Nobel de la paix, ont placé hors d'état de nuire les armes chimiques syriennes déclarées, produites sous le règne de la tyrannie des Assad, père et fils. L'OIAC s’est dite « satisfaite d'avoir inspecté, et d'avoir vu détruits, tous les équipements déclarés essentiels à la production, à l’assemblage et au remplissage » des installations syriennes d’armes chimiques.

Il est fort regrettable de constater qu’un grand nombre de Libanais et d’Arabes ne mesurent toujours pas la portée de cet événement historique. La région du Moyen-Orient a la chance inespérée aujourd’hui de se débarrasser de 1 000 000 de litres d’armes de destruction massive. Pour bien mesurer la portée de cette issue favorable, il faut se rappeler que quelques litres ont suffi pour exterminer dans la nuit du 21 août 2013 plus de 1 500 Syriens, dont 400 enfants, en quelques minutes. Cet arsenal chimique pouvait servir non seulement contre la population syrienne de nouveau, mais il aurait pu échappé au régime syrien, volontairement ou pas, pour tomber entre les mains des milices extrémistes et des djihadistes de tout poil, en Syrie, en Palestine et au Liban, au Hezbollah, à Jabhat al-Nosra, à l’Etat Islamique d’Irak et du Levant, au Hamas et à al-Qaeda. Inutile de préciser que c’est un énorme souci en moins. Certes, la vie au Moyen-Orient n’est pas rose pour autant, la guerre civile syrienne se poursuivra avec les armes conventionnelles, mais Syriens et Libanais peuvent respirer un bon coup, le spectre d'une attaque chimique programmée par le régime syrien ou par tout autre groupe terroriste, voire d'une propagation accidentelle, s'éloigne progressivement et se retrouvera bientôt complètement écarté. Qu'on l'appelle comme on veut, il s’agit de tout sauf « d’une tache indélébile sur le bilan d’Obama ». On peut minimiser la portée de cet événement, mais pas l'ignorer. On était en mesure de s'attendre qu'un directeur de recherche d'un « Institut de Relations Internationales et Stratégiques » en parle quand même. Enno walao !