vendredi 23 juin 2017

Interview de Macron : un sans-faute sur l'Europe, une copie à revoir sur le Moyen-Orient (Art.443)


Pour la première fois en tant que président de la République et chef de la majorité parlementaire, fraichement obtenue, Emmanuel Macron a exposé la nouvelle politique étrangère de la France. C'était au cours d'une interview parue hier dans huit journaux européens, dont Le Figaro et The Guardian. Pour éviter la prose et la poésie qui n'ont pas leur place en politique, voici les extraits les plus marquants. Ils concernent l'Union européenne et le Moyen-Orient.

Crédit photo : Jean-Christophe Marmara / Le Figaro
D'après le site internet de l'Elysée

Macron : «  L’Europe n’est pas un supermarché »

Qui s'obstinait jusqu'à dimanche dernier, à croire qu'Emmanuel Macron était le fruit d'un bug démocratique, devrait se rendre à l'évidence qu'il s'est peut-être trompé et saisir cette nouvelle occasion pour changer d'avis. Je partage entièrement le constat du président de la République française sur l'Europe. J'en ai parlé à plusieurs reprises dans mes articles consacrés à l'élection présidentielle française. Remettre en cause l'Union européenne sous quelque forme que ce soit, était et le restera pour moi, une ligne rouge qu'il ne faut pas franchir sous aucun prétexte. Cette interview démontre clairement qu'Emmanuel Macron n'a pas gagné par hasard. Il a été élu et doté d'une majorité parlementaire parce qu'il a su parler aux Français en leur insufflant à la fois la mentalité optimiste et l'esprit conquérant, l'ouverture au monde et le sentiment de sécurité, la fermeté et la souplesse, la prestance et le dynamisme, comme en témoignent ses déclarations sur l'Union européenne. 

- « La question première... est d’abord de savoir comment défendre notre bien commun à tous, c’est-à-dire la liberté et la démocratie, la capacité des individus et de nos sociétés à être autonomes, à rester libres, à assurer la justice sociale et à préserver notre planète à travers le climat. Sans ces biens communs, il n’y a pas d’avenir souhaitable ni durable. Notre défi est de savoir comment nous allons gagner cette bataille dont l’Europe, j’en suis convaincu, porte la responsabilité. Pourquoi? Parce que la démocratie est née sur ce continent... L’Europe est le seul endroit au monde où les libertés individuelles, l’esprit de démocratie et la justice sociale se sont mariés à ce point. »

- « Il faut créer une Europe qui protège en se dotant d’une vraie politique de défense et de sécurité commune. Il faut être plus efficace face aux grandes migrations en réformant profondément le système de protection de nos frontières, la politique migratoire et le droit d’asile... Si nous voulons passer ensuite à l’étape suivante, il faut avoir une intégration plus forte au sein de la zone euro. D’où l’idée, que je défends avec vigueur, d’un budget de la zone euro, doté d’une gouvernance démocratique. »

- « L’Europe n’est pas un supermarché. L’Europe est un destin commun. Elle s’affaiblit quand elle accepte qu’on rejette ses principes... Je ne transigerai pas sur les principes de l’Europe, sur la solidarité et sur les valeurs démocratiques. »

- « Nous devons promouvoir une Europe qui aille vers un mieux-être économique et social. L’objectif d’une Europe qui protège doit aussi s’imposer dans le domaine économique et social. »

- « Je suis attaché à l’espace Schengen qui permet la libre circulation des personnes au sein de l’Union européenne, et qui est l'un des éléments constitutifs de notre citoyenneté européenne. Si nous voulons garantir cette libre circulation, il faut renforcer les contrôles aux frontières extérieures de l’Union européenne. »

- « Il y a ensuite la question des réfugiés... qui risquent leur vie dans leur pays, qui la risquent pour venir jusqu’à nous, qui fuient des pays en guerre. Nous leur devons hospitalité et humanité... L’objectif est que nous divisions ces délais moyens par deux (concernant l'instruction de la demande d'asile), en passant à six mois toutes procédures comprises. Il y a ensuite les migrants qui ne relèvent pas de l’asile, qui n’ont donc pas vocation à s’établir en France, et dont il faut régler la situation conformément à notre droit avec humanité, et dans le cadre d’une plus grande coopération internationale. Il faudra assurer l’effectivité de leur reconduite à la frontière... et lutter plus efficacement contre les filières mafieuses qui exploitent la détresse humaine ».

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Macron : « Personne ne m’a présenté son successeur légitime »

Autant sur l'Europe, Emmanuel Macron a fait un sans-faute, autant sur la Syrie, il a été loquace et moins bon. C'est peut-être lié d'ailleurs. A la question de savoir « si la ligne rouge de l’utilisation des armes chimiques est franchie en Syrie, la France est-elle prête à frapper seule? », le président français répond par l'affirmatif et s'explique. « Quand vous fixez des lignes rouges, si vous ne savez pas les faire respecter, vous décidez d’être faible. Ce n’est pas mon choix. » Un chouïa prétentieux. Tout le monde devine que c'est une double pique adressée à Barack Obama et François Hollande. Mais encore, « s’il est avéré que des armes chimiques sont utilisées sur le terrain et que nous savons en retracer la provenance, alors la France procédera à des frappes pour détruire les stocks d’armes chimiques identifiés. » Là, Macron fait un peu du Trump, ce qui n'est pas très flatteur. Deux mois après cette nuit inoubliable marquée par les 59 Tomahawks américains qui n'ont détruit qu'à moitié l'aéroport visé et ses hangars, rien n'a vraiment changé en Syrie. Jamais Bachar el-Assad n'a été aussi fort et aussi criminel. Silence, il tue. Il tue, en silence.

Emmanuel Macron se veut fort et déterminé, à l'inverse de ses prédécesseurs français et américain comme il l'a laissé entendre. « Qu’est-ce qui a bloqué les choses en 2013? Les Etats-Unis ont fixé des lignes rouges mais ont fait le choix in fine de ne pas intervenir. Qu’est-ce qui a affaibli la France? De définir politiquement une ligne rouge et de ne pas en tirer les conséquences. Et qu’est-ce qui a du coup libéré Vladimir Poutine sur d’autres théâtres d’opérations? Le fait d’avoir constaté qu’il avait face à lui des gens qui avaient des lignes rouges mais ne les faisaient pas respecter. » Ah ! non ! c'est un peu court jeune homme, comme disait Cyrano. Ce sont les menaces de Barack Obama et de François Hollande de lancer des frappes aériennes contre le régime syrien après le massacre d'al-Ghouta (commis par les troupes de Bachar el-Assad le 21 août 2013, avec du gaz sarin), qui ont poussé le dernier tyran de Damas et l'imposteur du Kremlin à accepter le démantèlement de l'arsenal chimique syrien sous l'égide de l'ONU. Celui-ci était évalué à l'époque à près de 1 300 000 kilos. A Ghouta, quelques dizaines de litres seulement étaient suffisants pour tuer 1 429 personnes, dont 426 enfants, en quelques minutes. On peut critiquer autant qu'on veut les présidents américain et français, mais on ne pourra pas, comme le fait une majorité de gens des deux côtés de la Méditerranée, zapper ce constat qui s'impose avec le recul : tout aventurisme en Syrie avant le démantèlement total de l'arsenal chimique de Bachar el-Assad, aurait conduit à la dissémination sûre et certaine des armes chimiques aux groupes jihadistes sunnites et aux milices chiites de la région. Rien qu'à imaginer les conséquences de cette éventualité pour le Moyen-Orient et l'Europe, ça fait vraiment froid dans le dos.

En tout cas, le président français a tenu à affirmer qu'il avait une « conviction profonde » sur la Syrie. « Il faut une feuille de route diplomatique et politique. » Il a raison, mais il le dit comme si on n'avait rien tenté depuis six ans. « On ne réglera pas la question uniquement avec un dispositif militaire. C’est l’erreur que nous avons collectivement commise. » En fait, Macron fait le malin, dans le sens « ils se sont tous trompés, mais ça ne sera pas mon cas », le recours au pronom personnel pluriel n'est que pour éviter qu'on lui rappelle, qu'à cette période, il était Secrétaire général adjoint du cabinet du président de la République française (2012-2014). Allons bon, personne, mais vraiment personne, en Occident tout au moins, n'a cru que la solution en Syrie relevait du domaine militaire uniquement.

Toujours est-il que si nous n'allons pas chipoter le président français pour les précédentes déclarations, il est difficile de passer sous silence la grosse bourde de l'interview« Le vrai aggiornamento que j’ai fait à ce sujet, c’est que je n’ai pas énoncé que la destitution de Bachar el-Assad était un préalable à tout. Car personne ne m’a présenté son successeur légitime! » La pique est cette fois pour mon voisin de palier sur Facebook, Laurent Fabius, l'ancien ministre français des Affaires étrangères. Bon, il faut tout de même reconnaitre que Macron a raison de mettre le doigt sur la plaie. 

Certes, l'inaction occidentale en Syrie entre 2011 et 2013 a eu des effets négatifs sur le cours des événements. Mais, il ne faut pas non plus inverser les rôles et les responsabilités. Les Syriens n'ont pas pu former, même à ce jour, une opposition forte, responsable, non-islamisée et unie, capable d'assurer la relève. C'est le coeur du problème syrien. L'ignorer encore et toujours, n'aidera pas les Syriens. Les erreurs des pays arabes et de la Turquie aussi ont nuit gravement à la révolte de la population syrienne contre le régime. Aujourd'hui même, toutes les frappes de la coalition internationale contre Daech en territoire syrien, sont menées par les pays occidentaux, les Etats-Unis assurant plus de 95% d'entre eux. Les Arabes et les Turcs se contentent de regarder ça à la télé et de palabrer sur le sujet.

Mais, Macron ne pourra pas aller très loin avec son aggiornamento. Il devrait plutôt dédaigner nous « mettre à jour », de quelle façon et comment sortira ce successeur légitime? Comme un lapin d'un chapeau ou comme un tyran des urnes? Enfin, ce n'est pas parce qu'on ne lui a pas présenté ce « successeur légitime », qu'il peut ignorer que Bachar el-Assadle principal responsable de la boucherie en Syrie, qui a fait plus de 460 000 morts, a autant de légitimité pour diriger le pays qu'Abou Bakr el-Baghdadi. En somme, aucune.

Toujours est-il qu'Emmanuel Macron tenta de se rattraper par la suite, en détaillant les grandes lignes de son action en Syrie.

- « Un: la lutte absolue contre tous les groupes terroristes. Ce sont eux, nos ennemis. C’est dans cette région qu’ont été fomentés des attentats terroristes et que se nourrit l’un des foyers du terrorisme islamiste. » Absolument. Et comment doit-on procéder mon général? « Nous avons besoin de la coopération de tous pour les éradiquer, en particulier de la Russie. » Certainement. Mais peut-être que les services de renseignement de l'armée française n'ont pas eu le temps de le mettre au courant, depuis l'intervention massive de Vladimir Poutine en Syrie, en septembre 2015, l'armée russe se concentre sur tous les groupes armés à l'exception de Daech, afin justement d'éradiquer tout « successeur légitime » potentiel du régime syrien.

- « Deux: la stabilité de la Syrie, car je ne veux pas d’un Etat failli. Avec moi, ce sera la fin d’une forme de néoconservatisme importée en France depuis dix ans. La démocratie ne se fait pas depuis l’extérieur à l’insu des peuples. La France n’a pas participé à la guerre en Irak et elle a eu raison. Et elle a eu tort de faire la guerre de cette manière en Libye. Quel fut le résultat de ces interventions? Des Etats faillis dans lesquels prospèrent les groupes terroristes. Je ne veux pas de cela en Syrie. » J'approuve complètement. Mais ce n'est pas bien de se contredire dans la même interview quand même. Parmi ces « biens communs » à toute l'humanité qu'il a évoqués, que nous devons « savoir comment défendre », il y a comme il l'a rappelé « la liberté et la démocratie ». C'est tout ce que les manifestants syriens réclamaient en cette matinée du 15 mars 2011. Désolé, mais ça ne venait pas de l'extérieur à l'insu du peuple syrien. Maintenant, si Macron veut régler ses comptes avec BHL & Co, il faut qu'il évite quand même de confondre les dossiers libyen et syrien.

- « Trois: j’ai deux lignes rouges, les armes chimiques et l’accès humanitaire. Je l’ai dit très clairement à Vladimir Poutine, je serai intraitable sur ces sujets. Et donc l’utilisation d’armes chimiques donnera lieu à des répliques, y compris de la France seule. La France sera d’ailleurs à cet égard parfaitement alignée avec les Etats-Unis. » Impeccable. Mais ce qui serait encore mieux sur le plan humanitaire, c'est de créer des zones frontalières sécurisées en territoire syrien, où la population syrienne pourrait se sentir en sécurité et qui permettront de soulager les pays limitrophes comme le Liban, du fardeau d'une présence massive de réfugiés et de déplacés syriens, un quart de sa population aujourd'hui, dont les conséquences sont de plus en plus lourdes sur le pays du Cèdre (à tous les niveaux, social, économique, écologique, sécuritaire, touristique, en matière de travail, de logement, d'infrastructures, etc.).

- « Quatre: je veux une stabilité syrienne à moyen terme. Cela veut dire un respect des minorités. Il faut trouver les voies et moyens d’une initiative diplomatique qui fasse respecter ces quatre grands principes. » Minorités de quoi? De bouddhistes, de végétariens ou de LGBT? Et s'il s'agit de « chrétiens » à tout hasard, il faut les désigner clairement, par respect justement. En tout cas, c'est bien de se soucier des minorités, mais il faut aussi se soucier du sort de cette majorité de « sunnites », qui représentent 70% de la population syrienne, écrasés depuis des décennies par un clan terroriste alaouite, issu justement d'une minorité qui ne représente que 10% de la population syrienne et qui n'a cessé de martyriser les populations syrienne et libanaise, ainsi que du destin de ceux qui se situent entre la majorité sunnite et la minorité chrétienne, les « chiites » arabes, laissés aux mirages de la Révolution islamique des mollahs et du wali el-fakih, Ali Khamenei.

En quelques mois, peut-être sous l'influence de ses jeunes conseillers en politique étrangère, Emmanuel Macron est passé de « je ne suis pas fasciné par Vladimir Poutine ; je ne prétends pas être l'ami de Vladimir Poutine ; je suis moins tendre avec les Russes » à « je respecte Vladimir Poutine ; j'ai eu avec lui un échange constructif ; nous avons de vrais désaccords, sur l’Ukraine en particulier ». Pas sur la Syrie, nous l'avons bien compris. C'est alors qu'un journaliste lui fait remarqué à juste titre à propos du locataire du Kremlin, « vous parlez d’un dialogue franc avec Vladimir Poutine, mais il ne bouge sur rien ». Mais ça n'a pas eu l'air de déstabiliser le président français qui a saisi l'occasion pour se lancer sur les motivations psychologiques de Poutine. « Je ne dis pas qu’il est miraculeux. Qu’est-ce qui motive Vladimir Poutine? C’est de restaurer un imaginaire russe puissant pour tenir son pays... Tel est son fil directeur, y compris en Syrie. » Si ceci est totalement vrai, la suite ne l'est pas, au moins en partie.

« Je ne crois pas qu’il ait une amitié indéfectible à l’égard de Bachar el-Assad. Il a deux obsessions: combattre le terrorisme et éviter l’Etat failli. » Et c'est tout ? Et quid du sauvetage du régime terroriste de Damas? Rien, pas un mot. Pire encore, « c’est pour cela que sur la Syrie des convergences apparaissent. Longtemps nous avons été bloqués sur la personne de Bachar el-Assad. » Ça alors ! « Mais Bachar, ce n’est pas notre ennemi, c’est l’ennemi du peuple syrien. » Sans tomber dans la dramatisation excessive qu'on en a fait en Orient, la formulation est le moins qu'on puisse dire, maladroite. Attention, comme on dit dans nos contrées, notamment à Damas, depuis le règne du premier calife omeyyade au 7e siècle, c'est finalement, cha3rit mou3awiya, un cheveux de Mouawiya qui retient encore Macron de basculer dans l'inacceptable sur la Syrie et sur Poutine. « L’objectif de Vladimir Poutine, c’est de restaurer la Grande Russie, parce que c’est selon lui la condition de survie de son pays. Est-ce qu’il cherche notre affaiblissement ou notre disparition? Je ne le crois pas. » Et dire que Donald Trump risque la destitution à cause d'une probable collusion de son équipe avec des services de hacking de Poutine, qui ont cherché à influencer l'élection présidentielle américaine, comme ils ont cherché plus tard à le faire avec sa propre élection justement, à travers les attaques informatiques contre les serveurs d'En Marche et le lancement de MacronLeaks à 48 heures du 2e tour. « Vladimir Poutine a sa lecture du monde. Il pense que la Syrie est une question de voisinage fondamental pour lui. Que peut-on faire? Réussir à travailler ensemble sur la Syrie pour lutter contre le terrorisme et déboucher sur une vraie sortie de crise. Je pense que c’est faisable. » Pourquoi pas, personne de raisonnable ne peut être contre cet état d'esprit.

Toutefois, Emmanuel Macron et ses conseillers à l'Elysée comme au Quai d'Orsay doivent comprendre trois points fondamentaux sur la Syrie, s'ils ne veulent pas pédaler dans le bourghoul de l'Orient compliqué.

. Primo, l'islamisation, la militarisation et la généralisation du conflit syrien furent une triple erreur fatale de la part des Syriens. J'étais parmi les opposants à Bachar el-Assad, l'un des premiers à les dénoncer, quand personne n'osait encore émettre la moindre critique à l'égard des rebelles syriennes et quand Macron était plus préoccupé par sa carrière que par la politique de la France au Moyen-Orient. Il faut le rappeler, mais cela ne changera rien au cours des événements.

. Secundo, on n'a pas attendu la providence qu'elle nous envoie le sauveur pour tenter de résoudre le problème en Syrie politiquement. On compte à ce jour pas moins de sept tentatives de résolutions au Conseil de sécurité de l'ONU, la plupart initiées par la France, et deux conférences de Genève sur la Syrie. Et où on est-on aujourd'hui? A 460 000 morts et la moitié de la population déplacée. Et pourquoi svp? A cause des vétos systématiques de Vladimir Poutine et de ses homologues chinois. Le président russe n'est peut-être pas « miraculeux », mais il est clairement nuisible.

. Tertio, qu'on le veuille ou pas et que ça plaise ou non, Daech a deux pères adoptifs, George W. Bush et Nouri el-Maliki (respectivement ancien président des Etats-Unis et ancien Premier ministre d'Irak), trois mères nourricières, Bachar el-Assad, Ali Khamenei et Vladimir Poutine (respectivement président de la Syrie, Guide suprême de l'Iran, président de la Russie), et de nombreuses tantes (le Qatar, l'Arabie saoudite et la Turquie). La responsabilité de Vladimir Poutine dans la guerre en Syrie et l'émergence de Daech est immenseSi on avait réussi à faire voter la première résolution de l'ONU sur la Syrie en octobre 2011, le Moyen-Orient et le monde entier ne seraient vraiment pas là aujourd'hui. L'Etat islamique d'Irak serait resté en Irak, Assad aurait lâché du leste, l'Etat islamique en Irak et au Levant ne serait pas né, l'international jihadisme ne se serait pas constitué, les attaques de Paris n'auraient pas eu lieu, l'Europe n'aurait pas des milliers de terroristes en formation en Syrie et la coalition internationale ne serait pas obligé d'effectuer 22 666 frappes en Irak et en Syrie pour tenter d'anéantir cette organisation terroriste.
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Parlons peu, parlons bien. Personne ne demande le sabotage de l'Etat syrien. Mais laisser entendre, comme l'a fait le président français, que c'est « Assad ou le chaos », voire « le régime ou les islamistes », c'est adopté le leitmotive et la propagande du tyran de Damas depuis plus de six ans. Non, il faut établir une autre équation. C'est plutôt ni Assad, ni le chaos, ni le régime, ni les islamistes.

Qui a la prétention de s'intéresser au dossier syrien doit bien comprendre, tout ce qui peut renforcer Bachar el-Assad, exacerbera les sentiments d'injustice dans les populations arabo-islamo-sunnites, nourrira l'extrémisme islamiste de par le monde aussi bien en Orient qu'en Occident, et finira en conséquence, par enraciner l'idéologie de Daech et consorts dans certains esprits musulmans en rupture sociale. Déjà que les cœurs sont pleins par le traitement de faveur réservé à Israël par la communauté internationale, à chaque fois que l'Etat hébreux est en guerre avec les pays arabes (comme au Liban en 2006 et à Gaza en 2014), et par la mollesse chronique des pays occidentaux pour mettre fin à l'interminable occupation de la Palestine, en dépit de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité et du droit international.

Personnellement, ce que que je reproche à Emmanuel Macron, ce n'est certainement pas ces phrases maladroites, mais de ne pas dire clairement, comme il l'a laissé entendre dans le passé, que la Syrie de demain doit être débarrassée à la fois de Daech et d'Assad. Pas besoin de préciser quand, mais il faut le préciser quand même. Il y va de l'intérêt de la France comme de ceux de la Syrie, du Moyen-Orient et de l'Europe. Ceci ne doit évidemment pas aboutir à la faillite de l'Etat syrien, comme l'a bien souligné le président français, ce qui oblige les Syriens à s'unir et à désislamiser leur révolution, pour présenter un « successeur légitime » à Bachar el-Assad capable d'avoir la confiance du monde entier. Emmanuel Macron a eu raison de parler de ce point, que ça plaise ou non à certains Orientaux passifs, qui attendent à ce que les autres viennent régler leurs problèmes à leur place. Comment y parvenir ? C'est là où ça se complique. Une chose est sûre et certaine, c'est Vladimir Poutine qui détient les clés du dossier syrien aujourd'hui. Et depuis le premier jour d'ailleurs.