lundi 20 février 2017

L'accueil officiel déplacé de Marine Le Pen au Liban ou l'erreur d'appréciation des dirigeants libanais (Art.416)


Photos de la page officielle de Marine Le Pen,
présidente du Front national (FN)
La présidente du Front national est arrivée au Liban. Nous prenons acte. Certains diraient que c'est normal. D'abord, parce qu'elle est candidate à la présidence de la République française. Ensuite, parce que dans ce pays on trouve beaucoup de binationaux, donc des électeurs potentiels concernés par le rendez-vous électoral du printemps. Enfin, ce n'est un secret pour personne, le Front national a de nombreux partisans au pays du Cèdre, porteurs ou pas de la nationalité française, des Chrétiens dans l'écrasante majorité des cas, ce qui ne signifie pas que la majorité des Chrétiens adhèrent aux thèses de ce parti d'extrême droite, loin de là, nuance ! En tout cas, oui c'est normal.

Le problème est évidemment ailleurs. A part manger du tabboulé, du hommos, des falafels, du kafta et du chawarma -et encore, allez savoir si la chef chauvine saura s'aventurer, déguster et apprécier nos délicieux mets nationaux !- il est prévu nous dit-on qu'elle rencontre beaucoup de personnalités libanaises. Dès son arrivée hier, elle s'est déjà rendue à Byblos où elle a été accueillie à bras ouverts par le maire de la ville, Ziad Hawat, et elle a diné avec Roger Eddé, un homme d'affaires qui a réussi l'exploit de privatiser une des plus belles plages de la Méditerranée orientale à deux pas de la forteresse croisée et du plus vieux site de la Phénicie antique, Eddé Sands (Paradis Beach à mon époque et il portait bien son nom). Il faut dire que le voyage est organisé par un intime de longue date des Le Pen, Elie Hatem, un avocat franco-libanais qui n'a pas eu beaucoup de mal à piéger, pardon, à convaincre ses interlocuteurs de rencontrer cette hôte controversée. Bon, étant donné le peu d'estime qu'une frange de Libanais, à commencer par votre humble écrivain, accordent à une grande partie des classes politique et entrepreneuriale libanaises, qui s'entraident et se complètent pour défigurer et dénaturer mon Liban, celui de Gibran Khalil Gibran, nous sommes nombreux à être tentés de nous en foutre royalement.

Le problème n'est donc pas là non plus, il est vraiment ailleurs. Durant sa visite électorale de deux jours, où peut-être elle récoltera des fonds pour sa campagne présidentielle, Marine Le Pen rencontrera Michel Aoun, président de la République libanaise et Saad Hariri, Premier ministre et chef du Courant du Futur, c'est officiel ; Gebrane Bassil, ministre des Affaires étrangères et chef du Courant patriotique libre, Béchara Raï, patriarche maronite d'Antioche et de tout l'Orient, Abdel Latif Deriane, mufti de la République libanaise, Ziad Chbib, gouverneur de Beyrouth, Samy Gemayel, président du parti des Kataeb et Samir Geagea, chef du parti des Forces libanaises, c'est officieux ; Nabih Berri, président de l'Assemblée nationale, ce n'est pas confirmé ; Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, sûrement pas ; pas Walid Joumblatt, chef du Parti socialiste progressiste, j'en suis sûr. Et là, ce n'est pas du tout normal.

Et aux dernières nouvelles...
Marine Le Pen est sans doute une figure importante de l'échiquier politique français. Si nous mettons de côté la spécificité de ce que le Front national envisage comme politique -dont certaines de ses propositions sont qualifiées par beaucoup de monde comme étant populistes, irréalistes, nationalistes, isolationnistes, xénophobes et islamophobes- il faut tout de même reconnaître une chose, au niveau des cercles du pouvoir en France, le parti de Marine Le Pen ne pèse pas grand-chose. On peut le regretter. On peut même vociférer contre tout ce qui bouge. Il n'empêche que les faits sont là : 1 député sur 577 élus et 2 sénateurs sur 348 élus, soit au total 3 élus pour 925 parlementaires. Eh oui, les chiffres sont là pour ramener tout le monde sur Terre et certains à leur poids réel.

Ainsi, avec 0,3 % d'élus à l'Assemblée nationale et au Sénat, le parti de Marine Le Pen n'a donc pas d'influence au niveau des pouvoirs décisionnels en France, sur le plan législatif et au niveau exécutif en conséquence. Or, ce sont les seuls domaines qui peuvent intéresser le Liban et les Libanais ! A quoi servirait tout ce beau monde de rencontrer la chef d'un parti dont l'influence sur les décisions internationales prises par la France est infinitésimale jusqu'à nouvel ordre, qui n'est pas prêt de changer ? A rien, Messieurs-Dames !

Notre hôte se sentira bien chez nous. J'en suis ravi. Elle sera comme chez elle d'ailleurs. Elle y retrouvera un procédé qui lui est familier, « l'héritage politique ». Eh oui, le Front national est un parti qui se transmet de père en fille, et c'est ainsi que ça se passe au Liban en général et dans la plupart des pays du tiers-monde en particulier. Tenez, comme par hasard Gebrane Bassil est le gendre de Michel Aoun, Saad Hariri est le fils de Rafic, Samy Gemayel est le fils d'Amine, Teymour Joumblatt est le fils de Walid, Michel Mouawad est le fils de Nayla qui est la femme de René, Nadim Gemayel est le fils de Solange qui est la femme de Bachir, Faysal Karamé est le fils d'Omar, et j'en passe et des meilleurs. Que ça soit clair, cela n'enlève rien au mérite des héritiers, mais avouons quand même, que ce n'est pas ainsi que fonctionnent les grandes démocraties dans ce monde.

Marine Le Pen se sentira même très bien au pays du Cèdre. Nous pouvons en être fiers. Personne ou presque, ne tiendra compte de ses magouilles financières et encore moins rigueur à la présidente du FN. Si on interroge les Libanais, tout le monde dira que c'est monnaie courante au Liban. Détourner plus de 336 000 € de fonds publics européens, embaucher une assistante parlementaire à Bruxelles et la faire travailler pour le parti dans la banlieue de Paris, embaucher son compagnon à mi-temps pour 5 000 €/mois, violer la réglementation du travail parlementaire, faire passer un garde du corps pour un assistant parlementaire, le payer près de 10 000 €/mois, refuser de rembourser l'argent public des contribuables européens détourné, nier les faits alors que depuis le 1er février 2017 les sommes indues sont ponctionnées par les services financiers de l'Union européenne sur ses salaires, ses frais généraux et ses indemnités, crier au complot de la justice, de la classe politique, de l'Europe, etc. Rien d'inhabituel en Orient. Eh bien, si c'est comme ça qu'elle compte gérer la France, ça promet ! Pire encore, messieurs Aoun, Hariri, Bassil, Raï et Geagea ont prévu de recevoir le leader d'un parti politique français contre qui une information judiciaire a été ouverte en France le 15 décembre 2016, pour « abus de confiance, recel d'abus de confiance, escroquerie en bande organisée, faux et usage de faux, et travail dissimulé ». C'est hallucinant quand on y pense. En tout cas, s'il y a encore des Français pour prendre les mirages du Front national pour des réalités, sommes-nous obligés au Liban de s'associer à ce délire et de donner à un personnage aussi contesté, la stature internationale qu'elle vient désespérément chercher ? Non, surement pas, encore moins en notre nom, au nom de tous les Libanais qui n'adhèrent pas à l'idéologie de l'extrême droite. Michel Aoun est le premier Président étranger en fonction qui serre la main de Marine Le Pen, Saad Hariri est le deuxième Premier ministre étranger en exercice qu'elle rencontre de sa vie (après l'Egyptien Ibrahim Mahlab). Chapeau Messieurs !

Il faut savoir par ailleurs que la soi-disant rigueur financière affichée par l'extrême droite, et qui sert d'appât avec les poissons d'électeurs, ne semble pas s'appliquer au Front national. Marine Le Pen est la troisième figure importante du FN dont les magouilles financières sont portées à la connaissance des Français récemment. Si on rajoute aux 336 000 € détournés par Marine Le Pen, les 320 000 € détournés par Jean-Marie Le Pen et les 270 000 € détournés par Bruno Gollnisch, alors sachez que L’Office européen de lutte antifraude (OLAF) réclame aux trois ténors du FN le remboursement d'un total de 926 000 € d'argent public européen détourné ! Elle n'est pas belle la probité du Front national, hein ? Non mais c'est quoi ces anti-Européens de pacotille qui profitent bien du système, prennent les contribuables d'Europe pour des vaches à lait, détournent l'argent public et viennent ensuite disserter en long, en large et surtout de travers, sur le vice et la vertu dans le monde politique ! En tout cas, vous comprenez maintenant pourquoi Marine Le Pen n'a pas trop osé ouvrir sa grande gueule dans le Penelope Gate ? Eh bien, parce que sa situation est bien pire que celle de François Fillon !

Dernier détail, si au niveau national, on n'a pas de connaissance sur des détournements de fonds publics par le FN dans le cadre de l'emploi d'assistants parlementaires, c'est surtout parce que le parti d'extrême droite n'a que 3 élus sur 925 parlementaires. Ce n'est pas du tout le cas du parti au Parlement européenne où le Front national dispose d'un groupe de 22 députés européens. Là bas, comme par hasard et d'après l'OLAF, il y a des soupçons sur l'emploi fictif d'une vingtaine d'assistants parlementaires les concernant.

Les vaillants responsables politiques et religieux libanais doivent donc prendre pleinement conscience à quel point l'accueil officiel réservé à cette figure de l'extrême droite française, qui a un poids politique négligeable à l'Assemblée nationale et au Sénat, qui est au fond plus contestée qu'elle ne leur semble populaire et dont les magouilles financières et les propositions politiques font honte à une majorité de Français qui n'adhèrent pas à ses thèses extrémistes, est perçu comme déplacé par la plupart des citoyens et des responsables politiques des pays occidentaux.

Une anecdote pour mesurer l'erreur d'appréciation des dirigeants libanais. La présidente du FN a effectué une visite de deux jours à New York, le 11 janvier dernier. L'entourage du nouveau président américain était prévenu par un des amis communs qui loge trois étages en-dessous du penthouse du locataire de la Maison Blanche. Elle se débrouilla pour manger du caviar russe, prendre son café et trainer à la Trump Tower. Elle espéra s'afficher triomphalement aux côtés du propriétaire des lieux, à huit jours de son entrée en fonction, faute d'avoir pu décrocher un rendez-vous officiel en bonne et due forme avec lui. Ne serait-ce qu'un selfie furtif sur Facebook, en vain. Et dire que même Donald Trump n'a pas dédaigné recevoir Marine Le Pen. A son retour bredouille de New York, elle dira à Paris Match : « S'il veut me rencontrer, qu'il m'appelle ». Ah mais il n'a cessé de t'appeler ma chérie, mais ça sonnait occupé ! Marine Le Pen est un peu comme le renard gascon de Jean de La Fontaine qui prétendit que les raisins au haut d'une treille n'étaient pas mûrs, parce qu'en réalité, il ne pouvait pas les atteindre. 



Des "Chrétiens persécutés" au Liban!
Le site américain d'extrême droite Breitbart,
qui était dirigé par Stephen Bannon,
nouveau conseiller stratégique de Donald Trump,
pris en flagrant délire. Il est prêt à tout pour
booster la campagne de Marine Le Pen,
la candidate française d'extrême droite
Au point où nous en sommes, il serait inutile de perdre plus de temps sur le fond et de nous perdre davantage dans les détails. Les extrémistes de tout poil et de par le monde, comme ceux de Daech, l'organisation terroriste « Etat islamique », et de Breitbart News, le site d'information qui était dirigé par le nouveau conseiller stratégique de Donald Trump, Stephen Bannon, ne manqueront pas de fabriquer des fakes news autour de cette visite déplacée. Ce dernier était le premier à le faire: « Marine Le Pen arrive au Liban, (elle) rencontrera les Chrétiens persécutés ». Peu importe sa politique à ce stade, les casseroles que Marine Le Pen traine derrière elle génèrent de nos jours un vacarme qui la rend totalement inaudible, pas du tout crédible et encore moins fréquentable. Et avant que je n'oublie, parmi le cru 2017 de propositions populistes et xénophobes, il y a l'engagement numéro 27 qui prône la suppression de la double nationalité extra-européenne. Yi, la2 wlo, mich ma3'2oul, attendez, minute, mais bordel, je crois que nous sommes concernés nous autres Libanais ! Eh bien, cette visite aura donc le mérite de mettre la lumière sur cette mesure emblématique du FN et faire réfléchir les « persécutés » des Franco-Libanais, tentés par le mirage du Front national. A bon entendeur, salut.


Programme de Marine Le Pen pour l'élection présidentielle 2017
Engagement n°27 : "Supprimer la double nationalité extra-européenne"

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Lara Saad Hariri chez le pape au Vatican vs. Marine Le Pen chez le mufti à Dar el-Fatwa au Liban (Art.417) Bakhos Baalbaki

jeudi 9 février 2017

Et si Donald Trump passait à « Israël Ban » après le « Muslim Ban » ! Jusqu'à quand peut-on tolérer que l'Etat hébreux défie la communauté internationale ? (Art.414)


1. ON NE PEUT RIEN CACHER A BIG BROTHER

George Orwell a entièrement raison, on ne peut rien cacher à Big Brother. Peu de temps après l'évocation de Jérusalem-Est dans l'un de mes articles consacré à la projection du film Lebanon Wins The World Cup dans la Ville sainte, Grand Frère me propose de visionner une vidéo au titre intriguant : « Welcome to the home of the Jewish people ». Méfiant, je vérifie la source : « Israël ». Je regarde de plus près et je découvre qu'il s'agit en fait de « la chaine officielle de l'Etat d'Israël sur YouTube ». Une convergence d'éléments qui me poussent à cliquer sur Play. Je peux vous assurer, je n'ai pas été déçu. 



2. « BIENVENUE DANS LA MAISON DU PEUPLE JUIF »

Welcome to the home of the Jewish people raconte les mésaventures d'un couple de confession juive, Jacob et Rachelcensé représenter le peuple juif au cours d'une longue histoire de 3 000 ans. Décor Ikea, scénario simpliste et comique puéril, enfin, sur le plan artistique, la vidéo ne casse pas trois pattes à un canard. Mais là n'est pas le problème. C'est l'arrière-plan historique et les messages politiques qui posent problème. Alors que Jacob et Rachel, donc le peuple juif, sont tranquillement installés dans ce qui est considéré comme leur maison, baptisée « Terre d'Israël », ils ne cesseront au cours des 3 000 dernières années, d'être importunés, persécutés et malmenés par des envahisseurs

Ça commence avec les Assyriens en l'an 722 avant JC. Ils occuperont le salon de Jacob & Rachel, obligeant le couple avec son enfant à prendre leur écriteau, ainsi que les grenades (fruit sacré dans la Bible) et la menorah (le chandelier à sept branches) et à se réfugier dans la chambre à coucher. A peine la famille est installée, d'autres Assyriens débarquent en 586 avant JC. Au nom de Nabuchodonosor, roi de Babylone, ils prennent possession de la maison, obligeant le couple à se réfugier dans la chambre d'enfant. Viendront après, les Grecs (332 avant JC), les Romains (63 avant JC), les Arabes (638), les Croisés (1099), les Mamelouks (1260), les Ottomans (1517) et les Britanniques (1917), obligeant le couple juif à se réfugier dans la salle de bain, les toilettes et même sous une tente dans le jardin. Enfin, en 1948, on sonne à la porte, et surprise, les derniers envahisseurs sont des Palestiniens, ils tentent eux aussi de s'installer dans la maison de Jacob et Rachel. 

3. LES MESAVENTURES DE JACOB & RACHEL : UNE NOUVELLE PROPAGANDE D'ISRAEL

Ce qui frappe dans cette vidéo agréable de prime abord, c'est le contraste sciemment créé par les concepteurs entre le couple juif et les envahisseurs non-juifs. 

D'une part, on a le contraste physique. Alors qu'ils sont censés représenter les juifs d'Orient, le couple a une peau blanche comme la neige. Rachel porte un gilet gris, un débardeur lavande, un jeans, des bijoux et un chignon. Jacob a le crâne et le visage bien rasés, et une chemise en blue-jean. Pour les envahisseurs, c'est tout une autre histoire. Ils sont tous typés, parfois barbus, ils portent tous des costumes traditionnels, grotesques ou folkloriques. Prenez par exemple la femme palestinienne, elle est voilée et tout en noir. L'homme palestinien porte la keffieh et l'agal sur la tête, ainsi que la masba7a islamiyé, le chapelet musulman, dans les mains. On n'aurait rien remarqué ni rien eu à redire si le court-métrage se cantonnait à faire de l'art et de l'humour. Mais l'approche politique change profondément la donne. Il n'est pas très difficile de noter et de relever le choix biaisé du diffuseur du clip, l'Etat d'Israël. Mais enfin, des Jacob d'antan devaient portaient la barbe, un complet pantalon-veste-manteau noir, une chemise blanche, des papillotes, un chapeau, un borsalino ou un schtreimel à la rabbi Jacob, un talit ou un châle de prière et même une kipa. Quant aux Rachel, elles devaient porter une robe plutôt qu'un pantalon, des tuniques couvrant la base du cou, les bras et les genoux, qui ne laissaient pas entrevoir la générosité de la poitrine et n'offraient pas de liberté au nombril, des bas qui tenaient bien sur les jambes, un sheitel de perruque pour cacher les cheveux, et j'en passe et des meilleurs. Enfin, tout ce qu'on retrouve de nos jours dans les différentes colonies des Territoires palestiniens occupés. Eh oui, qui veut caricaturer, s'abstient de faire les choses à moitié

D'autre part, on a le contraste comportemental. Jacob et Rachel forment un gentil couple, sympa, ravissant, pacifique, tout sourire, qui tente désespérément de vivre paisiblement et d'élever son bébé. Pas les envahisseurs, notamment les Assyriens et les Croisés, ignares, méchants, agressifs, sauvageons et sanguinaires. Même le couple palestinien de la fin, il a une mine de déterrés, il n'a pas l'air franchement sympathique. Dans ce clip, seul le couple juif l'est. Et là aussi, on n'aurait rien remarqué ni rien eu à redire si le court-métrage se cantonnait à faire de l'art et de l'humour, sauf que l'approche politique change profondément la donne. Qui suit l'Etat hébreux depuis sa création en 1948, ici représenté par Jacob et Rachel, ne peut qu'être affligé par l'ampleur de l'agressivité, la violence et la déshumanisation qu'il montre lors de ses affrontements avec son environnement arabe. Dans tous les conflits armés qui ont opposé Israël aux pays arabes, Palestine comprise, les pertes humaines et financières des Arabes étaient des dizaines et des centaines de fois supérieures à celles des Israéliens. Un fait et des chiffres pour l'illustrer. Durant la dernière guerre de Gaza au cours de l'été 2014 et selon le rapport de la Commission d'enquête du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, du côté de la Palestine, 2 251 Palestiniens ont été tués (1 462 civils, dont 551 enfants et 299 femmes), alors que du côté d'Israël, 73 Israéliens ont été tués (dont 6 civils). Avec 6 civils israéliens pour 1 462 civils palestiniens, soit un rapport de 1 mort israélien pour 244 morts palestiniens, Nabuchodonosor vous envoie de bons baisers de sa tombe de Babylone et vous souhaite la bienvenue en Terre sainte.

Vous l'avez compris, le film diffusé par le ministère des Affaires étrangères d'Israël déforme la réalité, contient des erreurs historiques et fait des raccourcis idéologiques. Il relève de la propagande. Il s'adresse aux jeunes israéliens et aux occidentaux de toutes nationalités et de tous âges, qui connaissent mal l'histoire du Moyen-Orient. Dans cette énième campagne, l'Etat hébreux veut faire passer un message, résumé par une réplique explicite de Jacob : « Nous vivons ici depuis près de 3 000 ans ». « Nous » désigne le peuple juif. Et pour mieux faire passer la couleuvre, ils l'ont enrobé d'un humour puéril. La mise en scène n'a qu'un but, illustré dans la dernière séquence du film : décréter que les Palestiniens n'ont aucun droit sur la Terre promise par Yahvé au peuple élu

4. « NOUS VIVONS ICI DEPUIS PRES DE 3 000 ANS »


Faire croire que les juifs ont toujours habité les rives orientales de la Méditerranée est non seulement faux mais grotesque. Lucy se retourne dans sa tombe ! Toute l'histoire de l'humanité est faite de migrations. Il faut donc commencer par préciser que les Juifs, comme les autres, n'y sont pas originaires. Certes, l'Ancien testament n'est pas parole d'Evangile. Et pourtant, il nous apprend énormément de choses. « Je suis le Dieu tout-puissant... ton nom sera Abraham... J'établis mon alliance, entre moi et toi et tes descendants après toi... Je te donnerai, à toi et à tes descendants après toi, le pays où tu séjournes comme étranger, tout le pays de Canaan, en possession perpétuelle » (Genèse 17). Si ce pacte est bidon, pourquoi le reste ne l'est pas aussi ? « Yahweh dit à Moïse... J'ai établi mon alliance avec eux (Abraham, Isaac et Jacob), pour leur donner le pays de Canaan, pays de leurs migrations, où ils étaient des émigrés » (Exode 6). S'ils y étaient déjà, il était nullement besoin de leur accorder un droit qu'il possédait. Elémentaire. Abraham, le patriarche des trois religions monothéistes, un descendant de Noé, serait originaire de la région d'Ur en Mésopotamie, située actuellement au sud de l'Irak. Le « Pays de Canaan », désigne une partie du Proche-Orient ancien. Il correspond grosso-modo à la Palestine, Israël, le Liban et une partie de la Jordanie et de la Syrie. 

De même, faire croire que l'installation du peuple juif sur les rives orientales de la Méditerranée s'est faite pacifiquement, est un énorme mensonge. En lisant l'Ancien testament de la Bible, on peut se faire une idée précise comment s'est déroulée la conquête militaire du Pays de Canaan par les Israélites. « Nous avons conquis toutes ces villes en ce temps-là, et voué chaque ville à l’anathème : hommes, femmes et enfants ; nous n’avons laissé aucun survivant » (d'après Moïse dans Dt 2:34). On dirait un génocide ! « Ils vouèrent à l’anathème tout ce qui se trouvait dans la ville, l’homme comme la femme, le jeune comme le vieillard, de même que le bœuf, le mouton et l’âne, les passant tous au fil de l’épée... on incendia la ville et tout ce qui s’y trouvait » (d'après Josué à Jéricho dans Jos 6:21-24). On dirait des crimes contre l'humanité ! « Josué battit tout le pays : la montagne, le Néguev, le Bas-Pays, les versants, ainsi que tous leurs rois. Il ne laissa pas un survivant. Il voua à l’anathème tout être vivant, comme l’avait ordonné le Seigneur, Dieu d’Israël » (Jos 10:40). On dirait des crimes de guerre ! Toujours est-il que le Royaume d'Israël n'a existé sous une forme unifiée et étendue (comparable à l'Israël d'aujourd'hui) que 90 ans au total (entre 1020 av. JC et 930 av. JC). Sous une forme désunie, le Royaume de Samarie (Nord) a survécu pendant 210 ans (930 av. JC - 720 av. JC) et le Royaume de Juda (Sud), 344 ans (930 av. JC - 586 av. JC). On est loin des 3 000 ans sur lesquels insistent Jacob dans le film de propagande israélien.

5. LA COLONISATION MASSIVE DE LA PALESTINE DE 1878 A 2017

Pour voir plus clair, il faut plonger dans la démographie de la région. Un recensement ottoman datant de 1878, montre que près de 472 000 personnes vivaient dans la contrée qui constituera plus tard la Palestine mandataire. A l'époque, il n'y avait que 15 000 personnes de confession juive qui était originaires de la région, soit 3% de la population !, et 5 000 à 10 000 personnes de confession juive nées ailleurs, soit 1 à 2%. Les Arabes constituaient 95% de la population de la Palestine avant l'élaboration du projet sioniste (86% était musulmane et 9% chrétienne), alors que les Juifs ne dépassaient pas la barre des 5%. Même la veille de la Première guerre mondiale, 92,5% de la population de la Palestine était encore arabe, seulement 7,5% était juive. Aujourd'hui, l'ancienne Palestine mandataire, incluant l'Etat de Palestine et l'Etat d'Israël, compte près de 12 millions d'habitants, 48% seraient Juifs, 47,5 % seraient Musulmans et 2,5% Chrétiens. Ainsi, en 130 ans, on peut dire que le pourcentage de Juifs de la contrée orientale de la Méditerranée est passée de 5 à 50%, celle des Arabes de 95% à 50% ! La création de l'Etat d'Israël n'a donc pas pu se concrétiser que grâce à une colonisation massive de la Palestine par des populations juives non originaires de la région. C'est là où on se rend compte à quel point la propagande israélienne de Jacob et Rachel est abjecte. 

6. LA RESOLUTION 2334 VOTEE PAR LE CONSEIL DE SECURITE DE L'ONU LE 23 DECEMBRE

Bien sûr, tout cela relève de l'histoire ancienne, sauf que rien n'a changé depuis. La situation empire au fil des années. Israël continue en toute impunité depuis le 14 mai 1948 une politique de colonisation abjecte de toutes les terres de la Palestine. Aujourd'hui, sur les Territoires palestiniens occupés, 430 000 colons israéliens vivent en Cisjordanie et 200 000 à Jérusalem-Est. La situation est si préoccupante de nos jours qu'elle hypothèque la création d'un Etat palestinien viable sur ce qui reste de la Palestine mandataire. Ceci a amené le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté le 23 décembre 2016, la résolution 2334. Dans cette résolution historique la communauté internationale réaffirme que « la création par Israël de colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n’a aucun fondement en droit ». Par conséquent, « le Conseil de sécurité ne reconnaîtra aucune modification aux frontières du 4 juin 1967, y compris ce qui concerne Jérusalem ». Celui-ci « exige de nouveau d’Israël qu’il arrête immédiatement et complètement toutes ses activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est », qui constituent non seulement « une violation flagrante du droit international », mais aussi « un obstacle majeur à la réalisation de la solution des deux États et à l’instauration d’une paix globale, juste et durable ». La portée du texte est considérable, non seulement parce qu'il a fait l'unanimité au sein du Conseil de sécurité (14 pays ont voté pour, 1 seule abstention), mais surtout parce qu'il a reçu la bénédiction tacite des Etats-Unis, principaux alliés d'Israël, qui n'ont pas opposé leur veto.

7. ISRAEL DEFIE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE DEUX JOURS SEULEMENT APRES L'ENTREE EN FONCTION DE DONALD TRUMP

La réponse d'Israël n'a pas tardé. Deux jours à peine après l'entrée en fonction de Donald Trump, la mairie israélienne de Jérusalem-Ouest a donné son feu vert pour la construction de 566 logements dans la partie palestinienne de la ville, à Jérusalem-Est. Le maire de la Ville sainte, Nir Barkat, s'est félicité de la fin de « huit années difficiles avec Obama ». Son adjoint, Meïr Turjeman, a fait savoir « nous n'avons plus les mains liées comme du temps de Barack Obama (…) Nous avons des plans pour la construction de 11 000 logements (à Jérusalem-Est) qui attendent des autorisations ». Il faut dire que beaucoup de gens pro-israéliens et pro-colonisation gravitent autour du nouveau président américain : Jared Kuschner (mari d'Ivanka Trump), haut conseiller à la Maison-Blanche, Jason Greenblatt (Juif orthodoxe), représentant pour les négociations internationales et le processus de paix au Proche-Orient, et David Friedman, nouvel ambassadeur des Etats-Unis en Israël. Dommage collatéral évident, les 400 000 réfugiés palestiniens au Liban, seront tôt ou tard, implantés au Liban. Et dire que la page « Friends of Donald J. Trump in Lebanon » ressemble déjà 43 500 fans ! 

Et ce n'est pas tout. Deux semaines plus tard, l'Etat hébreux fait voter une loi de régularisation des colonies sauvages qui décrètent que les propriétaires palestiniens de Cisjordanie qui ont été dépouillés de leurs biens par des colons israéliens comme « expropriés d'office ». Ainsi, une cinquantaine de petites « colonies » créées sans autorisation officielle dans le passé, bien que financées par des fonds publics et protégées par l'armée israélienne, qu'on appelle les « avant-postes », sont désormais légalisées. Pire encore, dorénavant, il suffit à n'importe quel colon israélien d'occuper illégalement un terrain qu'il convoite en Cisjordanie, pour que celui-ci lui soit attribuer par l'Etat d'Israël, qui est pourtant considéré comme une « Puissance occupante » par l'ONU. Même si la loi prévoit que le propriétaire palestinien spolié recevra une compensation financière ou foncière, il est difficile de rester indifférent à une législation aussi ignoble

Israël a opté une nouvelle fois pour la politique de l'autruche et la fuite en avant, encouragé par l'arrivée à la Maison Blanche d'une administration pro-israélienne, favorable à la colonisation de ce qui reste de la Palestine. Manifestement, il est déterminé à devenir un pays hors-la-loi. Il doit donc être traité comme tel. Par conséquent, le Conseil de sécurité ne peut plus continuer à voter des résolutions pour les envoyer aussitôt aux archives. Il doit prendre des sanctions contraignantes contre l'Etat hébreux. Si ce pays méprise autant les droits des Palestiniens et défie à ce point la communauté internationale, c'est parce qu'il n'a jamais été contraint de se plier aux résolutions de l'ONU, comme l'Iran ou l'Afrique du Sud. La résolution 2334 est la 11e résolution sur la question, depuis 1967, c'est pour dire. Par ailleurs, Donald Trump ferait mieux de remplacer le « Muslim Ban » par un « Israël Ban », seul espoir de faire avancer un processus de paix bloqué depuis belle lurette, l'Union européenne doit reprendre l'initiative au Moyen-Orient par une mesure forte et symbolique, en reconnaissant l'Etat de Palestine, afin de rendre justice à un peuple spolié de ses terres et de ses droits depuis trop longtemps, et enfin, les candidats à l'élection présidentielle en France devraient faire une pause sur Penelope Fillon et se prononcer sur ce grand dossier international qui ne cesse d'influencer les événements dans le monde depuis la Déclaration de Balfour, il y a 100 ans exactement.

vendredi 3 février 2017

La descente aux enfers de François Fillon peut-elle entrainer celle de la droite en France ? (Art.413)


C'est un secret de Polichinelle. De magouille en fuite, de révélation en gaffe et d'erreur en scandale, l'aventure présidentielle de François Fillon risque de prendre fin rapidement. A ce stade, il va falloir détourner les eaux bénites de Notre-Dame de Lourdes, de Fatima et de Medugorje, pour espérer desceller le destin du candidat de la primaire de la droite en France.

Qui a suivi le feuilleton Fillon de près ne peut qu'être frappé par l'amateurisme qui caractérise la gestion de cette crise politique, alors que les faits sont accablants. Le 25 janvier puis le 1er février, Le Canard Enchainé, le célèbre hebdomadaire satirique français, révèle que la femme de François Fillon et ses enfants, ont perçu près de 1 015 000 € de salaires au cours des dernières années. Penelope Fillon aurait travaillé comme « assistante parlementaire » pour son mari, député et sénateur de la Sarthe, puis pour son suppléant, à la demande de François Fillon, ainsi que pour un ami de l'ancien Premier ministre, propriétaire d'une revue littéraire, en tant que conseillère stratégique et rédactrice, et tout cela sur quatre périodes, 1988-1990, 1998-2002, 2005-2007 et 2012-2013. Rien d'illégal, seulement voilà, beaucoup d'éléments révélés laissent penser que les emplois de Penelope Fillon étaient fictifs, à plein temps ou à temps partiel. Certes, dans ces conditions difficiles, la marge de manœuvre était étroite. Mais, justement, c'était une raison de plus pour éviter cette désinvolture inouïe dans l'approche du Penelope Gate.

. D'abord, de la part de François Fillon lui-même, qui s'est comporté comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Morceaux choisis.
. « Je vois que la séquence des boules puantes est ouverte. Je ne ferai pas de commentaire parce qu'il n'y a rien à commenter. Et je voudrai simplement dire que je suis scandalisé par le mépris et par la misogynie de cet article », c'était la première réaction de François Fillon sur les révélations du Canard Enchainé sur les emplois présumés fictifs de sa femme. C'est c'là oui, il y a du mépris pour les femmes dans l'article du Canard ! Allons-y pour la fuite en avant.
. Passé le choc de l'émotion, le candidat de la droite tentera par la suite de balayer les soupçons en affirmant, « Ma femme travaille pour moi depuis toujours, depuis 1981, depuis ma première élection ». Nous ne demandons qu'à le croire. Le problème c'est que Penelope n'a cessé d'affirmer le contraire, au Sunday Telegraph en 2007, « Je n'ai jamais été son assistante, ou quoi que ce soit de ce genre-là (…) Je ne me suis pas occupée de sa communication non plus », comme au Bien Public en 2016, « Jusqu'à présent, je ne m'étais jamais impliquée dans la vie politique de mon mari ». D'ailleurs, comme l'a révélé Le Parisien, Penelope Fillon n'a jamais eu de badge et une adresse email à l'Assemblée nationale. Elle ne disposerait d'aucun email de travail de l'époque non plus.
. Prenant les devants, Fillon croit même bien faire en révélant le lendemain qu'il a déjà employé ses enfants « qui étaient avocats, en raison de leurs compétences », entre 2005 et 2007, pour des missions précises rémunérées à hauteur de 84 000 €, soit une moyenne de 4 441 €/mois pour l'un et 3 800 €/mois pour l'autre. En somme, pour Fillon l'affaire est banale. Le problème c'est qu'à l'époque les enfants n'étaient pas avocats, rien ne prouvait leur compétence et qu'ils étaient payés largement au-dessus de la moyenne nationale pour ce type d'activité. Pire encore, François Fillon reconnaitra qu'à l'époque son fils avait travaillé sur la rédaction du programme présidentiel de Nicolas Sarkozy et que sa fille l'avait aidé à rédiger un livre, deux activités incompatibles avec le statut d'assistant parlementaire et par conséquent.
. Bizarrement, il n'en dit pas un mot à propos des soupçons d'emploi fictif concernant la contribution discrète de sa femme à la Revue des deux mondes entre 2012 et 2013, deux articles en tout et pour tout, alors que sa rémunération était exorbitante, 100 000 €, et qu'il s'est avéré que le propriétaire de la revue littéraire, l'homme d'affaires Marc Ladreit de Lacharrière, est comme par hasard un ami milliardaire qui a reçu la Légion d'honneur alors que François Fillon était Premier ministre. 
. Dans ce cafouillage, il arguera aussi, « nous n'avons rien à cacher, notre seul compte en banque est au Crédit agricole de Sablé-sur-Sarthe ». Le hic c'est que l'Assemblée nationale en exige deux.
. Aux dernières nouvelles, il prétend que « Ce n'est pas la justice que l'on cherche, mais à me casser et à casser la droite ». Et il ne reste plus aux enquêteurs qu'à passer l'éponge et à effacer l'ardoise. 
. Et pour terminer le délire en apothéose, Fillon tente désormais de convaincre ses fidèles qu'il s'agit d'un « coup d'Etat institutionnel ». Non Sir François, le vote de novembre n'était qu'une primaire, l'élection présidentielle n'a pas encore eu lieu et elle est loin d'être gagnée, il est donc vraiment abusif de parler de coup d'Etat, surtout que les faits laissent peu de place au doute.

. Ensuite, de la part de l'équipe chargée d'assurer sa com'
On y retrouve beaucoup de monde. La com' tentera dans un premier temps des tours incroyables de prestidigitation. Penelope Fillon était tantôt la femme de l'ombre, tantôt la collaboratrice de premier plan. Elle était présentée comme une parisienne, et c'est pourquoi on ne la voyait pas trop dans la Sarthe, mais aussi comme une Sarthoise, d'où son absence au Palais Bourbon. Plus tard, une stratégie se met en place. Hélas, elle était le moins qu'on puisse dire, inconsistante.

Parmi les chargés de com', il y avait d'abord Thierry Solère, porte-parole de la campagne de François Fillon. « De quoi parle-t-on ? Est-ce qu'on a le droit en France de travailler avec ses enfants, avec son conjoint ? (...) Il y a suffisamment de sujets graves pour relayer des polémiques quand il n'y en a pas ». Circulez il n'y a rien à voir. Il y avait aussi Valérie Pécresse, présidente du parti Les Républicains de la région Ile-de-France. « Non, je ne savais pas (que Penelope Fillon était attachée parlementaire) ». Ah la bourde ! Mais, elle se reprend très vite. « Le sujet d'aujourd'hui c'est celui du redressement de la France. C'est un sujet majeur pour des millions de Français ». Mais oui, sauf que cela ne les empêche pas aussi de s'intéresser aux soupçons d'emplois fictifs de celui qui réclame leur confiance. Il y avait également Gérard Larcher, le président du Sénat, troisième personnage de l'Etat français. Lui, il était original. Il avancera la parité chez les assistants parlementaires comme argument bidon. « Ça doit être un des rares cas où les femmes sont mieux traitées que les hommes ». Il fallait y penser.

Ne soyez pas étonnés par tout cela, il faut dire que du côté d'Anne Méaux, une vraie experte en com' et en matière de crise, on n'a même pas pu imaginer la moitié d'un quart de seconde qu'une « standing ovation » aux cris de « Penelope, Penelope, Penelope », avec un bouquet de fleurs et même l'affirmation du principal concerné « si on veut m'attaquer, qu'on m'attaque droit dans les yeux, mais qu'on laisse ma femme en dehors de ce débat politique », dans un meeting politique rassemblant 13 500 personnes alors que les accusations contre le candidat à la présidence de la République sont graves, pouvaient être si grotesques.

Il faut dire que l'équipe de com' doit non seulement gérer la communication de Fillon mais aussi celle de l'avocat de Fillon, Antonin Levy, fils de BHL. Et ça n'a pas l'air de marcher, là non plus ! Alors que l'émission Envoyé spécial diffusée sur France 2 hier a retrouvé une interview accordée par Penelope Fillon au Sunday Telegraph où elle déclarait « Je n'ai jamais été son assistante, ou quoi que ce soit de ce genre-là (…) Je ne me suis pas occupée de sa communication non plus », le fils du philosophe n'a rien trouvé de mieux pour défendre ses clients que de déclarer que « c'est ridicule de faire une émission sur une phrase maladroite ». Elle fait absolument mal-à-droite.

. Enfin, de la part de toute sa famille politique, la droite française. Le 2 février, 250 parlementaires et présidents de région des Républicains, dont Gérard Larcher (président du Sénat), Bernard Accoyer (Secrétaire générale des Républicains), Nathalie Kosciusko-Morizet, Bruno Le Maire et Jean-François Copé (anciens candidats), mais aussi Jean-Pierre Raffarin, Brice Hortefeux, François Baroin, Laurent Wauquiez, Eric Ciotti, et même Serge Dassault et David Douillet, ont tenu à apporter un « soutien total » à François Fillon. Disons qu'il n'y a rien d'inhabituel ni dans la logique de la démarche des ténors de la droite, ni lorsque ces derniers prétendent que « Tous les coups sont permis: on jette aux loups un homme, sa femme, ses enfants, ses collaborateurs, sans attendre leurs arguments ni entendre leur défense ». Mettons tout cela sur l'ardoise du désespoir. Quand on lit et relit ce texte court, on comprend que le problème réside à la fois dans l'aveuglement de cette famille politique et dans le mépris de ces élus de droite pour la presse, les journalistes, et surtout les électeurs : « Tous les jours sont déversées sur la place publique rumeurs, approximations, calomnies ». Ainsi, informer le public sur des soupçons de détournement d'argent public par un candidat à la présidence de la République, serait de la calomnie. Il faut avoir du culot pour écrire ça ! Et dans le culot, les signataires sont allés même beaucoup plus loin.

« La manœuvre est grossière : empêcher par tous les moyens l’alternance que veulent les Français» Et quid des soupçons de détournement de fonds publics de leur candidat ? « Dans cette affaire, un pays joue son avenir. » Ah bon ! Et quid des emplois fictifs de sa femme et de ses enfants ? « Dans cette affaire, un homme joue son honneur. C’est beaucoup. Mais, dans cette affaire, un pays joue son avenir. » Rien que ça ! Et quid de la probité de celui qui demande aux électeurs français de lui confier l'avenir de leur pays ? « Cette tentative de mise à mort vise à installer un face à face mortel : celui entre la gauche et le Front national, entre l'imposture et l'aventure ». Mais n'y a-t-il pas dans ce délire paranoïaque hors-sujet une tentative désespérée d'enterrer les soupçons des emplois fictifs de Penelope Fillon ? Et comme à l'accoutumée, le meilleur est pour la fin. « Que les comploteurs et les manipulateurs en soient avertis : jamais nous ne laisserons prendre en otage ni la démocratie ni le destin de notre pays ». Du grand n'importe quoi. Dire que ces signataires tentent désespérément de réduire Penelope Gate à une méprisable théorie du complot, alors que les déclarations contradictoires de la principale concernée renforcent les soupçons sur ses emplois fictifs : « Je n'ai jamais été son assistante, ou quoi que ce soit de ce genre-là » (interview accordée au Sunday Telegraph en 2007, diffusée par France 2 le 2 février) et 
« Jamais je n’ai officialisé ma qualité d’assistante parlementaire de Marc Joulaud (suppléant de François Fillon), pas plus que quand je faisais le même travail pour mon mari » (déclaration aux policiers, Le Monde du 6 février). 

Cette tribune était au mieux une erreur de com' grave, au pire le coup de grâce pour François Fillon. Une grande partie de la famille politique de droite se comporte comme un fabricant qui non seulement tarde à rappeler un « produit défaillant » et s'enfonce dans le déni, mais s'obstine à vanter ses qualités et s'offre le luxe de se foutre de la gueule de ses clients
. On croit rêver !

On peut s'étonner que cette affaire ait pris une telle ampleur. Mais c'était prévisible. Ceci s'explique par trois raisons capitales.


. Primo, parce que François Fillon n'a cessé de se présenter comme l'homme providentiel, monsieur probe. « Il ne sert à rien de parler d'autorité quand on n'est pas soi-même irréprochable. Qui imagine un seul instant le général de Gaulle mis en examen ? » (août 2016). En effet, tout le monde tombe des nues aujourd'hui, n'est pas de Gaulle qui veut.

. Secundo, parce qu'il y a un timing et un positionnement dans le Penelope Gate qui laissent perplexe. Penelope Fillon ne cesse ses activités lucratives « d'assistante parlementaire » que vers la fin de 2013, comme par hasard, quelques semaines avant l'entrée en vigueur de la loi sur la transparence de la vie publique adoptée par le duo Hollande-Valls. Il faut savoir que cette loi oblige tous les responsables politiques de premier plan (ministres, parlementaires, sénateurs, conseillers régionaux, etc.) à rendre leur déclarations d'activités publique et à déposer leur déclaration de patrimoine à la préfecture. Pire encore, François Fillon a voté contre l'adoption de ce texte par le Parlement, comme la majorité des députés de l'UMP. Il se disait « scandalisé » que le gouvernement parle de loi de moralisation de la vie politique. « Comme si la vie politique était immorale. Moi, je n’ai rien à cacher. Je ne voterai pas ce texte parce qu’il n’a aucun intérêt. » Apparemment, il en avait au moins un, celui de mettre fin aux activités douteuses de Penelope Fillon.


Tertio, parce que ce qui est reproché à François Fillon, touche chaque Français qui travaille dur pour gagner sa vie. Il faut peut-être rappeler à ceux qui minimisent ce scandale, en France comme au Liban où François Fillon devait se rendre encore une fois auprès de ses admirateurs (visite annulée à cause du scandale), que Penelope Gate concerne au final le détournement de près d'un million d'euros, dont 90% d'argent public. Pour un salarié français gagnant près de 2 000 €/mois brut (1,35 fois le SMIC), cette somme représente une vie entière de travail, soit 42 ans de dur labeur, pour obtenir une retraite à taux plein. Si pour certains Français et Libanais l'argent tombe du ciel, pour l'écrasante majorité d'entre eux il est gagné à la sueur de leur front. Et ce qui choque davantage les Français et les fait douter de la sincérité de François Fillon, c'est aussi la rémunération mensuelle très généreuse de l'intéressée. Certes, la loi prévoit une enveloppe de près de 9 500 €/mois par député afin de rémunérer plusieurs assistants parlementaires. Sauf qu'en pratique la fourchette de salaire va de 2 000 à 3 000 €/mois par collaborateur, avec un salaire moyen brut de 2 650 €/mois. Alors, comment se fait-il que Penelope Fillon ait été rémunérée pour son travail discret à hauteur de 4 600 €/mois (2002), 5 050 €/mois (2012), 6 900 €/mois (2005), 7 900 €/mois (2006) et même 10 100 €/mois (2007), soit beaucoup plus que le député qu'elle était censée assister, qui a actuellement un salaire de base de 7 100 €/mois ? Mystère et boule de gomme. Enfin, chacun a sa petite idée aujourd'hui.

L'ampleur du scandale s'explique aussi par deux autres raisons essentielles


. D'un côté, parce qu'il s'agit de la magistrature suprême, la présidence de la République française. Fillon se serait contenté de rester député de Paris ou de revenir dans la Sarthe, François et Penelope auraient continué à couler des jours heureux dans leur manoir.

. D'un autre côté, parce que le candidat de la droite et du centre défend un projet politique qui demande beaucoup de sacrifices financiers aux Français : hausse de la TVA, baisse des indemnisations chômage, facilitation des modalités de licenciement, hausse de l'âge de départ à la retraite de 62 à 65 ans, suppression de 500 000 postes de fonctionnaires, suppression des 35 heures, baisse de la couverture de l'assurance maladie, suppression de l'encadrement des loyers à Paris, suppression du principe de précaution, etc.


« Avoir une haute idée de la politique signifie que ceux qui briguent la confiance des Français doivent en être digne. Ceux qui ne respectent pas les lois de la République ne devraient pas pouvoir se présenter devant les électeurs ». C'est François Fillon svp, mais c'était en août 2016. Le parquet national financier a ouvert une enquête concernant Penelope Gate pour « détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel ». Tôt ou tard, l’Office central de lutte contre les infractions financières et fiscales donnera donc son verdict.

Toutefois, vu tout ce qui précède, il faut être profondément aveugle, comme les ténors de la droite dans Le Figaro, ou avoir des tendances suicidaires, comme les journalistes de droite de Valeurs Actuelles, l'un n'empêchant pas l'autre, pour considérer Penelope Gate comme « L'honneur d'un homme et l'avenir de la France » et présenter ce scandale comme une « épreuve du feu », une « mise à mort » et faire croire qu'il y a des « officines » derrière cette affaire, ET ne pas voir deux évidences. D'une part, à quel point ce scandale touche les Français, et d'autre part, que la descente aux enfers de François Fillon peut entrainer celle de la droite aux prochaines élections présidentielles et même législatives. Le problème de tout ce beau monde qui s'est engagé corps et âme dans la bataille pour sauver le soldat Fillon, c'est qu'il a oublié une équation simple : plus on tarde à rappeler le produit défaillant, François Fillon en l'occurrence, plus on prend le risque de ternir l'image de la marque, la droite française précisément. Même si l'affaire est classée sans suite demain à l'aube après une nuit sans lune, le candidat actuel des Républicains n'est plus crédible. Désormais, il est inaudible pour une grande partie des Français.

Les choses étant ce qu'elles sont, toute la question pour la droite aujourd'hui étant de savoir quand remplacer François Fillon, par qui le remplacer, ne pas perdre la face et surtout, continuer la bataille électorale sans y laisser des plumes.

La droite se trouve face à trois choix politiques.

1. Poursuivre la bataille présidentielle avec un soutien de la première heure de François Fillon, Gérard Larcher. Dans cette option, on privilégiera la continuité idéologique, dans le but de garder le même programme politique ultra-libéral et conservateur pour lequel l'ex-Premier ministre a été élu par une frange des électeurs de droite, au poids politique faible de l'actuel président du Sénat.

2. Passer le flambeau à celui qui est arrivé second à la primaire, Alain Juppé. Dans cette option, on fera exactement l'inverse de la première. On privilégiera la personnalité du candidat, un poids lourd. Pour ce faire, on sera amené à ajuster le programme politique austère de la droite et à adopter celui de l'ancien candidat. Détail intéressant, qui pourrait jouer en sa faveur, le nom d'Alain Juppé ne figure pas parmi les 250 signataires de la tribune des Républicains publiée dans Le Figaro pour apporter un soutien total et aveugle à François Fillon. 

3. Ouvrir la porte sur l'aventure où un conseil national décidera d'engager la bataille derrière des personnalités qui ne feront ni le poids ni l'unanimité comme Nicolas Sarkozy, Nathalie Kosciusko-Morizet, Bruno Le Maire, François Baroin, etc.

Reste l'option de la politique de l'autruche au résultat prévisible. Faire comme si de rien n'était et continuer la course avec le « tocard Fillon », au sens « cheval qui semble n'avoir aucune chance de gagner » et non « personne sans capacités ni compétence », nuance. Comme l'a si bien dit Edward Snowden, « Le favori de la présidentielle française fait face à une enquête de corruption. Il semble que sa comptabilité soit moins conservatrice que sa politique ».

Une dernière chose quand même sur le problème de fond de Penelope Gate que personne, ni de droite ni de gauche, n'a abordé, alors que nous sommes en pleine période électorale et de propositions politiques, et qu'il s'agit après tout d'argent public : en finir avec l'embauche de membres de la famille par des élus de la République, comme c'est le cas en Allemagne, qui interdit même les arrangements croisés, du genre « j'embauche ta femme, tu embauches la mienne? ». Si la droite était exclusivement occupée à défendre son poulain et le système, comme on l'a vu précédemment, la gauche a brillé par ses réflexions insipides sur cette affaire. Benoit Hamon, le champion de la primaire et candidat du Parti socialiste, s'est limité à « Les affaires de François Fillon, je les laisse à François Fillon » et Jean-Luc Mélenchon, qui se considère au-dessus des partis et candidat du mouvement La France insoumise, s'est contenté de « Les gens sont indignés ». Deux autres candidats étaient aux abonnés absents ces derniers jours. Et pourtant, les sondages les placent au 2e tour de l'élection présidentielle. Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Le premier croit peaufiner sa stature présidentielle en évitant certaines questions qui fâchent et la seconde essaie de se faire oublier et faire oublier qu'elle est également empêtrée dans une affaire d'emplois fictifs, avec le Parlement européen. Mais chez cette grande figure de l'extrême droite française et européenne, ce ne sont pas des soupçons dont il s'agit mais des certitudes concernant une veille amie et ex-belle soeur de la présidente du Front National. En tout cas, depuis le 1er février 2017, l'Union européenne se fait rembourser près de 300 000 €, en ponctionnant les sommes indues du salaire et des indemnités de la candidate à l'élection présidentielle. Il faut dire que la grande famille des Le Pen est passée maitre des emplois fictifsL’Office européen de lutte antifraude réclame 320 000 € à Jean-Marie Le Pen et 270 000 € à Bruno Gollnisch, soit au total 890 000 € pour les trois ténors du FN. Non mais c'est quoi ces anti-Européens qui profitent bien du système, prennent l'Europe pour une vache à lait, détournent l'argent public et viennent ensuite disserter en long, en large et surtout de travers, sur le vice et la vertu dans le monde politique !