C’est
ce qu’on appelle un « marronnier »
dans la presse. Tout le monde s’y met. Chaque année, à la même saison, à la
même période, on nous gave jusqu’à la nausée avec ces sujets redondants, qui
vont de l’incontournable « comment
maigrir en trois nuits top chrono », le sujet d’avant-plage qui nait quand
on se retrouve en petite tenue devant les miroirs du printemps et qu’on pense aux
beaux jours estivaux, aux « erreurs fatales
à éviter avec une femme » et « tout ce qu'il ne faut pas faire avec un homme », les sujets de l’été, interdits aux cardiaques et aux migraineuses,
qu’on retrouve en prévision des speed
datings en tenue légère à la plage, ainsi qu’aux sujets d’après-plage, les « comment rendre votre
jules fou au lit » et « comment faire grimper votre nana au rideau » qui poussent comme des champignons à l’automne, quand les
jours raccourcissent et qu’on s’enlacent en tenue légère, pour se réchauffer et
plus si affinité.
Parmi
les marronniers d’hiver et de fin d’année, il y a les marrons glacés évidemment, achtung baby à la balance!, et
le fameux « Person of the year » du Time, un rituel immuable depuis 1927. Le dernier classement vient de tomber. Ça vaut
ce que ça vaut, mais enfin, ça vaut le détour certainement. Les personnalités
de 2013, au nombre de cinq, sélectionnées par le magazine américain, regroupent
pour cette année trois noms connus
et prévisibles, et deux, peu connus et peu attendus en dehors des USA.
Pour succéder à Charles
Lindbergh « l’aigle solitaire »,
élu personnalité de l’année 1927 pour avoir relié New York à Paris en 33 heures
et 30 minutes à bord du Spirit of Saint
Louis, Mark Zuckerberg (élu en 2010) et The
Protester (en 2011), Time magazine a choisi François « le pape du peuple ». Premier
pape non européen depuis 1200 ans, un jésuite d’origine modeste, à la tête,
moralement parlant, d’un peuple qui compte 1,2 milliard de catholiques. Et moi,
et moi, et moi ! Ce positionnement est largement mérité. C’est une
personnalité hors du commun. Humaniste, humble et tolérant, il incarne un retour
aux sources de l’Eglise catholique, dont Jésus serait fier. Personne n’a oublié
que quelques jours après son élection, il a choisi de célébrer le Jeudi saint dans
un centre pénitencier de Rome, où il a lavé les pieds de douze jeunes détenus,
dont deux filles, une Italienne catholique et une Serbe musulmane. On se
souvient aussi que pour ses déplacements, il a abandonné la traditionnelle et luxueuse Mercedes pour la
petite citadine Ford Focus, une claque pour un grand nombre d’hommes d’Eglise,
notamment dans le schizophrénique Liban ! La suite nous ne décevra certainement pas.
Suit le pape, Edward
Snowden « le sombre prophète »,
en 2e position, ce qui est tout aussi prévisible. Cet homme a tout
risqué -son confort, sa carrière et sa vie- pour révéler aux Américains et au
monde entier, alors que rien ne l’y obligeait, l’étendue de l’espionnage des
services de renseignements des Etats-Unis car pour lui la fin ne justifiait absolument
pas les moyens. Toi qui lis ces lignes, lui, elle, nous, vous, Angela Merkel,
Myriam Klink, Bakhos Baalbaki, tout le monde est concerné, sauf Gilberte Zouein
à ce qu’il parait. Rien à en tirer d’après la NSA, la National Security Agency. Alors, pas de cochonneries dans nos
messages inbox svp et nous devons casser moins de sucre sur le dos des uns
et des autres. A part ça, sourions, la vie est belle, nous sommes tous espionnés, ainsi va le
monde.
En 3e position, on retrouve Edith Windsor « l’improbable activiste », une ancienne cadre chez IBM, au
look BCBG, ce qui ne l’a pas empêché de devenir la matriarche des
militants des droits des homosexuels américains.
A la 5e place, il y a Ted Cruz « l’incendiaire de
grange », un jeune loup républicain, opportuniste ambitieux, conservateur
classe triple A, qui vise sans doute la présidentielle de 2016, un excité de la
gâchette, moulin à paroles, farouchement opposé à l’Obamacare où il s’est
tristement illustré par une prise de parole continue au Sénat de 21 heures et
19 minutes non-stop, pour empêcher dans le pays le plus riche du monde, les millions
d’Américains qui n’ont aucune couverture sociale, d’en avoir une à bon marché grâce
à la réforme de la protection sociale de Barack Obama. C'est un cas.
Last but not least, en 4e position, trône Bachar el-Assad « le tyran létal » du haut des 125 000 cadavres et des 7 millions
de déplacés, dont 1,3 million au Liban. Quel pléonasme de la part de Time magazine,
comme si un tyran pouvait conduire à autre chose qu’à la destruction, à la
désolation et à la mort !
Voilà ce qu’il en est dans le dernier numéro de Time.
Je voudrais donc profiter de ce moment historique pour adresser toutes mes félicitations aux Libanais qui ont misé sur Bachar
el-Assad, publiquement ou hypocritement, au fin fond de leur âme et conscience.
Ce n’était pas en vain, votre poulain vient d’être couronné « le tyran mortel » par Time
magazine. Number four, ce n’est pas rien ! Vous lui avez assuré un soutien indéfectible, même au pire
moment de l’année 2013, lors du massacre chimique de 1 500 Syriens à Ghouta le
21 août, où 400 enfants ont été fauchés dans leur sommeil. Je pense notamment à sayyed Hassan
Nasrallah, qui n’a pas hésité une seconde à engager sa milice chiite aux
côtés du régime alaouite, depuis le début du conflit. Sans ses martyrs tombés dans
« l’accomplissement de leur devoir
djihadiste », nous ne serons sans doute pas là. Je pense également au général Michel Aoun. Certes, son appui ne
change rien au rapport de force en Syrie, mais au Liban, si ! Ah comme il
avait raison de se réjouir en annonçant et en confirmant la victoire de Bachar
el-Assad dans ces dernières interviews au quotidien Annahar et à la chaine MTV.
Des visionnaires comme il y en a peu au
Moyen-Orient. Yiredd el3ein.
Personnellement, j’aurais établi un autre classement.
Quitte à déplaire encore aux millions d’OSF de par le monde, les Obamaphobes
Sans Frontières, j’aurai remis Barack
Obama sur la couverture du Time,
même pour la 3e fois en 5 ans (2008 et 2012). Allons, à la 3e place
au moins, en gardant François et Snowden, là où ils sont. Je l’aurai fait sans
hésitation car l’histoire écrirait un jour, la prudence grammaticale s’impose
puisque ce n’est pas encore fait, que grâce à sa stratégie intelligente, et
sans recourir à un seul Tomahawk, il
aurait permis de débarrasser le
Moyen-Orient de deux armes de destruction massive. N’en déplaise à beaucoup,
il a obligé le régime de Damas de détruire son arsenal chimique et le régime
des mollahs, de renoncer à la bombe nucléaire. Qu’il en soit remercié.
A la 5e place j’aurai mis Bachar el-Assad, flanqué du titre que j’utilise
depuis le 15 mars 2011, qui vaut largement le pléonasme du Time : « le dernier tyran des Assad ».
Pour moi, ce titre présente l’avantage de résumer trois
informations capitales. Primo, il établit une filiation entre Bachar el-Assad
et Hafez el-Assad, tel père, tel fils, une funeste famille qui règne sur la
Syrie et le Liban depuis plus de quarante ans.
Secundo, il rappelle la nature tyrannique des 42 ans de règne des Assad,
père et fils, responsables de tant de souffrances en Syrie comme au Liban (oppressions, tortures, massacres et assassinats), prêts à tout pour rester au pouvoir quel qu’en soit le prix à payer par les populations civiles. Tertio,
si Hafez fut le premier tyran des Assad,
Bachar sera forcément le dernier tyran
des Assad car il nage à contresens du courant de l’Histoire : un homme
qui s’est montré « d’une cruauté absolue
et continue », pour reprendre les termes du Time, sera tué avec une cruauté absolue.