mardi 27 septembre 2016

Hillary Clinton vs. Donald Trump : quel dilemme de n’avoir que ce choix cornélien (Art.390)


Le premier face-à-face dans la course à la Maison Blanche, entre la candidate démocrate et le candidat républicain, a eu lieu hier (VO / VO avec doublage en français, d'après France TV Info). Des centaines de millions de personnes l'ont regardé de par le monde.

P
our le résumer, rien de mieux qu’une prose.
Mais, pour aller plus loin, sept réflexions s’imposent. 

*

Si Hillary Clinton est plus sérieuse,
Elle n’en est pas moins hypocrite pour autant.
Et si Donald Trump est moins sérieux,
Il est plus sincère pourtant.

Un débat de plus ou de moins n’y changera rien,
La démocratie est parfois un exercice périlleux.
Quel dilemme de n’avoir que ce choix cornélien,
L’Amérique et le monde méritaient mieux.

*

1. Si nous voulons nous concentrer sur ce qui nous concerne au Moyen-Orient, disons d'emblée que les deux candidats présidentiels ont bel et bien soutenu l’invasion américaine de l’Irak (2003), l’élément déclencheur de la descente en enfer du Moyen-Orient, qui a instauré le chaos en Irak (provoquant des centaines de milliers de morts) et a permis à Al-Qaeda de créer l’Etat islamique d’Irak (2006), qui deviendra quelques années plus tard, l’Etat islamique d’Irak et du Levant (2013), la sinistre organisation terroriste Daech. Néanmoins, il existe une petite nuance dans cet énoncé, que la plupart des médias zappent allégrement, Trump, un homme d'affaires qui n'avait aucun mandat ou fonction politique, a soutenu la guerre mollement et a rapidement changé d’avis, alors que Clinton, sénatrice de l'Etat de New York (2001-2009) et ex-Première dame des Etats-Unis (1993-2001), a carrément voté l’invasion de l’Irak (elle a donc une responsabilité directe !) et a mis du temps à prendre conscience de l’ampleur du désastre et de la stupidité de son vote. A l'actif de cette politicienne qui se veut chevronnée, âgée de 68 ans, le désastre libyen, fruit d’un aveuglement et d’un amateurisme consternants, et d'un travail collectif ayant impliqué Nicolas Sarkozy, candidat à la primaire de la droite en France, David Cameron, responsable du référendum qui a conduit au Brexit et Bernard-Henri Lévy, l'ex-mari d’Arielle Dombasle.

2. Les deux candidats sont des soutiens indéfectibles d’Israël. Comme l'a précisé la campagne du candidat républicain dans un communiqué publié la veille du débat, « M. Trump a reconnu que Jérusalem est la capitale éternelle du peuple juif depuis plus de 3 000 ans, et que les Etats-Unis, sous une administration Trump, accepteront finalement le mandat de longue date du Congrès de reconnaître Jérusalem comme la capitale indivisible de l'Etat d'Israël », au mépris du droit international, soit dit au passage. Clinton de son côté a affirmé au printemps dernier « Oui, nous avons besoin de constance, pas d’un président qui dit qu’il est neutre le lundi, pro-Israël le mardi et on ne sait pas quoi d’autre le mercredi parce que tout est négociable (...) La sécurité d’Israël n’est pas négociable ». Et qu'en est-il des droits de la Palestine et des Palestiniens bafoués depuis 68 ans ? Alors, elle n'est pas belle la constance ?

Donc, sans prendre trop de risques, disons qu’en cas de conflit armé entre le Liban et Israël, le futur président américian se rangera du côté de l’Etat hébreux, les négociations israélo-palestiniennes resteront au point mort jusqu'en 2020 et nos 500 000 hôtes palestiniens, réfugiés au Liban depuis 1948 svp, ne sont pas prêts de voir la Terre promise.

3. Une des différences notables entre la candidate démocrate (qui incarne merveilleusement bien le « système », comme Obama d’ailleurs) et le candidat républicain (« l’anti-système », comme Sanders en quelque sorte) : elle n’a pas une bonne opinion de Poutine, lui, si. Qu’est-ce que cela changera concernant la politique américaine en Syrie ? Rien, absolument rien. La realpolitik dominera. D’ailleurs, aucun des deux n’a évoqué l’avenir de la Syrie proprement dit, encore moins le devenir de la tyrannie des Assad, alors que la barre des 300 000 morts a été franchie et Alep n'en finit pas d'être martyrisée par les forces de l'axe Damas-Téhéran-Moscou. Comprenne qui voudra.

4. Inutile de perdre votre temps à visionner le débat, rien de bien passionnant n’a été dit. Je ne m’arrêterai longuement que sur un seul point, qui nous intéressera au Moyen-Orient, la lutte contre Daech.

C’est Hillary Clinton qui ouvre le feu (VO-fr/1:08:20). « Nous devons intensifier les frappes aériennes contre l’Etat islamique et soutenir nos partenaires arabes et kurdes pour qu’ils puissent éliminer Daech à Raqqa ». Mais voyons, pourquoi vous vous pressez très chère ? Est-ce un aveu qu'Obama ne fait pas assez ? Comme si de rien n’était, l’ancienne Secrétaire d’Etat enchaine (VO-fr/1:12:55). « Nous travaillons avec nos amis au Moyen-Orient. Pour la plupart ce sont des nations à majorité musulmane. Donald a systématiquement insulté les Musulmans à l’étranger et dans notre pays, alors que nous devons coopérer avec les pays musulmans (...) Nous devons avoir une coopération très étroite entre ces pays et les forces de l’ordre ici, plutôt que de les aliéner en raison de la rhétorique de Donald Trump ». Bon, en dehors des formulations politiciennes creuses, elle n’a pas complétement tort. Mais étrangement, la candidate américaine parle comme les dirigeants libanais, comme si elle n’a jamais été au pouvoir ! 


En tout cas, si les défauts du candidat républicain sont innombrables, sa tirade sur Daech est sans l’ombre d’un doute, beaucoup plus convaincante que celle de la candidate démocrate (VO-fr/1:13:50). « Secrétaire Clinton dit qu’il faudrait travailler avec eux (les pays arabo-musulmans). Mais, on travaille avec eux depuis de nombreuses années et regardez dans quel désastre nous sommes aujourd’hui ! Regardez le Moyen-Orient, c’est une catastrophe, sous votre leadership en grande partie ». Il respire à fond et reprend : « Vous êtes responsables également de l’accord avec l’Iran, un pays qui était au bord de l’effondrement tellement il suffoquait sous les sanctions. A présent, ce pays est en passe de devenir une grande puissance très rapidement ». En pratique, Donald Trump souhaite « que (tous les pays de) l’OTAN aille au Moyen-Orient avec nous, en plus des pays voisins, pour botter les fesses de l’Etat islamique rapidement ». Et la vérité tombera comme un couperet de la bouche de Trump svp. « Le groupe Etat islamique n’a vu le jour qu’à cause de ce vide créé par Barack Obama et Hillary Clinton (...) Ceci n’aurait jamais dû se produire. Vous parlez de vaincre le groupe EI. Vous étiez là, vous étiez Secrétaire d’Etat lorsque ce groupe était en sa période balbutiante. Maintenant, il est présent dans 30 pays. Vous allez le vaincre ? Je ne crois pas. » Et la discussion se termine là, comme un fleuve au beau milieu d’un désert. Au lieu que le tric chic modérateur du débat, Lester Holt, 35 ans de carrière svp, ne saisisse l’opportunité pour interroger l’accusée, qui affichait un grand sourire jaune et gêné, soit dit au passage, il dévie la discussion sur le soutien de Trump à la guerre en Irak, il y a treize ans. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?

5. L’enthousiasme excessif d'une grande partie des médias internationaux, pour faire absolument comprendre au vulgum pecus du Texas et des contrées lointaines, que Clinton a terrassé Trump, relève de l'activisme journalistique. C'est d'un parti pris inouï ! « Il y avait une asymétrie fondamentale en raison de la terrible vérité qui veut que l'un des participants n'a rien de véridique à offrir », The New York Times. « Dès la première minute, le débat a rappelé que l'on ne devrait pas confier la présidence à Donald Trump », The Washington Post. « Clinton-Trump, l'expérience face à l'incohérence », Le Monde. « Cinq moments où Hillary Clinton a détruit Donald Trump lors du débat présidentiel », Les Inrocks. Eh bien, on dirait que nous n'étions vraiment pas sur le même canal à regarder le même match !

Dans tous les cas, Hillary a beau le rappelé et l'asséné, le fact-checking n'est absolument pas la recette gagnante d'une élection présidentielle au suffrage universel. Il est même d'aucune utilité face à un démagogue de la trempe de Trump et d'une hypocrite comme Clinton. Les sympathisants de Donald n'en tiennent absolument pas compte et les indécis prennent en compte d'autres critères. Et c'est d'autant plus valide qu'Hillary Clinton a elle aussi balancé des énormités hier soir. L'affirmation la plus mensongère (VO/1:16:58 ; VO-fr/1:19:38), et qui n'a évidemment pas été relevée par les médias-militants, est celle où elle a prétendu que lorsqu'elle avait pris ses fonctions comme Secrétaire d'Etat, càd le 21 janvier 2009, « l’Iran était à quelques semaines d'avoir suufisement de matériaux nucléaires pour fabriquer une bombe ». Une allégation ridicule qui n'est pas sans rappeler l'intervention grotesque de Benyamin Netanyahou à l'ONU il y a quatre ans jour pour jour (2012, quelle coïncidence !), où il avait sorti un croquis digne d'un écolier de la maternelle, montrant une bombe, et y avait tracé une ligne rouge sous la mèche allumée, pour bien signifier aux 192 pays du monde ce qu'ils avaient à faire. Pour rappel, l'accord sur le nucléaire iranien n'a été conclu que le 14 juillet 2015, soit six ans et demi après que la nouvelle Secrétaire d'Etat ait constaté que l'Iran n'était qu'à quelques semaines d'avoir une arme nucléaire. Un exemple de plus du surréalisme politique. Et dire qu'Hillary Clinton, et certains médias, ont le culot de penser que son adversaire n'a pas les qualités requises comme elle, pour être président des États-Unis !

Toujours est-il que Donald Trump est apparu serein et imperturbable, alors qu’Hillary Clinton en arrière-plan, tirait la tronche la plupart du temps, quand elle ne riait pas jaune. Il était naturel, elle était artificielle. Il avait de l’humour, elle était tendue. Il improvisait, elle récitait un texte appris par cœur. Chacun peut s’en rendre compte lui-même. Les débats télévisés ne révèlent rien sur le fond, mais tout des personnalités des candidats. Vu de l’œil du peuple, et non des intellectuels, c'est Trump qui aurait emporté ce premier débat.

6. Enfin, le débat influencera peut-être une frange des électeurs américains le 8 novembre, mais pas la majorité d’entre eux. Comme l’a titré le Washington Post il y a trois jours, « Debates don’t often change presidential races. Is 2016 the exception? » J’en doute. Le suspense reste entier.

7. Par conséquent, pour nous autres pays arabes du Moyen-Orient, mieux vaut ne pas tirer des plans sur la comète. Enfin, pas trop.

mardi 13 septembre 2016

Bernie Sanders, au secours : il y a deux « malades » dans la course à la Maison Blanche ! (Art.387)


On ne peut pas rester les bras croisés, alors que ce qui se joue aux Etats-Unis, influencera directement ou indirectement, en partie aussi, l’avenir de la planète et de la majorité d’entre nous, aussi bien sur le plan politique que sur le plan écologique, pour les quatre prochaines années.

Qu’un démagogue comme Donald Trump soit prêt à tout pour attaquer son adversaire politique, n’a rien d’étonnant. Ce qui l’est, c’est l’attitude des médias face à ce comportement peu loyal. Au lieu d’élever le niveau général du débat politique, certains journalistes surfent sur les vagues populistes créées par ce politicard de la dernière pluie. Et encore, ce n'est pas lui qui est à l'origine de ce long weekend d'info surréaliste ! Toutefois, c'est bien lui qui a lancé le modus operandi il y a quelques semaines. Alors, voici une revue de presse concernant les dernières nouvelles de la campagne présidentielle américaine, vue d’Europe, allant de l’article le plus sobre au plus sensass.

- « Quelles conséquences pour Hillary Clinton après ses problèmes de santé », Libération
- « Les rumeurs sur la santé de Hillary Clinton relancées après son malaise », Le Soir
- « Peut-on faire un malaise à cause d'une pneumonie (comme Hillary Clinton)? », Huffington Post
- « Pneumonie d'Hillary Clinton : "le premier tournant de la campagne" », Europe 1
- « Malaise d’Hillary Clinton : les spéculations sur sa santé mentale », LCI
- « Le week-end pourri d’Hillary Clinton », France TV
- « Du coup de chaud à la pneumonie, la candidate fragilisée », Nouvel Obs
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« Hillary Clinton dans une mauvaise passe », Le Monde
- « Hillary au plus mal... Sa campagne est en panne sèche », Le Point
- « Christian Delporte (historien) : ‘Le malaise d'Hillary Clinton est un coup de tonnerre politique’ », Le Figaro
- « Hillary Clinton a-t-elle une doublure? », Métro
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« Un zombie nommé Hillary », Courrier international (d'après The Washington Post)

Stupéfiant ! Ils sont restés des heures à débattre de l’origine de la « toux » et de la « perte d’équilibre » d’Hillary Clinton, il faut le faire ! Les plus sérieux ont évidemment dépassé cet état primitif de la discussion. Ils se sont affrontés sur le terrain de la « transparence » pour savoir si la candidate démocrate avait menti sur son état de santé, ce qui serait un manque de « crédibilité » à ce qu’il parait, il faut le faire aussi ! Au lieu de débattre des graves problèmes de l’environnement dans le monde, des chances et des risques du traité transatlantique en cours de négociation entre l’Union européenne et les Etats-Unis, de la politique étrangère américaine mitigée au Moyen-Orient, la planète est réduite à suivre l’évolution de la NFS, numération formule sanguine, des candidats à la magistrature suprême américaine, par la faute de certains journalistes.

Toujours est-il qu’à ce stade, deux réflexions s’imposent :

1. Entre une malade « dont la santé est altérée », selon la définition du mot dans le dictionnaire, qui le sait et qui se soigne, et un malade « qui ne jouit pas de toute sa raison », selon la définition du même mot dans le même dictionnaire, qui l’ignore et qui ne se soigne pas, nous sommes confrontés à un dilemme politique, duquel il est aisé de sortir. D’où mon 2e point.

2. Il serait utile que le Parti démocrate envisage sérieusement et au plus vite, dans ces conditions atmosphériques présidentielles turbulentes, populistes et malsaines, de confier à Bernie Sanders, l’antidote de la trumpisation des esprits et des campagnes électorales, la mission de mettre le cap sur la Maison Blanche, dans ce qui pourrait s’apparenter à une course de relais.

Comme je l’ai mentionné en avril dernier, il est impossible d’assister sans réagir à l’affrontement entre un gentleman (Bernie Sanders), une hypocrite (Hillary Clinton) et un bouffon (Donald Trump), sachant que le vainqueur influencera en quelque sorte nos vies, même de l’autre côté de l’Atlantique et du détroit de Gibraltar. A l’époque je me suis demandé, s'il ne fallait pas que Birdie se maintienne dans la course à la Maison Blanche, après les primaires. Le temps me donne raison. Les Etats-Unis et le monde méritent mieux qu'une Clinton et qu'un Trump. L’homme qui veut humaniser les Etats-Unis et le monde, est le mieux armé pour battre Donald Trump. Ce qui s’est passé ce weekend est un signe du destin. L’ignorer comme si de rien n’était et il sera forcément de mauvais augure. Pour gagner face à un démagogue de la trempe de Trump, il faut soit être plus populiste que lui, soit avoir son antidote. Etre ou avoir, telle est la question aujourd'hui. Alors, de deux choses l'une : soit Hillary Clinton devient plus populiste que Donald Trump, soit elle doit passer le relais à Bernie Sanders, son antidote.