Déjà entre l'acte IX et l'acte X. Qui l'aurait cru? Pas même les personnes concernées, qui ont totalement oublié pourquoi ils étaient descendus dans la rue en novembre. Qu'importe, cela fait deux mois que la contestation de ce mouvement de foule populiste vire au nihilisme destructeur à Paris et dans toutes les grandes villes de province. Rien ne semble l'arrêter. Et pourtant, il faut sortir de la crise des gilets jaunes. Nous sommes entre le débat I et le débat II, déjà. C'est là où réside la grande opportunité de la France. Le point.
La mythologie du mouvement populaire spontanée de citoyens apolitiques qui n'arrivent plus à joindre les deux bouts, ne trompent plus personne aujourd'hui. Les « gilets jaunes » constituent depuis le début, un mouvement politique hétéroclite, fédérateur de tous les courants anti-Macron de France et de Navarre: l'extrême gauche bien évidemment, une partie de la gauche et de la droite naturellement, et surtout et au-delà de tout, l'extrême droite. En un mot, les mauvais perdants des élections présidentielles et législatives de 2017, tous ceux que la montée spectaculaire d'Emmanuel Macron et de La République En Marche avait ringardisé.
Le parti des Républicains (LR) s'est rendu à l'évidence, les gilets jaunes représentent un danger pour le système politique français. Son attitude est parfaitement illustrée par celle de son président, Laurent Wauquiez. Gilet jaune le temps d'une photo quand c'était encore bon enfant, beaucoup plus réservé par la suite avec les débordements. Comme beaucoup de Français d'ailleurs. Au fil du temps, il est devenu de plus en plus clair que pour la droite c'est un jeu de dupe, le grand gagnant de cette contestation populiste de masse, est essentiellement le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen. Pour un parti de gouvernement comme LR, encourager un mouvement illégal (ne serait-ce que pour le blocage des ronds-points et des manifestations non déclarées), à caractère insurrectionnel, anti-démocratique, violent et à forte consonance d'extrême droite, c'est prendre le risque de revivre un remake et d'en faire les frais, le jour où il sera au pouvoir! C'est le cas aussi des partis de gauche, Parti socialiste (Olivier Faure) et Génération.s (Benoit Hamon).
Le parti de La France insoumise (LFI) lui, n'a pas compris le danger des gilets jaunes et ne le comprendra jamais. Il croit encore tirer profit de la situation, au mieux, en faisant tomber le gouvernement, au pire, en vue des élections européennes au mois de mai. C'est la stratégie établie par le chef, Jean-Luc Mélenchon, « ex-comandante de l'Alliance bolivarienne », qui a fait campagne en 2017 pour détacher la France de l'Europe, afin de lier son destin au Venezuela svp, un pays qui connait actuellement une inflation de 1 000 000 %, et qui n'a jamais appelé ses partisans à voter pour Macron, car il souhaitait la victoire de Marine Le Pen, afin de s'auto-introniser comme Don Quichotte de la République française. Avec Le Pen à l'Elysée, il espérait faire campagne pour les législatives sur le thème « je suis le seul rempart contre le FN », remporter une majorité, être nommé Premier ministre, s'essuyer les pieds, rentrer à Matignon et en finir avec la Ve République. Echec sur toute la ligne.
Pour mieux cerner l'attitude de Mélenchon dans ce dossier, il faut se rappeler qu'il est empêtré dans de graves difficultés financières et judiciaires. Il utilise son immunité parlementaire pour empêcher les policiers de l'Office central de lutte contre la corruption d'enquêter sur ses magouilles financières, concernant les emplois fictifs d'assistants parlementaires européens et ses comptes de campagne lors de la présidentielle de 2017. « Je suis un parlementaire... Ma personne est sacrée ». Il utilise aussi ses partisans dans le même but. Rappelez-vous le cirque qu'il a fait il y a trois mois, à son domicile et au siège de son parti. Il faut dire que les accusations qui le concernent sont graves: « escroquerie », « abus de confiance » et « détournement de fonds publics », auxquelles se sont ajoutés, « menaces ou actes d'intimidation contre l'autorité judiciaire et violences sur personnes dépositaires de l'autorité publique ». C'était à la mi-octobre. Il avait défié l'autorité de l'Etat, les institutions de la République et l'état de droit. Déjà! Donc, quand les gilets jaunes commencent à s'activer vers la mi-octobre, l'agitation est perçue comme une grande bouffée d'oxygène et une aubaine par Jean-Luc Mélenchon et ses fidèles.
Tous les moyens sont bons pour récupérer les électeurs de l'extrême droite. Pour ce faire, le président de LFI a voulu marquer le début de l'année et les esprits par un billet d'éloge publié le 31 décembre, en l'honneur d'Eric Drouet, un des initiateurs et représentant des gilets jaunes, qui voulait envahir l'Elysée et qui a terminé sa course sur le périphérique. « Je regarde Éric Drouet avec tant de fascination ». Comandante ose même un long parallélisme historique. « Il y a déjà eu un Drouet décisif dans l’histoire révolutionnaire de la France », un homonyme du chauffeur routier, qui a permis l'arrestation de Louis XVI en juin 1791, alors en fuite. « Monsieur Drouet, on vous retrouve avec plaisir. » Bonne chance, sauf que l'héros de Mélenchon aurait voté pour Le Pen aux deux tours de la présidentielle. Enfin bref, aujourd'hui seul le chaos, peut sortir Mélenchon de ce sale pétrin.
Pour se tailler une stature internationale, pendant la campagne électorale du printemps 2017, la benjamine des filles de Jean-Marie Le Pen réussit à mobiliser son réseau franco-libanais pour lui organiser une visite officielle au pays du Cèdre. On dit qu'elle est revenue avec des valises. Pour sûr, elle a provoqué une polémique en faisant son cirque devant Dar el-Fatwa, le siège de la haute autorité musulmane sunnite du Liban. Ça ne lui a pas porté chance. Après sa performance catastrophique lors du débat d'entre-deux-tours (de l'aveu même des partisans du FN), la « haute représentante des fabriques de poudre de Perlimpinpin » peine à reprendre la main. Les tensions politiques au sein du parti conduisent au départ du vice-président du FN, Florian Philippot. La suite est marquée par les ennuis judiciaires et financiers. Et là, c'est l'embarras du choix. Mais comme pour Mélenchon, mi-octobre sera un tournant, une aubaine.
Après son interrogatoire au tribunal, la mise en examen de la présidente du FN concernant les emplois fictifs de son parti est aggravée par les juges d'instruction. Désormais, Marine Le Pen est poursuivie pour « détournements de fonds publics » (7 millions d'euros!), un délit passible de dix ans d'emprisonnement et d'un million d'euros d'amende. Si c'est confirmé, les courses présidentielles, c'est terminé pour elle. Ça sera la fin de sa carrière, l'archivage comme pour Mélenchon. Elle n'est pas la seule dans le box des accusés. Une quinzaine de membres du Rassemblement national, ex-FN, sont poursuivis aussi pour « abus de confiance » et « escroquerie en bande organisée ». Ils sont soupçonnés d'avoir payé des salariés du FN avec l'argent des contribuables européens, en détournant les enveloppes des eurodéputés réservées à l'emploi d'assistants parlementaires entre 2009 et 2017. C'est ce qui a poussé la justice française à l'automne 2018, de saisir un million d'euros d'aides publiques attribuées au RN.
Alors vous pensez bien, quand les gilets jaunes commencent à s'activer vers la mi-octobre, l'agitation est perçue comme une grande bouffée d'oxygène et une aubaine par Marine Le Pen et ses fidèles. Ils s'impliqueront corps et âme. Il y va de leur survie politique. La suite tout le monde la connait, versons de l'huile sur le feu et essayons de récupérer le mouvement. Aujourd'hui seul le chaos peut sauver Le Pen de ce sale pétrin.
Tous ces ennuis financiers et judiciaires n'empêchent pas Mélenchon et Le Pen de donner des leçons de justice sociale, de critiquer la gestion de l'argent public et de réclamer des élections anticipées. Rejet du système, populisme, euroscepticisme, stratégie de la victimisation, idées extrêmes, magouilles financières, pro-Poutine, pro-Assad, gilets jaunes, complexe Macron, décidément, Jean-Luc et Marine devraient faire alliance, ils auront plus de chances de vivre leur quart d'heure de célébrité warholien.
La voie démocratique est dans une impasse, elle ne permet pas de déstabiliser le pouvoir en place. En décembre, l'extrême gauche et l'extrême droite étaient pourtant déterminées à le faire. Insoumis, Communistes, Socialistes et Nationalistes s'étaient ligués pour déposer une motion de censure au Parlement (13 décembre), dans l'espoir de faire tomber le gouvernement d'Edouard Philippe. Pour Mélenchon, « c’est le plus court chemin vers... la dissolution ». Même son de cloche du côté Le Pen. Hélas pour eux, au moment fatidique, l'alliance incongrue n'a obtenu que 70 voix en tout et pour tout. Pour réussir, il leur a fallu 219 voix de plus. Autant pisser dans un violon.
Le mouvement des gilets jaunes a démarré vers la mi-octobre (2018), via des actions individuelles sur les réseaux sociaux, portant sur la taxe sur les carburants et une soi-disant chasse aux automobilistes. Depuis, il a fait coulé beaucoup d'encre et engendré beaucoup de mythologies. Et pourtant, réseaux sociaux ou pas, il aurait pu faire pschitt rapidement sans la convergence de trois facteurs déterminants.
• Primo, l'immixtion des hommes politiques et des militants politisés, notamment de l'extrême droite et de l'extrême gauche. Cela s'est traduit très rapidement par des revendications politiques, allant jusqu'à la réclamation de la démission du président de la République et la dissolution de l'Assemblée nationale. Il est évident que le seul espoir de changer la donne pour Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, tous deux empêtrés dans de graves difficultés financières et judiciaires, s'est incarné par les gilets jaunes. Voilà pourquoi leurs militants se sont alors impliqués en masse dès le départ.
• Secundo, le diktat des sondages. Gouverner par les sondages n'a rien de nouveau en France. C'est François Mitterrand qui a ouvert la voie. Il est allé jusqu'à commander un sondage par jour lors de la présidentielle de 1988, payé à l'époque en liquide par les fonds secrets. Sous Nicolas Sarkozy, on voulait de la transparence. Du coup, on est allés encore plus loin, en instituant le recours régulier et systématique aux sondages. Bilan des courses, 330 études d'opinion commandées entre 2007 et 2012, pour 9,39 millions d'euros, soit 28 500 euros par sondage. C'est ce qui a poussé l'élu écologique Raymond Avrillier, le lanceur d'alerte de l'affaire des sondages de l'Elysée sous Sarkozy (qui est devant la justice), à parler d' « ivresse sondagière ». Avec les gilets jaunes, on a franchi une autre étape, on est passé jusqu'au « délire sondagier ».
Dans cette crise, les sondages seront invoqués à tort et à travers par la coalition anti-Macron, avec plusieurs objectifs : compenser l'incapacité des gilets jaunes à mobiliser les Français sur le terrain (au zénith de la contestation, le taux de mobilisation n'a pas pu franchir la barre de 0,2% de la population) ; faire croire que les gilets jaunes ont le soutien de la majorité des Français, malgré les débordements dès le départ, en confondant délibérément l'échantillon de l'étude, composé de quelques centaines de personnes, avec une population de 67 millions d'habitants ; occulter le fait que l'écrasante majorité des sondés désapprouvent le recours des gilets jaunes à la violence comme modus operandi ; laisser croire qu'un soutien aux gilets jaunes équivaut forcément à une sanction de la politique d'Emmanuel Macron.
• Tertio, le parti pris de certains médias. Qui a suivi de près la couverture des actions des gilets jaunes par les médias français, ne pouvait qu'être frappé par un certain regard bienveillant sur le mouvement d'une partie d'entre eux. Comme par enchantement, pour ces médias, la violation de l'état de droit (ne serait-ce qu'à travers les blocages des ronds-points et les manifs non déclarées) et l'atteinte à l'expression démocratique (par la réclamation de la démission du président et la dissolution du parlement, un an et demi après les élections!), n'étaient que des détails de l'histoire. C'est à peine si la problématique est abordée, enfin, d'une manière proportionnelle à la gravité des faits.
Aussi surréaliste que ça puisse paraitre, il y avait même comme une volonté de la part de certains médias en France, de donner aux sondages, le même poids politique que les résultats des élections démocratiques, pour les raisons détaillées précédemment. L'étude de l'opinion de quelques centaines d'individus devenant le gouvernail d'une grande démocratie comme la France, peuplée par 67 millions de personnes. L'objectif de ces médias était clair et double: profiter des gilets jaunes pour faire le buzz (et augmenter le trafic et les ventes), mais aussi, affaiblir Emmanuel Macron.
Ces médias ne se sont pas contentés d'informer et d'analyser les événements, ils sont devenus une partie prenante et camouflée du conflit socio-politique qui agite la France.
Cet aspect du problème a été occulté du débat, alors qu'il est très inquiétant. Pour mieux le comprendre, il faut revenir sur le délire médiatique qui a caractérisé l'affaire Benalla. Comme je l'avais montré à l'époque, au total, les dix principaux médias de la presse quotidienne, hebdomadaire et numérique en France, avaient produit durant les deux dernières semaines du mois de juillet 2018, 1 409 documents sur cette histoire. Le journal Le Monde, qui a voulu en faire une « affaire d'Etat », a mobilisé pour la peine, 48 journalistes, afin de rédiger 178 articles sur le sujet durant ce laps de temps. Nous connaissons la suite, « l'affaire d'Etat » a fait pschitt.
Et vous croyez que les médias ont tiré la leçon de cette dérive? Pas du tout. Prenez Le Point, qui a mis le paquet dans l'affaire Benalla. Le 6 décembre 2018, l'hebdomadaire croyait viser juste en titrant : « Les derniers jours du modèle français ». Rien que ça! En photo de couverture, « 'La Marseillaise' à l'Arc de triomphe brisée » et en sous-titre, « Pourquoi Macron doit tout changer ». Notez bien, Macron, pas les gilets jaunes et les partis politiques irresponsables et opportunistes. Un mois plus tard, rebelote : « Mais quand est-ce qu'on arrête ça! ». Peut-être quand certains feront mieux leur boulot! Là aussi, une photo de couverture choc, accompagnée d'un commentaire neutre et insipide « Paris sur la passerelle Léopold-Sédar-Senghor », et non l'agression d'un gendarme par un gilet jaune. En sous-titre, les lecteurs ont eu droit à « La France sur un volcan ». Rien que ça! Eh bien, quand le journalisme fait du militantisme et se met au sensationnalisme, ça donne exactement cela.
Revenons au Monde, dont le parti pris est encore plus subtile. Le journal a commencé ses 1 200 articles sur le sujet, par « 'Macron est avant tout le président des urbains et de la France qui va bien » (une chronique éditoriale du 6 novembre 2018). Les jours suivants, les lecteurs ont eu droit à des articles intéressants, divers et variés, ainsi qu'au grotesque et au ridicule.
Le grotesque c'était notamment avec « Gilets jaunes : Arnaud et Jessica, la vie à l'euro près » (15 déc.).
L'article qui se situe entre le populiste et le sensationnalisme, qu'on désigne par le « journalisme jaune », a tellement suscité de réactions négatives, que le journal fut obligé de publier un autre pour justifier le choix bizarre de ce « couple représentatif » des gilets jaunes, qui en veut au système avec plus de 1 194 euros d'aides sociales (allocations, logement, etc.), qui a des fins de mois difficiles avec 2 700 euros de revenus (alors qu'il vit en province avec un loyer de 507 €), qui a quatre enfants à 26 ans (eh non, ce sont pas des immigrés!) mais qui ne veut pas les priver des vêtements de marques, et le pompon, c'est les deux abonnements téléphoniques du couple à 78 €/mois, quand tous les opérateurs mobiles en France proposent des offres généreuses ou même illimitées facturées entre 2 et 10 €/mois. Le Monde ne s'est posé la question de savoir s'il n'y avait pas un problème de gestion financière et d'organisation dans ce couple. Non mais, c'est la faute à Macron de toute façon!
Le ridicule c'est la couverture ratée de « M, le magazine du Monde », consacrée à Macron (29 déc.), avec des codes graphiques déjà utilisés dans la propagande nazie des années 1930 et dans une affiche de 2017 de l'artiste canadien Lincoln Agnew, faisant référence à l'incendie de Reichstag en 1933, exploité par Hitler pour asseoir sa dictature (le profil 3/4, l'expression du visage, la foule, le bâtiment historique, la fumée, le rouge et noir, etc.). Ça saute aux yeux! Le tollé qu'elle a provoquée obligea le prestigieux journal à présenter ses excuses.
Par la suite il y a eu d'autres articles divers et variés. Et ça s'est terminé en apothéose par l'article d'avant-hier où le journal s'est demandé: « Emmanuel Macron s'est-il enfermé à l'Elysée? » (16 janvier 2019). Pourquoi pas, sauf que cet article tombe comme un cheveux sur la soupe. Et comment, c'est au lendemain du lancement du Grand débat national par le président de la République ! Le Monde a partagé avec les 4 314 736 abonnés de sa page Facebook, trois articles sur le sujet : avant, pendant et après le débat. Comme par hasard, les trois sont négatifs et à côté de la plaque.
Alors qu'Emmanuel Macron venait d'effectuer un dialogue-marathon de 6 heures et 52 minutes où il a répondu aux doléances de 653 maires de Normandie, pas spécialement acquis à sa cause, où il a montré qu'il avait une ouverture d'esprit extraordinaire et une maitrise incroyable de tous les dossiers, tout ce que le prestigieux journal Le Monde trouve à dire à ses lecteurs le lendemain matin, c'est ceci: « Rendu méfiant par l'affaire Benalla, lâché par plusieurs fidèles, surprotégé par son premier cercle, le président se serait progressivement enfermé à l'Elysée... » Ah, si les journalistes du Monde s'étaient contentés de cela, ils auraient éviter le grotesque de ce rajout populiste inutile, «... comme dans une tour d'ivoire ». Non mais, la honte.
Non seulement c'est ridicule de tomber sur ce titre, alors que Macron vient de discuter près de 7 heures avec près 700 maires de France!, et discutera au moins 3 heures en fin de semaine avec 600 autres maires de France, mais je n'ose pas imaginer qu'il ait été aussi difficile pour les journalistes du Monde, de comprendre, qu'un débat épineux de cette importance, comme la rédaction d'un article sur un sujet délicat, a nécessité beaucoup de préparation en amont !
Qu'on ne s'y trompe pas, la crise des gilets jaunes est avant tout une lutte de pouvoir. Depuis bientôt deux ans, il existe un nouvel ordre politico-médiatique.
D'un côté, on a le nouveau monde, incarné par un parti politique contemporain, La République en marche. Pour pérenniser la place qu'il s'est taillé au soleil, Macron a compris qu'il faut à la fois tenir les promesses qu'il a faites aux électeurs, garder le cap contre vents et marées, et être réactif à toute nouvelle donne, mais aussi verrouiller sa com' (en raréfiant ses apparitions), garder les journalistes à distance (en délocalisant la salle de presse en dehors de l'Elysée) et organiser son propre canal d'information (à travers des lives sur Facebook). Cette stratégie ingénieuse permet au président de la République de répondre aux attentes des citoyens français, tout en restant à l'abri du bon vouloir du « pouvoir médiatique ».
D'un autre côté, on a l'ancien monde, représenté par les partis politiques et les médias traditionnels, qui peinent à se tailler une place au soleil (c'est notamment le cas des partis La France insoumise et le Rassemblement national), ou à retrouver l'âge d'or où ils faisaient la pluie et le beau temps (c'est le cas des médias, le Monde et du Point par exemple).
Dans ce nouvel ordre politico-médiatique des individus ou des mouvements modernes (qui communiquent via Facebook, Twitter, Youtube, Blogs, etc.), parviennent à tirer leur épingle du jeu. C'est le cas entre autres, des gilets jaunes. Toutefois, comme je l'ai exposé précédemment, ces derniers ne se trouvent là que grâce aux partis et médias traditionnels. Sans eux, le nouveau mouvement aurait fait pschitt, tôt ou tard. Ainsi, par un jeu d'opportunisme, les gilets jaunes et certains partis (ex. LFI et le RN) et médias (ex. Monde et Point), profitent de l'aubaine pour reprendre la main ou se tailler une place au soleil, y rester et chasser ceux qui s'y trouvent, Macron et LREM.
La situation étant ce qu'elle est, l'essentiel est d'aller de l'avant. La crise des gilets jaunes a magistralement démontré qu'Emmanuel Macron est la seule personnalité française digne de la fonction présidentielle et à la hauteur du défi qu'elle pose. Au moins pour l'instant et jusqu'à nouvel ordre! En affectant dix milliards d'euros en faveur du pouvoir d'achat et en lançant un grand débat national ouvert, jusqu'au 15 mars, le président de la République donne à la France une occasion en or pour sortir de la crise des gilets jaunes par le haut. Mardi c'était le dialogue-marathon de près de 7 heures devant environ 700 maires de Normandie à Grand Bourgtheroulde (Eure). Ce vendredi c'est un autre dialogue-marathon qui prend place devant 600 maires d'Occitanie à Souillac (Lot).
« Nous devons nous rappeler qui nous sommes... la France est, de toutes les nations, une des plus fraternelles et des plus égalitaires. C'est aussi une des plus libres (...) Il faut rendre à la France sa prospérité pour qu’elle puisse être généreuse, car l’un va avec l’autre (...) C’est ainsi que j’entends transformer avec vous les colères en solutions. » Ainsi, en mairie, lors des débats qui seront organisés aux quatre coins de la France et sur internet, comme l'a dit le président de la République dans sa lettre adressée aux Français dimanche dernier, chacun pourra exprimer ses « attentes » et faire valoir ses « propositions » et ses « idées », concernant quatre grands thèmes : « la fiscalité et les dépenses publiques, l’organisation de l’État et des services publics, la transition écologique, la démocratie et la citoyenneté ». Il sera aussi question d'immigration, de laïcité, et « n’importe quel sujet concret dont vous auriez l’impression qu’il pourrait améliorer votre existence au quotidien ».
Un site internet est dédié à ce projet national (granddebat.fr). On y trouve sur chacun des quatre thèmes proposés, une fiche qui présente le contexte, les points du débat et les questions auxquelles les citoyens doivent répondre. En tout, il y en a 82, certaines sont fermées et d'autres ouvertes. Sur le site, on trouve également un « kit méthodologique », pour permettre à tout un chacun d'organiser son propre débat. Dans un café, un salon, une cage d'escalier ou sur un rond-point, au choix. Les propositions « permettront de structurer l’action du Gouvernement et du Parlement, mais aussi les positions de la France au niveau européen et international ». La réussite de ce « nouveau contrat pour la Nation » dépend de tous les protagonistes de la société française, les élus, les partis, les médias et les citoyens. Chacun doit assumer ses responsabilités. C'est l'heure de vérité pour savoir qui se soucie de la France et qui se limite à son agenda personnel. Que demande le peuple de plus ?
Le premier grand débat national, entre Emmanuel Macron et 653 maires de Normandie. Il a eu lieu le mardi 15 janv. 2019 entre 15h18 et 22h10 à Grand Bourgtheroulde (Eure) |
1 Droite et gauche ont fini par comprendre le danger de la crise des gilets jaunes
La mythologie du mouvement populaire spontanée de citoyens apolitiques qui n'arrivent plus à joindre les deux bouts, ne trompent plus personne aujourd'hui. Les « gilets jaunes » constituent depuis le début, un mouvement politique hétéroclite, fédérateur de tous les courants anti-Macron de France et de Navarre: l'extrême gauche bien évidemment, une partie de la gauche et de la droite naturellement, et surtout et au-delà de tout, l'extrême droite. En un mot, les mauvais perdants des élections présidentielles et législatives de 2017, tous ceux que la montée spectaculaire d'Emmanuel Macron et de La République En Marche avait ringardisé.
Le parti des Républicains (LR) s'est rendu à l'évidence, les gilets jaunes représentent un danger pour le système politique français. Son attitude est parfaitement illustrée par celle de son président, Laurent Wauquiez. Gilet jaune le temps d'une photo quand c'était encore bon enfant, beaucoup plus réservé par la suite avec les débordements. Comme beaucoup de Français d'ailleurs. Au fil du temps, il est devenu de plus en plus clair que pour la droite c'est un jeu de dupe, le grand gagnant de cette contestation populiste de masse, est essentiellement le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen. Pour un parti de gouvernement comme LR, encourager un mouvement illégal (ne serait-ce que pour le blocage des ronds-points et des manifestations non déclarées), à caractère insurrectionnel, anti-démocratique, violent et à forte consonance d'extrême droite, c'est prendre le risque de revivre un remake et d'en faire les frais, le jour où il sera au pouvoir! C'est le cas aussi des partis de gauche, Parti socialiste (Olivier Faure) et Génération.s (Benoit Hamon).
2 Le grand perdant, Jean-Luc Mélenchon (la rancune de l'ex-comandante de l'Alliance bolivarienne)
Le parti de La France insoumise (LFI) lui, n'a pas compris le danger des gilets jaunes et ne le comprendra jamais. Il croit encore tirer profit de la situation, au mieux, en faisant tomber le gouvernement, au pire, en vue des élections européennes au mois de mai. C'est la stratégie établie par le chef, Jean-Luc Mélenchon, « ex-comandante de l'Alliance bolivarienne », qui a fait campagne en 2017 pour détacher la France de l'Europe, afin de lier son destin au Venezuela svp, un pays qui connait actuellement une inflation de 1 000 000 %, et qui n'a jamais appelé ses partisans à voter pour Macron, car il souhaitait la victoire de Marine Le Pen, afin de s'auto-introniser comme Don Quichotte de la République française. Avec Le Pen à l'Elysée, il espérait faire campagne pour les législatives sur le thème « je suis le seul rempart contre le FN », remporter une majorité, être nommé Premier ministre, s'essuyer les pieds, rentrer à Matignon et en finir avec la Ve République. Echec sur toute la ligne.
Pour mieux cerner l'attitude de Mélenchon dans ce dossier, il faut se rappeler qu'il est empêtré dans de graves difficultés financières et judiciaires. Il utilise son immunité parlementaire pour empêcher les policiers de l'Office central de lutte contre la corruption d'enquêter sur ses magouilles financières, concernant les emplois fictifs d'assistants parlementaires européens et ses comptes de campagne lors de la présidentielle de 2017. « Je suis un parlementaire... Ma personne est sacrée ». Il utilise aussi ses partisans dans le même but. Rappelez-vous le cirque qu'il a fait il y a trois mois, à son domicile et au siège de son parti. Il faut dire que les accusations qui le concernent sont graves: « escroquerie », « abus de confiance » et « détournement de fonds publics », auxquelles se sont ajoutés, « menaces ou actes d'intimidation contre l'autorité judiciaire et violences sur personnes dépositaires de l'autorité publique ». C'était à la mi-octobre. Il avait défié l'autorité de l'Etat, les institutions de la République et l'état de droit. Déjà! Donc, quand les gilets jaunes commencent à s'activer vers la mi-octobre, l'agitation est perçue comme une grande bouffée d'oxygène et une aubaine par Jean-Luc Mélenchon et ses fidèles.
Tous les moyens sont bons pour récupérer les électeurs de l'extrême droite. Pour ce faire, le président de LFI a voulu marquer le début de l'année et les esprits par un billet d'éloge publié le 31 décembre, en l'honneur d'Eric Drouet, un des initiateurs et représentant des gilets jaunes, qui voulait envahir l'Elysée et qui a terminé sa course sur le périphérique. « Je regarde Éric Drouet avec tant de fascination ». Comandante ose même un long parallélisme historique. « Il y a déjà eu un Drouet décisif dans l’histoire révolutionnaire de la France », un homonyme du chauffeur routier, qui a permis l'arrestation de Louis XVI en juin 1791, alors en fuite. « Monsieur Drouet, on vous retrouve avec plaisir. » Bonne chance, sauf que l'héros de Mélenchon aurait voté pour Le Pen aux deux tours de la présidentielle. Enfin bref, aujourd'hui seul le chaos, peut sortir Mélenchon de ce sale pétrin.
3 Seul le chaos sauvera Marine Le Pen des ennuis financiers et judiciaires (la rancune de la haute représentante des fabriques de poudre de Perlimpinpin)
Pour se tailler une stature internationale, pendant la campagne électorale du printemps 2017, la benjamine des filles de Jean-Marie Le Pen réussit à mobiliser son réseau franco-libanais pour lui organiser une visite officielle au pays du Cèdre. On dit qu'elle est revenue avec des valises. Pour sûr, elle a provoqué une polémique en faisant son cirque devant Dar el-Fatwa, le siège de la haute autorité musulmane sunnite du Liban. Ça ne lui a pas porté chance. Après sa performance catastrophique lors du débat d'entre-deux-tours (de l'aveu même des partisans du FN), la « haute représentante des fabriques de poudre de Perlimpinpin » peine à reprendre la main. Les tensions politiques au sein du parti conduisent au départ du vice-président du FN, Florian Philippot. La suite est marquée par les ennuis judiciaires et financiers. Et là, c'est l'embarras du choix. Mais comme pour Mélenchon, mi-octobre sera un tournant, une aubaine.
Après son interrogatoire au tribunal, la mise en examen de la présidente du FN concernant les emplois fictifs de son parti est aggravée par les juges d'instruction. Désormais, Marine Le Pen est poursuivie pour « détournements de fonds publics » (7 millions d'euros!), un délit passible de dix ans d'emprisonnement et d'un million d'euros d'amende. Si c'est confirmé, les courses présidentielles, c'est terminé pour elle. Ça sera la fin de sa carrière, l'archivage comme pour Mélenchon. Elle n'est pas la seule dans le box des accusés. Une quinzaine de membres du Rassemblement national, ex-FN, sont poursuivis aussi pour « abus de confiance » et « escroquerie en bande organisée ». Ils sont soupçonnés d'avoir payé des salariés du FN avec l'argent des contribuables européens, en détournant les enveloppes des eurodéputés réservées à l'emploi d'assistants parlementaires entre 2009 et 2017. C'est ce qui a poussé la justice française à l'automne 2018, de saisir un million d'euros d'aides publiques attribuées au RN.
Alors vous pensez bien, quand les gilets jaunes commencent à s'activer vers la mi-octobre, l'agitation est perçue comme une grande bouffée d'oxygène et une aubaine par Marine Le Pen et ses fidèles. Ils s'impliqueront corps et âme. Il y va de leur survie politique. La suite tout le monde la connait, versons de l'huile sur le feu et essayons de récupérer le mouvement. Aujourd'hui seul le chaos peut sauver Le Pen de ce sale pétrin.
Tous ces ennuis financiers et judiciaires n'empêchent pas Mélenchon et Le Pen de donner des leçons de justice sociale, de critiquer la gestion de l'argent public et de réclamer des élections anticipées. Rejet du système, populisme, euroscepticisme, stratégie de la victimisation, idées extrêmes, magouilles financières, pro-Poutine, pro-Assad, gilets jaunes, complexe Macron, décidément, Jean-Luc et Marine devraient faire alliance, ils auront plus de chances de vivre leur quart d'heure de célébrité warholien.
4 Les gilets jaunes auraient fait pschitt sans la convergence de facteurs déterminants : les politiques et les médias traditionnels
La voie démocratique est dans une impasse, elle ne permet pas de déstabiliser le pouvoir en place. En décembre, l'extrême gauche et l'extrême droite étaient pourtant déterminées à le faire. Insoumis, Communistes, Socialistes et Nationalistes s'étaient ligués pour déposer une motion de censure au Parlement (13 décembre), dans l'espoir de faire tomber le gouvernement d'Edouard Philippe. Pour Mélenchon, « c’est le plus court chemin vers... la dissolution ». Même son de cloche du côté Le Pen. Hélas pour eux, au moment fatidique, l'alliance incongrue n'a obtenu que 70 voix en tout et pour tout. Pour réussir, il leur a fallu 219 voix de plus. Autant pisser dans un violon.
Le mouvement des gilets jaunes a démarré vers la mi-octobre (2018), via des actions individuelles sur les réseaux sociaux, portant sur la taxe sur les carburants et une soi-disant chasse aux automobilistes. Depuis, il a fait coulé beaucoup d'encre et engendré beaucoup de mythologies. Et pourtant, réseaux sociaux ou pas, il aurait pu faire pschitt rapidement sans la convergence de trois facteurs déterminants.
• Primo, l'immixtion des hommes politiques et des militants politisés, notamment de l'extrême droite et de l'extrême gauche. Cela s'est traduit très rapidement par des revendications politiques, allant jusqu'à la réclamation de la démission du président de la République et la dissolution de l'Assemblée nationale. Il est évident que le seul espoir de changer la donne pour Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, tous deux empêtrés dans de graves difficultés financières et judiciaires, s'est incarné par les gilets jaunes. Voilà pourquoi leurs militants se sont alors impliqués en masse dès le départ.
• Secundo, le diktat des sondages. Gouverner par les sondages n'a rien de nouveau en France. C'est François Mitterrand qui a ouvert la voie. Il est allé jusqu'à commander un sondage par jour lors de la présidentielle de 1988, payé à l'époque en liquide par les fonds secrets. Sous Nicolas Sarkozy, on voulait de la transparence. Du coup, on est allés encore plus loin, en instituant le recours régulier et systématique aux sondages. Bilan des courses, 330 études d'opinion commandées entre 2007 et 2012, pour 9,39 millions d'euros, soit 28 500 euros par sondage. C'est ce qui a poussé l'élu écologique Raymond Avrillier, le lanceur d'alerte de l'affaire des sondages de l'Elysée sous Sarkozy (qui est devant la justice), à parler d' « ivresse sondagière ». Avec les gilets jaunes, on a franchi une autre étape, on est passé jusqu'au « délire sondagier ».
Dans cette crise, les sondages seront invoqués à tort et à travers par la coalition anti-Macron, avec plusieurs objectifs : compenser l'incapacité des gilets jaunes à mobiliser les Français sur le terrain (au zénith de la contestation, le taux de mobilisation n'a pas pu franchir la barre de 0,2% de la population) ; faire croire que les gilets jaunes ont le soutien de la majorité des Français, malgré les débordements dès le départ, en confondant délibérément l'échantillon de l'étude, composé de quelques centaines de personnes, avec une population de 67 millions d'habitants ; occulter le fait que l'écrasante majorité des sondés désapprouvent le recours des gilets jaunes à la violence comme modus operandi ; laisser croire qu'un soutien aux gilets jaunes équivaut forcément à une sanction de la politique d'Emmanuel Macron.
• Tertio, le parti pris de certains médias. Qui a suivi de près la couverture des actions des gilets jaunes par les médias français, ne pouvait qu'être frappé par un certain regard bienveillant sur le mouvement d'une partie d'entre eux. Comme par enchantement, pour ces médias, la violation de l'état de droit (ne serait-ce qu'à travers les blocages des ronds-points et les manifs non déclarées) et l'atteinte à l'expression démocratique (par la réclamation de la démission du président et la dissolution du parlement, un an et demi après les élections!), n'étaient que des détails de l'histoire. C'est à peine si la problématique est abordée, enfin, d'une manière proportionnelle à la gravité des faits.
Aussi surréaliste que ça puisse paraitre, il y avait même comme une volonté de la part de certains médias en France, de donner aux sondages, le même poids politique que les résultats des élections démocratiques, pour les raisons détaillées précédemment. L'étude de l'opinion de quelques centaines d'individus devenant le gouvernail d'une grande démocratie comme la France, peuplée par 67 millions de personnes. L'objectif de ces médias était clair et double: profiter des gilets jaunes pour faire le buzz (et augmenter le trafic et les ventes), mais aussi, affaiblir Emmanuel Macron.
Ces médias ne se sont pas contentés d'informer et d'analyser les événements, ils sont devenus une partie prenante et camouflée du conflit socio-politique qui agite la France.
5 Le parti pris de certains médias, notamment du Monde et du Point, contre Macron
Cet aspect du problème a été occulté du débat, alors qu'il est très inquiétant. Pour mieux le comprendre, il faut revenir sur le délire médiatique qui a caractérisé l'affaire Benalla. Comme je l'avais montré à l'époque, au total, les dix principaux médias de la presse quotidienne, hebdomadaire et numérique en France, avaient produit durant les deux dernières semaines du mois de juillet 2018, 1 409 documents sur cette histoire. Le journal Le Monde, qui a voulu en faire une « affaire d'Etat », a mobilisé pour la peine, 48 journalistes, afin de rédiger 178 articles sur le sujet durant ce laps de temps. Nous connaissons la suite, « l'affaire d'Etat » a fait pschitt.
Et vous croyez que les médias ont tiré la leçon de cette dérive? Pas du tout. Prenez Le Point, qui a mis le paquet dans l'affaire Benalla. Le 6 décembre 2018, l'hebdomadaire croyait viser juste en titrant : « Les derniers jours du modèle français ». Rien que ça! En photo de couverture, « 'La Marseillaise' à l'Arc de triomphe brisée » et en sous-titre, « Pourquoi Macron doit tout changer ». Notez bien, Macron, pas les gilets jaunes et les partis politiques irresponsables et opportunistes. Un mois plus tard, rebelote : « Mais quand est-ce qu'on arrête ça! ». Peut-être quand certains feront mieux leur boulot! Là aussi, une photo de couverture choc, accompagnée d'un commentaire neutre et insipide « Paris sur la passerelle Léopold-Sédar-Senghor », et non l'agression d'un gendarme par un gilet jaune. En sous-titre, les lecteurs ont eu droit à « La France sur un volcan ». Rien que ça! Eh bien, quand le journalisme fait du militantisme et se met au sensationnalisme, ça donne exactement cela.
Deux couvertures du Point sur la crise des gilets jaunes (6 déc. 2018 et 10 janv. 2019) |
Revenons au Monde, dont le parti pris est encore plus subtile. Le journal a commencé ses 1 200 articles sur le sujet, par « 'Macron est avant tout le président des urbains et de la France qui va bien » (une chronique éditoriale du 6 novembre 2018). Les jours suivants, les lecteurs ont eu droit à des articles intéressants, divers et variés, ainsi qu'au grotesque et au ridicule.
Le grotesque c'était notamment avec « Gilets jaunes : Arnaud et Jessica, la vie à l'euro près » (15 déc.).
L'article qui se situe entre le populiste et le sensationnalisme, qu'on désigne par le « journalisme jaune », a tellement suscité de réactions négatives, que le journal fut obligé de publier un autre pour justifier le choix bizarre de ce « couple représentatif » des gilets jaunes, qui en veut au système avec plus de 1 194 euros d'aides sociales (allocations, logement, etc.), qui a des fins de mois difficiles avec 2 700 euros de revenus (alors qu'il vit en province avec un loyer de 507 €), qui a quatre enfants à 26 ans (eh non, ce sont pas des immigrés!) mais qui ne veut pas les priver des vêtements de marques, et le pompon, c'est les deux abonnements téléphoniques du couple à 78 €/mois, quand tous les opérateurs mobiles en France proposent des offres généreuses ou même illimitées facturées entre 2 et 10 €/mois. Le Monde ne s'est posé la question de savoir s'il n'y avait pas un problème de gestion financière et d'organisation dans ce couple. Non mais, c'est la faute à Macron de toute façon!
Le ridicule c'est la couverture ratée de « M, le magazine du Monde », consacrée à Macron (29 déc.), avec des codes graphiques déjà utilisés dans la propagande nazie des années 1930 et dans une affiche de 2017 de l'artiste canadien Lincoln Agnew, faisant référence à l'incendie de Reichstag en 1933, exploité par Hitler pour asseoir sa dictature (le profil 3/4, l'expression du visage, la foule, le bâtiment historique, la fumée, le rouge et noir, etc.). Ça saute aux yeux! Le tollé qu'elle a provoquée obligea le prestigieux journal à présenter ses excuses.
Par la suite il y a eu d'autres articles divers et variés. Et ça s'est terminé en apothéose par l'article d'avant-hier où le journal s'est demandé: « Emmanuel Macron s'est-il enfermé à l'Elysée? » (16 janvier 2019). Pourquoi pas, sauf que cet article tombe comme un cheveux sur la soupe. Et comment, c'est au lendemain du lancement du Grand débat national par le président de la République ! Le Monde a partagé avec les 4 314 736 abonnés de sa page Facebook, trois articles sur le sujet : avant, pendant et après le débat. Comme par hasard, les trois sont négatifs et à côté de la plaque.
Alors qu'Emmanuel Macron venait d'effectuer un dialogue-marathon de 6 heures et 52 minutes où il a répondu aux doléances de 653 maires de Normandie, pas spécialement acquis à sa cause, où il a montré qu'il avait une ouverture d'esprit extraordinaire et une maitrise incroyable de tous les dossiers, tout ce que le prestigieux journal Le Monde trouve à dire à ses lecteurs le lendemain matin, c'est ceci: « Rendu méfiant par l'affaire Benalla, lâché par plusieurs fidèles, surprotégé par son premier cercle, le président se serait progressivement enfermé à l'Elysée... » Ah, si les journalistes du Monde s'étaient contentés de cela, ils auraient éviter le grotesque de ce rajout populiste inutile, «... comme dans une tour d'ivoire ». Non mais, la honte.
Non seulement c'est ridicule de tomber sur ce titre, alors que Macron vient de discuter près de 7 heures avec près 700 maires de France!, et discutera au moins 3 heures en fin de semaine avec 600 autres maires de France, mais je n'ose pas imaginer qu'il ait été aussi difficile pour les journalistes du Monde, de comprendre, qu'un débat épineux de cette importance, comme la rédaction d'un article sur un sujet délicat, a nécessité beaucoup de préparation en amont !
Le site du grand débat national |
6 Emmanuel Macron a ouvert la voie vers une sortie de la crise des gilets jaunes par le haut : le grand débat national
Qu'on ne s'y trompe pas, la crise des gilets jaunes est avant tout une lutte de pouvoir. Depuis bientôt deux ans, il existe un nouvel ordre politico-médiatique.
D'un côté, on a le nouveau monde, incarné par un parti politique contemporain, La République en marche. Pour pérenniser la place qu'il s'est taillé au soleil, Macron a compris qu'il faut à la fois tenir les promesses qu'il a faites aux électeurs, garder le cap contre vents et marées, et être réactif à toute nouvelle donne, mais aussi verrouiller sa com' (en raréfiant ses apparitions), garder les journalistes à distance (en délocalisant la salle de presse en dehors de l'Elysée) et organiser son propre canal d'information (à travers des lives sur Facebook). Cette stratégie ingénieuse permet au président de la République de répondre aux attentes des citoyens français, tout en restant à l'abri du bon vouloir du « pouvoir médiatique ».
D'un autre côté, on a l'ancien monde, représenté par les partis politiques et les médias traditionnels, qui peinent à se tailler une place au soleil (c'est notamment le cas des partis La France insoumise et le Rassemblement national), ou à retrouver l'âge d'or où ils faisaient la pluie et le beau temps (c'est le cas des médias, le Monde et du Point par exemple).
Dans ce nouvel ordre politico-médiatique des individus ou des mouvements modernes (qui communiquent via Facebook, Twitter, Youtube, Blogs, etc.), parviennent à tirer leur épingle du jeu. C'est le cas entre autres, des gilets jaunes. Toutefois, comme je l'ai exposé précédemment, ces derniers ne se trouvent là que grâce aux partis et médias traditionnels. Sans eux, le nouveau mouvement aurait fait pschitt, tôt ou tard. Ainsi, par un jeu d'opportunisme, les gilets jaunes et certains partis (ex. LFI et le RN) et médias (ex. Monde et Point), profitent de l'aubaine pour reprendre la main ou se tailler une place au soleil, y rester et chasser ceux qui s'y trouvent, Macron et LREM.
La lettre d'Emmanuel Macron aux Français |
La situation étant ce qu'elle est, l'essentiel est d'aller de l'avant. La crise des gilets jaunes a magistralement démontré qu'Emmanuel Macron est la seule personnalité française digne de la fonction présidentielle et à la hauteur du défi qu'elle pose. Au moins pour l'instant et jusqu'à nouvel ordre! En affectant dix milliards d'euros en faveur du pouvoir d'achat et en lançant un grand débat national ouvert, jusqu'au 15 mars, le président de la République donne à la France une occasion en or pour sortir de la crise des gilets jaunes par le haut. Mardi c'était le dialogue-marathon de près de 7 heures devant environ 700 maires de Normandie à Grand Bourgtheroulde (Eure). Ce vendredi c'est un autre dialogue-marathon qui prend place devant 600 maires d'Occitanie à Souillac (Lot).
« Nous devons nous rappeler qui nous sommes... la France est, de toutes les nations, une des plus fraternelles et des plus égalitaires. C'est aussi une des plus libres (...) Il faut rendre à la France sa prospérité pour qu’elle puisse être généreuse, car l’un va avec l’autre (...) C’est ainsi que j’entends transformer avec vous les colères en solutions. » Ainsi, en mairie, lors des débats qui seront organisés aux quatre coins de la France et sur internet, comme l'a dit le président de la République dans sa lettre adressée aux Français dimanche dernier, chacun pourra exprimer ses « attentes » et faire valoir ses « propositions » et ses « idées », concernant quatre grands thèmes : « la fiscalité et les dépenses publiques, l’organisation de l’État et des services publics, la transition écologique, la démocratie et la citoyenneté ». Il sera aussi question d'immigration, de laïcité, et « n’importe quel sujet concret dont vous auriez l’impression qu’il pourrait améliorer votre existence au quotidien ».
Un site internet est dédié à ce projet national (granddebat.fr). On y trouve sur chacun des quatre thèmes proposés, une fiche qui présente le contexte, les points du débat et les questions auxquelles les citoyens doivent répondre. En tout, il y en a 82, certaines sont fermées et d'autres ouvertes. Sur le site, on trouve également un « kit méthodologique », pour permettre à tout un chacun d'organiser son propre débat. Dans un café, un salon, une cage d'escalier ou sur un rond-point, au choix. Les propositions « permettront de structurer l’action du Gouvernement et du Parlement, mais aussi les positions de la France au niveau européen et international ». La réussite de ce « nouveau contrat pour la Nation » dépend de tous les protagonistes de la société française, les élus, les partis, les médias et les citoyens. Chacun doit assumer ses responsabilités. C'est l'heure de vérité pour savoir qui se soucie de la France et qui se limite à son agenda personnel. Que demande le peuple de plus ?