jeudi 26 janvier 2012

Relations Liban-Syrie : projet de déclaration publié par le « bureau exécutif du Conseil national syrien ». Texte et remarques. (Art.52)


Vous trouverez ci-dessous le document publié par le « bureau exécutif du Conseil national syrien » sur sa conception des relations entre le Liban et la Syrie à l'avenir. Il s'agit d'un projet de déclaration pour l'instant qui n'a pas encore été validé par le CNS, il y aurait peut être des divergences de point de vue au sein de l'opposition syrienne.

Le changement de régime en Syrie, inévitable pour l'Histoire, prendra malheureusement encore beaucoup de temps, contrairement à ce qu'affirme le document. En tout cas cette déclaration est effectivement une occasion en or pour établir des relations "normales" entre les 2 pays. Cependant, je voudrais attirer l'attention du Conseil National Syrien sur un point d'une grande importance qui risque de foirer cette noble tentative de tourner la page entre les 2 peuples : la terminologie!

Il est préférable, dans l'intérêt des 2 pays et des 2 peuples, et afin de mieux démontrer que "la Syrie libre, indépendante et démocratique reconnaît le Liban en tant que patrie souveraine et indépendante", de couper définitivement ce cordon ombilical terminologique, contesté par une partie de la population libanaise, notamment chrétienne.

"FRERES libanais", "le soutien du peuple libanais à son FRERE le peuple syrien", "le tournant… ouvre grand les horizons à un avenir COMMUN entre nos deux peuples", "coordination ETROITE entre les deux peuples", même si ces phrases partent d'un bon sentiment, il n'empêche qu'elles prêtent à confusion. Ces phrases ne sont pas de nature à dissiper certaines craintes.

Les points 2 et 3, comme ils sont formulés ne sont pas acceptables.
"(2) La Syrie souhaite des relations bilatérales entre deux États indépendants, souverains et égaux, et deux PEUPLES FRERES qui disposeraient d’une HISTOIRE COMMUNE, ET D'UN PRESENT ET D'UN AVENIR COMMUNS."
"(3) La Syrie aspire à fonder avec le Liban indépendant et démocratique des PROJETS COMMUNS entre les deux États et les deux peuples DANS TOUS LES DOMAINES, sans ingérence d’une partie dans les affaires de l’autre, projets dans le cadre desquels les deux États joueraient un ROLE COMPLEMENTAIRE au sein d’un cadre arabe pour l’édification d’un nouveau système arabe qui renouvellerait le concept de l’arabité en tant que lien culturel, économique et humain. Les deux pays COORDONNERAIENT ENSEMBLE pour un nouveau pacte arabe…"

Il serait aussi souhaitable concernant le point 5a de prévoir, au lieu  d'une "révision des accords conclus entre les deux pays", une annulation pure et simple de ces accords conclus sous la menace pendant l'occupation syrienne du Liban, afin d'établir en toute liberté de nouveaux accords bilatéraux!

Au total, il convient donc d'éviter tout ce qui peut donner l'impression, à tort ou à raison, qu'on s'achemine vers une relation fusionnelle d'un nouveau genre!


Réf.

Des divergences retardent la publication d’un document historique de l’opposition syrienne pour « tourner la page noire » avec le Liban
L'Orient-Le Jour 26 janvier 2012

Un document ouvrant une réelle perspective d’avenir sur les relations libano-syriennes dans une éventuelle Syrie postbaassiste, le premier dans son genre, a été publié hier au nom du « bureau exécutif du Conseil national syrien », la principale instance représentant l’opposition syrienne au régime du président syrien Bachar el-Assad.
Dans cette « Lettre ouverte au peuple syrien » – applaudie, dès sa publication, par le secrétariat général des forces du 14 Mars, qui a reconnu dans cette initiative « une démarche courageuse », le Conseil national syrien reconnaît entre autres formellement la souveraineté et l’indépendance du Liban, évoque la nécessité de relations équitables entre les deux États sur cette base et réclame notamment l’abolition du Conseil supérieur libano-syrien et la révision des traités bilatéraux iniques.

Cependant, il s’avère, après enquête, que ce document, pourtant en tous points historique, n’avait pas encore été formellement validé, jusqu’à hier soir, par le Conseil national syrien. Il s’agirait d’un projet de déclaration formelle de la part de l’opposition sur les relations libano-syriennes, toujours à l’étude au sein du CNS, mais qui a transpiré hier par le biais de certains des membres du bureau exécutif de l’instance. La question de savoir si ce texte – qui vient pourtant s’inscrire dans la lignée de la déclaration Beyrouth-Damas/Damas-Beyrouth de 2005, mais qui n’est cette fois pas le fait d’intellectuels, mais de forces politiques ! – fait l’unanimité entre les différentes composantes du CNS reste actuellement en suspens. Ainsi, le texte a-t-il été publié hier sur la page Facebook du groupe qui dépend du CNS, mais pas sur son site officiel, ce qui est probablement révélateur des divergences qui animent actuellement l’opposition syrienne.

Le texte intégral

« Frères Libanais, avec l’entrée de notre révolution, la révolution du peuple syrien, dans son onzième mois, et avec les sacrifices consentis par notre peuple pour la liberté, la dignité et le changement démocratique, et dans l’élan de notre combat pour la chute du régime de Bachar el-Assad et son gang, objectif qui est bientôt près d’être réalisé, notre Conseil apprécie hautement le soutien du peuple libanais à son frère, le peuple syrien, ainsi que son soutien politique, humanitaire et moral à la révolution syrienne. Le CNS estime qu’il existe une cause commune entre les peuples libanais et syrien : la démocratie en Syrie constitue un soutien fondamental à l’indépendance du Liban. Il s’agit là d’une occasion de tourner une page noire dans l’histoire des relations syro-libanaises, assombrie par le régime dictatorial en Syrie, qui a perpétré les formes les plus exécrables de tutelle, d’influence et d’ingérence. Notre Conseil assure que le tournant que constitue la révolution syrienne entre l’ère de la dictature et de la tyrannie, d’une part, et l’ère de la liberté et de la démocratie, de l’autre, ouvre grand les horizons à un avenir commun entre nos deux peuples et pose les fondations d’une coordination étroite entre eux », note la lettre ouverte.

Le document poursuit : « Frères Libanais, le CNS, qui aspire à un avenir radieux entre une Syrie libre et démocratique et le Liban, met l’accent sur les principes suivants :
(1) La Syrie libre, indépendante et démocratique reconnaît le Liban en tant que patrie souveraine et indépendante.
(2) La Syrie souhaite des relations bilatérales entre deux États indépendants, souverains et égaux, et deux peuples frères qui disposeraient d’une histoire commune, et d’un présent et d’un avenir communs.
(3) La Syrie aspire à fonder avec le Liban indépendant et démocratique des projets communs entre les deux États et les deux peuples dans tous les domaines, sans ingérence d’une partie dans les affaires de l’autre, projets dans le cadre desquels les deux États joueraient un rôle complémentaire au sein d’un cadre arabe pour l’édification d’un nouveau système arabe qui renouvellerait le concept de l’arabité en tant que lien culturel, économique et humain. Les deux pays coordonneraient ensemble pour un nouveau pacte arabe qui s’inspirerait de la déclaration de Riyad de 2007 et qui paverait la voie à la consolidation des valeurs du pluralisme et de la tolérance dans le monde arabe.
(4) Les deux pays considèrent que la diversité religieuse et raciale constitue une valeur unique que le Liban et la Syrie partagent et ils s’engagent à défendre cette particularité historique qu’ils considèrent comme une source de richesse sur le plan culturel et humain.
(5) La Syrie aspire, en se fondant sur les principes qui précèdent, et dans le respect de votre pacte national consacré par l’accord de Taëf, à œuvrer communément avec un Liban indépendant et démocratique pour régler immédiatement et directement les dossiers urgents suivants :
(a) La révision des accords conclus entre les deux pays pour parvenir à de nouveaux accords qui préserveraient les intérêts de chacun des deux pays, d’une part, et leurs intérêts communs, de l’autre.
(b) La concentration des relations entre les deux pays et les deux États au niveau de la représentation diplomatique saine au niveau de deux ambassades.
(c) L’abolition du Conseil supérieur libano-syrien.
(d) Le tracé des frontières entre les deux pays, notamment dans la région des fermes de Chebaa.
(e) Le contrôle des frontières entre les deux pays.
(f) La fin du rôle sécuritaire, que ce soit au niveau des ingérences dans les affaires libanaises, ou du trafic d’armes qui vise à faire du Liban une arène en opposition avec les principes fondateurs de l’entité, de l’État et de la loi.
(g) La création d’une commission d’enquête syro-libanaise commune pour régler la question des détenus et des disparus dans les prisons du régime (syrien). »

Et le texte d’ajouter : « Frères Libanais, les Syriens, après la victoire de leur révolution, et les Libanais, après la libération et la démocratisation de la Syrie, ont devant eux une longue bataille pour faire entrer les deux pays dans une nouvelle ère, celle de l’état civil, de la modernité et du développement, ainsi que de la construction des intérêts communs. Le CNS, qui expose ici les principes qu’il pense être ceux qui devraient régir les relations entre la Syrie et le Liban, se fonde en définitive sur l’intérêt de la Syrie à l’établissement de relations de fraternité, de bon voisinage et d’intérêts évidents entre elle et le Liban, et d’un intérêt syro-libanais à la naissance d’un nouveau système arabe fondé sur les intérêts entre des pays souverains et égaux. Le CNS choisit ce timing pour présenter ces principes, à l’approche d’un instant historique aussi bien pour la Syrie que pour le Liban, en l’occurrence l’approche de la chute du régime Assad qui représente l’obstacle permanent face à l’établissement de relations saines entre les deux États et les deux peuples. Ce que nous déclarons aujourd’hui n’est pas uniquement un acte de foi dans ses relations, mais un acte de reconnaissance du fait que deux États indépendants peuvent œuvrer, coordonner et réussir ensemble. Deux États qui s’entraideraient et qui ne constitueraient pas un fardeau l’un pour l’autre. »
« Frères Libanais, la révolution syrienne vous lance un appel du cœur et de la raison. Elle s’adresse à votre cœur et votre raison. Voilà que nous œuvrons aujourd’hui ensemble pour un avenir radieux qui garantirait la sécurité, la paix et la stabilité pour la région et ses peuples. Gloire aux martyrs qui sont tombés pour l’indépendance du Liban. Gloire aux martyrs de la révolution syrienne, qui écrivent avec leur sang l’avenir de la Syrie, du Liban et de la région », conclut l’appel, qui est signé par « le bureau exécutif du Conseil national syrien ».

Une « démarche courageuse » pour le 14 Mars

Dans une première réaction particulièrement favorable à ce texte, le secrétariat général des forces du 14 Mars a fait paraître hier le communiqué suivant : « Le secrétariat a reçu avec grande joie la lettre ouverte émanant du Conseil national syrien adressée au peuple libanais, et considère que cette lettre constitue un signe d’espoir et une démarche courageuse en faveur de l’ouverture d’une nouvelle page dans les relations libano-syriennes, fondées sur la souveraineté et l’indépendance des deux pays. Le secrétariat général considère que ce message historique mérite une réponse par le biais d’une lettre ouverte qui traiterait dans les détails les points soulevés par le CNS, compte tenu de l’importance de l’événement, que ce soit du point de vue de son contenu ou de son timing. Le secrétariat aspire également à davantage de contact dans l’intérêt des deux peuples et des deux pays. »