Pour
la première fois en tant que président de la République et chef de
la majorité parlementaire, fraichement obtenue, Emmanuel Macron a exposé la nouvelle politique étrangère de la France. C'était
au cours d'une interview parue hier dans huit journaux européens,
dont Le Figaro et The Guardian. Pour éviter la prose et la poésie qui n'ont pas leur place en politique,
voici les extraits les plus marquants. Ils concernent l'Union européenne et
le Moyen-Orient.
Crédit photo : Jean-Christophe Marmara / Le Figaro D'après le site internet de l'Elysée |
Macron
: « L’Europe n’est pas un supermarché »
Qui
s'obstinait jusqu'à dimanche dernier, à croire qu'Emmanuel
Macron était le fruit d'un bug démocratique, devrait se rendre
à l'évidence qu'il s'est peut-être trompé et saisir cette
nouvelle occasion pour changer d'avis. Je partage entièrement le
constat du président de la République française sur l'Europe. J'en
ai parlé à plusieurs reprises dans mes articles consacrés à
l'élection présidentielle française. Remettre en cause l'Union européenne sous quelque forme que ce soit, était et le restera pour moi, une ligne rouge qu'il ne faut pas franchir sous aucun prétexte. Cette interview démontre
clairement qu'Emmanuel Macron n'a pas gagné par hasard. Il a été
élu et doté d'une majorité parlementaire parce qu'il a su parler aux Français en leur insufflant à la fois la mentalité optimiste et l'esprit conquérant,
l'ouverture au monde et le sentiment de sécurité, la fermeté et la souplesse, la prestance et le dynamisme, comme en témoignent ses déclarations sur l'Union européenne.
-
« La question première... est d’abord de savoir comment
défendre notre bien commun à tous, c’est-à-dire la liberté et
la démocratie, la capacité des individus et de nos
sociétés à être autonomes, à rester libres, à assurer la
justice sociale et à préserver notre planète à travers le climat.
Sans ces biens communs, il n’y a pas d’avenir souhaitable ni
durable. Notre défi est de savoir comment nous allons gagner cette
bataille dont l’Europe, j’en suis convaincu, porte la
responsabilité. Pourquoi? Parce que la démocratie est née sur ce
continent... L’Europe est le seul endroit au monde où
les libertés individuelles, l’esprit de démocratie et la justice
sociale se sont mariés à ce point. »
-
« Il faut créer une Europe qui protège en se
dotant d’une vraie politique de défense et de sécurité commune.
Il faut être plus efficace face aux grandes migrations en réformant
profondément le système de protection de nos frontières, la
politique migratoire et le droit d’asile... Si nous voulons passer
ensuite à l’étape suivante, il faut avoir une
intégration plus forte au sein de la zone euro. D’où
l’idée, que je défends avec vigueur, d’un budget de la zone
euro, doté d’une gouvernance démocratique. »
-
« L’Europe n’est pas un supermarché.
L’Europe est un destin commun. Elle s’affaiblit quand elle
accepte qu’on rejette ses principes... Je ne
transigerai pas sur les principes de l’Europe, sur la solidarité
et sur les valeurs démocratiques. »
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« Nous devons promouvoir une Europe qui aille vers
un mieux-être économique et social. L’objectif d’une
Europe qui protège doit aussi s’imposer dans le domaine économique
et social. »
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« Je suis attaché à l’espace Schengen
qui permet la libre circulation des personnes au sein de l’Union
européenne, et qui est l'un des éléments constitutifs de notre
citoyenneté européenne. Si nous voulons garantir cette libre
circulation, il faut renforcer les contrôles aux
frontières extérieures de l’Union européenne. »
-
« Il y a ensuite la question des réfugiés...
qui risquent leur vie dans leur pays, qui la risquent pour venir
jusqu’à nous, qui fuient des pays en guerre. Nous leur devons
hospitalité et humanité... L’objectif est que nous
divisions ces délais moyens par deux (concernant l'instruction de la demande d'asile), en passant à six
mois toutes procédures comprises. Il y a ensuite les
migrants qui ne relèvent pas de l’asile, qui n’ont
donc pas vocation à s’établir en France, et dont il faut régler
la situation conformément à notre droit avec humanité, et dans le
cadre d’une plus grande coopération internationale. Il faudra
assurer l’effectivité de leur reconduite à la
frontière... et lutter plus efficacement contre les filières mafieuses qui exploitent la détresse humaine ».
*
Macron
: « Personne ne m’a présenté son successeur légitime »
Autant
sur l'Europe, Emmanuel Macron a fait un sans-faute, autant sur la
Syrie, il a été loquace et moins bon. C'est peut-être lié
d'ailleurs. A la question de savoir « si la ligne rouge de
l’utilisation des armes chimiques est franchie en Syrie, la France
est-elle prête à frapper seule? », le président français
répond par l'affirmatif et s'explique. « Quand vous
fixez des lignes rouges, si vous ne savez pas les faire respecter,
vous décidez d’être faible. Ce n’est pas mon choix. »
Un chouïa prétentieux. Tout le monde devine que c'est une double
pique adressée à Barack Obama et François Hollande.
Mais encore, « s’il est avéré que des armes chimiques
sont utilisées sur le terrain et que nous savons en retracer la
provenance, alors la France procédera à des frappes pour détruire
les stocks d’armes chimiques identifiés. » Là, Macron
fait un peu du Trump, ce qui n'est pas très flatteur. Deux mois après
cette nuit inoubliable marquée par les 59 Tomahawks américains qui n'ont détruit qu'à moitié l'aéroport visé et
ses hangars, rien n'a vraiment changé en Syrie. Jamais
Bachar el-Assad n'a été aussi fort et aussi criminel. Silence, il
tue. Il tue, en silence.
Emmanuel
Macron se veut fort et déterminé, à l'inverse de ses prédécesseurs
français et américain comme il l'a laissé entendre. «
Qu’est-ce qui a bloqué les choses en 2013? Les
Etats-Unis ont fixé des lignes rouges mais ont fait le choix in fine
de ne pas intervenir. Qu’est-ce qui a affaibli la
France? De définir politiquement une ligne rouge et de ne pas en
tirer les conséquences. Et qu’est-ce qui a du coup libéré
Vladimir Poutine sur d’autres théâtres d’opérations?
Le fait d’avoir constaté qu’il avait face à lui des
gens qui avaient des lignes rouges mais ne les faisaient pas
respecter. » Ah ! non ! c'est un peu court jeune homme, comme disait Cyrano. Ce sont les menaces de
Barack Obama et de François Hollande de lancer des frappes
aériennes contre le régime syrien après le massacre d'al-Ghouta (commis par les troupes de Bachar el-Assad le 21 août 2013, avec du gaz sarin), qui ont poussé le dernier tyran de Damas et l'imposteur du Kremlin à accepter le
démantèlement de l'arsenal chimique syrien sous l'égide de l'ONU.
Celui-ci était évalué à l'époque à près de 1 300 000 kilos. A
Ghouta, quelques dizaines de litres seulement étaient suffisants
pour tuer 1 429 personnes, dont 426 enfants, en quelques minutes. On peut critiquer autant
qu'on veut les présidents américain et français, mais on ne pourra
pas, comme le fait une majorité de gens des deux côtés de la Méditerranée, zapper ce constat qui s'impose avec le recul : tout
aventurisme en Syrie avant le démantèlement total de l'arsenal
chimique de Bachar el-Assad, aurait conduit à la dissémination sûre
et certaine des armes chimiques aux groupes jihadistes sunnites et
aux milices chiites de la région. Rien qu'à imaginer les conséquences de cette éventualité pour le Moyen-Orient et l'Europe, ça fait vraiment froid dans le dos.
En tout cas, le président français a tenu à affirmer qu'il avait une « conviction
profonde » sur la Syrie.
« Il faut une feuille de route diplomatique et politique. » Il a raison, mais il le dit comme si on n'avait rien
tenté depuis six ans. « On ne réglera pas la
question uniquement avec un dispositif militaire. C’est l’erreur
que nous avons collectivement commise. » En
fait, Macron fait le malin, dans le sens « ils se sont tous
trompés, mais ça ne sera pas mon cas », le recours au pronom
personnel pluriel n'est que pour éviter qu'on lui rappelle, qu'à
cette période, il était Secrétaire général adjoint du cabinet du
président de la République française (2012-2014). Allons bon,
personne, mais vraiment personne, en Occident tout au moins, n'a cru
que la solution en Syrie relevait du domaine militaire uniquement.
Toujours
est-il que si nous n'allons pas chipoter le président français pour les
précédentes déclarations, il est difficile de passer sous
silence la grosse bourde de l'interview. « Le vrai
aggiornamento que j’ai fait à ce sujet, c’est que je n’ai pas
énoncé que la destitution de Bachar el-Assad était un préalable à
tout. Car personne ne m’a présenté son successeur légitime! » La pique est cette fois pour mon voisin de palier sur Facebook, Laurent Fabius, l'ancien ministre français des Affaires étrangères. Bon, il faut tout de même reconnaitre que Macron a raison de mettre le doigt sur la plaie.
Certes,
l'inaction occidentale en Syrie entre 2011 et 2013 a eu des effets négatifs sur le cours des événements.
Mais, il ne faut pas non plus inverser les rôles et les responsabilités. Les Syriens n'ont pas pu former, même à ce jour, une opposition forte, responsable, non-islamisée et unie, capable d'assurer la relève. C'est le coeur du problème syrien. L'ignorer encore et toujours, n'aidera pas les Syriens. Les erreurs des pays arabes et de la Turquie aussi ont nuit gravement à la révolte de la population syrienne contre le régime. Aujourd'hui même, toutes les frappes de la coalition
internationale contre Daech en territoire syrien, sont menées par les pays
occidentaux, les Etats-Unis assurant plus de 95% d'entre eux. Les Arabes et les Turcs se contentent de regarder ça à la télé et de palabrer sur le sujet.
Toujours est-il qu'Emmanuel
Macron tenta de se rattraper par la suite, en détaillant les
grandes lignes de son action en Syrie.
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« Un: la lutte absolue contre tous les groupes
terroristes. Ce sont eux, nos ennemis. C’est dans cette
région qu’ont été fomentés des attentats terroristes et que se
nourrit l’un des foyers du terrorisme islamiste. » Absolument.
Et comment doit-on procéder mon général? « Nous avons besoin
de la coopération de tous pour les éradiquer, en
particulier de la Russie. » Certainement. Mais peut-être que les
services de renseignement de l'armée française n'ont pas eu le temps de le mettre au
courant, depuis l'intervention massive de Vladimir Poutine en
Syrie, en septembre 2015, l'armée russe se concentre sur tous les
groupes armés à l'exception de Daech, afin justement d'éradiquer
tout « successeur légitime »
potentiel du régime syrien.
-
« Deux: la stabilité de la Syrie, car je
ne veux pas d’un Etat failli. Avec moi, ce sera la fin d’une
forme de néoconservatisme importée en France depuis dix ans. La
démocratie ne se fait pas depuis l’extérieur à l’insu des
peuples. La France n’a pas participé à la guerre en
Irak et elle a eu raison. Et elle a eu tort de faire la guerre de
cette manière en Libye. Quel fut le résultat de ces interventions?
Des Etats faillis dans lesquels prospèrent les groupes terroristes.
Je ne veux pas de cela en Syrie. » J'approuve
complètement. Mais ce n'est pas bien de se contredire dans la même
interview quand même. Parmi ces « biens communs » à
toute l'humanité qu'il a évoqués, que nous devons « savoir
comment défendre », il y a comme il l'a rappelé « la
liberté et la démocratie ». C'est tout ce que les
manifestants syriens réclamaient en cette matinée du 15 mars
2011. Désolé, mais ça ne venait pas de l'extérieur à l'insu du
peuple syrien. Maintenant, si Macron veut régler ses comptes avec
BHL & Co, il faut qu'il évite quand même de confondre les dossiers libyen
et syrien.
-
« Trois: j’ai deux lignes rouges, les armes
chimiques et l’accès humanitaire. Je l’ai dit très
clairement à Vladimir Poutine, je serai intraitable sur ces sujets.
Et donc l’utilisation d’armes chimiques donnera lieu à des
répliques, y compris de la France seule. La France sera d’ailleurs
à cet égard parfaitement alignée avec les Etats-Unis. »
Impeccable. Mais ce qui serait encore mieux sur le plan humanitaire,
c'est de créer des zones frontalières sécurisées en territoire
syrien, où la population syrienne pourrait se sentir en sécurité
et qui permettront de soulager les pays limitrophes comme le
Liban, du fardeau d'une présence massive de réfugiés et de
déplacés syriens, un quart de sa population aujourd'hui, dont les conséquences sont de plus en plus lourdes sur le pays du Cèdre (à tous les niveaux, social, économique, écologique, sécuritaire, touristique, en matière de travail, de logement, d'infrastructures, etc.).
-
« Quatre: je veux une stabilité syrienne à moyen terme. Cela
veut dire un respect des minorités. Il faut
trouver les voies et moyens d’une initiative diplomatique qui fasse
respecter ces quatre grands principes. » Minorités de
quoi? De bouddhistes, de végétariens ou de LGBT? Et s'il
s'agit de « chrétiens » à tout hasard, il faut les
désigner clairement, par respect justement. En tout cas, c'est bien de
se soucier des minorités, mais il faut aussi se soucier du sort de
cette majorité de « sunnites », qui représentent
70% de la population syrienne, écrasés depuis des décennies par un
clan terroriste alaouite, issu justement d'une minorité qui ne
représente que 10% de la population syrienne et qui n'a cessé de
martyriser les populations syrienne et libanaise, ainsi que du
destin de ceux qui se situent entre la majorité sunnite et la
minorité chrétienne, les « chiites » arabes,
laissés aux mirages de la Révolution islamique des mollahs et du wali el-fakih, Ali Khamenei.
En
quelques mois, peut-être sous l'influence de ses jeunes conseillers en politique étrangère, Emmanuel Macron est passé
de « je ne suis pas fasciné par Vladimir
Poutine ; je ne prétends pas être l'ami de Vladimir
Poutine ; je suis moins tendre avec les Russes » à «
je respecte Vladimir Poutine ; j'ai eu avec lui un échange
constructif ; nous avons de vrais désaccords, sur l’Ukraine en
particulier ». Pas sur la Syrie, nous l'avons bien compris.
C'est alors qu'un journaliste lui fait remarqué à juste titre à
propos du locataire du Kremlin, « vous parlez d’un
dialogue franc avec Vladimir Poutine, mais il ne bouge sur rien ».
Mais ça n'a pas eu l'air de déstabiliser le président français
qui a saisi l'occasion pour se lancer sur les motivations
psychologiques de Poutine. « Je
ne dis pas qu’il est miraculeux. Qu’est-ce qui motive Vladimir
Poutine? C’est de restaurer un imaginaire russe puissant pour tenir
son pays... Tel est son fil directeur, y compris en Syrie. » Si
ceci est totalement vrai, la suite ne l'est pas, au moins en partie.
«
Je ne crois pas qu’il ait une amitié indéfectible à l’égard
de Bachar el-Assad. Il a deux obsessions: combattre le terrorisme et
éviter l’Etat failli. » Et c'est tout ? Et quid du
sauvetage du régime terroriste de Damas? Rien, pas un mot. Pire
encore, « c’est pour cela que sur la Syrie des
convergences apparaissent. Longtemps nous avons été bloqués sur la
personne de Bachar el-Assad. » Ça alors ! « Mais
Bachar, ce n’est pas notre ennemi, c’est l’ennemi du peuple
syrien. » Sans tomber dans la dramatisation excessive qu'on en a fait en Orient, la formulation est le moins qu'on puisse dire, maladroite. Attention, comme on dit dans nos contrées, notamment à Damas, depuis le règne du premier calife omeyyade au 7e siècle, c'est finalement,
cha3rit mou3awiya, un cheveux de Mouawiya qui retient
encore Macron de basculer dans l'inacceptable sur la Syrie et sur Poutine.
« L’objectif de Vladimir Poutine, c’est de restaurer la
Grande Russie, parce que c’est selon lui la condition de survie de
son pays. Est-ce qu’il cherche notre affaiblissement
ou notre disparition? Je ne le crois pas. »
Et dire que Donald Trump risque la destitution à cause d'une probable collusion de son équipe avec des services de hacking de Poutine, qui
ont cherché à influencer l'élection présidentielle américaine,
comme ils ont cherché plus tard à le faire avec sa propre élection
justement, à travers les attaques informatiques contre les serveurs
d'En Marche et le lancement de MacronLeaks à 48 heures du 2e
tour. « Vladimir Poutine a sa lecture du monde. Il pense que
la Syrie est une question de voisinage fondamental pour lui. Que
peut-on faire? Réussir à travailler ensemble sur la Syrie pour
lutter contre le terrorisme et déboucher sur une vraie sortie de
crise. Je pense que c’est faisable. » Pourquoi pas, personne de raisonnable ne peut être contre cet état d'esprit.
Toutefois, Emmanuel Macron et ses conseillers à l'Elysée comme
au Quai d'Orsay doivent comprendre trois points fondamentaux sur la
Syrie, s'ils ne veulent pas pédaler dans le bourghoul de l'Orient compliqué.
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Primo, l'islamisation, la militarisation et la généralisation du
conflit syrien furent une triple erreur fatale de la part des Syriens.
J'étais parmi les opposants à Bachar el-Assad, l'un des premiers à les
dénoncer, quand personne n'osait encore émettre la moindre critique à l'égard des rebelles syriennes et quand Macron était plus préoccupé par sa carrière que
par la politique de la France au Moyen-Orient. Il faut le rappeler,
mais cela ne changera rien au cours des événements.
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Secundo, on n'a pas attendu la providence qu'elle nous envoie le
sauveur pour tenter de résoudre le problème en Syrie politiquement.
On compte à ce jour pas moins de sept tentatives de résolutions au Conseil de sécurité de l'ONU, la plupart initiées par la France, et deux conférences de Genève sur
la Syrie. Et où on est-on aujourd'hui? A 460 000 morts et la
moitié de la population déplacée. Et pourquoi svp? A cause des vétos systématiques de Vladimir Poutine et de ses homologues
chinois. Le président russe n'est peut-être pas « miraculeux »,
mais il est clairement nuisible.
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Tertio, qu'on le veuille ou pas et que ça plaise ou non, Daech
a deux pères adoptifs, George W. Bush et Nouri el-Maliki (respectivement ancien président des Etats-Unis et ancien Premier ministre d'Irak), trois
mères nourricières, Bachar el-Assad, Ali Khamenei et Vladimir
Poutine (respectivement président de la Syrie, Guide suprême de l'Iran, président de la Russie), et de nombreuses tantes (le Qatar, l'Arabie saoudite et la Turquie). La responsabilité de Vladimir Poutine dans la guerre en Syrie et l'émergence de Daech est immense. Si on avait réussi à faire voter la première résolution de l'ONU sur la Syrie en octobre 2011, le Moyen-Orient et le monde entier ne seraient vraiment pas là aujourd'hui. L'Etat
islamique d'Irak serait resté en Irak, Assad aurait lâché du
leste, l'Etat islamique en Irak et au Levant ne serait pas né, l'international jihadisme
ne se serait pas constitué, les attaques de Paris n'auraient pas eu
lieu, l'Europe n'aurait pas des milliers de terroristes en formation
en Syrie et la coalition internationale ne serait pas obligé
d'effectuer 22 666 frappes en Irak et en Syrie pour tenter d'anéantir
cette organisation terroriste.
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Parlons
peu, parlons bien. Personne ne demande le sabotage de l'Etat syrien.
Mais laisser entendre, comme l'a fait le président français, que
c'est « Assad ou le chaos », voire « le régime ou les islamistes
», c'est adopté le leitmotive et la propagande du tyran de Damas
depuis plus de six ans. Non, il faut établir une autre équation.
C'est plutôt ni Assad, ni le chaos, ni le régime, ni les
islamistes.
Qui
a la prétention de s'intéresser au dossier syrien doit bien
comprendre, tout ce qui peut renforcer Bachar el-Assad, exacerbera
les sentiments d'injustice dans les populations
arabo-islamo-sunnites, nourrira l'extrémisme islamiste de par le
monde aussi bien en Orient qu'en Occident, et finira en
conséquence, par enraciner l'idéologie de Daech et consorts dans
certains esprits musulmans en rupture sociale. Déjà que les cœurs
sont pleins par le traitement de faveur réservé à Israël par la
communauté internationale, à chaque fois que l'Etat hébreux est en
guerre avec les pays arabes (comme au Liban en 2006 et à Gaza en
2014), et par la mollesse chronique des pays occidentaux pour mettre
fin à l'interminable occupation de la Palestine, en dépit de
nombreuses résolutions du Conseil de sécurité et du droit
international.
Personnellement,
ce que que je reproche à Emmanuel Macron, ce n'est certainement pas
ces phrases maladroites, mais de ne pas dire clairement, comme il l'a
laissé entendre dans le passé, que la Syrie de demain doit être
débarrassée à la fois de Daech et d'Assad. Pas besoin de préciser
quand, mais il faut le préciser quand même. Il y va de l'intérêt
de la France comme de ceux de la Syrie, du Moyen-Orient et de l'Europe. Ceci ne doit évidemment pas aboutir à la faillite
de l'Etat syrien, comme l'a bien souligné le président français, ce qui oblige les Syriens à s'unir et à désislamiser leur
révolution, pour présenter un « successeur légitime » à Bachar
el-Assad capable d'avoir la confiance du monde entier. Emmanuel
Macron a eu raison de parler de ce point, que ça plaise ou non à certains Orientaux passifs, qui attendent à ce que les autres viennent régler
leurs problèmes à leur place. Comment y parvenir ? C'est là où ça
se complique. Une chose est sûre et certaine, c'est Vladimir Poutine
qui détient les clés du dossier syrien aujourd'hui. Et depuis le premier jour d'ailleurs.