samedi 17 mars 2018

« We've Vlad enough ! » Réélu et pourtant, le monde entier en a assez de Vladimir Poutine (Art.516)


« Make Russia Great Again » aurait pu être le slogan de campagne de Vladmir Poutine. Il pourrait même servir de déclaration de politique générale pour un président élu avec 75% des 66% des voix exprimées. Ainsi soit-il, mais pas via des pratiques héritées de l'Union soviétique !


1. L'effet papillon ou le voyage dans le temps


On l'appelle l'effet papillon. L'expression désigne deux situations différentes. Celle qui nous intéresse aujourd'hui implique un voyage dans le temps, tel qu'il a été conté par l'écrivain américain Ray Bradbury, dans sa nouvelle A Sound of Thunder (Un coup de tonnerre, 1952). L'effet papillon a été abordé dans de nombreux films, dont The Butterfly Effect (Eric Bress et J. Mackye Gruber, 2004) et Les Visiteurs (Jean-Marie Poiré, 1993). L'idée avancée est à chaque fois la même, celle de savoir quel sera l'impact sur l'avenir, quand des gens ont la possibilité de remonter le temps et de modifier un élément du passé aussi insignifiant soit-il. L'écrasement d'un papillon il y a 60 millions d'années, peut avoir des effets inimaginables sur l'évolution. Bienvenue dans le monde de la science-fiction.

Bon, revenons sur Terre et à ses moutons. S'il ne m'est donné de modifier qu'un paramètre et un seul, de l'histoire contemporaine du monde en général et du Moyen-Orient en particulier, j'aurai rendu Ali Souleiman el-Wahéch stérile avec un seul testicule comme Hitler, au moment où il a changé son nom de famille en 1927. Sans descendance ni aucun rejeton, nous n'aurions eu ni Assad père ni Assad fils ni aucun "monstre" de cette espèce. Si par ce choix judicieux, le bon Dieu me permet de faire un second choix, j'aurai retiré l'escalier d'embarquement de Khomeini en 1979 ou j'aurai laissé l'escalier et retiré l'avion d'Air France du tarmac. Rouhollah Moussavi serait resté dans les Yvelines à coucher sa colère sur les bonnes vieilles cassettes ou en haut de l'escalier à attendre l'avion providentiel pour l'emmener à Téhéran. Sans Guide suprême ni République islamique, nous n'aurions ni Wilayat el-Fakih ni Hezbollah ni le casse-tête d'une milice armée à désarmer au Liban. Maintenant, si Allah tout puissant est tellement ravi de mon second choix qu'il m'accorde à titre exceptionnel de faire un troisième, là je me porterais sans l'ombre d'un doute sur Poutine. J'aurais saisi un moment où Boris Eltsine est sobre pour lui murmurer à l'oreille de quoi le dissuader de nommer cet ex-agent subalterne du KGB, président du gouvernement russe en 1999, en lui racontant avec moult détails, ce qu'est devenue la Russie en 2018 par sa faute.

 The Putin Interviews by Oliver Stone (Showtime 2017)

2. De 1999 à 2024 : 6 présidents américains (avec six approches différentes des relations avec la Russie) VS. 1 président russe (avec une seule et même obsession de l'Occident)


Après la chute du mur de Berlin en 1989, la dislocation de l'URSS en 1991, les tentatives de réanimation de l'Union entre les ex-républiques de l'URSS vers 1995 et l'enterrement définitif du modèle communiste de gouvernance et de société à la fin des années 1990, le monde était plein d'espoir. L'humanité a cru être entrée dans une nouvelle ère de pacification des relations internationales. Si le processus de désescalade était enfin enclenché, personne n'était assez naïf et dupe pour croire que le siècle qui s'engageait serait celui des Bisounours. Mais personne n'imaginait un instant non plus, que moins d'une vingtaine d'années plus tard, le monde replongera dans une nouvelle guerre froide, par la faute principale d'un homme, Vladimir Poutine.

Certes, les leaders occidentaux ont une certaine part de responsabilité dans la détérioration des relations avec la Russie. Ce ne sont pas les sujets de friction qui ont manqué durant cette période : l'extension de l'OTAN vers les ex-pays de l'Est, le soutien des aspirations européenne et occidentale de l'Ukraine, la transformation de l'intervention en Libye en un changement de régime, l'annexion de la Crimée, les ingérences et les interférences dans les élections américaines et françaises, l'opposition au maintien au pouvoir de Bachar el-Assad en Syrie, etc. Il n'empêche que dans aucun pays occidental, le pouvoir de décision est concentré entre les mains d'un seul homme, le même de surcroit, depuis une vingtaine d'années, comme c'est le cas en Russie avec Poutine. Ce point est capital pour évaluer le différend qui oppose l'Occident et la Russie, indépendamment des sujets de frictions eux-mêmes.

De 1999 à 2018, quatre présidents américains se sont succédés à la Maison Blanche. Clinton, Bush fils, Obama et Trump, c'est autant d'approches différentes des relations avec la Russie. Les relations entre Obama et Poutine n'ont rien à voir avec celles entre Trump et Poutine. Et pour cause, le tempérament et le Russiagate. Et pourtant, de l'autre côté, de 1999 à 2018, il n'y a qu'un homme qui prend les décisions, c'est le même, Vladimir Poutine (président et premier ministre), et il n'a qu'une obsession, c'est la même, rendre sa grandeur à la Russie, quel qu'en soit le prix à payer. A la fin du nouveau mandat du président russe, 2024, on pourrait avoir deux autres présidents américains dans le Bureau ovale, en 2020 et en 2024, qui auront deux approches différentes des relations avec la Russie, et de l'autre côté, toujours le même homme au Kremlin, avec la même vision sclérosée des relations de la Russie avec l'Occident.

Au total, six présidents américains avec des visions assez différentes des relations internationales notamment avec la Russie vs. un président russe avec la même vision, nostalgique, revancharde et conflictuelle. Poutine est nostalgique de la grandeur de la Russie à l'époque soviétique, il voudrait bien prendre sa revanche de l'Occident rendu responsable de l'effondrement de cette grandeur et il est prêt à tout, y compris les conflits, pour « Make Russia Great Again ».

3. L'assassinat politique avec une arme chimique d'un agent double au Royaume Uni


« We've Vlad enough » a titré The Sun, le quotidien de langue anglaise le plus
vendu au monde ce mardi. Et dire qu'il n'y a pas que les Anglais qui en sont là, le monde entier en a assez de Vlad, en tout cas, une grande partie! Devant tous les représentants de la nation réunis et sous un état de choc, la Première ministre britannique rappelle que « nombre d'entre nous regardions la Russie post-soviétique avec espoir ». Eh oui! « Il est tragique que le président Poutine ait choisi de suivre cette voie ». Oh « yeah » répondaient en choeur les parlementaires anglais. Pour Theresa May, « il n'y a pas d'autre conclusion, que celle selon laquelle la Russie est coupable de la tentative de meurtre de monsieur Skripal et sa fille ».

Salisbury, le 4 mars. L'ancien agent double russe Sergueï Skripal (66 ans) et sa fille Loulia (33 ans) sont retrouvés morts sur un banc. On découvre par la suite qu'ils ont été empoissonnés par le Novichok, une arme chimique « Made in USSR », dix fois plus puissante que n'importe quel gaz neurotoxique, comme le sarin, utilisé par Bachar el-Assad lors du massacre de la Ghouta (août 2013) ou le VX, utilisé par Kim Jong-un pour tuer son demi-frère (février 2017). Ils sont actuellement dans un état critique. Un des policiers qui sont intervenus sur les lieux est dans un état grave. C'est la première fois depuis la Seconde guerre mondiale qu'une attaque chimique est commise sur le sol européen. Elle a visé un homme qui ne représente plus aucun danger pour la Russie. Le choix de l'arme ne doit rien au hasard. Le fait qu'il soit encore en vie aussi. Son cas devrait servir d'exemple. Quand on trahit la Russie, on est plongé dans d'affreuses souffrances pour le reste de sa vie.

Flash-back. Nous sommes à Dresde en 1985. Vladimir Poutine vient de prendre ses fonctions dans cette ville d'Allemagne de l'Est. Officiellement comme employé consulaire, officieusement comme recruteur d'espions. Son principal fait d'armes à cet époque était d'avoir fait chanter un professeur de médecine, avec des éléments pornographiques compromettantes, afin d'obtenir les résultats d'une de ses études portant justement, sur les poisons mortels qui ne laissent pratiquement aucune trace. Simple coïncidence diraient encore el comandante et les idiots utiles.

4. La Russie est une plus grand menace pour le monde que la Corée du Nord


Malgré la gravité de ce crime odieux, on pourrait zapper l'incident de Salisbury, si nous n'étions pas au énième assassinat louche, dans lequel la Russie est soupçonnée. On pourrait même classer tous ces assassinats dans un dossier intitulé « règlement de comptes », si la Russie n'est pas devenue au fil du temps une plus grande menace pour le monde que la Corée du Nord.

Nous sommes le 1er mars. Vladimir Poutine monte à la tribune pour prononcer son discours annuel devant les représentants de la nation et diverses personnalités réunis en congrès. Pendant deux heures, il exposera les grandes orientations de la Russie.

Sur le plan économique, c'est un inventaire à la Prévert. Les promesses et les réalisations sont savamment mélangées pour brouiller les esprits et plaire à tout le monde. Il a été question d'augmentation du niveau de vie des citoyens, de l'accès de tous à une médecine de qualité même dans les petites villes, de la lutte contre le cancer, de la mortalité sur les routes, de logement, de natalité, d'espérance de vie, d'éducation, de culture, d'agriculture, d'écologie, d'investissements, d'aménagement du territoire, de développement des aéroports régionaux, de renforcement de la recherche dans les domaines génétique et mathématique, de compétence, d'innovation et même de libertés individuelles. « Tout cela se résume en un seul mot: c'est le développement de la Russie, un mouvement vers l'avant ».

Au total, 70 minutes de belles paroles pour faire oublier aux Russes, l'essentiel. D'une part, que le PIB global de la Russie, 1 469 milliards de dollars (selon les estimations du FMI pour 2017), se situe seulement entre celui de la Corée du Sud et l'Australie, pays six fois moins peuplé. Par comparaison, les Etats-Unis et l'Union européenne sont respectivement à 19 362 milliards et 17 113 milliards de dollars. D'autre part, que le PIB par habitant est de 10 248 $ (pour 2017), soit moins que les Libanais, à savoir 11 684 $. Par comparaison, les Grecs sont à 18 945 $, les Français à 39 673 $, les Suédois à 53 880 $ et les Américains à 59 495 $.

Sur le plan militaire, il y avait tout ce qu'il fallait également pour flatter le nationalisme des citoyens et faire oublier aux Russes où ils se situent sur le plan économique par rapport au reste du monde« Nous avons 300 types d'équipements militaires nouveaux, 80 nouveaux missiles balistiques, 200 nouveaux sous-marins... » A l'aide de vidéos d'illustration, il a été question de missiles de croisière nucléaires type Tomahawk (américain), à la trajectoire imprévisible et d'une portée illimitée, de drones sous-marins à armes conventionnelles et nucléaires, d'armes hypersoniques de 10 Machs, d'armements qui suivent leurs cible comme une météorite en feu à 2 000°C et de la nouvelle génération d'armes lasers. Poutine prend tout de même la précaution de préciser au passage que « pour des raisons qu'on comprend très bien, nous ne pouvons pas vous montrer l'aspect de ce système d'armes... mais je vous assure que tout cela est opérationnel et fonctionne très bien ». C'est c'là oui ! Mais encore,  « comme vous le comprenez, rien de tel n'existe chez personne dans le monde. Peut-être un jour. Mais ne vous inquiétez pas, le jour où ça arrivera chez nos concurrents, nous aurons déjà avancé de plusieurs pas ». Mais voyons !

En tout cas, ce qui a retenu l'attention des observateurs ce sont les menaces à peine voilées adressées par Poutine aux Occidentaux en général, et aux Américains en particulier.

Dans la panoplie des nouvelles armes russes, où il est difficile de faire la part des choses entre la parade soviétique et le coup de bluff, Vladimir Poutine a annoncé urbi et orbi que la Russie détiendrait désormais un nouveau type de missile nucléaire, qui aurait la capacité de frapper n'importe quel point sur Terre, en passant par le pôle nord ou le pôle sud comme le montre l'illustration présentée par le président russe, et qu'aucun système de missile anti-balistique ne pourrait l'intercepter. Là aussi, nous aurions pu rejoindre les idiots utiles pour trinquer avec eux, si la simulation présentée aux Parlementaires russes ne montrait pas à titre d'exemple une attaque nucléaire sur la Floride !

Photomontage. A gauche, capture d'écran de la simulation d'une importante attaque nucléaire russe sur les Etats-Unis (Floride) via le missile Sarmat (Satan 2), présentée par Vladimir Poutine aux représentants de la nation (Source: Russia Today France 1:22:00-1:22:50). A droite, carte de la Floride (Google Maps)

« "Sarmat" est une arme impressionnante et très puissante », nous dit Vladimir Poutine. Et pour cause, il est surnommé "Satan 2" par l'OTAN et il semble bien porter son surnom. Ce missile balistique furtif peut porter une douzaine de têtes nucléaires de forte puissance, capables de raser un pays comme la France en quelques secondes nous dit-on. Là aussi et encore, on pourrait zapper cet étalage militaire de style soviétique, revenir à nos occupations terre à terre et dire que c'est la réponse russe aux programmes américains Ballistic Missile Defense Systems, communément appelé bouclier anti-missile, et Prompt Global Strike, dotant les Etats-Unis d'une force de frappe nucléaire planétaire rapide, si Vladimir Poutine ne cherchait pas à utiliser son arsenal nucléaire pour exercer un chantage sur le monde (1:49:17-1:49:54 et 1:35:39-1:37:00).

« Je veux dire à ceux qui ont essayé durant les 15 dernières années de booster la course aux armements, ceux qui violent les traités internationaux, ceux qui décrètent des sanctions économiques... tout ce que vous avez essayé d'empêcher, s'est produit. Vous n'avez pas réussi à barrer la voie à la Russie (...) Dans un avenir proche, les forces nucléaires russes seront équipées d'éléments et d'armements permettant de frapper tout point (sur Terre) avec une grande manoeuvrabilité et une grande vitesse... Notre système est unique au monde, aucun état ne l'a... Nous l'avons dit ouvertement de façon à inciter nos partenaires (pays occidentaux) à discuter... La Russie a longtemps eu du retard. Personne ne voulait parler avec la Russie. Personne ne nous a écoutés. Maintenant, écoutez-nous ! » Et pour cause, la Russie est devenue une menace pour le monde plus grande que celle de la Corée du Nord et de l'Iran.


5. Sans les dix vetos de Poutine à l'ONU, la guerre de Syrie n'aurait pas eu lieu et Daech-EIIL ne serait pas né


La Russie a été vivement critiquée pour le rôle néfaste qu'elle a joué en Syrie depuis le déclenchement de la rébellion le 15 mars 2011. Pas parce qu'elle a défendu ses intérêts stratégiques au Moyen-Orient. D'autres pays l'ont fait comme elle. Mais parce qu'elle a tout fait pour sauver la tyrannie des Assad. Son intervention militaire, indirecte puis directe (depuis septembre 2015), a visé essentiellement tous les groupes armés en dehors des jihadistes de Daech. L'objectif de Poutine, comme celui d'Assad, et des idiots utiles de l'un, de l'autre et des deux, était de voir éliminer toutes les forces d'opposition capables de remplacer le régime syrien et de présenter Bachar el-Assad comme le seul rempart aux terroristes.

Vladimir Poutine était d'autant plus à l'aise dans ses choix en Syrie qu'il savait depuis le début de la guerre en 2011 que les pays occidentaux n'ont aucune envie de s'embourber dans une longue guerre meurtrière et couteuse, rentrant en conflit avec la Russie, alors qu'ils n'ont pas d'intérêts majeurs à défendre. Il savait aussi qu'une coalition internationale opère activement depuis août 2014 pour anéantir l'Etat islamique, aussi bien en Syrie qu'en Irak. Avec le recul dont nous disposons aujourd'hui, on peut dire que si le monde devait compter sur Poutine pour se débarrasser de l'Etat islamique en Irak et au Levant, eh bien, nous aurions eu à la fois le régime terroriste d'Assad et l'organisation terroriste de Daech encore pour longtemps.

Plus grave encore, pour protéger Bachar el-Assad et sauver le régime syrien, le président russe a bloqué dix résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU portant sur le conflit en Syrie (le premier blocage en octobre 2011, le dernier en novembre 2017). Les vetos de Vladimir Poutine ont permis à Bachar el-Assad de s’offrir le luxe de l’intransigeance dès le départ, et d’avoir les coudés franches dans la répression sanglante et grandissante du soulèvement populaire syrien. Il en résulta, d’une part, un durcissement de la Révolution syrienne, dont on a commémoré il y a quelques jours le 7e anniversaire, qui a conduit à la militarisation et la généralisation du conflit, et d’autre part, un enlisement de la guerre civile syrienne, qui a offert à « l'Etat islamique en Irak et au Levant » (EIIL, Daech en arabe), les meilleures conditions pour se développer, s’épanouir et s’exporter.

Si nous avions réussi à faire voter la première résolution de l'ONU sur la Syrie en octobre 2011, la Syrie, le Moyen-Orient et le monde entier ne seraient vraiment pas là aujourd'hui. Mais encore, l'Etat islamique d'Irak serait resté en Irak, Assad aurait lâché du leste, l'Etat islamique en Irak et au Levant (Daech) ne serait pas né, l'international jihadisme ne se serait pas constitué, les attaques de Paris n'auraient pas eu lieu, l'Europe n'aurait pas à faire face au retour de milliers de terroristes de Syrie, la crise des réfugiés syriens n'aurait jamais existé, la coalition internationale ne serait pas obligé d'effectuer des dizaines de milliers de frappes en Irak et en Syrie pour tenter d'anéantir cette organisation terroriste, et j'en passe et des meilleures. Une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU ferme aurait permis d'éviter ce désastre. Il n'y a rien de plus significatif pour illustrer l'effet papillon évoqué au début de l'article. Voilà pourquoi le président russe Vladimir Poutine porte une très lourde responsabilité dans le chaos et le drame syriens.

6. « Make Russia Great Again », #metoo dirait Poutine


Vladimir Poutine est un homme qui aime son pays. Lui aussi, il veut « rendre sa grandeur à la Russie ». Comme Donald Trump, il se prend de la plus mauvaise des manières, à travers des pratiques révolues héritées de l'Union soviétique: autoritarisme, décongélation de la guerre froide, assassinats des opposants et des anciens espions, engagement dans une course aux armements, compensation de l'infériorité militaire en armes conventionnelles et de l'infériorité technologique par la prolifération nucléaire, usage de la menace nucléaire permanente comme moyen de faire pression, invasion et annexion de territoires étrangers, ingérences dans les affaires occidentales, défense des tyrannies, tirer profit des idiots utiles, etc.

Pour William Hague, ancien ministre anglais des Affaires étrangère (2010-2014), « l’affaire Skripal contient tous les éléments du régime Poutine, vengeance, déni, inventivité et capacité de discerner les faiblesses des sociétés ouvertes et libres ». Voilà pourquoi il estime que « ce sera douloureux, mais l’Occident endormi doit se réveiller face à la véritable menace posée par Poutine ».

A trois jours de sa nouvelle intronisation, le jeudi 15 mars, dans une déclaration solennelle commune, Emmanuel Macron, Angela Merkel, Donald Trump et Theresa May ont tenu à exprimer leur grande inquiétude et leur unité face à la première utilisation ciblée de l'arme chimique sur le sol européen depuis la Seconde guerre mondiale. « Nous, les chefs d’État et de gouvernement de la France, de l’Allemagne, des Etats-Unis et du Royaume-Uni, exprimons notre consternation après l’attaque contre Sergeï et Ioulia Skripal à Salisbury, Royaume-Uni, le 4 mars 2018 (...) Cet emploi d’un agent neurotoxique de qualité militaire, d’un type développé par la Russie... est une atteinte à la souveraineté britannique… et une violation claire de ladite convention (sur l'interdiction des armes chimiques) et du droit international. C’est notre sécurité à tous qui est menacée. » Ils ont tenu également à faire savoir qu'à ce stade de l'enquête, la responsabilité de la Russie dans l'attaque chimique ne fait pas beaucoup de doute. « Le Royaume-Uni a informé en détail ses alliés sur le fait qu’il était hautement probable que la Russie soit responsable de l’attaque. Nous partageons le constat britannique qu’il n’y a pas d’autre explication plausible. » Les quatre dirigeants occidentaux ont mis en garde Vladimir Poutine dans des termes à peine voilés. « Nos préoccupations sont également renforcées par un contexte préexistant caractérisé par une dynamique de comportements russes irresponsables. Nous demandons à la Russie de faire face à ses responsabilités de membre du Conseil de sécurité des Nations Unies dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales. »

Pour le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, « il est clair que Londres se trouve dans une situation très difficile en ce qui concerne les négociations avec l'Union européenne sur le Brexit... la popularité de ce gouvernement ne cesse de baisser (...) cette manière d'organiser des provocations autour de Sergueï Skripal détourne l'attention ». Un autre digne héritier du Comité central du PC!

Le même jour, le 15 mars, le département du Trésor américain a infligé des sanctions à 5 entités et 19 individus russes pour « leur tentative d'ingérence dans les élections américaines ». Pas spécialement parce que l'administration Trump voulait le faire de gaieté de cœur. Le principe des sanctions était imposé par le Congrès des Etats-Unis, après l'inculpation d'une douzaine de ressortissants russes par Robert Mueller, le procureur spécial américain chargé de diriger l'enquête sur la collusion du candidat Donald Trump avec la Russie ! Ce sont les sanctions les plus sévères à ce jour, elles touchent des proches de Poutine (dont Yevgeniy Prigozhin), qui dirigeaient officiellement « l'Internet Research Agency », et officieusement la « Troll Factory », l'usine à fake news, basée à Saint-Pétersbourg, chargée de semer « la discorde dans le système politique des Etats-Unis », comme dit l'acte d'accusation de Mueller.

7. La Russie post-soviétique telle qu'elle a été façonnée par Poutine est une grande déception


Il n'y avait aucun suspense sur l'issue de l'élection présidentielle russe de dimanche. D'ailleurs, selon les premières résultats de la Commission électorale centrale, Vladimir Poutine est réélu dès le premier tour avec 75% des voix exprimées et une participation de l'ordre de 66%. Ainsi, l'aventure qui a commencé en 1999, continuera jusqu'en 2024.

Le nouveau mandat du président russe ne suscite ni enthousiasme ni espoir en Occident. La tactique de la Russie post-soviétique pour se faire une place au soleil, telle qu'elle a été élaborée essentiellement par le grand vainqueur du scrutin d'aujourd'hui, déçoit. Plus grave encore, elle est vouée à l'échec. Elle ramène ce grand pays qui a un potentiel considérable à la case de départ, la guerre froide. « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent », signé Albert Einstein. La stratégie des leaders soviétiques a conduit à l'explosion de l'URSS. Celle de Vladimir Poutine fait courir à la Russie le risque de l'implosion*.

* phénomène physique dans lequel un milieu solide ou un corps creux, soumis à une pression externe supérieure à sa résistance mécanique, s'écrase violemment et tend à se concentrer en un volume réduit (Larousse)