C’est sans doute l’événement à caractère sécuritaire le plus
importante de l’histoire du royaume, après l’attaque de la Grande mosquée de La
Mecque en 1979 (par des islamistes saoudiens ; 244 morts, 68 exécutions) et les vives protestations anti-américaines de 1987 (par des pèlerins iraniens ; 275 morts). Au lendemain du nouvel an, l’Arabie saoudite a procédé à l’exécution
de 47 personnes, toutes condamnées pour « terrorisme ». Y figurent une
quarantaine de djihadistes sunnites, dont Farès al-Chouwaïl al-Zahrani, le
théoricien d’al-Qaeda pour l'Arabie, et une figure de la contestation chiite dans le royaume wahhabite,
cheikh Nimr Baqr al-Nimr. Les premiers ont été condamnés pour leur implication
dans plusieurs attentats odieux qui ont ensanglanté le pays entre 2003 et 2006,
le second pour ses agissements dans le sillage des printemps arabes, entre 2011
et 2012, qui ont conduit à une panoplie de chefs d’accusation graves, dont les
principaux étaient de préparer des émeutes, de déclencher des conflits
sectaires, de recourir à la violence, d’affrontements armés avec les forces de
sécurité, de rejet de l’autorité royale, de soutenir l’insurrection au Bahreïn
et de "ramener" l’ingérence étrangère (iranienne).
2. LES RÉACTIONS LES PLUS VIRULENTES : EN IRAN ET AU LIBAN
Si l’exécution des djihadistes sunnites n’a
pas suscité beaucoup d’indignations dans le monde, sans doute parce qu’ils
méritaient leur sort et ils étaient sunnites, celle du dignitaire chiite fut
condamnée par beaucoup de pays. Les critiques les plus virulentes sont venues
des hommes religieux chiites. Elles se sont concentrées principalement sur la
famille royale, Al-Saoud. Le Guide suprême de la révolution islamique
iranienne, Ali Khamenei, a claironné que « le sang de ce martyr,
versé injustement, portera ses fruits, et la main divine le vengera des
dirigeants saoudiens ». Pour l’ayatollah iranien Ahmad Khatami, « ce sang pur tachera la famille Al-Saoud,
qui sera balayée des pages de l’histoire ». Du côté libanais, sayyed
Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, a lui aussi décrété que « le sang de cheikh Nimr poursuivra la
famille Saoud dans le monde et dans l'au-delà ». Quant au numéro deux du
parti, cheikh Naïm Qassem, il a annoncé « le
début de la fin du régime saoudien ».
3. QUI ÉTAIT NIMR BAQR AL NIMR, CE CHEIKH AU « SANG PUR » ?
L'homme qui déchaine autant les passions, cheikh Nimr Baqr al-Nimr, appartenait
à la minorité chiite saoudienne, qui est estimée entre 10 et 15 % de la
population du royaume. Il était originaire d’al-Aawamia, une localité de la
ville de Qatif, qui se situe à 37 km de la capitale de la province
al-Chariqiya, Dammam, à 1h de voiture du Bahreïn, sur la rive droite du golfe
arabo-persique. Le pétrole, principalement, et sa proximité géographique avec
Doha, Abou Dabi et Dubaï, font de la province al-Charqiya une région riche et dynamique,
alors que 95 % de sa superficie est désertique. Celle-ci est peuplée de 3,8
millions de personnes, majoritairement chiites (près de la moitié de la
population locale). A Qatif même (500 000 habitants), les Sunnites ne
représentent que 5 % de la population. C’est pour dire, les rapports
communautaires n’ont pas toujours étaient au beau fixe. Avec la naissance du
mouvement wahhabite en Arabie au 18e siècle, prônant un islam
puritain et rigoriste, la relation entre les Sunnites et les Chiites devint
plus conflictuelle. Les deux communautés coexistèrent tant bien que mal jusqu’à
l’avènement d’un régime théocratique chiite en Iran en 1979, guidé par Rouhollah
Khomeini, qui avait une ambition clairement affichée dès le départ, d’exporter
la « Révolution islamique (chiite) » vers tous les pays de la région
et d’y établir des « Républiques islamiques (chiites) » partout où des
communautés chiites y étaient présentes.
Ce n’est certainement pas un secret de
Polichinelle, les Saoudiens de confession chiite subissent une discrimination à
plusieurs égards par rapport à leurs compatriotes sunnites, à la fois
religieuse, politique et civile. C’est dans ce cadre que s’inscrivent plusieurs
mouvements de contestations populaires survenus entre 1979 et 2012, auxquels a
participé cheikh Nimr. Quand on examine les faits, on s’aperçoit que le
problème n’était pas uniquement dans la dimension sociale des protestations et
des revendications, les autorités saoudiennes ont répondu favorablement plus
d’une fois, comme en 1980 avec le lancement de grands projets de développement dans
la région de Qatif (réseau électrique, écoles, hôpitaux, etc.), autant qu’il était
dans leurs dérives politiques sur un fond social.
4. PARCOURS ET DISCOURS
A la première guerre du Golfe entre l’Iran et l’Irak, qui a opposé le régime des mollahs au régime de Saddam Hussein (où l'on a vu s’affronter Perses et Arabes, Chiites et Sunnites), Nimr Baqr al-Nimr avait choisi son camp, sur la
rive droite du golfe arabo-persique. C'est ainsi qu'il part en 1980, à l’âge de 21 ans, se
former à la « Révolution chiite » dans la nouvelle République
islamique d’Iran. Il y passera dix longues années auprès des mollahs du régime iranien.
La veille de la seconde guerre du Golfe, il fera un séjour en Syrie, avant de
revenir s’installer en Arabie saoudite. Activiste dès la première heure, il fut
emprisonné à plusieurs reprises, en 2006, 2008, 2009 et la dernière fois en juillet
2012. Ce qui frappe quand on écoute cet homme, c’est avant tout un charisme
exceptionnel, comme l’ont répété en boucle les médias occidentaux, mais aussi son
humour et son sarcasme, ainsi que le contenu populiste, le caractère belliqueux
et le ton vindicatif des prêches de cheikh Nimr. Morceaux choisis, pêle-mêle :
- « Alors
où sont ses services de renseignements ? Est-ce qu’ils peuvent éloigner
l’ange de la mort de lui (Nayaf, ministre de l’Intérieur de 1975 jusqu’à sa
mort en 2012) ? Que les vers et le supplice de l’enfer le dévorent dans sa
tombe !... Alors, vous voulez qu’on ne se réjouisse pas de la mort de celui qui
a emprisonné nos enfants?... Que Dieu soit remercié et qu’il raccourcisse leur vie l’un après l’autre, celle des Saoud (famille régnante d’Arabie saoudite), des Khalifa (famille régnante du Bahreïn) et des Assad (famille régnante en Syrie). »
- « Régime
irréfléchi, despotique... Les Saoud et les Khalifa sont des despotes. »
- « Ils
(les Saoud) disent ‘qu’ils sont les lions des Sunnites devant l’Iran’. Pfft,
quelle rigolade ! »
- « Abou Bakr, Omar et Othman, ont pillé le califat d’Ali ben Abi Taleb, et l’ont violé. »
- « J’appelle
les Sunnites à devenir Chiites, c’est la voie qui conduira au paradis, c’est le
véritable islam. »
- Et j’en passe et des meilleures.
L’homme avait peut-être ses raisons. Et
sans doute, ses motivations. Comme on peut le voir, la provocation de Nimr Baqr
al-Nimr étaient omniprésente. Il ne s’est fixé aucune limite. Il a tout fait
pour mettre de l’huile sur le feu. En tout cas, on s’attend à autre chose de la
part d’un homme religieux, sage et responsable. A l’écouter, parfois, souvent même, on n’est
plus dans la liberté d’expression, on est dans le mépris, l’injure, la
diffamation, la rébellion, le prosélytisme, le coup d’Etat, la sécession, etc. Dans
n’importe quel pays occidental, il aurait été condamné sévèrement pour cela.
Mérite-t-il la mort ? Certainement pas, j’y suis opposé quel qu’en soit le
contexte. Mais, le dérapage était prévisible. Ce n’était qu’une question de
temps et d’opportunité. A quoi pouvait bien s’attendre Nimr Al-Nimr en comparant les Al-Saoud à Yazid dans une de ses prêches enflammés par
exemple ? A une haute distinction du roi Salmane ben Abdelaziz al-Saoud, d’avoir
œuvré pour le renforcement de la concorde entre les Chiites et les
Sunnites ?
Pour ceux qui n’étaient pas encore nés, Abu
Khaled Yazid ibn Mouawiya est le 2e calife omeyade et le 6e calife de Mahomet pour les Sunnites. Il n’est pas reconnu par les Chiites, et pour
cause, il est tenu responsable de la bataille de Karbala (Irak, 680) au cours
de laquelle, l’imam Hussein, fils d’Ali ibn Abi Taleb (4e calife des Sunnites et 1er imam des Chiites, reconnu et respecté par les deux communautés), petit-fils de
Mahomet, fut tué. Sachant que les Chiites commémorent cette mort survenue il y
a 1 336 ans comme si c’était hier (lors de la fête de l’Achoura où les fidèles
se flagellent jusqu’au sang), que cet événement tragique a rendu le schisme
chiite irréversible et que les tensions sunnito-chiites au Moyen-Orient sont à
leur paroxysme actuellement, quelle est l’utilité d’invoquer Yazid pour
justifier le rejet d’Al-Saoud, à part renforcer la discorde entre les frères ennemis ?
5. BAHREÏN : « 14e PROVINCE D’IRAN »
Mettez vos ceintures, nous reprenons la
route. En partant de Qatif, on traverse Dammam en moins d'une demi-heure de route, et en empruntant ensuite la chaussée du roi Fahd, 25 km de
ponts et de digues, on entre dans le Royaume
de Bahreïn. C'est un petit pays de 765 km² et de 1,4 million d’habitants, à majorité
chiite (70 % ; une partie est d’origine arabe et l’autre d’origine perse),
gouverné par une famille royale sunnite, Al-Khalifa, et dont la moitié de la
population est composée d’expatriés. Bien qu’il ait épuisé une grande partie de
ses réserves de pétrole, Bahreïn reste un pays riche, même s’il est tributaire
de l’exploitation d’un champ pétrolier qu’il partage avec l’Arabie saoudite. De
l’autre côté de la rive, à 200 km, se trouve la République islamique d’Iran, 77
millions d’habitants, chiite à 90 %. Le rival régional de l’Arabie saoudite qui
se trouve déjà bien impliqué en Irak, en Syrie, au Liban, au Yémen et au Bahreïn,
est en passe de retrouver une grande liberté d’action au Moyen-Orient, grâce à la décision des pays occidentaux de lever les sanctions économiques imposées
dans le cadre du dossier nucléaire, sans tenir compte des préoccupations
arabes. Encore un élément pour compléter ce puzzle, Manama, la capitale de
l’archipel, constitue le port d’attache de la Ve flotte des Etats-Unis, les
forces navales impliquées dans toutes les opérations américaines au
Moyen-Orient, et surtout, dans la sécurisation du détroit d’Ormuz où transitent
17 millions de barils de pétrole par jour (30 % du pétrole mondial). L’Iran a
menacé de le fermer en 2008 et en 2011, ce qui a conduit au déploiement d'une armada franco-anglo-américaine pour l'en dissuader.
De par sa composition religieuse chiite, sa
situation géographique à proximité de l’Iran et son importance stratégique pour
les Etats-Unis, pour les pays arabes du Golfe et pour le reste du monde, Bahreïn est depuis 1979, considéré comme un
théâtre de confrontation ouverte entre l’Arabie saoudite et la République
islamique d’Iran. Et encore, rien de nouveau sous le ciel du golfe arabo-persique.
Il faut savoir que dans le passé, alors qu’il était longtemps sous domination
des Perses, plus ou moins interrompue par les Ottomans et les Portugais, le pays
passe définitivement sous le règne de la famille Al-Khalifa en 1783, une
couleuvre qui est restée à travers de la gorge du géant iranien. Depuis, l’Iran n’a
cessé d’avoir des revendications territoriales sur l’île. Déjà en 1927, le shah
d’Iran, Reza Shah Pahlavi, fraichement couronné, demande à la Société des
Nations « le retour de Bahreïn à la
Perse ». Après la seconde guerre mondiale, le pays est considéré comme
« la 14e province
d’Iran ». Et pour qui s’autorise de douter, la Chambre basse iranien
gardait à l’époque deux sièges vides pour les futurs représentants. Ça repart
de plus belle avec l’indépendance du pays en 1971 (de la Grande-Bretagne qui
s’est installée en 1861) et surtout avec la Révolution islamique iranien en
1979 où le thème « la 14e province d’Iran » revient en force. L’appui iranien aux leaders
chiites de Bahreïn se faisait au vu et au su de tous. Deux ans après l’arrivée
au pouvoir des mollahs iraniens, un coup d’Etat est même fomenté par des
radicaux chiites dans le but de renverser la monarchie sunnite. En 2009,
l’entourage d’Ali Khamenei, le Guide suprême, revient encore et toujours sur « la 14e province
d’Iran ». C’est un peu comme le Liban qui était victime durant le 20e siècle de l’appétit de la « sœur Syrie ». Le dernier affrontement en
date s’est déroulé dans le cadre des Printemps arabes en février-mars de
l’année 2011. Un soulèvement populaire chiite, pacifique puis violent, comme en
Syrie, dont une partie réclamait le renversement de la monarchie sunnite, a
conduit à l’intervention des troupes saoudiennes dans le cadre des accords du
Conseil de coopération (des Etats arabes) du Golfe, une structure de
coopération économique, financière et militaire, arabo-sunnite, à mi-chemin
entre l’Union européenne et l’OTAN, créé en 1981, justement pour contrer les
projets perso-chiites dans la région. Certaines protestations se déroulaient
sous les portraits des ayatollahs Khomeini (Guide suprême d’Iran, chiite) et de
Sistani (ayatollah iranien).
6. TRIPTYQUE MORTEL : RÉBELLION, SÉCESSION ET WILAYAT
EL-FAKIH
C’est en ayant en tête tout ce contexte
géopolitique, qu’il faut revenir sur l’engagement de cheikh Nimr Baqr al-Nimr,
ses menaces et certaines de ses déclarations.
- « Que la malédiction de Dieu s’abatte sur Nayef (ben Abdelaziz al-Saoud,
ancien ministre de l’Intérieur), Salmane (l’actuel roi d’Arabie saoudite),
Khalifa (Premier ministre de Bahreïn), Hamad (roi de Bahreïn)... Nous n’acceptons pas les Saoud comme dirigeants. Nous les rejetons. Nous voulons les
faire tomber. »
- « Nous ne permettrons à personne de coopérer
avec le pouvoir (saoudien). Nous condamnerons quiconque qui coopère avec le pouvoir (saoudien). Nous le ferons tomber. »
- « Cette main de fer, pfft, n’est
qu’une main en carton... L’Iran est un pays industrialisé, aux grandes capacités militaires... L’Iran, travaille sur le terrain, industrie de
l’armement, progrès... »
N’étant pas accusé et condamné pour homicide,
l’exécution de Nimr Baqr al-Nimr par l’Arabie saoudite est une violation des
droits de l’homme, même si on considère la peine capitale comme une sentence
acceptable. Il n’empêche, que les autorités saoudiennes ne pouvaient pas
rester longtemps indifférentes face à ces agissements graves, qu’aucun pays
démocratique occidental ne tolérerait. Nimr al-Nimr n’est pas le seul homme
religieux chiite à adopter l’idéologie de « wilayat el-fakih » dans
le monde arabe. En Irak, au Yémen comme au Liban les adeptes dans les communautés chiites
sont légion. On ne pourra pas comprendre l’enjeu et la gravité des déclarations
de Nimr al-Nimr sans un léger détour en Iran, là où ce cheikh chiite a été
formé.
« Wilayat el-fakih » est un concept
théocratique chiite développé par Khomeini dans les années 70. Sur le plan
général, il jette les bases de la gouvernance du régime des mollahs dont les
objectifs sont de « préserver l'ordre islamique » et de « garder tous
les individus sur le juste chemin de l'islam, sans aucune déviation... et de
détruire l'influence des puissances étrangères dans les pays islamiques ».
Par islam, comprendre l’islam chiite, bien évidemment. En pratique, pour que
les dirigeants chiites puissent gouverner conformément à la charia, Khomeini décrète qu’un juriste chiite, el fakih, doit exercer une tutelle sur les
dirigeants et le peuple, wilayat. Wilayat el-fakih, permet donc au pouvoir
religieux chiite de contrôler le pouvoir politique chiite et même de fusionner les deux. Ce fakih n’est rien d’autre que l'officiel « Guide
suprême de la Révolution islamique ». Wali el-fakih se charge d'entreprendre la
politique qu’aurait mené le douzième imam caché lui-même.
Cette organisation chiite de la vie
politico-religieuse est à l’opposé de l’approche sunnite où de tout temps,
même des premiers califes et à l’exception de la parenthèse de Daech (les
usurpateurs du califat et de l’islam), les pouvoirs politiques et religieux
sont totalement séparés. C’est toujours le cas dans les pays sunnites, même ceux qui
appliquent la charia, y compris en Arabie saoudite. D’ailleurs, les dirigeants
sunnites -des califes aux rois, en passant par les présidents et les hommes politiques- ont été dans
l’écrasante majorité des cas, des chefs civils et non des chefs
religieux. Depuis 1979, c'est tout le contraire qui se passe en Iran et dans les communautés chiites du Moyen-Orient.
Et pour mieux comprendre la relation qui
existe entre les chiites du monde adeptes de l’idéologie de wilayat el-fakih, comme
Nimr al-Nimr, et le Guide suprême de la République islamique d’Iran, Khomeini
puis Khamenei, il faut plonger dans le livre de cheikh Naïm Qassem, vice-secrétaire
général du Hezbollah libanais, « Le Hezbollah. La voie, l’expérience,
l’avenir » (Editions Albouraq, 2008). « La
prise de mesures appropriées, l’action politique quotidienne, le mouvement
culturel et social... sont de la responsabilité de la direction élue (du
Hezbollah ici)... dont la légitimité a été acquise par le fakih (contrôle direct sur les personnes)... Lorsque le parti
fait face à de grandes décisions (la guerre ou la paix par exemple), représentant un tournant important et
concret... c’est alors qu’il prend l’initiative de consulter son avis (wali
el-fakih / Guide suprême) et de réclamer son autorisation en vue de légitimer
l’acte ou son absence (pouvoir de décision)... L’Etat islamique d’Iran et le Hezbollah se rejoignent
dans leur engagement envers les orientations et les ordres du wali al-fakih qui
supervise la nation dans son ensemble (partout où vivent des communautés
chiites), et non pas en un seul lieu (au-delà des frontières et des souverainetés
nationales). » Ainsi, il est de toute évidence que l’assassinat de l'ancien Premier ministre du Liban Rafic Hariri (2005), l’opération
du Hezbollah contre Israël à l’origine de la guerre de Juillet (2006), les
événements du 7-Mai à Beyrouth et dans le Mont-Liban (2008), l’implication dans la guerre civile en Syrie
(depuis 2011), l’exclusion du pouvoir des Sunnites en Irak (depuis 2003) et les divers
agissements au Yémen, au Bahreïn et en Arabie saoudite (2011-2015), auraient
été initiés et/ou ont reçu le feu vert par/de wali el-fakih, Ali Khamenei, le Guide suprême de la République islamique d'Iran.
7. VU D’ARABIE SAOUDITE : « LE CROISSANT CHIITE EST EN PASSE DE
DEVENIR UNE PLEINE LUNE »
La menace des Persans chiites chez les
Arabes sunnites est donc concrète. Les câbles de Wikileaks, rédigés entre 2008
et 2010, ont permis de bien l’évaluer. Pour l’ancien prince héritier, Muqrin, fils
d’Ibn Saoud, « le croissant chiite
(Iran-Irak-Syrie-Liban) est en passe de devenir une pleine lune (incluant
Yémen-Bahreïn-Koweït-Arabie saoudite) ». Encore une conséquence de la
stupide invasion américaine de l’Irak en 2003 par l’équipe néocon de George W.
Bush. C’est ce qui a conduit le défunt roi Abdallah d’Arabie saoudite à conseiller
aux Américains de « couper la tête
du serpent », le régime iranien, dont « l'objectif est de causer des problèmes » dans le monde
arabe. En vain, cette menace a poussé le successeur de ce dernier à engager les
troupes saoudiennes au Yémen (mars 2015), pour mettre un terme à l’ingérence
iranienne dans ce pays situé au sud du royaume.
L’exécution de Nimr Baqr al-Nimr est d'autant plus regrettable qu'elle a évidemment
une dimension politique. Au même titre que l’incendie de l’ambassade saoudienne
en Iran et la rupture des relations diplomatiques de l’Arabie saoudite avec ce
dernier. L’activisme séditieux du défunt cheikh chiite l’était tout autant, politique et regrettable. Sa
mort n’est qu’un nouveau round tragique de de cette longue guerre froide qui oppose l’Arabie
saoudite à la République islamique d’Iran, depuis 1979, et cette tension
séculaire entre les Sunnites et les Chiites, depuis 1 355 ans. Aucun apaisement
n’est à espérer au Moyen-Orient, dans l'intérêt de tous les peuples de la région, tant que la République islamique d’Iran ne
cessera la politisation de l'islam chiite et son ingérence dans les affaires arabes, en abandonnant
l’idéologique expansionniste de « wilayat el-fakih ».