Le hasard fait très bien les choses. Une virée à Cannes et à Paris m'a permis de mieux saisir ce qui s'est passé à Gaza il y a quelque jours. Qui l'aurait cru? Pour y parvenir, il m'a fallu remonter le temps. Du Festival de Cannes à la Grande marche du retour, en passant par la Fête du travail, il faut comprendre que même si le Moyen-Orient tout entier n'est qu'un immense capharnaüm, Palestinian Lives Matter.
Jadis, c'était un village de pêcheurs, d'agriculteurs et de commerçants de la Galilée, situé sur la rive nord-ouest du lac de Tibériade, à une vingtaine de kilomètres du Liban et à un jet de pierre du plateau du Golan, territoire syrien, conquis par Israël en 1967 et annexé en 1981. Capharnaüm occupe une place très importante dans les Evangiles, après Jérusalem bien entendu. Saint Matthieu l'évangéliste y travaillait, saint Pierre l'apôtre y résidait, Jésus de Nazareth, fils de Dieu pour les Chrétiens et prophète pour les Musulmans, y a séjourné. C'est dans ce village qu'il accomplit de nombreux miracles. C'est de ce village qu'il annonça aux Juifs rassemblés dans la synagogue qu'il est « le pain de vie » qui donnera la vie éternelle à ceux qui croiront en lui. C'est sur ce village que s'est abattue sa malédiction : « Et toi, Capharnaüm, seras-tu donc élevée jusqu'au ciel ? Non, tu descendras jusqu'au séjour des morts. »
De nos jours, Capharnaüm est le titre du dernier film de Nadine Labaki, présenté en grande pompe au Festival de Cannes de 2018. Il vient de décrocher le Prix du Jury, décerné à un film particulièrement apprécié du jury, et le Prix du jury œcuménique, attribué par "l'Association catholique mondiale pour la Communication" pour le message qu'il véhicule. Dans cette œuvre de fiction, on trouve tout ce qu'il faut pour faire pleurer dans les chaumières, même les aficionados des paillettes et les coeurs feutrés de la Croisette, la maltraitance de certaines êtres par la vie. Capharnaüm fait la fierté du tout Liban, à l'exception justement, de ceux qui oeuvrent à capharnaümiser le Moyen-Orient, le Hezbollah, Daech et Bachar el-Assad, entre autres.
Avec le temps, « capharnaüm » qualifie tout lieu de désordre, de malédiction et de maltraitance. San Francisco par exemple, d'après les aventures de Fogg et Passepartout telles qu'elles ont été relatées par Jules Vernes en 1872, dans Le Tour du monde en 80 jours, était au milieu du 19e siècle « un immense capharnaüm de tous les déclassés ». Aujourd'hui, s'il y a un endroit sur Terre qui mérite ce substantif, c'est bien Gaza, après la Syrie, cela va sans dire.
A un spermatozoïde près et une ovule de surcroit, on peut naitre sous une bonne étoile ou dormir à la belle étoile, grandir au sein d'une famille aisée ou être élevé dans un foyer démunie, avoir une patrie ou en être dépossédé, devenir du jour au lendemain un colon israélien ou rester toute sa vie un réfugié palestinien. Ainsi, selon que vous voyez le jour à Tel-Aviv ou à Gaza, toute votre vie est bouclée et votre destin tout tracé. Il sera souvent très difficile d'y échapper.
Trois semaines plus tôt, à 3 301 km des côtes orientales de la Méditerranée. « Malgré la désunion syndicale, ce 1er-Mai s’annonçait sous de bons auspices dans la capitale. Place de la Bastille, l’ambiance était bon enfant. Le soleil était au rendez-vous et les manifestants étaient venus en famille. » On s'était cru à Gaza le 30 mars 2018, un peu pour l'ambiance, mais aussi pour la désunion des Palestiniens également, tiraillés entre le Hamas et le Fatah.
- D'après le journal Le Monde, « les chiffres publiés (par la préfecture) recensent 20 000 personnes dans le cortège (syndical, "pacifique, qui n'a évidemment posé aucune difficulté" selon le préfet de police), et 14 500 hors cortège ("personnes dites radicales, animées de la volonté d'user de la violence de toute manière"), dont 1 200 Black blocs (des protestataires radicaux pour qui l'usage de la violence contre les symboles de l'Etat et du capitalisme est justifié ; dans la manif parisienne certains d'entre eux portaient des armes prohibées et des projectiles). » C'est à peine croyable, la préfecture de police a estimé le nombre de manifestants à Paris le 1er mai à 34 500 personnes (Français dans leur majorité, a priori), et de l'autre côté de la Méditerranée, l'armée israélienne a estimé le nombre de manifestants du 14 mai, à 35 000 Palestiniens. Deux échantillons de la même taille, rien de mieux pour comparer les situations.
- « Le cortège n’a pas fait 500 mètres. La manifestation a été stoppée au milieu du pont d’Austerlitz et n’a jamais pu le franchir, repoussée par un nuage de gaz lacrymogène des forces de l’ordre tentant de contrer les assauts de plus de 1 200 individus encagoulés déployés devant la manifestation parisienne. » On se croirait à Gaza plus que jamais. Dès la première heure du 30 mars, Israël a pulvérisé les manifestants de gaz lacrymogène. Il voulait étouffer dans l'oeuf les revendications pacifiques palestiniennes. Deux différences majeures entre Paris et Gaza : l'armée israélienne a utilisé des balles réelles contre les manifestants palestiniens et il n'y a jamais eu autant de « black blocs » palestiniens.
- « A la question de savoir pourquoi les black blocs, facilement identifiables à leur tenue et à leurs cagoules, n'avaient pas été interpellés en amont, le préfet a répondu que les actions de la police avaient été rendues difficiles par le fait que le groupe de 1 200 black blocs se trouvait "intégré" au cortège de 14 500 personnes, et qu'il existait donc des risques de blesser d'autres personnes en les interpellant. » Waouh, il est indéniable que BHL & Co ont usurpé le titre de « l'armée la morale du monde » à la préfecture de police de Paris. Tsahal est plutôt l'armée la plus lâche du monde, surtout pour son œuvre à Gaza : pour disperser les manifestants et étouffer leurs revendications, elle s'est contentée de poster ses snipers sur les collines artificielles surplombant Gaza, en leur donnant le feu vert pour s'amuser avec les vies comme dans un jeu vidéo.
- « Michel Delpuech a déclaré que la manifestation de ce 1er mai avait été marquée par des "incidents d'une particulière violence". » Il faut dire que certaines manifestants parisiens étaient déterminés à en découvre. Pas seulement en s'attaquant aux McDo & Co et autres commerces, aux mobiliers urbains, stations Autolib et Abribus. On pouvait lire sur les murs ici et là des slogans très explicites : « Tues un keuf (flic, policier) » et « Lapidons la police ». Si si, la preuve en images. Selon la préfecture de police « des personnes masquées et cagoulées ont commencé à ramasser des projectiles et à les jeter contre les forces de police, manifestant ainsi la volonté de porter atteinte à l'ordre et à la sécurité publics ». Et comme par hasard, après le passage des black blocs, des pavés des rues de Paris s'étaient volatilisés, laissant des trous étranges dans la chaussée.
- Si je m'étale un peu, c'est parce que je les vois venir les pro-Israéliens: hey hoo el-Baalbaki, tu compares des choses incomparables. la manif à Paris n'était pas hostile aux forces de l'ordre, comme à Gaza. et combien bien même, l'hostilité de ces Français était bon enfant, pas comme celles de ces sauvageons palestiniens. et puis il n'y a pas une volonté de casser du flic chez les ultras de gauche, comme chez les manifestants terroristes de Gaza. et combien même, c'est au sens figuré bordel. Et patati et patata et blablabla. Foutaises.
- « Dans le cortège, des gens de tous les âges, pas mal de jeunes, d'étudiants, de trentenaires, des parents avec leurs enfants en bas âges, et des retraités ». Dans un autre post: « Des enfants, encore, qui ont carrément pris cette fois les commandes de la camionnette de la CGT com'. » Parce que là aussi je les vois venir les aficionados d'Israël : non mais el-baalbaki, depuis quand on emmène des enfants à une manif! Depuis toujours ignares, à Gaza comme à Paris. Okay, ok, et la fumée noire el baalbaki, tu peux nous expliquer pourquoi les sauvageons palestiniens ont brulé des pneus à Gaza lundi ? Et pourquoi bande d'ignares, parce qu'à Paris en ce 1er mai, on s'est contentés de manger de la barbe à papa en tenant gentiment des ballons où on avait griffonné au bic Méchant Macron, on t'aime pas? Comme le prouve le reportage de la journaliste du Monde, Cécile Bouanchaud, les photos manif du 1er mai ont été aussi entachées par la fumée noire et des actes violents. « A Paris, des cocktails Molotov ont été tirés sur un McDonald's à Austerlitz, des voitures et des poubelles sont incendiées en marge du cortège. »
- Alors, à votre avis, quel est le bilan humain de la journée de manifestation du 1er mai à Paris? Hein? Combien? Quoi? Non, vous avez tout faux. Quatre blessés légers! Les dégâts se chiffrent en centaines de milliers d'euros. Maintenant, à votre avis, quel est le bilan humain de la journée de manifestation du 14 mai à Gaza? Hein? Non. Combien? Plus. Quoi? Beaucoup plus. 59 morts et 2 400 blessés. Il y avait exactement autant de manifestants à Paris qu'à Gaza. Des manifestants paisibles? Il y avait des deux côtés de la Méditerranée : une petite majorité à Paris, l'écrasante majorité à Gaza. Des manifestants violents ? Il y avait dans les deux cas : une importante minorité à Paris, une petite minorité à Gaza. Le dossier est accablant pour Israël : jusqu'à 1 manifestant sur 14 a été visé par les snipers de l'armée israélienne à Gaza, seulement 1 manifestant sur 8 750 l'a été par les CRS à Paris. Et pourtant, les policiers français chargés d'assurer l'ordre à Paris, en pleine capitale, en ce 1er mai, étaient dix, cent, mille fois plus menacés que les lâches soldats de l'armée israélienne bien planqués derrière leurs collines, loin de la frontière et têtes bien enfoncées dans leurs casques. Cherchez l'erreur. Il n'y a pas de doute, les forces françaises de l'ordre constitue « l'armée la plus morale du monde » et les soldats de l'armée israélienne, « l'armée la plus immonde du monde ».
- On voit bien de cette comparaison, Paris 1er mai vs. Gaza 14 mai, qu'aucun élément sérieux n'est en mesure de justifier le bain de sang commis par les Israéliens ou d'excuser les leaders occidentaux pour la tiédeur de leurs réactions, à part le fait, que la vie d'un Palestinien ne vaut toujours pas, en l'an de grâce 2018, celle d'un Israélien, d'un Français, d'un Européen ou d'un Américain.
L'info est passée quasi inaperçue, alors que c'est un scandale inouï. Nikki Haley, la bouffonne ambassadrice du bouffon de la Maison Blanche, Donald Trump, à l'ONU, représentante de la première puissance mondiale qui fait la pluie et le beau temps dans le monde et qui détient le droit de bloquer un consensus international rien que pour les beaux yeux d'Israël, s'est permise de se retirer mardi d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité consacrée à la situation à Gaza, à l'instant même où le représentant de l'Etat observateur de la Palestine, Riyad Mansour, avait pris un grand souffle et s'apprêtait à prononcer son discours. Il n'avait même pas dit son premier mot, que Nikki Haley était déjà à la porte, postérieur face à la caméra. Avant de partir, elle avait justifier le massacre israélien par la rhétorique rachitique selon laquelle « aucun pays dans cette salle n'aurait agi avec autant de retenue que ne l'a fait Israël ».
Admettons l'hypothèse et voyons ce qu'il en est pour les quinze membres du Conseil de sécurité. Pour la Chine, affirmatif sans le moindre doute, Tienanmen et ses milliers de morts écrasés par les chars, est encore dans toutes les mémoires. Pour la Russie, c'est plus que probable aussi. Pour la Bolivie, la Côte d'Ivoire, l'Éthiopie, la Guinée, le Kazakhstan, le Koweït et le Pérou, ce n'est pas du tout exclu. Par contre pour les Pays-Bas, la Pologne et la Suède, Nikki Haley divague. Pour la France et le Royaume-Uni, elle délire complètement. La tristement célèbre tuerie du métro Charonne à Paris, n'avait fait que 9 morts (parmi les manifestants) et 150 blessés (dont 1/3 des forces de l'ordre). On était en plus, en pleine guerre d'Algérie et c'était en 1962 ! La tuerie du Bloody Sunday en Irlande du Nord, n'avait fait que 14 morts et 27 blessés, on était en pleine conflit communautaire et c'était en 1972. La petite révolution de Mai 68, qui façonnera à jamais la société française, qui a vu les mondes étudiant et ouvrier affronter les forces de l'ordre et qui s'est déroulée sur plusieurs semaines, a fait 2 000 blessés, avec 0 mort à Paris et 7 morts en France. Et là aussi, nous étions en 1968.
Non seulement, les bilans des répressions française et anglaise ne sont pas comparables à la répression israélienne des manifestants palestiniens, mais il est sûr et certain que le bilan des exactions israéliennes ne peut absolument pas se produire sur le sol européen de nos jours, impossible. Les émeutes survenues dans les banlieues en France à l'automne 2005, sans équivalent en Europe, n'ont fait en trois semaines d'affrontements que 5 morts (217 policiers blessés ; pas de chiffre particulier pour les blessés civils), alors que l'état d'urgence était décrété, plus de 9 000 véhicules avaient été incendiées, 144 bus caillassés, 307 bâtiments dégradés. Les assurances ont estimé les dégradations à 250 millions d'euros. Idem, les émeutes survenues à Londres et dans d'autres villes anglaises à l'été 2011, comparables à celles de la France où des voitures et des bâtiments ont été incendiés et de nombreux commerces pillés, n'ont fait en cinq jours d'affrontement là aussi que 5 morts (186 policiers blessés ; pas de chiffres du côté civil). Dans ce sillage, même s'il ne s'agit pas d'un pays occidental, on peut évoquer la manifestation historique du 14 mars 2005 organisée au Liban, quelques semaines après l'attentat terroriste qui a visé l'ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri. En dépit du contexte explosif et du fait que le pays était alors occupé par les troupes syriennes, un million de personnes ont pu se rassembler place des Martyrs, sans incident, ni morts et ni blessés.
Nikki Haley peut fumer sa moquette si elle veut pour l'aider à broder autour de la grande « retenue » de l'Etat hébreux, elle ne convaincra personne de censé sur le Vieux continent et aux quatre coins du monde que ce qui s'est passé à Gaza peut survenir en Europe de nos jours. La seule contrée du monde occidental où ça peut encore arriver, c'est justement dans son propre pays, aux Etats-Unis d'Amérique. C'est peut être ce qui explique la solidarité inconditionnelle de Trump et Haley avec Netanyahou et Liberman, et la minimisation des crimes commis par Israël. Le 29 avril 1992, des émeutes ont éclaté à Los Angeles, après l'acquittement de quatre policiers blancs qui ont passé à tabac un citoyen afro-américain, Rodney King, le tout étant filmé par un vidéaste amateur. Elles vont durer sept jours. Elles provoqueront des dégâts estimés à un milliard de dollars. Elles feront 55 morts et 2 300 blessés, pratiquement le même bilan que celui de Gaza, le 14 mai 2018.
Il faut se rendre à l'évidence, le crime odieux commis par Israël lundi dernier ne peut pas survenir dans un pays occidental de nos jours, à part les Etats-Unis, éventuellement, un pays où circulent 300 millions d'armes, soit 89 armes à feu pour 100 habitants. Et s'il a pu se produire au Moyen-Orient, c'est parce que d'une part, Israël n'est pas si occidental que ça, et d'autre part, parce que Benjamin Netanyahou s'est comporté exactement comme Bachar el-Assad.
Si loin, si proche! Les deux leaders ont ça en commun, ils ne veulent voir dans les populations qui contestent leur régime et qu'ils répriment depuis des décennies, qu'un vivier de terroristes. Comme c'est commode, pour balayer d'un revers de main les revendications légitimes des populations syriens et palestiniennes. La principale différence entre Assad et Netanyahou réside dans le fait que le premier massacre son peuple, le dernier massacre un autre peuple, ce n'est pas dans la même proportion, cela va de soi.
Et justement, c'est parce que c'est un autre peuple, que la répression sanglante israélienne à Gaza ne pose aucun problème particulier à la démocratie israélienne ni de problème de conscience collective à la majorité des électeurs israéliens. Les leaders de l'Etat hébreux peuvent continuer leur politique de répression à l'égard des Palestiniens, celle-ci n'est remise en cause sérieusement ni par l'intérieur, la population israélienne, ni par l'extérieur, la communauté internationale, seule une minorité dans les deux cas s'y opposent farouchement.
Vu que les Territoires palestiniens sont toujours occupés par Israël depuis 1967 en violation de plusieurs résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU,
Vu que Gaza est soumise à un sévère blocus par Israël depuis 2007,
Vu que la motivation d'Israël est de briser la Grande marche du retour des réfugiés palestiniens vers leurs terres et la terre de leurs ancêtres, situées actuellement à l'intérieur de l'Etat d'Israël,
Vu que ce qui s'est passé le 14 mai 2018 à Gaza constitue clairement un « homicide intentionnel »,
Vu que les snipers de l'armée israélienne souhaitaient « causer intentionnellement de grandes souffrances » et « porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé » des manifestants palestiniens,
Vu que l'armée de défense d'Israël a « dirigé intentionnellement des attaques contre la population civile » de Gaza, sachant bien que ça « causera incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile et des blessures aux personnes civiles »,
Vu que Tsahal voulait clairement « tuer (et) blesser (des) combattant(s) ayant déposé les armes ou n’ayant plus de moyens de se défendre », sachant qu'aucun Palestinien n'avait franchi la frontière israélo-palestinienne,
Vu que « ces crimes s’inscrivent dans le cadre d’un plan » et de la « politique » de Benjamin Netanyahou,
Les crimes commis par l'armée israélienne à Gaza le 14 mai 2018 sont des « crimes de guerre » telles qu'ils sont définis dans le droit international, notamment le Statut de Rome, le traité international qui a créé la Cour pénale internationale, entré en vigueur en 2002.
Vu que les crimes d'Israël constituent des « meurtres commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre (la) population civile » palestinienne venant manifester, en territoire palestinien (on a tendance à l'oublier!),
Vu que les « actes inhumains » commis par les snipers de l'armée israélienne « causent intentionnellement de grandes souffrances », mais aussi « des atteintes graves à l’intégrité physique », ainsi qu'à « la santé physique » et « mentale » d'une population palestinienne, essentiellement pacifique et désarmée,
Les crimes commis par l'armée israélienne à Gaza le 14 mai 2018 sont des « crimes contre l'humanité » telles qu'ils sont définis dans le droit international, notamment le Statut de Rome, le traité international qui a créé la Cour pénale internationale, entré en vigueur en 2002.
Lundi, Israël n'était pas en état de légitime défense, comme veut le faire croire la propagande israélienne. Foutaises. Aucun manifestant n'avait franchi la frontière israélienne ou ne constituait un quelconque danger pour l'Etat hébreux. Le 14 mai, les 59 morts et 2 400 blessés n'appartenaient pas au Hamas comme se complaisent à le répéter les dirigeants d'Israël. Il faut avoir le courage de dénoncer clairement les crimes d'Israël. A Gaza, les Israéliens avaient la ferme intention de tuer et de blesser le maximum de manifestants palestiniens. Il n'y a pas d'autres explications plausibles de ce terrible bilan, qui ne peut pas se produire dans un pays européen dont les standards en matière de droits de l'Homme sont à un niveau élevé. Et si Israël a réagi avec un tel esprit criminel et une telle hystérie c'est parce qu'il veut en finir le plus vite avec cette histoire dangereuse du « grand retour » des Palestiniens sur les terres desquelles ils ont été chassés par les nouveaux colons juifs venus des quatre coins d'Europe. Par des manifestations pacifiques, les Palestiniens rappellent au monde entier qu'il est grand temps de mettre un terme à cette injustice qui dure depuis 70 ans.
Israël n'aurait pas pu voir le jour en 1948 dans des conditions qui relèvent du « terrorisme » et du « nettoyage ethnique » à l'encontre de la population palestinienne de la Palestine mandataire, de l'aveu même d'historiens israéliens, et resté impuni depuis 70 malgré tous les crimes et violations qu'il commet, sans la persécution et l'extermination des Juifs en Europe au cours de la Seconde guerre mondiale. Depuis 70 ans, nous passons au Moyen-Orient de guerre en guerre et d'opération en opération, avec toujours le même bilan, pour 1 Israélien mort ou blessé, on compte 5, 10, 100 Arabes morts et blessés ; de résolution en résolution, toutes restées lettre morte ; d'intifada en intifada, toutes réprimés dans le sang ; de plan de paix en plan de paix, tous morts prématurément ; d'occupation en colonisation des Territoires palestiniens et en violation du droit international ; d'espoir en désespoir et de mal en pis.
L'histoire commence à prendre des tournures dangereuses. Dans le contraste nauséabond des images de ce « Lundi noir », la joie indécente des politicards israéliens et américains lors de l'inauguration de l'ambassade des Etats-Unis à Jérusalem vs. la noble tristesse des familles palestiniennes touchées par l'interminable répression sanglante à Gaza, certains trouveront tout ce qu'il faut pour nourrir l'islamisme, l'antisémitisme et l'antiaméricanisme, d'autres auront beaucoup de mal à sortir des éléments en faveur d'une paix juste et durable.
L'Amérique étant gouverné par un bouffon qui constitue un « désastre » pour le monde et l'humanité, seule l'Europe détient le pouvoir aujourd'hui, d'inverser cette tendance inéluctable. Elle doit agir via la Cour pénale internationale (CPI) pour sanctionner sur le plan judiciaire les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis le 14 mai 2018 à Gaza, et ceux à venir. Mais cette voie est rendue à l'heure actuelle impossible.
Pour que la CPI engage des poursuites judiciaires envers un pays, il faut que le pays coupable de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité ait ratifié le Statut du Rome, ce qui n'est pas le cas d'Israël. La situation est identique pour les crimes de Bachar el-Assad. Ils restent hors de la portée de la CPI car la Syrie n'a pas ratifié le Statut de Rome. L'autre alternatif dans de telles situations, c'est de passer par le Conseil de sécurité pour autoriser la CPI à se saisir des cas d'Israël et de la Syrie. Mais là aussi, nous sommes dans l'impasse car les parrains des deux coupables, les Etats-Unis et la Russie, n'ayant pas ratifié eux-mêmes le Statut de Rome, ils auront une double raison pour bloquer de telles résolutions. Il faut savoir dans ce sillage que c'est également le cas de la Chine, de l'Inde, de la majorité des pays arabes (à part la Tunisie, de la Jordanie et de la Palestine svp!), de l'Iran, de la Turquie et du Liban svp. Tous les pays européens, et d'Amérique latine, une majorité des pays d'Afrique, ainsi que le Canada, le Japon et l'Australie, ont signé et ratifié le traité.
Pour sortir de l'impasse judiciaire, dans laquelle nous sommes par la faute principale des Etats-Unis, et de l'impunité d'Israël qui en découle, il n'y a qu'une voie. Elle passe par les institutions de l'Union européenne qui doivent prendre des sanctions politiques et économiques appropriées contre Israël. Il est temps de mettre un terme à l'immunité dont bénéficie l'Etat hébreux depuis sa création et à l'injustice qui frappe la Palestine depuis 70 ans. Aujourd'hui, Israël transforme les Territoires palestiniens en un immense capharnaüm. Faute de sanctions judiciaires, au moins pour l'instant, seules des sanctions économiques et politiques permettront de faire comprendre aux Israéliens que « Palestinian Lives Matter », les vies des Palestiniens comptent aussi, et que leur sécurité ne passe pas par le « capharnaüm » chez leurs voisins. L'Europe ne peut plus tolérer qu'un pays rattaché au continent sur les plans sportif et culturel, continue à commettre des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité en toute impunité. Basta cosi.
I Pour le capharnaüm, tout a commencé en Galilée il y a 2 000 ans
Jadis, c'était un village de pêcheurs, d'agriculteurs et de commerçants de la Galilée, situé sur la rive nord-ouest du lac de Tibériade, à une vingtaine de kilomètres du Liban et à un jet de pierre du plateau du Golan, territoire syrien, conquis par Israël en 1967 et annexé en 1981. Capharnaüm occupe une place très importante dans les Evangiles, après Jérusalem bien entendu. Saint Matthieu l'évangéliste y travaillait, saint Pierre l'apôtre y résidait, Jésus de Nazareth, fils de Dieu pour les Chrétiens et prophète pour les Musulmans, y a séjourné. C'est dans ce village qu'il accomplit de nombreux miracles. C'est de ce village qu'il annonça aux Juifs rassemblés dans la synagogue qu'il est « le pain de vie » qui donnera la vie éternelle à ceux qui croiront en lui. C'est sur ce village que s'est abattue sa malédiction : « Et toi, Capharnaüm, seras-tu donc élevée jusqu'au ciel ? Non, tu descendras jusqu'au séjour des morts. »
De nos jours, Capharnaüm est le titre du dernier film de Nadine Labaki, présenté en grande pompe au Festival de Cannes de 2018. Il vient de décrocher le Prix du Jury, décerné à un film particulièrement apprécié du jury, et le Prix du jury œcuménique, attribué par "l'Association catholique mondiale pour la Communication" pour le message qu'il véhicule. Dans cette œuvre de fiction, on trouve tout ce qu'il faut pour faire pleurer dans les chaumières, même les aficionados des paillettes et les coeurs feutrés de la Croisette, la maltraitance de certaines êtres par la vie. Capharnaüm fait la fierté du tout Liban, à l'exception justement, de ceux qui oeuvrent à capharnaümiser le Moyen-Orient, le Hezbollah, Daech et Bachar el-Assad, entre autres.
Avec le temps, « capharnaüm » qualifie tout lieu de désordre, de malédiction et de maltraitance. San Francisco par exemple, d'après les aventures de Fogg et Passepartout telles qu'elles ont été relatées par Jules Vernes en 1872, dans Le Tour du monde en 80 jours, était au milieu du 19e siècle « un immense capharnaüm de tous les déclassés ». Aujourd'hui, s'il y a un endroit sur Terre qui mérite ce substantif, c'est bien Gaza, après la Syrie, cela va sans dire.
A un spermatozoïde près et une ovule de surcroit, on peut naitre sous une bonne étoile ou dormir à la belle étoile, grandir au sein d'une famille aisée ou être élevé dans un foyer démunie, avoir une patrie ou en être dépossédé, devenir du jour au lendemain un colon israélien ou rester toute sa vie un réfugié palestinien. Ainsi, selon que vous voyez le jour à Tel-Aviv ou à Gaza, toute votre vie est bouclée et votre destin tout tracé. Il sera souvent très difficile d'y échapper.
II Paris, le 1er mai : on s'était cru un instant à Gaza le 30 mars
Trois semaines plus tôt, à 3 301 km des côtes orientales de la Méditerranée. « Malgré la désunion syndicale, ce 1er-Mai s’annonçait sous de bons auspices dans la capitale. Place de la Bastille, l’ambiance était bon enfant. Le soleil était au rendez-vous et les manifestants étaient venus en famille. » On s'était cru à Gaza le 30 mars 2018, un peu pour l'ambiance, mais aussi pour la désunion des Palestiniens également, tiraillés entre le Hamas et le Fatah.
- D'après le journal Le Monde, « les chiffres publiés (par la préfecture) recensent 20 000 personnes dans le cortège (syndical, "pacifique, qui n'a évidemment posé aucune difficulté" selon le préfet de police), et 14 500 hors cortège ("personnes dites radicales, animées de la volonté d'user de la violence de toute manière"), dont 1 200 Black blocs (des protestataires radicaux pour qui l'usage de la violence contre les symboles de l'Etat et du capitalisme est justifié ; dans la manif parisienne certains d'entre eux portaient des armes prohibées et des projectiles). » C'est à peine croyable, la préfecture de police a estimé le nombre de manifestants à Paris le 1er mai à 34 500 personnes (Français dans leur majorité, a priori), et de l'autre côté de la Méditerranée, l'armée israélienne a estimé le nombre de manifestants du 14 mai, à 35 000 Palestiniens. Deux échantillons de la même taille, rien de mieux pour comparer les situations.
- « Le cortège n’a pas fait 500 mètres. La manifestation a été stoppée au milieu du pont d’Austerlitz et n’a jamais pu le franchir, repoussée par un nuage de gaz lacrymogène des forces de l’ordre tentant de contrer les assauts de plus de 1 200 individus encagoulés déployés devant la manifestation parisienne. » On se croirait à Gaza plus que jamais. Dès la première heure du 30 mars, Israël a pulvérisé les manifestants de gaz lacrymogène. Il voulait étouffer dans l'oeuf les revendications pacifiques palestiniennes. Deux différences majeures entre Paris et Gaza : l'armée israélienne a utilisé des balles réelles contre les manifestants palestiniens et il n'y a jamais eu autant de « black blocs » palestiniens.
III L'armée israélienne vs. la police française : qui est la plus morale du monde ?
- « A la question de savoir pourquoi les black blocs, facilement identifiables à leur tenue et à leurs cagoules, n'avaient pas été interpellés en amont, le préfet a répondu que les actions de la police avaient été rendues difficiles par le fait que le groupe de 1 200 black blocs se trouvait "intégré" au cortège de 14 500 personnes, et qu'il existait donc des risques de blesser d'autres personnes en les interpellant. » Waouh, il est indéniable que BHL & Co ont usurpé le titre de « l'armée la morale du monde » à la préfecture de police de Paris. Tsahal est plutôt l'armée la plus lâche du monde, surtout pour son œuvre à Gaza : pour disperser les manifestants et étouffer leurs revendications, elle s'est contentée de poster ses snipers sur les collines artificielles surplombant Gaza, en leur donnant le feu vert pour s'amuser avec les vies comme dans un jeu vidéo.
- « Michel Delpuech a déclaré que la manifestation de ce 1er mai avait été marquée par des "incidents d'une particulière violence". » Il faut dire que certaines manifestants parisiens étaient déterminés à en découvre. Pas seulement en s'attaquant aux McDo & Co et autres commerces, aux mobiliers urbains, stations Autolib et Abribus. On pouvait lire sur les murs ici et là des slogans très explicites : « Tues un keuf (flic, policier) » et « Lapidons la police ». Si si, la preuve en images. Selon la préfecture de police « des personnes masquées et cagoulées ont commencé à ramasser des projectiles et à les jeter contre les forces de police, manifestant ainsi la volonté de porter atteinte à l'ordre et à la sécurité publics ». Et comme par hasard, après le passage des black blocs, des pavés des rues de Paris s'étaient volatilisés, laissant des trous étranges dans la chaussée.
IV Blacks blocs dans le défilé des syndicats à Paris vs. Hamas dans la Grande marche du retour à Gaza
- Si je m'étale un peu, c'est parce que je les vois venir les pro-Israéliens: hey hoo el-Baalbaki, tu compares des choses incomparables. la manif à Paris n'était pas hostile aux forces de l'ordre, comme à Gaza. et combien bien même, l'hostilité de ces Français était bon enfant, pas comme celles de ces sauvageons palestiniens. et puis il n'y a pas une volonté de casser du flic chez les ultras de gauche, comme chez les manifestants terroristes de Gaza. et combien même, c'est au sens figuré bordel. Et patati et patata et blablabla. Foutaises.
- « Dans le cortège, des gens de tous les âges, pas mal de jeunes, d'étudiants, de trentenaires, des parents avec leurs enfants en bas âges, et des retraités ». Dans un autre post: « Des enfants, encore, qui ont carrément pris cette fois les commandes de la camionnette de la CGT com'. » Parce que là aussi je les vois venir les aficionados d'Israël : non mais el-baalbaki, depuis quand on emmène des enfants à une manif! Depuis toujours ignares, à Gaza comme à Paris. Okay, ok, et la fumée noire el baalbaki, tu peux nous expliquer pourquoi les sauvageons palestiniens ont brulé des pneus à Gaza lundi ? Et pourquoi bande d'ignares, parce qu'à Paris en ce 1er mai, on s'est contentés de manger de la barbe à papa en tenant gentiment des ballons où on avait griffonné au bic Méchant Macron, on t'aime pas? Comme le prouve le reportage de la journaliste du Monde, Cécile Bouanchaud, les photos manif du 1er mai ont été aussi entachées par la fumée noire et des actes violents. « A Paris, des cocktails Molotov ont été tirés sur un McDonald's à Austerlitz, des voitures et des poubelles sont incendiées en marge du cortège. »
V Les snipers de l'armée israélienne ont visé 1 manifestant sur 14, les CRS de la police française, seulement 1 manifestant sur 8 750
- Alors, à votre avis, quel est le bilan humain de la journée de manifestation du 1er mai à Paris? Hein? Combien? Quoi? Non, vous avez tout faux. Quatre blessés légers! Les dégâts se chiffrent en centaines de milliers d'euros. Maintenant, à votre avis, quel est le bilan humain de la journée de manifestation du 14 mai à Gaza? Hein? Non. Combien? Plus. Quoi? Beaucoup plus. 59 morts et 2 400 blessés. Il y avait exactement autant de manifestants à Paris qu'à Gaza. Des manifestants paisibles? Il y avait des deux côtés de la Méditerranée : une petite majorité à Paris, l'écrasante majorité à Gaza. Des manifestants violents ? Il y avait dans les deux cas : une importante minorité à Paris, une petite minorité à Gaza. Le dossier est accablant pour Israël : jusqu'à 1 manifestant sur 14 a été visé par les snipers de l'armée israélienne à Gaza, seulement 1 manifestant sur 8 750 l'a été par les CRS à Paris. Et pourtant, les policiers français chargés d'assurer l'ordre à Paris, en pleine capitale, en ce 1er mai, étaient dix, cent, mille fois plus menacés que les lâches soldats de l'armée israélienne bien planqués derrière leurs collines, loin de la frontière et têtes bien enfoncées dans leurs casques. Cherchez l'erreur. Il n'y a pas de doute, les forces françaises de l'ordre constitue « l'armée la plus morale du monde » et les soldats de l'armée israélienne, « l'armée la plus immonde du monde ».
- On voit bien de cette comparaison, Paris 1er mai vs. Gaza 14 mai, qu'aucun élément sérieux n'est en mesure de justifier le bain de sang commis par les Israéliens ou d'excuser les leaders occidentaux pour la tiédeur de leurs réactions, à part le fait, que la vie d'un Palestinien ne vaut toujours pas, en l'an de grâce 2018, celle d'un Israélien, d'un Français, d'un Européen ou d'un Américain.
VI Nikki Haley, la bouffonne du bouffon à l'ONU
L'info est passée quasi inaperçue, alors que c'est un scandale inouï. Nikki Haley, la bouffonne ambassadrice du bouffon de la Maison Blanche, Donald Trump, à l'ONU, représentante de la première puissance mondiale qui fait la pluie et le beau temps dans le monde et qui détient le droit de bloquer un consensus international rien que pour les beaux yeux d'Israël, s'est permise de se retirer mardi d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité consacrée à la situation à Gaza, à l'instant même où le représentant de l'Etat observateur de la Palestine, Riyad Mansour, avait pris un grand souffle et s'apprêtait à prononcer son discours. Il n'avait même pas dit son premier mot, que Nikki Haley était déjà à la porte, postérieur face à la caméra. Avant de partir, elle avait justifier le massacre israélien par la rhétorique rachitique selon laquelle « aucun pays dans cette salle n'aurait agi avec autant de retenue que ne l'a fait Israël ».
VII La répression à Gaza vs. Mai 68 et les émeutes de Paris, de Londres et de Los Angeles
Admettons l'hypothèse et voyons ce qu'il en est pour les quinze membres du Conseil de sécurité. Pour la Chine, affirmatif sans le moindre doute, Tienanmen et ses milliers de morts écrasés par les chars, est encore dans toutes les mémoires. Pour la Russie, c'est plus que probable aussi. Pour la Bolivie, la Côte d'Ivoire, l'Éthiopie, la Guinée, le Kazakhstan, le Koweït et le Pérou, ce n'est pas du tout exclu. Par contre pour les Pays-Bas, la Pologne et la Suède, Nikki Haley divague. Pour la France et le Royaume-Uni, elle délire complètement. La tristement célèbre tuerie du métro Charonne à Paris, n'avait fait que 9 morts (parmi les manifestants) et 150 blessés (dont 1/3 des forces de l'ordre). On était en plus, en pleine guerre d'Algérie et c'était en 1962 ! La tuerie du Bloody Sunday en Irlande du Nord, n'avait fait que 14 morts et 27 blessés, on était en pleine conflit communautaire et c'était en 1972. La petite révolution de Mai 68, qui façonnera à jamais la société française, qui a vu les mondes étudiant et ouvrier affronter les forces de l'ordre et qui s'est déroulée sur plusieurs semaines, a fait 2 000 blessés, avec 0 mort à Paris et 7 morts en France. Et là aussi, nous étions en 1968.
Non seulement, les bilans des répressions française et anglaise ne sont pas comparables à la répression israélienne des manifestants palestiniens, mais il est sûr et certain que le bilan des exactions israéliennes ne peut absolument pas se produire sur le sol européen de nos jours, impossible. Les émeutes survenues dans les banlieues en France à l'automne 2005, sans équivalent en Europe, n'ont fait en trois semaines d'affrontements que 5 morts (217 policiers blessés ; pas de chiffre particulier pour les blessés civils), alors que l'état d'urgence était décrété, plus de 9 000 véhicules avaient été incendiées, 144 bus caillassés, 307 bâtiments dégradés. Les assurances ont estimé les dégradations à 250 millions d'euros. Idem, les émeutes survenues à Londres et dans d'autres villes anglaises à l'été 2011, comparables à celles de la France où des voitures et des bâtiments ont été incendiés et de nombreux commerces pillés, n'ont fait en cinq jours d'affrontement là aussi que 5 morts (186 policiers blessés ; pas de chiffres du côté civil). Dans ce sillage, même s'il ne s'agit pas d'un pays occidental, on peut évoquer la manifestation historique du 14 mars 2005 organisée au Liban, quelques semaines après l'attentat terroriste qui a visé l'ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri. En dépit du contexte explosif et du fait que le pays était alors occupé par les troupes syriennes, un million de personnes ont pu se rassembler place des Martyrs, sans incident, ni morts et ni blessés.
Nikki Haley peut fumer sa moquette si elle veut pour l'aider à broder autour de la grande « retenue » de l'Etat hébreux, elle ne convaincra personne de censé sur le Vieux continent et aux quatre coins du monde que ce qui s'est passé à Gaza peut survenir en Europe de nos jours. La seule contrée du monde occidental où ça peut encore arriver, c'est justement dans son propre pays, aux Etats-Unis d'Amérique. C'est peut être ce qui explique la solidarité inconditionnelle de Trump et Haley avec Netanyahou et Liberman, et la minimisation des crimes commis par Israël. Le 29 avril 1992, des émeutes ont éclaté à Los Angeles, après l'acquittement de quatre policiers blancs qui ont passé à tabac un citoyen afro-américain, Rodney King, le tout étant filmé par un vidéaste amateur. Elles vont durer sept jours. Elles provoqueront des dégâts estimés à un milliard de dollars. Elles feront 55 morts et 2 300 blessés, pratiquement le même bilan que celui de Gaza, le 14 mai 2018.
VIII Benjamin Netanyahou partage plus de choses avec Bachar el-Assad qu'il ne le pense
Il faut se rendre à l'évidence, le crime odieux commis par Israël lundi dernier ne peut pas survenir dans un pays occidental de nos jours, à part les Etats-Unis, éventuellement, un pays où circulent 300 millions d'armes, soit 89 armes à feu pour 100 habitants. Et s'il a pu se produire au Moyen-Orient, c'est parce que d'une part, Israël n'est pas si occidental que ça, et d'autre part, parce que Benjamin Netanyahou s'est comporté exactement comme Bachar el-Assad.
Si loin, si proche! Les deux leaders ont ça en commun, ils ne veulent voir dans les populations qui contestent leur régime et qu'ils répriment depuis des décennies, qu'un vivier de terroristes. Comme c'est commode, pour balayer d'un revers de main les revendications légitimes des populations syriens et palestiniennes. La principale différence entre Assad et Netanyahou réside dans le fait que le premier massacre son peuple, le dernier massacre un autre peuple, ce n'est pas dans la même proportion, cela va de soi.
Et justement, c'est parce que c'est un autre peuple, que la répression sanglante israélienne à Gaza ne pose aucun problème particulier à la démocratie israélienne ni de problème de conscience collective à la majorité des électeurs israéliens. Les leaders de l'Etat hébreux peuvent continuer leur politique de répression à l'égard des Palestiniens, celle-ci n'est remise en cause sérieusement ni par l'intérieur, la population israélienne, ni par l'extérieur, la communauté internationale, seule une minorité dans les deux cas s'y opposent farouchement.
IX Israel a commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité à Gaza, qui relèvent de la Cour pénale internationale
Vu que les Territoires palestiniens sont toujours occupés par Israël depuis 1967 en violation de plusieurs résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU,
Vu que Gaza est soumise à un sévère blocus par Israël depuis 2007,
Vu que la motivation d'Israël est de briser la Grande marche du retour des réfugiés palestiniens vers leurs terres et la terre de leurs ancêtres, situées actuellement à l'intérieur de l'Etat d'Israël,
Vu que ce qui s'est passé le 14 mai 2018 à Gaza constitue clairement un « homicide intentionnel »,
Vu que les snipers de l'armée israélienne souhaitaient « causer intentionnellement de grandes souffrances » et « porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé » des manifestants palestiniens,
Vu que l'armée de défense d'Israël a « dirigé intentionnellement des attaques contre la population civile » de Gaza, sachant bien que ça « causera incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile et des blessures aux personnes civiles »,
Vu que Tsahal voulait clairement « tuer (et) blesser (des) combattant(s) ayant déposé les armes ou n’ayant plus de moyens de se défendre », sachant qu'aucun Palestinien n'avait franchi la frontière israélo-palestinienne,
Vu que « ces crimes s’inscrivent dans le cadre d’un plan » et de la « politique » de Benjamin Netanyahou,
Les crimes commis par l'armée israélienne à Gaza le 14 mai 2018 sont des « crimes de guerre » telles qu'ils sont définis dans le droit international, notamment le Statut de Rome, le traité international qui a créé la Cour pénale internationale, entré en vigueur en 2002.
Vu que les crimes d'Israël constituent des « meurtres commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre (la) population civile » palestinienne venant manifester, en territoire palestinien (on a tendance à l'oublier!),
Vu que les « actes inhumains » commis par les snipers de l'armée israélienne « causent intentionnellement de grandes souffrances », mais aussi « des atteintes graves à l’intégrité physique », ainsi qu'à « la santé physique » et « mentale » d'une population palestinienne, essentiellement pacifique et désarmée,
Les crimes commis par l'armée israélienne à Gaza le 14 mai 2018 sont des « crimes contre l'humanité » telles qu'ils sont définis dans le droit international, notamment le Statut de Rome, le traité international qui a créé la Cour pénale internationale, entré en vigueur en 2002.
X Seules des sanctions appropriées permettront de faire comprendre à Israël que « Palestinian Lives Matter » et que sa sécurité ne passe pas par le « capharnaüm » chez ses voisins
Lundi, Israël n'était pas en état de légitime défense, comme veut le faire croire la propagande israélienne. Foutaises. Aucun manifestant n'avait franchi la frontière israélienne ou ne constituait un quelconque danger pour l'Etat hébreux. Le 14 mai, les 59 morts et 2 400 blessés n'appartenaient pas au Hamas comme se complaisent à le répéter les dirigeants d'Israël. Il faut avoir le courage de dénoncer clairement les crimes d'Israël. A Gaza, les Israéliens avaient la ferme intention de tuer et de blesser le maximum de manifestants palestiniens. Il n'y a pas d'autres explications plausibles de ce terrible bilan, qui ne peut pas se produire dans un pays européen dont les standards en matière de droits de l'Homme sont à un niveau élevé. Et si Israël a réagi avec un tel esprit criminel et une telle hystérie c'est parce qu'il veut en finir le plus vite avec cette histoire dangereuse du « grand retour » des Palestiniens sur les terres desquelles ils ont été chassés par les nouveaux colons juifs venus des quatre coins d'Europe. Par des manifestations pacifiques, les Palestiniens rappellent au monde entier qu'il est grand temps de mettre un terme à cette injustice qui dure depuis 70 ans.
Israël n'aurait pas pu voir le jour en 1948 dans des conditions qui relèvent du « terrorisme » et du « nettoyage ethnique » à l'encontre de la population palestinienne de la Palestine mandataire, de l'aveu même d'historiens israéliens, et resté impuni depuis 70 malgré tous les crimes et violations qu'il commet, sans la persécution et l'extermination des Juifs en Europe au cours de la Seconde guerre mondiale. Depuis 70 ans, nous passons au Moyen-Orient de guerre en guerre et d'opération en opération, avec toujours le même bilan, pour 1 Israélien mort ou blessé, on compte 5, 10, 100 Arabes morts et blessés ; de résolution en résolution, toutes restées lettre morte ; d'intifada en intifada, toutes réprimés dans le sang ; de plan de paix en plan de paix, tous morts prématurément ; d'occupation en colonisation des Territoires palestiniens et en violation du droit international ; d'espoir en désespoir et de mal en pis.
L'histoire commence à prendre des tournures dangereuses. Dans le contraste nauséabond des images de ce « Lundi noir », la joie indécente des politicards israéliens et américains lors de l'inauguration de l'ambassade des Etats-Unis à Jérusalem vs. la noble tristesse des familles palestiniennes touchées par l'interminable répression sanglante à Gaza, certains trouveront tout ce qu'il faut pour nourrir l'islamisme, l'antisémitisme et l'antiaméricanisme, d'autres auront beaucoup de mal à sortir des éléments en faveur d'une paix juste et durable.
L'Amérique étant gouverné par un bouffon qui constitue un « désastre » pour le monde et l'humanité, seule l'Europe détient le pouvoir aujourd'hui, d'inverser cette tendance inéluctable. Elle doit agir via la Cour pénale internationale (CPI) pour sanctionner sur le plan judiciaire les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis le 14 mai 2018 à Gaza, et ceux à venir. Mais cette voie est rendue à l'heure actuelle impossible.
Pour que la CPI engage des poursuites judiciaires envers un pays, il faut que le pays coupable de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité ait ratifié le Statut du Rome, ce qui n'est pas le cas d'Israël. La situation est identique pour les crimes de Bachar el-Assad. Ils restent hors de la portée de la CPI car la Syrie n'a pas ratifié le Statut de Rome. L'autre alternatif dans de telles situations, c'est de passer par le Conseil de sécurité pour autoriser la CPI à se saisir des cas d'Israël et de la Syrie. Mais là aussi, nous sommes dans l'impasse car les parrains des deux coupables, les Etats-Unis et la Russie, n'ayant pas ratifié eux-mêmes le Statut de Rome, ils auront une double raison pour bloquer de telles résolutions. Il faut savoir dans ce sillage que c'est également le cas de la Chine, de l'Inde, de la majorité des pays arabes (à part la Tunisie, de la Jordanie et de la Palestine svp!), de l'Iran, de la Turquie et du Liban svp. Tous les pays européens, et d'Amérique latine, une majorité des pays d'Afrique, ainsi que le Canada, le Japon et l'Australie, ont signé et ratifié le traité.
Pour sortir de l'impasse judiciaire, dans laquelle nous sommes par la faute principale des Etats-Unis, et de l'impunité d'Israël qui en découle, il n'y a qu'une voie. Elle passe par les institutions de l'Union européenne qui doivent prendre des sanctions politiques et économiques appropriées contre Israël. Il est temps de mettre un terme à l'immunité dont bénéficie l'Etat hébreux depuis sa création et à l'injustice qui frappe la Palestine depuis 70 ans. Aujourd'hui, Israël transforme les Territoires palestiniens en un immense capharnaüm. Faute de sanctions judiciaires, au moins pour l'instant, seules des sanctions économiques et politiques permettront de faire comprendre aux Israéliens que « Palestinian Lives Matter », les vies des Palestiniens comptent aussi, et que leur sécurité ne passe pas par le « capharnaüm » chez leurs voisins. L'Europe ne peut plus tolérer qu'un pays rattaché au continent sur les plans sportif et culturel, continue à commettre des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité en toute impunité. Basta cosi.
Défilé des syndicats à Paris, 1er mai vs. Grande marche du retour à Gaza, 14 mai |