jeudi 7 mars 2013

« Un plein d’essence à moins de 1$ ? Oui, mais... » Hugo Chavez, triste mort pour un triste bilan (Art.122)


El comandante n’y est plus. Parti après une brève lutte avec « haïdek el marad » (« l’autre maladie ») comme on dit dans nos contrées superstitieuses -au Levant, on n’ose pas nommer le « cancer »- ou emporté par une « maladie suspecte », un cancer de la région pelvienne, comme on dit dans les contrées paranoïaques -au pays des mollahs, là où on se complaît dans les théories du complot ! Une mort qui est pleurée par le « fidèle » des Fidel Castro, par les « frères » Mahmoud Ahmadinejad et Hassan Nasrallah, ainsi que par « l’ami » Vladimir Poutine -on n’a pas encore osé annoncer « cette grande perte de ce leader unique » à Bachar el Assad himself- mais qui laisse les dirigeants occidentaux plutôt indifférents. De Paris à Londres, on insiste sur le fait que l’homme a « marqué l’histoire et les esprits ». Les Assad ont eux aussi marqué l’histoire et les esprits, toutes comparaisons gardées, bien entendu. La diplomatie pudique est fascinante, n’est-ce pas ? Hugo Chavez ne sera sans doute pas regrettée par les Etats-Unis. Barack Obama a choisi lui de se tenir aux côtés des Vénézuéliens. C’est pour dire ! Une chose est sûre, une page se tourne pour ce pays d’Amérique latine.  

La moindre des choses qu’on puisse dire à son sujet c’est que Hugo Chavez était une personnalité controversée. Une grande partie de son peuple le pleure sincèrement car il faut l’avouer il a bel et bien réduit la pauvreté dans son pays et entrepris des actions « ambitieuses » telles que l’augmentation du pouvoir d’achat de ses compatriotes, un meilleure accès aux produits alimentaires, l’augmentation des allocations sociales, la redistribution des terres agricoles, l’augmentation des logements, la nationalisation de certains secteurs, l’interdiction de la culture des OGM, la mise en place d’une banque de semences, l’interdiction de la pêche intensive, la baisse de la dette publique, une lutte contre analphabétisme, etc. Impressionnant. Il faut dire que le Venezuela venait de loin. Mais est-ce qu’il faut s’arrêter là pour autant ? On aurait du mal, même si on le souhaite ! Sur les autres plans, le bilan Chavez est beaucoup moins glorieux.

Par où commencer ? On a l’embarras du choix. Passons tout d’abord sur le gaspillage de l’argent publique dans des programmes utiles mais à l’efficacité douteuse, comme disent ses propres adversaires. De l’argent, il y en a, ou disons pour simplifier, le problème n’est pas là. Dans le pays où le plein d’essence à la pompe coûte moins d’un dollar (ça fait rêver n’est-ce pas ?), la population est confrontée à de graves pénuries alimentaires de lait, de sucre et d’œufs par exemple. Un paradoxe affligeant ! Qui en est responsable ? Le populiste Chavez en attribuait la responsabilité aux mystérieux-spéculateurs-capitalistes-des-multinationales-de-ces-affreux-impérialistes-de-cols-blancs. Evidemment, comme si Hugo Chavez n’était qu’un planton d’une association d’élevage de Lama sur un plateau perdu de la cordillère des Andes !

14 ans au pouvoir laissent des traces, beaucoup de traces même ! D’abord, dans les institutions de l’Etat. Chavez a donné au « népotisme » tout son sens ! Des dizaines de membres de la famille Chavez ont été placé à des postes clés aussi bien au niveau régional que national. Cela va de la nomination des frères comme ministre et secrétaire d’Etat, au placement des cousins ici et là, à la tête de la juteuse Petroleos de Venezuela entre autres. On retrouve aussi les traces d’Hugo Chavez dans les manipulations constitutionnelles. Deux exemples concrets. En 2007, il a fait voter la « loi d'habilitation révolutionnaire », qui lui permettait de gouverner par décrets sans passer par le Parlement ! Le rêve de tout esprit totalitaire. Eh bien, peut-être le président égyptien Morsi s’en était inspiré l’année dernière. Un autre exemple. A la fin de son 1er mandat (2006), il pensait modifier la Constitution pour se faire élire comme « président à vie » et lors de son 2e mandat (2009), il l’a vraiment fait modifier, supprimant la limitation de deux mandats, afin de pouvoir se représenter pour un 3e mandat de 6 ans ! Ah, il a dû s’inspirer de notre champion de natation, Emile Lahoud, ancien président de la République libanaise!

Et comme avec tout despote digne de ce nom, la liberté de la presse a dû en pâtir. Aujourd’hui, le Venezuela est classé 117e dans ce domaine par Reporters sans frontières (le Liban est à la 101e place !). Sous les présidences Chavez, des dizaines de stations de radios et de chaines de télévision ont été forcées par des moyens divers de cesser d’émettre. Des attaques furent organisées contre certaines chaines d’information dérangeantes. Tenez, pour vous faire sourire, un beau matin, le ministre de la communication d’Hugo Chavez accusa Globovision, une chaîne d’information privée de Caracas, de « diffuser des images subliminales appelant à l'assassinat du président vénézuélien ». Si si, il a fumé la moquette avant ! On aurait bien ri à gorge déployée si par la suite les locaux de la chaine n’ont pas été attaqués par des manifestants pro-Chavez ! Par ailleurs, sachez qu’aux dernières élections présidentielles, el comandante s’est auto-octroyé 3h/j de discours populistes en tant que chef d’Etat sortant, laissant à son adversaire, Henrique Capriles, des miettes de 5 min/j.

A charge, il faut aussi signaler que depuis l’arrivée au pouvoir d’Hugo Chavez, le taux de criminalité a triplé dans son pays. Le Venezuela est classé au troisième rang mondial pour la criminalité, devant la Colombie même. Caracas, qui compte 3 à 5 millions d’habitants, est la ville la plus dangereuse au monde (122 homicides/100 000 habitants). 

Voyons maintenant sur le plan international. Passons rapidement sur son antiaméricanisme primaire contre « les Yankees de merde » et son antisémitisme notoire contre « les descendants de ceux qui ont crucifié le Christ », c'est tellement grotesque qu'il vaut mieux ne pas s'y attarder! Hugo Chavez faisait partie de l’axe d’el mouména3a ! De son appui à l’Iran dans le dossier nucléaire (aux côtés de Cuba et de la Syrie), à son soutien indéfectible à Kadhafi en pleine guerre de Libye (il était même prêt à lui offrir le refuge), il n’y avait vraiment pas de quoi pavoiser ! Quant à ses relations avec Bachar el-Assad, elles étaient très étroites. Fournisseur officiel de pétrole au régime syrien, il ne voyait dans la révolution en Syrie qu’une « crise planifiée », comme dans la Libye de Kadhafi, où des « terroristes tentent de renverser le pouvoir légitime de Bachar el-Assad ». Encore un bel exemple de la politique autruchienne !

Mais tout cela n’est rien comparé à l’opacité financière, et la corruption aussi, du régime Chavez ! Avec la hausse du prix du pétrole, l’argent coulait à flot dans les caisses de l’Etat. Et que fait un esprit totalitaire avec cette manne financière dans un pays qui n’est pas du tout structuré, ni individuellement ni collectivement, pour gérer les pétrodollars? Quelques actions spectaculaires par-ci, par-là, des réalisations mal étudiées, bravo, mais encore ? Il crée des fonds à la gestion obscure, pour alimenter des projets mégalomanes, malhonnêtes, clandestins, illégaux, injustifiés et mal gérés, mais aussi acheter, soudoyer et corrompre politiciens, ministres, députés, experts, policiers, juges, journalistes, et j’en passe et des meilleurs! Ainsi, Hugo Chavez a créé de multiples structures étatiques pour « siphonner » les ressources de Petroleos de Venezuela (PDVSA), la Compagnie pétrolière nationale du Venezuela, mais aussi ceux de la Banque centrale vénézuélienne. Vous avez du mal à croire ? Alors concrètement, imaginez par exemple, le chef de « la révolution bolivarienne » a créé le FONDEN, un Fonds de développement national, noble cause n’est-ce pas !, sauf que ce fonds n’est en réalité selon un diplomate en poste à Caracas,  qu’« un objet financier non identifié, un OFNI, une grosse tirelire dont l'usage dépend exclusivement du Président de la République et du ministre des finances ». Et ce n’est pas tout. Le Fonden gère 22 milliards de dollars, sachant que le budget de l’Etat vénézuélien est de l'ordre de 69 milliards de dollars. En somme, près du tiers de l’argent publique dépendait du bon vouloir d’el comandante ! Autre exemple ahurissant, les réserves de la Banque centrale ont été plafonnées à 30 milliards de dollars, afin que l’excédent des entrées qui peuvent atteindre 10 milliards de dollars, soit mis à disposition directe du président ! Hugo Chavez constituait un Etat dans l’Etat ou pour être plus juste, façonnait l’Etat vénézuélien à son gré.

Enfin, petit détail que la presse internationale n’a pas jugé utile de relever, Hugo Chavez était obligé de se soigner à Cuba et non dans son propre pays ! Cela résume bien l’abime de l’échec de cette « figure » socialiste, démagogique et simpliste quand même, de profiter de la manne pétrolière pour transformer le Venezuela en un pays pleinement démocratique, économiquement productive, prospère et à la pointe du progrès. Triste fin pour un triste bilan pour celui qui a régné sur l’ancienne « île de Grâce », comme l’a nommé Christophe Colombe, plus de 14 ans, un pays qui est aujourd’hui, 11e producteur de pétrole au monde, aux réserves qui dépassent, tenez-vous bien, celles de l’Arabie saoudite!

Si j’ai décidé de vous en parler en long et en large c’est parce que l’histoire d’Hugo Chavez m’a interpellé. En m’informant sur el comandante, une question m’a traversé l’esprit. J’avoue que je n’ai pas osé la retenir longtemps prisonnière de mon cortex. Surtout qu’elle a même voulu s’imposer, m’obnubiler, m’obséder, prendre une forme de prophétie, estaghfar-Allah el-Azim. Elle me dérange au point que j’aimerais m’en délester, en la partageant avec vous. Je sais, je ne suis pas sympa de vous faire part de mes craintes. Mais bon Facebook nous lie, pour le meilleur et pour le pire. Voilà, je me lance. Et si donc, ce qui nous attendait, nous autres Libanais, avec la manne des Léviathan et autres gisements d’hydrocarbures géants récemment découverts en Méditerranée orientale et annoncés en grande pompe, était le destin du Venezuela ! Réfléchissez bien le parallélisme est frappant. Ils ont du pétrole, et du gaz, à ne plus savoir quoi en faire (des centaines de milliards de barils), nous aurions du gaz à gogo, et même du pétrole (des milliers de milliards de mètres cubes). Insécurité ? Mais nous y sommes nous aussi ! On a même des milices puissamment armés partout et un Etat qui fait profil bas, même devant quelques racailles armées, ce qu’ils n’ont pas. Là-bas, 20 % de la population n’a pas d’accès à l’eau potable. Chez nous, c’est la totalité de la population libanaise qui a un accès limité à l’eau potable. La liste est longue, le parallélisme est saisissant mais notre temps est compté. 

Alors bref, ma crainte, mon angoisse, mon obsession, ma prophétie, mes cher(e)s ami(e)s, c’est qu’un jour tout proche, nous pourrions faire le plein pour moins de 1$, c’est la bonne nouvelle; la mauvaise étant, je sens mon cœur battre la chamade, pas d’amour ou d’enthousiasme, hélas, mais de peur et d’angoisse, oui ma crainte est qu’un jour, on pourrait faire le plein à moins de 1$, mais au prix de voir en haut de la pyramide de l’Etat libanais, des hommes de la trempe d’Hugo Chavez et des OFNI, Objets Financiers Non Identifiés, surgir de partout pour dilapider ce qui appartient au peuple du Liban et aux générations futures !