mercredi 24 juillet 2013

L’Europe a inscrit le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes, point barre. Et au Liban, qu’avons-nous fait ? (Art.165)


Il n’y a pas pire, que de se prendre pour le nombril du monde. Déjà la planète bleue toute entière n’est qu’une poussière de la Voie lactée, ba2a Lebnenn woul 10 452 km²! Mettons notre chauvinisme dans le congélateur, ainsi que notre nombrilisme dans la foulée, et soyons francs avec nous-mêmes pour une fois. Le Liban occupe une place médiatico-diplomatique au niveau international, bien plus importante qu’il ne mérite en réalité. Ma3lé, soyons donc dignes et humbles de cette chance que beaucoup nous envient. Le distinguo européen entre « branche militaire » et « branche politique » en ce qui concerne une organisation comme le Hezbollah peut prêter au sourire, surtout du côté oriental de la Méditerranée ! Mais, pas à la moquerie. Là, ça serait vraiment déplacé de notre part.

Non, ce distinguo ne relève absolument pas d’une grande naïveté de la part des 28 pays européens. Pour être précis, disons qu’il s’agit d’un langage prudent propre à toute diplomatie, surtout à celle qui a plusieurs milliers de soldats en mission sous le drapeau de l’ONU dans le Sud-Liban, et qui ont payé de leur vie dans le passé, dans une région à haut risque, considérée comme étant sous le contrôle de la soi-disant milice d'Allah, qui n’hésite pas ameuter les foules chiites pour un oui et pour non, pas plus tard que le weekend dernier, pour faire pression sur l'Union européenne, dans un pays qui n’est pas fichu de renouveler ses institutions et leurs hommes, que cela concerne son gouvernement, son Parlement ou ses forces armées. Pour mieux comprendre la situation, imaginons par exemple, des soldats libanais intervenant dans le Darfour, avec un gouvernement libanais accusant Omar el-Béchir de crimes contre l’humanité ! Hein, vaut mieux jouer au Loto n’est-ce pas ? Donc, vu de cet angle, la décision européenne d’inscrire la branche militaire du Hezbollah sur la liste noire des organisations terroristes est très courageuse.

Avant d’aller plus loin, et afin d’éviter de nous perdre dans les palabres et d’être accusé de partialité, d’abus, de traitrise, j’en passe et des meilleures, définissons le mot « terrorisme ». Cela nous aidera immanquablement à savoir de quoi on parle au juste et à contourner le brouillage des esprits par le Hezbollah et ses relais aounistes à ce sujet. Wou ya waa3it el mal3ouné ! Il existe plus d’une centaine de définitions, Allah wakilkoun. Pour l’ONU, il s’agit de « toute action qui a pour intention de causer la mort à des civils ou à des non-combattants, lorsque le but d'un tel acte est d'intimider une population ou de forcer un gouvernement à prendre une quelconque mesure ou à s'en abstenir ». Pour résumer, disons que c’est « l'équivalent en temps de paix d'un crime de guerre ». Le droit libanais, qui sera d’ailleurs appliqué par le Tribunal Spécial pour le Liban (TSL), précise que le terrorisme désigne « un acte intentionnel visant à répandre la terreur... et l’utilisation de moyens susceptibles de produire un danger commun ». Il faut savoir au passage, que le TSL est la première institution judiciaire internationale à considérer le terrorisme comme un « crime international ». Mais, faisons plus simple. Il n’est nullement besoin d’interroger tous les profs de Sciences-Po et les hommes de droit pour cela (d’ailleurs, la décision européenne est d’ordre politique et non judiciaire), un simple dictionnaire de langue suffit largement. D’après mon Larousse, le terrorisme désigne tout « recours à la violence dans un but politique ». Clair comme l’eau de source. Le sens est même étendu à toute « intimidation par l’exercice abusif d’un rapport de force défavorable à la victime ». Ma fi a7la min el woudou7 ! A chaque mot un sens précis, à chaque sens une situation donnée.

Ceci étant, signalons aussi une évidence, que l’on a eu tendance à zapper par inadvertance au Liban et qui semble avoir échappé à plusieurs analystes libanais. L’Europe défend les intérêts des 508 millions d’Européens des 28 pays de l’Union, et non ceux du Liban, même si 4,2 millions de Libanais considèrent le pays du Cèdre comme le « nombril du monde et de la Voie lactée » ! De ce fait, la décision d’inscrire la branche militaire du Hezbollah sur la liste noire des organisations terroristes, répond exclusivement à un besoin imposé par des impératifs sécuritaires européens précis et rien d’autres, sûrement pas les nôtres. Et pourquoi devrait-il en être autrement ? Franchement !

Pour les déterminer, il faut remonter à l’été dernier et se concentrer sur deux dates clés. Le 7 juillet 2012, un homme libanais, détenteur d’un passeport suédois, est arrêté par la police chypriote à l’aéroport de Limassol à Chypre. L’enquête révéla par la suite qu’il appartient au Hezbollah. Il était chargé d’effectuer des repérages et une surveillance détaillée des déplacements des touristes israéliens en vue de commettre des attentats (relever les horaires des vols, les plaques d’immatriculation, les restaurants casher, etc.). Il a même avoué devant ses juges chypriotes, donc européens, qu’il « recueillait des informations sur les juifs... c’est ce que fait mon organisation dans le monde entier ». Il fut condamné au mois de mars, à 4 ans de prison ferme, pour « la préparation d’attaques terroristes ». Une dizaine de jours après l’arrestation de Chypre, le 18 juillet 2012, de l’autre côté de la Méditerranée, un attentat contre un bus transportant des touristes israéliens à l’aéroport de Bourgas en Bulgarie, fait six morts et une trentaine de blessés. L’enquête est toujours en cours, mais les autorités bulgares ont d’ores et déjà identifié deux suspects appartenant au Hezbollah, détenteurs de passeports canadien et australien.

« Chaque pays qui reconnaît la valeur de la justice doit désigner le Hezbollah pour ce qu'il est, une organisation terroriste ». C’était le souhait exprimé le 21 mars 2013 par Barack Obama, le président américain. La moindre des choses qu’on puisse dire aujourd’hui, c’est que le vœu du président américain est exaucé par les 28 pays d’Europe, à l’unanimité, grâce au concours du Hezbollah lui-même. Déjà, il l’a été il y a quelques semaines par les 6 pays du Golfe. Etant donné l’aveuglement de cette milice théocratique, et son inféodation à l’Etat théocratique iranien, on peut dire, el 7abel 3al jérar, le pire est à venir. Au lieu que cette évolution gravissime des événements, le fasse réfléchir, le Hezbollah et ses sbires profèrent des menaces, à peine voilées, contre les forces européennes de la FINUL, par population chiite interposée, comme si les pays européens n’avaient pas la possibilité de retirer leurs soldats de notre pays à tout moment. Toute attaque contre la FINUL poussera l’Union européenne non seulement à retirer sa participation onusienne, mais aussi, à placer le Hezbollah tout entier et sans nuance diplomatique, sur la liste des organisations terroristes.

Au vu de tout ce qui précède, plusieurs réflexions s’imposent aujourd’hui.

1. Aux Libanais de la mère-patrie.
Oui, le Hezbollah n’est pas né de la dernière pluie, et ses actions ne se limitent certainement pas à l’attentat de Bulgarie et les projections d’attentat à Chypre de l’année dernière. On peut reprocher à l’Union européenne de ne pas en tenir compte, mais il faut tout de même ne pas oublier que ce n’est absolument pas le problème des Européens. Par ses deux actions, commis à Chypre et en Bulgarie en juillet 2012, qui relèvent du « terrorisme », le Hezbollah s’est autorisé, wa ka2enno 3adé, de commettre des délits graves sur le sol du continent européen. Par conséquent, l’Union européenne se devrait de le sanctionner sévèrement et surtout souverainement. Et c’est ce qu’elle a fait avant-hier. Il faut donc ne pas tirer des plans sur la comète, ni chercher midi à quatorze heures !

2. Aux défenseurs du Hezbollah.
Même pas peur et même pas mal, sont des stratégies infantiles, qu’il vaut mieux éviter, au risque de s’enfoncer davantage dans le ridicule. Le Hezbollah est aujourd’hui, et de plus en plus, dans un sacré merdier. La fausse assurance des leaders du mouvement n’y changera rien. Il est considéré comme une organisation terroriste par un grand nombre de pays. Personne n’est à maudire ou à blâmer à part le Hezbollah himself, qui s’est diabolisé tout seul, depuis bien longtemps déjà. Le fait que ses cibles en Europe soient israéliennes n’est pas l’élément déterminant dans sa mise sur la liste des organisations terroristes. On l’a mis justement parce qu’il a commis des actes terroristes sur le sol de l’Union européenne. Tous les acteurs savent que la sémantique européenne, fatwét « la branche militaire », n’est qu’un détail de l’histoire, propre à l’art de la diplomatie, qui consiste à laisser toujours la porte de la communication entrouverte entre les différents acteurs. Et il vaut mieux qu’il en soit ainsi. Wlak, qu’ils ôtent déjà la kalachnikov de leur drapeau, en signe de bonne volonté et pour dissiper tout malentendu, si bonne volonté et malentendu il y avait !

3. Aux Libanais binationaux.
Les trois libanais impliqués dans les actes terroristes commis en Europe, sont détenteurs de passeports étrangers, et pas n’importe lesquels svp ! Comme si on n’avait pas suffisamment d’ennuis dans les pays arabes du Golfe, il a fallu que le Hezbollah nous pourrisse bien plus la vie. Que vous soyez Canadiens, Australiens, Suédois, Français, Américains, Allemands, quelque soient vos opinions politiques et religieuses, à partir du moment où sur votre précieux sésame, pour passer sans souci, les ports et les aéroports de ce monde, figure comme lieu de naissance, ce maudit pays nommé Liban, vous êtes aujourd’hui « suspects » dans les pays occidentaux. Par ses actes terroristes, le Hezbollah menace la réputation et la vie paisible des Libanais binationaux. Eh oui, vive la résistance !

4. Aux partisans de Michel Aoun.
La décision européenne illustre merveilleusement bien, dans quel pétrin le général Michel Aoun a mis les militants du Courant patriotique libre, ainsi qu’une partie des chrétiens du Liban, en signant ce pacs ahurissant et invraisemblable avec Hassan Nasrallah, le 6 février 2006 : ils sont réduits à défendre l’indéfendable, une organisation considérée comme terroriste par pratiquement tous les pays arabes et occidentaux ! Et à peine, la décision européenne est adoptée, que GMA a volé au secours de son allié. Et quand je pense que certains ont cru naïvement que Michel Aoun était en froid avec le chef du Hezbollah.Quelle mascarade !

5. Aux sympathisants du 14 Mars. 
Dites-moi de grâce, qu’avons-nous fait ? Il a fallu seulement un attentat et une préparation d’attentat, aux 28 pays d’Europe, pour placer le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes en moins d’un an. Et on ose ricaner, ironiser et critiquer, donner des remarques et faire les malins ! Sans remonter à Mathusalem, qu’avons-nous fait après la guerre israélo-libanaise déclenchée par le Hezbollah à la suite d’une opération armée en territoire israélien le 12 juillet 2006 ? On est allé accueillir, au grand complet svp, le 18 juillet 2008, Samir Kuntar, le prisonnier pour lequel le Hezbollah a sacrifié 1200 vies et 50% du PIB du Liban. Si, si, au grand complet ! Et qu’avons-nous fait après l’invasion de Beyrouth et du Mont-Liban par les milices du Hezbollah le 7 mai 2008 ? On est allé négocier, au grand complet svp, le désastreux accord de Doha quelques jours plus tard. Encore un détail. Qu’avons-nous fait, bérabkoun, la veille de la remise de l’acte d’accusation par le Tribunal Spécial pour le Liban aux autorités libanaises le 30 juin 2011, dans lequel on a appris publiquement, que quatre membres du Hezbollah sont poursuivis pour l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri, et de 21 autres personnes ? On songeait à rentrer dans le gouvernement hezbollahi de Najib Mikati ! Alors, étaient-ce trois occasions ratées pour nous autres Libanais, d’inscrire le Hezbollah sur la « liste libanaise des organisations terroristes » pour son « recours à la violence dans un but politique »? On n’a même pas tenté de le faire pour sa « branche armée »! Wlak, on n’a même pas osé avec la branche armée des Moqdad. C’est pour vous dire. Bassita, 3al 3én moulaïyitén, wou tna3éch moulaya, jirs el 7adib ankata3, min douss réjlaya... Sensationnelle Samira Toufic !