A
peine les tambours de la guerre ont
commencé à raisonner au large de la Méditerranée orientale, que les
hypocrites pacifistes s'agitèrent sur les côtes libanaises. Les sincères excités
de la gâchette aussi. Bien que les guerres soient de tout temps populaires, celle tant désirée par les uns et tant
crainte par les autres, n'aura probablement pas lieu. Pas comme les uns et
les autres l'ont imaginé. Et ce ne sont pas les raisons qui manquent. Et
combien même elle avait lieu, elle sera
limitée dans le temps et la portée, à tous les niveaux. Et là aussi, ce ne
sont pas les raisons qui manquent. De toutes ces raisons, il ne sera nullement
question aujourd’hui. S'inspirant de la collection « Expliqué à » et de la série « Pour les nuls », le présent article est le premier épisode d’une
trilogie que je consacre à la Syrie. Trois éclairages pour trois angles de vue,
afin de mieux comprendre ce qui se passe dans une région passionnante, le
Moyen-Orient, et surtout dans la tête d’un homme d’exception, Barack Obama.
Que
l'on soit pour ou contre cette intervention, il est curieux de constater que tout
le monde a déjà ouvert le feu sur le président américain. Les opposants libanais à cette intervention ne comprennent pas
pourquoi l'oncle Sam débarque avec ses grands sabots pour troubler la vie
paisible dans la campagne damascène. A les croire, bé rif dimacheq allah
wakilkoun, bet zetto el ebré, betsma3o ranneta. On oublierait presque que
100 000 Syriens sont déjà morts pour une guerre absurde, où Barack Obama n’y
est pour rien, afin de permettre à la minorité alaouite de continuer à dominer
la majorité sunnite. On oublierait même que la dictature syrienne aurait eu
recours à l'arme chimique contre la population civile le 21 août 2013. Même
posture offensive chez les Libanais qui
sont favorables à une intervention musclée en Syrie. On ne se gêne pas pour donner
des leçons au prix Nobel de la paix et de se moquer de la conscience
occidentale. A les écouter on croirait que jamais dans l'histoire récente de
l'humanité une guerre n'a été aussi meurtrière et que l’Irak (où des études avancent le chiffre
de 1,5 million de morts au total), le Liban
(150 000 morts), la Yougoslavie (250 000
morts) ou le Soudan (2 millions de
morts au total!) sont des planètes imaginaires de Star Wars. On croirait également que jamais un tyran n'a été aussi
cruel et que Pol Pot (responsable de
la mort de 1,7 millions de ses compatriotes de 1976 à 1979, tués méthodiquement au cours d'une programmation macabre odieuse, soit 20 % de la
population cambodgienne ; un tyran qui a eu une vie heureuse, mort dans
son lit à l’âge de 70 ans, auprès d’une jeune femme de 35 ans !), Slobodan Milosevic (accusé par le
Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie de crimes de guerre, de crimes
contre l'humanité et de génocide ; mort d’un infarctus en prison lors de
son procès) et Omar el-Béchir (qui se
la coule douce au Soudan alors qu’il fait l’objet de mandats d’arrêt
internationaux émis par la Cour pénale internationale depuis 2010, ayant
scandalisé les pays arabes à l’époque, malgré de graves accusations de crimes
de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide, dans le cadre de la
guerre civile au Darfour qui a fait 300 000 morts les dix dernières
années en dépit de 22 résolutions de l’ONU !) sont des ogres de Charles Perrault.
On oublierait même que cette intervention fait courir des risques énormes pour
toute la région et que la situation explosive du Moyen-Orient n’autorise aucune
improvisation à la W. On finirait par croire naïvement, le temps d’une lecture,
que la solution est au bout des Tomahawks. Achtung baby, tous ces détails ne
sont pas donnés pour minimiser les crimes de Bachar el-Assad, mais pour dire
tout simplement que malgré l’horreur et la peine, il faut rester « scientifique »
et éviter les diatribes enflammées et les envolées lyriques.
Si
la situation n'était pas aussi tragique, connaissant le nombrilisme légendaire
de la majorité des Libanais, incapables de penser aux nombrils des autres, même
à l’autre bout de leur propre pays, cette fixation sur la Syrie ferait sourire. Beaucoup
de soutien et d’opposition à cette guerre sont avant tout intéressés. Ma3lé, les choses doivent être dites. Et
on trouve encore le culot de s’offusquer de voir les pays occidentaux agir par
intérêt. Certains s'érigent même en stratèges sur le petit écran pour nous
expliquer que « le complot
américano-sioniste veut détruire la Syrie mais celle-ci sortira plus forte
après l'attaque ». Foutaises. D'autres compatriotes ont même publié wra2 elna3wé, les faire-part de décès
du monstre. Kholso zeitéto lal akhou el
charmouta. Quelle naïveté ! Il faut dire que ces derniers n'ont pas eu
beaucoup d'effort à faire, il leur a fallu changer la date tout simplement.
C'est ce qu'ils font depuis 2 ans et demi. C'est
au moins la 4e fois que Bachar el-Assad mourra. Manno bé sabe3 rwé7 bachar ben-hafez ébén-elkalb. Bassita, le temps
viendra où tout le monde finira par comprendre que dès le premier jour de la
révolte on aurait dû savoir, et prendre en compte, que le conflit syrien sera
long, que la militarisation et la généralisation du conflit constitueront de
graves erreurs et que la solution restera politique. Espérons que ça viendra. En attendant ce jour béni, c’est encore la faute à Obama, n’est-ce
pas ? Faisant fi de la complexité du dossier, il aurait dû agir depuis
longtemps. C’est c’là oui. Au fait, sur l’échelle des responsabilités,
quelle place occupe Barack Obama dans la tragédie syrienne ? Et puis
qu’importe, ce qui sûr et certain, c’est que nous le devançons. Et c’est là où
le bât blesse.
Si nous devions
établir une échelle des responsabilités de la mort des 100 000 Syriens jusqu'à
ce jour, la tyrannie des Assad arrivera en tête puisque ce clan contrôle
la Syrie d'une main de fer depuis 43 ans et détient la clé pour mettre fin à cette hécatombe. A un moindre degré viennent
les rebelles syriens toutes tendances confondues, qui ont eu la
malencontreuse idée de militariser et de généraliser le conflit, dont le coût s’est
révélé exorbitant (au niveau humain, social et économique). La médaille de bronze reviendra en ex-aequo
à Vladimir Poutine himself, un être abject, sans le soutien de qui, le
régime syrien n'aurait pas pu résister aussi longtemps et aux mollahs d'Iran, une bande de fascistes, sans le soutien de
qui, Bachar el-Assad n'aurait jamais pu aller si loin dans l'horreur et la
terreur.
Dans la suite des
responsabilités, trône incontestablement le Hezbollah, évidemment. Hassan
Nasrallah justifie l’implication massive de sa milice dans la guerre civile
syrienne, par la nécessité de lutter
contre les takfiriyines, les
mécréants, auto-désignation des salafistes. Lol,
on croit rêver ! Alors je résume pour
ceux qui étaient absents les trente dernières années -ma 7adann biya3rif, coma politique, voyage sur la planète 8 Mars,
schizophrénie induite ou kidnapping au fin fond des abris de Da7yé- on ne sait jamais: le Hezbollah, qui est une
milice exclusivement chiite et interdite aux autres communautés ; qui fait
la guerre sur le territoire syrien (afin de permettre à une dictature alaouite
qui ne représente que 10% des Syriens de continuer à écraser la communauté
sunnite de Syrie qui elle représente 70% de la population syrienne) ; qui annonce fièrement que ses miliciens meurt sur le sol syrien « dans l'accomplissement de leur devoir djihadiste » ;
qui est considéré comme une organisation terroriste par une partie de la
population libanaise et par l'ensemble des pays arabes et occidentaux (au même
titre que Jabhat al-Nosra et al-Qaeda) ; qui est accusé par le Tribunal Spécial pour le Liban de l'assassinat de
l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri (sunnite) ; qui projetait
assassiner le député libanais Boutros Harb (maronite) ; qui est soupçonné
de l'assassinat de plusieurs personnalités libanaises chrétiennes (Georges
Haoui et Gebrane Tuéni, entre autres) ; qui s’autorise de réprimer dans le
sang des manifestations pacifistes chiites qui lui sont hostiles (avec mort d’homme, Hachem
Salman); qui s'est permis de s'attaquer à l’État libanais et à la population
civile lors de l'invasion de Beyrouth et du Mont-Liban (considérée comme un
"jour glorieux" par Hassan Nasrallah) ; qui s'est autorisé à
détruire le Liban pour libérer un criminel libanais des geôles israéliennes (une
guerre qui nous a couté l'équivalent de la moitié de notre PIB) ; qui a
fait des attentats-suicide et des prises d'otage un modus operandi à la mode;
qui a déclaré son allégeance absolue à Wali el-Fakih, le guide suprême de la
République islamique d'Iran, Ali Khamenei, pour tout ce qui relève des
questions stratégiques ; qui écrit noir sur blanc que la solution au bordel
communautaire libanais réside dans l'établissement d'une République islamique
chiite au Liban (cf. livre de cheikh Naïm Qassem) ; enfin bref, ce Hezbollah précisément, dont vous venez de lire un
bref résumé de ces exploits nationaux,
combat les takfiriyines en Syrie afin
de protéger le Liban et la population libanaise de leur barbarie. Wlak, Allah wou akbar ! Mich maa2oul, même en fumant le hachich de
toute la Bekaa en une seule nuit, on ne pourra trouver une once de sympathie pour ce Hezbollah et on ne saura distinguer
les takfiriyins sunnites syriens de
Jabhat al-Nosra et d'al-Qaeda des takfiririyines
chiites libanais du Hezbollah ! Dans tous les cas, il est peut-être temps que
quelques-uns de cha3eb lebnén el 3azim, magheiroun,
se réveillent de leur coma politique et se demandent qui a été plus nuisible au Liban et au peuple libanais: les takfiriyines d'al-Nosra qu'il faut aller
combattre en Syrie ou les takfiriyines
du Hezb, « made in Lebanon », qui phagocytent l’Etat libanais ?
Je conçois qu'on
puisse être favorables à une intervention musclée en Syrie contre le régime
alaouite pour diverses raisons humanitaires et géopolitiques. Je ne fais partie
de ce groupe. Je conçois aussi qu'on puisse être contre toute intervention militaire en Syrie pour diverses raisons
humanitaires et géopolitiques également. Je ne fais pas partie de ce groupe non
plus. Mes capacités intellectuelles me permettent même de concevoir qu'on
puisse soutenir Bachar el-Assad. Impossible que je fasse partie de ce groupe, estaghfarallah el 3azim. Mais ce que je n'arrive pas à concevoir
c'est qu'on puisse s'opposer à toute intervention militaire pour des
soi-disant raisons humanitaires et géopolitiques, comme le font les politiciens
du 8 Mars, de Hassan Nasrallah à Michel Aoun, alors qu'au fond ces derniers ne souhaitent qu'une chose, c'est la pérennité de la
tyrannie des Assad pour diverses raisons politiciennes. Là, il y a anguille sous roche.
Tout opposant à une intervention militaire en Syrie qui ne condamne pas
clairement et sans ambiguïté aucune, le tyran de Damas et ses alliés
locorégionaux, Hezbollah en tête, est un hypocrite camouflé sous le treillis 8
Martien, avec le slogan « Merci la
Syrie des Assad » madrouz 3a
sadro.
Avant d’accuser les États-Unis d'être insensibles à la souffrance syrienne, de fustiger Barack
Obama de consulter le Congress avant d'engager les Américains dans une guerre qui n'est pas la leur, comme l’exige toute démocratie, de diaboliser François Hollande de privilégier la « logique de guerre », d’en vouloir à
l'Angleterre, à l'Allemagne et au monde entier, d'être opposés à une
intervention en Syrie, mais à propos,
qu'avons-nous fait, que faisons-nous et que ferons-nous, pour empêcher des milliers de nos ressortissants chiites
de combattre aux côtés du régime alaouite à Qusayr, à Homs et à Damas, et
faire pencher le rapport des forces dans certaines batailles décisives du côté
de Bachar el-Assad ? Rien, absolument
rien. Avons-nous fermé ou ne serait-ce que tenter par télépathie de fermer nos
frontières avec la Syrie aux trafics d’armes et d’hommes ? Non, absolument pas.
Mais, cela n'empêche pas certains Libanais
yenazzro 3achwé2iyann, et de
critiquer avec véhémence Obama, Hollande, Cameron et Merkel. Comment peut-on s'autoriser dans ce contexte, de donner des leçons de morale et de stratégie au monde entier ? Si nous avons nos agendas
et nos contraintes qui nous empêchent d'agir, d'autres pays ont les leurs qui
les empêchent d'agir. Il faut les respecter. Et si d'autres pays ont les moyens
d'agir et ne le font pas, nous aussi, nous avons les moyens d'agir et nous ne
le faisons pas. Il faut le reconnaître. Cette
manie agaçante que nous avons nous autres Libanais d’attendre que tout soit
fait à notre place -par les Américains, les Français, les Anglais, les
Allemands, les Israéliens même, et j’en passe, depuis 1982, 1976, 1958 au moins, voire depuis la création du Grand Liban par la France, il y a 93 ans jour pour jour- pendant
que nous palabrons à longueur de journée, explique
en grande partie pourquoi notre pays se trouve depuis des lustres dans un sacré
merdier et le restera encore pour longtemps.
Réf.
Réf.
Obama expliqué aux nuls. Episode 2/3 : Ce que l’on sait sur le massacre d’al-Ghouta (Art.178) par Bakhos Baalbaki
Obama expliqué aux nuls. Episode 3/3 : de la tragédie de Ghouta à la stratégie d’Obama (Art.182) par Bakhos Baalbaki