dimanche 22 septembre 2013

Obama expliqué aux nuls. Episode 3/3 : de la tragédie de Ghouta à la stratégie d’Obama (Art.182)


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Damas, 2 septembre 2013. Douze jours après le massacre chimique de Ghouta. Bachar el-Assad accorde une interview au Figaro. « J’affirme que nous n’avons jamais dit posséder de telles armes (chimiques)... Nous les avons défiés d’avancer une seule preuve (sur l’attribution de l’attaque de Ghouta au régime), ils (Américains et Français) en ont été incapables... Toutes les accusations se fondent sur les allégations des terroristes (rebelles) et sur des images vidéos arbitraires diffusées sur internet. ». Donc, je résume : au début du mois de septembre, le président syrien ne reconnaissait pas posséder des armes chimiques, niait être l’auteur du massacre du 21 août, déniait l’existence de preuves contre lui et méprisait la souffrance des victimes syriennes. Deux semaines plus tard, le même Bachar el-Assad accorde une interview à Fox News. « Ce n’est plus un secret (la Syrie possède des armes chimiques)... Nous n'avons pas utilisé les armes chimiques (le 21 août). Nous avons la preuve que les groupes terroristes ont fait usage de gaz sarin. Toute l'histoire (que le gouvernement syrien les a utilisés) ne tient pas... Il y a beaucoup de faux sur internet (vidéos montrant des victimes des attaques chimiques)... La semaine dernière, nous avons adhéré à la Convention internationale sur l’interdiction des armes chimiques. Nous devons en conséquence, accepter de se débarrasser de ces armes, c’est-à-dire de les détruire. » Donc, je résume : à la mi-septembre, le même président syrien reconnaissait posséder des armes chimiques, niait toujours être l’auteur du massacre du 21 août, déniait toujours l’existence de preuves contre lui et méprisait toujours la souffrance des victimes, mais à la grande surprise, acceptait publiquement de détruire ses stocks d’armes chimiques. Halte, stop ! Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond entre ces deux interviews. Je ne vois que deux explications. Bachar el-Assad souffre soit d’un trouble schizophrénique, soit d’une attaque de panique. Etant donné le contexte des frappes franco-américaines, le second diagnostic s’impose de lui-même.

Sans se rendre compte le dernier tyran des Assad vient de donner une preuve irréfutable que son régime est bel et bien l’auteur de l’attaque chimique de Ghouta, qui a fauché la vie à plus de 1500 personnes dont plus de 400 enfants. L’ironie de l’histoire est extraordinaire. En effet, pourquoi diable, un tyran de la trempe de Bachar el-Assad, accepterait-il soudainement, en l’espace de quelques jours, de se débarrasser d’un arsenal que la Syrie des Assad, père et fils, a acquis méticuleusement depuis une quarantaine d’années, une opération qui pourrait coûter à son pays plus d’un milliard de dollars, alors qu'il attribue les attaques chimiques du 21 août aux « terroristes » que ses troupes combattent ? Foutaises. Le président syrien sait que c’est son régime qui est l’auteur de ce massacre. Et pour cause ! C’est lui et son frère qui en ont donné l’ordre. Il sait qu’accuser les rebelles est une couleuvre difficile à avaler même quand on a un fidèle protecteur comme Vladimir Poutine, même quand on a en face des djihadistes de tout poil et même quand on a des défenseurs aussi disjonctés que Bouthyana Chaaban et Nasser Qandil, yérrid el3ein 3announ. La conseillère politique et médiatique du président syrien a expliqué le plus sérieusement au monde que les rebelles avaient kidnappé les victimes de Lattaquié et les avaient gazées à Damas ! Quant à l’ancien député libanais de la mouvance libanaise pro-syrienne « 8 Mars », il est sûr qu’il s’agissait d’une erreur de manipulation lors de la préparation de l’attaque par les rebelles avec du gaz sarin périmé fourni par l’Arabie saoudite ! Lol. Trêve de plaisanteries. Bachar el-Assad l’a reconnu au Figaro, « dans les pays qui possèdent une telle arme (chimique), la décision (de s’en servir) est centrale. » Il sait aussi, que le franchissement de cette « ligne rouge », fixée par Barack Obama, ne peut pas rester sans de graves conséquences pour son régime en général (frappes militaires), et pour lui en particulier (poursuites judiciaires par la Cour Pénale Internationale). Alors, en sacrifiant son arsenal chimique, il espère naïvement sauver sa peau et son régime.

Tout cela n’aurait jamais pu avoir lieu sans la tragédie de Ghouta et sans la stratégie d’Obama. La double rime est fortuite. Et pour mieux comprendre l’évolution actuelle, je vous propose de revenir sur les événements qui se sont déroulés depuis la publication de l'épisode 2 de ma trilogie sur la Syrie, le 9 septembre.

Précisions d’abord, que l’idée de démanteler l’arsenal chimique des Assad a été lancée par John Kerry le 9 septembre 2013 et non par Sergueï Lavrov. Répondant à la question d’un journaliste à savoir que peut encore faire Bachar el-Assad pour échapper aux frappes, le secrétaire d’Etat américain a répondu : « Il pourrait transférer l'intégralité de son arsenal chimique à la communauté internationale dans la semaine à venir. » Ce n’est qu’ensuite que le ministre russe des Affaires étrangères, a saisi l’occasion, rapidement, avant que le Congrès américain ne se prononce, pour éviter à la Syrie mais aussi à la Russie, et les frappes américaines et l’humiliation internationale. Précisons ensuite, que le ministre russe des Affaires étrangères, n’a accepté de prendre ce train en marche, que lorsque Vladimir Poutine a compris que Barack Obama était déterminé à réagir aux attaques chimiques commises par le régime de Bachar el-Assad sur la population et les rebelles syriens de Ghouta le 21 août 2013. Le président russe a fini par comprendre que le recours d’Obama au vote du Congrès américain, n’a été décidé par le président américain que dans le but de permettre à la force de frappe américaine d’avoir les coudées franches dans l’intervention militaire en Syrie. Il faut quand même rappeler, que la veille du 9 septembre, on parlait de frappes limitées certes, mais massives et en deux vagues, pour s’assurer de la destruction totale de dizaines de cibles, pouvant faire intervenir à la fois les Tomahawks, des missiles de croisière guidés par GPS d’une portée de 2 500 km pouvant voler à 900 km/h et à 20 m du sol, à un million de dollars la pièce, et les B-2 Spirit of America, des bombardiers furtifs à 11 000 km de rayon d’action et à deux milliards de dollars l’unité ! De quoi effrayer, même, que dis-je, surtout, tous les nostalgiques de l’époque soviétique, Poutine et Assad en tête ! Précisons enfin, que depuis deux ans et demi les chefs d’État occidentaux cherchaient une excuse, un prétexte, une échappatoire, wlak min ghaymé, pour ne pas intervenir en Syrie. Et s’ils ont décidé de le faire en ce début de mois de septembre, c’est parce que tous les éléments confirmaient avec une grande certitude la responsabilité du régime syrien dans le massacre chimique du 21 août. Que personne ne se leurre, les Occidentaux se seraient engouffrés dans n’importe quelle brèche d’incertitude pour éviter d’intervenir militairement dans la guerre civile syrienne.

Mais des incertitudes, il y en avait peu. A commencer par la conclusion des inspecteurs de l’ONU suite à leur mission en Syrie. Leur rapport, « Report on the Alleged Use of Chemical Weapons in the Ghouta Area of Damascus on 21 August 2013 », rendu public le 16 septembre, ne laisse aucun doute sur l’origine de ces attaques aux armes chimiques. Ce rapport de 38 pages se base sur l'interview des survivants et des témoins, les rapports médicaux, l'examen des munitions utilisées et l'impact au sol et sur les bâtiments, ainsi que sur les prélèvements environnementaux et biologiques réalisés sur place. Rappelons au passage que le régime syrien, n’a pas facilité le travail de ces inspecteurs. Il a par exemple soumis les zones qui devaient être inspectées à un bombardement intensif pendant cinq jours, pour permettre au « temps » d’effacer certaines preuves. Autre problème, alors que l'équipe de l'ONU se trouvait sur place depuis le 18 août, elle n’a pu intervenir qu’entre le 26 et le 29 août à raison de 5 h par jour seulement.

Toujours est-il, le rapport de l’ONU confirme en grande partie les rapports des renseignements américains et français, notamment en ce qui concerne la symptomatologie post-attaque, caractéristique d’une exposition à un gaz neurotoxique (voir Art.178). Selon les enquêteurs de l’ONU, il existe des preuves flagrantes et convaincantes qu’une attaque chimique massive, à l’aide de roquettes sol-sol contenant du gaz sarin, a visé la population civile des régions d’al-Ghouta de la banlieue de Damas le 21 août 2013. Il en apporte des éléments nouveaux qui montrent la cruauté des auteurs de l’attaque. Sur les conditions météorologiques, par exemple. Le choix nocturne de cette attaque visait à accroitre son efficacité. On a noté à l’aube du 21 août, une chute des températures, entre 2h et 5h du matin. Ceci a eu comme conséquence de provoquer un mouvement d’air du ciel vers le sol, le gaz toxique étant lourd, pouvait ainsi rester plus longtemps au niveau du sol et mieux pénétrer dans les habitations et les abris où s’est réfugiée la population civile.

Même si les enquêteurs de l’ONU ne se prononcent pas sur les auteurs des attaques chimiques, ce qui ne faisait pas partie de leur mission (sinon la Syrie et la Russie auraient fait obstacle), ils donnent suffisamment d’éléments techniques pour incriminer encore une fois le régime syrien. Grâce aux détails sur la nature des projectiles (roquettes modifiées de type 140 mm), le recours à l’artillerie lourde (type 330 mm), la présence de sondes barométriques sur les vecteurs (pour répandre le gaz à une faible altitude avant l’impact), la nature, la quantité et la qualité du gaz utilisé (le sarin de Ghouta était de "meilleure qualité" que celui utilisé par le pro en la matière, Saddam Hussein, en 1988 ou par les amateurs japonais de la secte Aum, en 1995) et les impacts au sol et sur les bâtiments, il était ainsi aisé de connaitre le fabricant du contenant et du contenu criminels, et surtout de retracer les trajectoires de ces roquettes chargées du gaz mortel, le sarin. Tous ces éléments sont accablants pour le régime syrien. Ils ont amené l’ambassadeur de la Grande-Bretagne à l’ONU à déclarer que « cela ne fait pas penser à une industrie chimique artisanale ». Mais, ce n’est pas de l’avis du président russe. Et pourtant les roquettes 140 mm sont de fabrication soviétique attestée et peuvent transporter 2,2 litres de sarin (pour dédouaner son protégé, Poutine se cache derrière son doigt en affirmant que toute la région regorge d’armes de fabrication soviétique ; sauf que les experts savent que les rebelles n’en possèdent pas !), les roquettes 330 mm sont probablement de fabrication syrienne et peuvent transporter près de 60 litres de sarin (jusqu’à preuve du contraire, seules les troupes du régime possèdent ces projectiles), le gaz sarin est de fabrication syrienne aussi (surtout en se référant à l’importante quantité utilisée et à la qualité) et l’origine des tirs ne fait aucun doute. Les roquettes venaient de zones contrôlées par les troupes de Bachar el-Assad. C'est confirmé à la fois par l’impact des roquettes (à partir desquels on peut déduire la trajectoire), la portée des roquettes 140 et 330 mm (connaissant cette portée qui ne dépasse pas une dizaine de kilomètres, on peut à partir des points cibles, situer les pièces d’artillerie qui ont servi à les projeter) et les témoignages humains (visuels et auditifs).

Et pendant ce temps, la propagande syro-russe continue de plus belle. Les Russes affirment que la Syrie leur a transmis des éléments qui prouveraient que l’attaque du 21 août était une provocation de la part des rebelles. Un peu court pour les croire sur parole. Serguei Lavrov n’hésite pas à affirmer que « Nous avons les raisons les plus sérieuses de penser que c’était une provocation ». Pour Poutine, il s’agit même « d’une provocation habile » de la part des rebelles. Vous l’avez compris, le mot d’ordre d’Assad, Lavrov et Poutine, est le même : « provocation ». C’est ce qui a amené les Américains à considérer que le ministre russe des Affaires étrangères nage à contre-courant des faits. Dans une tentative de faire diversion, Vladimir Poutine a rappelé que l’arsenal chimique syrien n’a vu le jour que « comme une alternative à l’arme nucléaire d’Israël ». Ce qui est vrai. Rappelons qu’Israël nie détenir des armes nucléaires et pourtant l’Etat hébreux place le Moyen-Orient tout entier sous la menace de 200 têtes nucléaires ! Il faut aussi savoir qu’Israël n’est pas signataire du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Et c’est sans parler de son arsenal chimique et bactériologique. Il n’empêche que tout le monde sait que le régime syrien se garde de répondre même avec des armes conventionnelles aux attaques israéliennes. En tout cas, faut-il rappeler à Poutine que pour l’instant les armes chimiques du régime syrien n’ont servi que contre la population syrienne ?

Outre les rapports de l’ONU et des services de renseignements américains et français, il y a aussi un autre rapport particulièrement intéressant de l’ONG, Human Rights Watch (HRW), sur les attaques de Ghouta. « Attacks on Ghouta : Analysis of Alleged Use of Chemical Weapons in Syria ». La conclusion de ce rapport indépendant est aussi sans appel : « les preuves examinées suggèrent que les attaques chimiques du 21 août sur Ghouta ont été menées par les forces gouvernementales ». On y retrouve tous les éléments accablants des autres sources contre le régime syrien : la symptomatologie des victimes, la nature des munitions utilisées, les témoignages et les analyses des vidéos diffusées. Le rapport de HRW attire l’attention sur le fait qu’il est parfaitement admis et établi à plusieurs reprises, que les troupes de Bachar el-Assad possèdent des roquettes de 140 mm et de 330 mm, et leurs lanceurs, utilisées dans les attaques du 21 août, mais jamais les rebelles. Il faut savoir aussi que le remplissage des roquettes en gaz sarin avant l’attaque -2,2 litres dans les roquettes 140 mm et 60 litres dans les roquettes de 330 mm- est une opération à très haut risque qui ne peut être réalisée qu’avec des spécialistes en armes chimiques. Et là aussi, le régime possède les moyens humains et techniques pour cela, pas les rebelles. Autre information capitale, l’Iran est le seul pays au monde qui possède des lance-roquettes de type 333 mm (Falaq-2). Les roquettes syriennes utilisées dans l’attaque chimique du 21 août qui font 330 mm sont compatibles avec les lance-roquettes iraniens. Jusqu’à preuve du contraire, là encore, seules les troupes de Bachar el-Assad possèdent une telle artillerie. Ces roquettes mesurent 2,6 m de long et 33 cm de large. En version chimique, elles auraient déjà été utilisées dans la banlieue de Damas à Adra pour la première fois le 5 août 2013, soit deux semaines avant les attaques de Gouta. En version conventionnelle hautement explosive, elles ont déjà été utilisées par les troupes de Bachar el-Assad contre les rebelles à Damas le 4 janvier 2013 et à Homs le 2 août 2013.

Récapitulons. Quatre rapports indépendants, de l’Organisation des Nations Unies, de Human Rights Watch, des renseignements américains et des renseignements français, désignent directement et indirectement le régime de Bachar el-Assad comme l’auteur des attaques chimiques du 21 août, qui ont fait près de 1500 morts, dont plus de 400 enfants. La mobilisation de Barack Obama et de François Hollande pour intervenir en Syrie, alors que les populations américaines et françaises y sont opposées, prouve que ces dirigeants occidentaux ont des preuves irréfutables de la responsabilité du régime de Damas dans ce massacre odieux. L’acceptation soudaine de Bachar el-Assad et de Vladimir Poutine de se débarrasser de l’arsenal chimique syrien, plaide indiscutablement en faveur de la culpabilité du régime de Damas dans la tragédie de Ghouta. Nous sommes donc à six éléments accablants pour le régime de Bachar el-Assad dans le massacre chimique de Ghouta du 21 août 2013. Assad et Poutine le savent. Et pour cause ! Ils ne sont pas dupes. Ils ont vite compris que la communauté internationale ne pouvait pas laisser le recours du régime syrien à ces « armes de destruction massive » sans réagir. Il était donc impératif au duo syro-russe de proposer de quoi freiner la machine de guerre occidentale qui se mettait en place en Méditerranée orientale.

C’est dans ce contexte précis qu’il faut placer l’adhésion du régime de Bachar el-Assad à la Convention internationale sur l'interdiction des armes chimiques (CIAC), le 12 septembre. C’est dans ce contexte aussi qu’il faut interpréter l’accord américano-russe, signé à Genève, le 14 septembre. Selon les termes de cet accord historique, Damas doit présenter une information complète sur ces armes chimiques en moins d’une semaine, délai qui prenait fin ce weekend. Effectivement, le régime syrien a fourni il y a deux jours une première liste de ces armes chimiques à l’Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), basée à La Haye, qui s’est penchée dès samedi à l’étude des moyens de les éliminer. Eh oui, on n’a jamais connu la tyrannie des Assad aussi obéissante et aussi docile ! Encore une preuve de sa culpabilité. Certes, ces armes ne sont pas encore détruites, mais c’est déjà une avancée considérable. Avant novembre, des inspecteurs de l’ONU seront chargés de veiller au bon déroulement du processus d’élimination, qui doit intervenir au cours de l’année 2014. Reste à traduire cet accord bilatéral en une résolution onusienne. Les Occidentaux -Américains, Britanniques et Français- souhaitent « une résolution forte et contraignante, ainsi qu’un calendrier précis », d’où la nécessité pour le camp occidental de la placer sous le chapitre VII qui autorise le recours à la force en cas de violation par le régime de Bachar el-Assad de ses engagements ou en cas d’utilisation de ces armes à l’avenir. De leur côté, les Russes souhaitent une résolution vague et un calendrier au bon vouloir de leur protégé, Bachar el-Assad. Ils ne veulent surtout pas entendre parler du chapitre VII. C’est le énième round d’un bras de fer qui dure depuis deux ans et demi, pour mettre fin au drame syrien. Du côté des États-Unis, on affirme que le déploiement américain en Méditerranée orientale se prolonge, afin de rester prêt pour d’éventuelles frappes contre le régime syrien. Et pour faire pression aussi ! Les Tomahawks et les B-2 Spirit of America constituent aujourd’hui une épée de Damoclès pour Damas. Beaucoup d’incertitudes demeurent. Mais une chose est sûre, un processus irréversible s’est engagé. Il devrait dissuader Bachar el-Assad de recourir de nouveau aux armes chimiques et conduire à terme vers l’élimination complète de l’arsenal chimique de la Syrie des Assad. Quoi de mieux que cette note optimiste pour terminer cette trilogie que j’ai consacrée à la Syrie, à la suite des attaques chimiques du 21 août 2013. Reste le volet pénal concernant ce crime odieux, et tant d’autres non moins odieux. Comme le dit si bien Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations Unies : « Bachar el-Assad a commis de nombreux crimes contre l'humanité. Je suis certain que les responsables devront rendre des comptes quand tout cela sera terminé. » Ce jour viendra...


Réf.


vendredi 13 septembre 2013

Daniel Pipes : think tanker, faucon, néocon, sioniste, arabophobe, islamophobe, palestinophobe, obamaphobe et même voyagiste, est-ce possible ? (Art.180)


Qui suit l’actualité assidûment, tombera un jour ou l’autre sur certains noms incontournables. Robert Fisk par exemple, dans la presse anglaise. Bakhos Baalbaki aussi, sur le web libanais francophone. Michel Éléftériadès également, à la frontière du réel. Et Daniel Pipes bien évidemment, dans les médias américains.

Daniel Pipes est un infatigable écrivain. Un militant acharné. Un journaliste à ses heures perdues. C’est une institution à lui tout seul. Il est l’auteur de 3500 articles, notes et weblogs ! Il s’enorgueillit de 60 millions de pages web visitées. Le rêve ! C’est sans compter ces innombrables conférences qu’ils donnent partout dans le monde. Un vrai gourou médiatique, il n’y a qu’à faire un tour sur son site pour s’en convaincre. Ses spécialisations, ce sont la politique étrangère des États-Unis, le Moyen-Orient et l’Islam. Il dirige le Middle East Forum, qui fait escale pendant huit jours à Chypre vers la mi-octobre, où ce think tank, convertit pour la peine en agence de voyage, organise entre deux excursions, des discussions sur les enjeux de la découverte du « gaz offshore » en Méditerranée orientale et sur la « menace islamiste turque », avec des experts chypriotes et israéliens. Il faut prévoir 3 150 $ pour une personne seule, sans le billet d’avion et le déjeuner, 5 190 $ pour un couple, soit 1 110 $ d’économie, ce qui loin d’être négligeable, le think tank de Daniel Pipes pense à tout, absolument tout. Lol !

Voilà pour l’intro. Pour le reste, le sérieux et le consistant, sachez que Daniel Pipes est un homme influent. Il se présente comme un historien respectable et respecté, alors que nombreux de ses propos ne le sont pas. Loin de là. Mais alors, pas du tout. Tenez, sur l’islam par exemple, il pense que « Le problème c’est l’Islam militant. La solution c’est l’Islam modéré. » Mais cela ne l’empêche pas d’ajouter quand même : « les musulmans modérés constituent un très petit mouvement ». Alors, vérité dérangeante ou plutôt islamophobie camouflée ?

En tout cas, puisqu’on y est, restons encore un instant avec l’islam. Vous vous souvenez de la rumeur d’un temps, qui a fait fureur aux États-Unis, lorsque certains médias républicains avançaient, en boucle svp, que Barack Obama était un ancien musulman ? Et bien, c’était lui qui était derrière. Il a écrit de nombreux articles pour l’établir. En vain. Et ce n’était pas une simple référence au père du président américain ou à son enfance en Indonésie uniquement, non, non, Daniel Pipes a mis les bouchées doubles pour y parvenir. Dans un de ces nombreux articles consacrés au sujet, le journaliste se demandait, « Was Barack Obama a Muslim ? » Imaginez une seule seconde, la même chose avec « Was Daniel Pipes a Jewish ? » Yalla bassita, passons. Et devinez quand l’article a été publié ? La veille de Noël de l’année 2007, le 24 décembre précisément. Comme par hasard, un bon timing pour une telle polémique dans l’Amérique puritaine. La volonté de nuire était donc manifeste. Du populisme à 5 cents ! Deux semaines plus tard, il voulait non seulement faire croire aux Américains que Barack Obama était un musulman, mais en plus, qu’il a été pratiquant ! « Confirmed: Barack Obama Practiced Islam. » Pathétique.

C’est du Daniel Pipes tout craché. Pour comprendre l’homme, il faut savoir que le célèbre gourou était défenseur de la guerre du Vietnam dans les années 70. Partisan d’armer Saddam Hussein dans les années 80, pour affaiblir l’Iran. Favorable à la première guerre du Golfe contre l’Irak. Il est parti en croisade contre le « terrorisme islamique » à partir du 11 septembre 2001. A son actif 560 interventions radio-télévisées dans l’année qui a suivi September 11 pour « conditionner » l’opinion publique américaine et la préparer aux interventions militaires des États-Unis en Afghanistan et en Irak. Peu de temps après, il a considéré que « Saddam Hussein représentait une menace imminente  pour les États-Unis ». Proche de l’administration de George W. Bush, il prédisait que « la guerre en Irak conduirait à une réduction du terrorisme ». Comme les événements par la suite ont démontré qu’il était magistralement à côté de la plaque, il a le culot de sortir, « La guerre civile en Irak n’affecte pas ceux d’entre nous qui ne vivent pas en Irak. Ce n’est pas vraiment notre problème. » Pour justifier ses propos, Daniel Pipes dévoile une philosophie guerrière redoutable : « Il est parfois possible et même nécessaire d’aller à la guerre sans prendre des responsabilités pour le pays auquel on fait la guerre. » Waouh ! Eh bien, pour un excité de la gâchette, il n’y va pas de main morte. Quel propos abject, d’un personnage irresponsable ! Daniel Pipes a beau tenir ces propos méprisables pour la population d’Irak d’aujourd’hui, qu’on peut appliquer aux populations de Syrie ou d’Iran de demain, il a néanmoins le mérite d’être parfaitement clair.

Pour ce qui est du dossier syrien, Daniel Pipes a consacré quatre articles sur ce pays depuis la tragédie chimique du 21 août 2013. Ses articles regorgent de tournures populistes à five cents. On apprend par exemple que Bill Clinton, démocrate, était un « président faible et généralement médiocre ». Le journaliste américain lui reproche d’avoir engagé les États-Unis dans des guerres où les intérêts américains n’étaient pas menacés, comme en Bosnie et au Kosovo, des opérations menées pour protéger des populations musulmanes, soit dit au passage ! Un autre exemple. « Alors que des dizaines d'églises coptes étaient en feu, il (Barack Obama) a joué au golf à six reprises. » Si, si, il l’a écrit ! Mais lui, ça ne l'empêche pas d’organiser des excursions touristiques à plus de 400 $ la journée à Chypre ! C’était le 28 août. Dix jours après, il récidive. « Le débat au Congrès sur la Syrie se déroule au moment où la ville chrétienne syrienne de Maaloula, où l’on parle encore l’araméen, est tombée sous un groupe djihadiste d’al-Qaeda. » Pour marquer l’esprit des lecteurs, il publie une photo du village syrien.

Mais, détrompez-vous, ce n’est pas pour autant que Daniel Pipes réclame la défense des coptes d’Egypte ou des chrétiens de Maaloula. Il s’en fout comme de l’an quarante. Ses priorités se limitent aux intérêts américains et israéliens. Et par conséquent, il est contre l’intervention américaine en Syrie, qu’elle soit musclée ou même limitée. Il l’a déjà dit en juin 2012. « Les intérêts occidentaux suggèrent de rester en dehors du bourbier syrien. » Il l’a redit dans un article du 9 septembre. Les deux options comportent beaucoup de risques, notamment pour Israël. Pour Daniel Pipes, l’option « Ne rien faire » présente beaucoup d’avantages, notamment celui de « maintenir un équilibre stratégique bénéfique entre le régime et les rebelles ». L’auteur de ces lignes méprisables, au parcours peu flatteur, a le culot de préciser dans son article du 11 septembre : « Qu’Obama semble pousser à défendre son honneur et sa crédibilité, indépendamment du cout, rend cet épisode particulièrement gênant. Un grand pays se retrouve pris en otage par l’ego d’un petit homme... Les Américains commencent enfin à voir les conséquences de l’élection et de la réélection, sans doute, du pire politicien des temps modernes à habiter la Maison Blanche. » Waouh, et si Daniel Pipes n’était que le pire journaliste américain des temps modernes, « kezbé kbiré » comme on dit au Liban (un gros mensonge)? En tout cas, l’autre avantage majeur de ne rien faire en Syrie selon Pipes est de « ne pas distraire Washington du pays vraiment important, l’Iran », qui serait selon l’activiste américain à deux doigts de fabriquer une bombe nucléaire. Et là, Daniel Pipes est explicite : « Contrairement à l'utilisation d'armes chimiques contre les civils syriens, cette perspective est la préoccupation personnelle la plus directe et la plus vitale pour les Américains car elle pourrait conduire à une attaque électromagnétique sur leur réseau électrique, qui les ferait soudainement retourner à une économie du 19e siècle et provoquerait des centaines de milliers de morts. » C’est c’là oui, on connait la stratégie de la peur de W pour conditionner les Américains ! Ainsi, il demande au Congrès de rejeter le plan Obama, et « d’adopter une résolution encourageant et approuvant l’utilisation de la force contre l’infrastructure nucléaire iranienne ». Là aussi, Daniel Pipes a le mérite d’être franc.

Il est intéressant de constater que la position de Daniel Pipes sur le dossier syrien colle parfaitement avec la vision dominante en Israël. En effet, les Israéliens craignent davantage le dérapage avec le « nucléaire iranien » des mollahs. Il faut bien reconnaître que la tyrannie des Assad, père et fils, a assuré à l’État hébreux un calme olympien sur le front du Golan, qui n’a jamais été perturbé, même à l’annexion de la région syrienne par Israël en 1981, la dernière balle tirée sur ce front pépère remonte à 1974 ! C’est ce qui a valu à Bachar el-Assad le titre du « meilleur ennemi d’Israël ». Par contre, Syriens et Libanais, ont plus à craindre davantage et dans l’immédiat, des dérapages du « chimique syrien », comme le prouve la tragédie du 21 août 2013, que les auteurs soient Bachar el-Assad ou le Hezbollah et Jabhat al-Nosra, après le transfert, volontaire ou accidentel, des gaz mortels à ces deux groupes djihadistes.

Sachez également que Daniel Pipes publie ses articles essentiellement dans le Washington Times, un quotidien fondé en 1982 par des membres de « l'Église de l'Unification », pour concurrencer le respectable Washington Post. Ce mouvement religieux, connu aussi sous le nom de « l’Association de l'Esprit Saint pour l'unification du christianisme mondial », a été créé en 1954 par le coréen Sun Myung Moon, installé aux États-Unis en 1972, un proche de la famille Bush par la suite, mort il y a un an à l’âge de 92 ans. Ce mouvement fut considéré comme une secte dans un rapport parlementaire français. Le révérend Moon s’est définit lui-même comme le nouveau Messie, depuis que Jésus lui est soi-disant apparu à l’âge de 16 ans. Last but not least, Moon pensait qu’un jour « Le Washington Times deviendrait l'instrument qui propagerait la parole de Dieu dans le monde ». Encore un illuminé. Tenez, à tout hasard, Daniel Pipes se définit lui-même comme un néoconservateur, de la trempe des fanatiques chrétiens, locataires de la Maison blanche entre 2001 et 2009, W & Co.

Et avant que je n’oublie, le journaliste américain s’affiche comme un soutien indéfectible d’Israël. Il critique même les Israéliens pour leur manque de fermeté à l’égard des Palestiniens et leur « politique d’apaisement ». Il était contre le retrait israélien de Gaza en 2004. Daniel Pipes est même farouchement opposé à la création d’un État palestinien. Pour lui la solution au conflit israélo-arabe est simple : rattacher la Cisjordanie à la Jordanie et Gaza à l’Égypte. Que deviennent les millions de réfugiés palestiniens dans les pays arabes ? Daniel Pipes n’en a cure, ce n’est pas son problème. Il reproche à Obama de poursuivre « le projet illusoire d'un processus de paix israélo-palestinien » (propos du 21 août 2013). Encore un détail, l'activiste américain a reçu en 2006 le Guardian of Zion Award, le prix du Gardien de Sion, une récompense universitaire israélienne décernée annuellement depuis 1997 aux personnes de confession juive qui se sont montrées favorables à l’État d’Israël.

Et je termine par ce qui nous concerne directement, nous autres Libanais. Sans se perdre dans 1001 détails, deux éléments significatifs. Lors de la guerre de juillet 2006 d’Israël et du Hezbollah sur le Liban, « une guerre qu’Israël doit gagner » (20 juillet), Daniel Pipes a multiplié les critiques à l’égard de certains médias occidentaux sur leur couverture biaisée du conflit, pas favorable à Israël. Deux jours seulement après la fin du conflit, tout ce qu’il a trouvé à dire sur ce désastre qui a couté au Liban plus de 1 200 morts et l’équivalent de la moitié de son PIB (soit près de 11 milliards de dollars), c’est de conseiller « au gouvernement israélien de voir ses relations publiques comme faisant partie de sa stratégie » pour éviter que certains ne puissent « blesser l’image d’Israël » à l’étranger. Il faut savoir par ailleurs que Daniel Pipes s’acharne depuis des années à faire passer l’idée que seulement 1 % des 5 millions de Palestiniens inscrits auprès de l’UNRWA (United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East), soit 50 000 personnes, peuvent être considérés comme « réfugiés palestiniens », c’est-à-dire uniquement ceux qui se trouvaient en Palestine entre juin 1946 et mai 1948, mais pas leurs descendants, qui sont selon l’activiste américain, de « faux réfugiés ». Ah, Daniel Pipes fait le malin. On devine aisément pourquoi ! Ainsi, dans quelques années, Israël n’aura plus un problème de « réfugiés palestiniens ». Evaporés ! Génial. Depuis cent ans, on fait immigrer des ressortissants juifs du monde entier en Israël, des gens qui n'ont plus aucun lien avec la Terre sainte depuis des siècles, mais on veut refuser à des descendants palestiniens directs de la 1re génération d'expulsés, de retourner sur les lieux de naissance de leurs parents ! J'ai rarement lu une contorsion intellectuelle de plus injuste et de plus lamentable. Voilà ce que Daniel Pipes écrit en mai 2012 : « 1948 est arrivé, il est temps d’être réaliste... Résoudre le conflit israélo-arabe, pour faire court, nécessite de mettre fin à la farce absurde et dommageable de la prolifération de faux réfugiés palestiniens et leur installation définitive (dans les pays d’accueil). » Nous avons près de 500 000 réfugiés palestiniens au Liban !

Vous aurez sans doute l’occasion de tomber sur le nom de Daniel Pipes un jour ou l’autre. Maintenant que vous avez un bref aperçu du bonhomme, vous saurez à quoi s’en tenir.

dimanche 8 septembre 2013

Obama expliqué aux nuls. Episode 2/3 : Ce que l’on sait sur le massacre d’al-Ghouta (Art.178)


De toute la tragédie syrienne, deux dates resteront dans la mémoire de l’Histoire. Jusqu’à ce jour en tout cas. Le 15 mars 2011, qui marque le début d’une révolte pacifiste en Syrie sous le règne du dernier tyran des Assad, et le 21 août 2013, où l’horreur a atteint l’inimaginable. Dans le 1e épisode de cette trilogie que j'ai décidée de consacrer à la Syrie après ce dernier événement odieux, j’ai mis la lumière sur notre grande responsabilité en tant que Libanais ayant des compatriotes chiites engagés massivement dans la guerre civile syrienne aux côtés de Bachar el-Assad, pour combattre les soi-disant takfiriyines sunnites. Dans ce 2e épisode de la trilogie, je rentrerai dans le vif du sujet « Obama expliqué aux nuls », en me demandant, mais au fait, qu’est-ce que nous savons à ce jour du massacre d’al-Ghouta ?

Grâce à la rivière Barada, dont la source se situe dans l’Anti-Liban, et aux travaux d’irrigation depuis les civilisations antiques, les terres qui entourent Damas ont été transformées au fil du temps en une oasis dans le désert de Syrie, al-Ghouta en arabe. Ni les Araméens, ni les Romains, n’ont imaginé que cette région agricole sera tristement le théâtre d’un grand massacre à l’arme chimique un jour. Si une certaine confusion a pu régner pendant les quelques heures qui ont suivi le massacre d’al-Ghouta en Syrie, aujourd’hui il n’en reste rien ou presque. L’attaque chimique est bien confirmée, le bilan est très lourd et les auteurs sont parfaitement identifiables. 

A décharge du régime, le clan Bachar el-Assad et sa machine de propagande avec ses nombreux défenseurs libanais, le Hezbollah et le Courant patriotique libre entre autres, et ses quelques alliés internationaux, l’Iran et la Russie, ont avancé l’argument fallacieux, qu’il serait complètement « illogique », terme utilisé par Bachar himself dans l’interview déplacé que le Figaro lui a accordé le 1er septembre, que le régime syrien fasse usage des armes chimiques alors que les enquêteurs de l’ONU résidaient à quelques minutes des zones gazées. Cette argumentation rachitique, reprise en boucle par ses fidèles défenseurs, oublie un détail, et de taille. Bachar el-Assad ne souffre d’aucun trouble psychiatrique, contrairement à ce qu’on croit. C’est un homme pragmatique, tout le monde le sait. Non, il ne gazera pas ses compatriotes par plaisir, il faut arrêter de fumer la moquette ! Mais il le fera par nécessité, sans aucune hésitation. Le recoupement des informations provenant du terrain et des services de renseignements franco-américains, laissent penser que c’est exactement ce qui s’est passé ce « mercredi noir » du 21 août 2013.

Depuis des mois, deux poches de résistance sont bien ancrées à l’est et au sud-ouest de la capitale, dans la banlieue de Damas, la fameuse région d’al-Ghouta, comme le montre le dessin diffusé par le ministère français de la Défense. Ces zones rebelles se situent à une douzaine de kilomètres du palais présidentiel de Bachar el-Assad et à une lancée de pierre de l’aéroport militaire de Mazzeh. Les combats sont quotidiens. La frustration des forces loyalistes, incapables de déloger les rebelles de la banlieue de Damas depuis plus d’un an est énorme. Les renseignements français détiennent des informations qui prouvent que « le régime redoutait une attaque d’ampleur de l’opposition sur Damas dans cette période ». Cette nuit-là, le front s’est enflammé une nouvelle fois, menaçant encore une fois le centre du pouvoir du régime alaouite. Bachar el-Assad, voulait non seulement briser les offensives est-sud-ouest sur le palais présidentiel, mais en plus, en finir une fois pour toutes avec ces poches de résistances menaçantes, qui se trouvent comme une épée de Damoclès au-dessus de sa tête à Damas. Il souhaitait aussi marquer les esprits, en terrorisant à la fois les rebelles et la population qui les soutient. La suite des événements est particulièrement odieuse.

Les troupes de Bachar envoient sur une douzaine de zones d’al-Ghouta alcharquiyé (à l’est de Damas) et al-Ghouta algharbiyé (au sud-ouest de Damas), ces deux zones tenues par les rebelles, des roquettes remplies de gaz sarin. Selon le chef d'état-major de l'Armée Syrienne Libre (ASL), le brigadier général Selim Idriss, des missiles et des obus ont été tirés depuis l'aéroport militaire de Mazzeh à partir de 2h25 du matin, par la brigade 155 et depuis le Mont Qassioun par la brigade 127, celle qui est rattachée à la 4e division dirigée par Maher el-Assad, le frère de Bachar. Les informations de l’ASL sont confirmées par les Américains qui détiennent des renseignements et des images satellites qui prouvent, qu’à l’heure du massacre des roquettes sont parties des zones loyalistes vers les zones rebelles. Et ce n’est pas tout, pour brouiller les pistes, entraver la circulation des individus et des secours, empêcher la population de recueillir des indices compromettants le régime, et surtout lancer une attaque terrestre ultérieurement, les deux Ghouta ont été soumises pendant les 24 heures qui ont suivi l’attaque à un bombardement intensif aux roquettes conventionnelles de l’artillerie du régime, quatre fois plus que le rythme habituel observé depuis dix jours. Ces bombardements qui se sont prolongés jusqu’au 26 août, visaient surtout à retarder le plus longtemps possible l’arrivée des enquêteurs de l’ONU, afin de détruire les indices et permettre au temps de faire disparaître les preuves. Et le comble de l’horreur, un élément qui prouve non seulement la culpabilité du régime mais aussi le fait qu’il était parfaitement conscient du crime qu’il avait commis, des incendies volontaires ont été déclenchées, afin de créer des appels d’air et accélérer la dissipation des gaz neurotoxiques après l'attaque.

Tous les rapports des services de renseignements occidentaux sur la tragédie du 21 août 2013 arrivent à la même conclusion. « Le gouvernement des États-Unis estime avec une grande certitude que le gouvernement syrien a mené une attaque aux armes chimiques dans la banlieue de Damas, le 21 août 2013. » Cette conclusion se fonde sur une myriade d’éléments accablants pour le régime de Bachar el-Assad : les renseignements américains ont détecté dans les trois jours qui ont précédé l’attaque chimique, des activités du régime qui sont associées à la préparation de cette attaque, notamment la présence entre le 18 août et le 21 août à l’aube, des unités du régime syrien spécialisées dans les armes chimiques dans le secteur d’Adra qui est situé à une vingtaine de kilomètres des zones gazées ; des interceptions de communication entre les militaires du régime syrien ; des images satellites qui prouvent que des roquettes sont parties des zones contrôlées par le régime vers la région d’al-Ghouta (Kafr Batna, Jawbar, Ayn Tarma, Darayya et Mu’addamiyah) 90 minutes avant que le premier cas d’attaque chimique n’ait été reporté sur les réseaux sociaux à l’aube ; des centaines de témoignages de survivants sur les réseaux sociaux pendant 4h à partir d’une douzaine de zones contrôlées par les rebelles ; une centaine de vidéos différentes des victimes de l’attaque ; tous les signes cliniques observés indiquent une exposition à des agents chimiques neurotoxiques : perte de connaissance, absence de blessure corporelle, convulsions, nausées, vomissements, hypersécrétion salivaire, étouffement, myosis (contraction des pupilles), dyspnée (difficulté respiratoire), cyanose (coloration bleutée des lèvres) ; des rapports médicaux sur les victimes (trois hôpitaux de Damas ont reçus 3600 patients en 3h, présentant des symptômes nerveux, à l’aube du 21 août) ; contamination du personnel soignant ; des analyses de laboratoire sur des échantillons prélevés sur les victimes (sang, cheveux) ; des indices sur le terrain ; les types de roquettes « spécifiques » utilisées (dont les éclats ont été analysés et qui confirment que ces roquettes, qui ne sont pas classiques, étaient vectrices d’agents chimiques et que seul le régime en possède) ; de l’analyse du comportement des troupes de Bachar el-Assad après l’attaque (frappes massives aux armes conventionnelles des zones ciblées, par l’artillerie et l’aviation du régime pendant cinq jours, pour retarder l’arrivée des enquêteurs et effacer les preuves) ; de l’analyse des capacités limitées des rebelles (humaines, techniques et militaires), etc. Le fait que l’attaque chimique ait touché douze zones différentes et simultanément de la banlieue de Damas, comme le montre le dessin publié par la Maison blanche, prouve la préméditation et la volonté délibérée de « nettoyer » les zones gazées. Il existe d’autres éléments compromettants, qui sont restés classer par les services de renseignements américains, mais qui ont néanmoins été transmis au Congrès et aux partenaires des États-Unis.

De leurs côtés les services de renseignement français, la Direction générale de la sécurité extérieure et la Direction du renseignement militaire, ont mis à la disposition de la presse un rapport dont les conclusions sont aussi formelles. Après avoir authentifié et expertisé les vidéos publiées, les renseignements français concluent qu’il s’agissait d'une attaque massive et coordonnée à l’arme chimique dont les rebelles syriens n'ont absolument pas les moyens de la mener. Pour eux aussi, l'attaque du 21 août a été perpétrée par le régime de Bachar el-Assad et son clan, les seuls habilités à donner l'ordre d'utiliser des armes chimiques. De l’autre côté du Rhin, les services de renseignement allemands, affirment que l’attaque est bel et bien l’œuvre du régime mais que son ampleur serait due à une erreur de dosage.

Le bilan humain de l’attaque chimique et conventionnelle de ce mercredi noir est très lourd. L’Armée Syrienne Libre l’estime à 1845 morts et 9924 blessés. Selon le gouvernement américain, au moins 1429 personnes sont mortes à l’aube du 21 août 2013, dont 426 enfants. Une liste provisoire de 585 morts, nommément identifiées, a été établie par le Centre de documentation des violations en Syrie (VDC), une ONG syrienne. L’ONG française Médecins sans frontières a confirmé avoir soigné 3600 patients souffrant de symptômes neurologiques dans trois hôpitaux damascènes qu’elle soutient. Elle atteste la mort de 355 d’entre eux. La majorité des personnes a été tuée dans son sommeil. D’où le caractère pernicieux et odieux des attaques aux armes chimiques. Disons aussi au passage, que la plupart des animaux des zones bombardées, animaux domestiques et bétail, ont subi le même sort que les humains. 

Un an avant cet odieux massacre -jour pour jour, et quelle ironie!- le président américain Barack Obama, avait prévenu que « Nous ne pouvons pas avoir une situation dans laquelle des armes chimiques tomberaient entre les mains de mauvaises personnes. Nous avons été très clairs avec le régime d’Assad, mais aussi avec d’autres acteurs sur le terrain, qu’il s’agissait d’une ligne rouge pour nous, si nous commencions à voir des armes chimiques déplacées ou utilisées. Cela changerait mes calculs. Cela changerait mon équation ». Il a réitéré sa mise en garde en décembre dernier. « L'emploi d'armes chimiques est et serait totalement inacceptable. Si Bachar el-Assad commet l'erreur tragique d'utiliser ces armes, il y aura des conséquences. » A la suite de la tragédie, le président américain a été très clair : « Après une mûre réflexion, j'ai décidé que les États-Unis doivent prendre des mesures militaires contre des cibles du régime syrien. Ça ne sera pas une intervention ouverte. Nous ne voulons pas envoyer des soldats sur le terrain. Notre action sera conçue pour une durée limitée. Je suis convaincu que nous pouvons tenir le régime d'Assad responsable de l'utilisation d'armes chimiques, décourager ce genre de comportement et détériorer ses capacités de mener à bien de telles attaques. » De son côté, Vladimir Poutine a qualifié les rapports des renseignements franco-américains qui attribuent l’attaque chimique du 21 août au régime syrien « d’absurdité totale ». Il a prévenu que toute action en dehors du Conseil de sécurité sera considérée comme une « agression et une violation du droit international ». Quelle déclaration abjecte de cet ex-KGBiste sachant que la Russie prend en otage le Conseil de sécurité, empêchant toute décision sur la Syrie depuis deux ans et demi, notamment en bloquant par son veto trois projets de résolution dans le passé. Dans tous les cas, le président russe estime que s’il est nécessaire, « nous allons réfléchir à ce qu'il convient de faire pour la fourniture d'armes sensibles à certaines régions du monde », c’est-à-dire à la Syrie et à l’Iran. Pas de doute, ceux qui se ressemblent, s’assemblent ! Et pour couper l’herbe sous les bottes du régime syrien, le président français, François Hollande, a indiqué que « Le rapport des inspecteurs doit être délivré le plus tôt possible... Le mieux serait que le Conseil de sécurité puisse être le cadre de cette condamnation... Sinon une large coalition devra se former, se forme en ce moment même, pour rassembler tous les pays qui n'acceptent pas qu'un pays, qu'un régime, puisse utiliser des armes chimiques. »

A ce jour, le monde se divise en trois catégories par rapport à une intervention militaire en Syrie :
- Pays favorables à une réponse internationale forte, même en cas de veto de la Russie : États-Unis, France, Allemagne, Arabie Saoudite, Qatar, Émirats, Koweït, Jordanie, Libye, Turquie, Japon, Canada et Australie.
- Pays favorables à une réponse de la communauté internationale si la culpabilité du régime syrien est formellement prouvée et sous l’égide de l’ONU : la grande majorité des pays européens avec l’Inde et le Brésil.
- Pays opposés à l’intervention : Russie, Chine, Irak, Égypte, Algérie, Tunisie, et bien entendu le Liban... toujours du mauvais côté.

Tous les éléments sont accablants pour le régime de Bachar el-Assad. L’attaque d’al-Ghouta du 21 août 2013 ne s’inscrit absolument pas dans le cadre des « manœuvres guerrières », des « actes de guerre », des « offensives militaires », même des « bombardements de terreur », voire des « crimes de guerre », il s’agit indéniablement d’un « crime contre l’humanité », dont les seuls responsables sont Bachar el-Assad et son clan. Dans le prochain épisode sur la Syrie, je développerai les raisons qui imposent une intervention militaire en Syrie, même, et surtout, symbolique. Vous saurez pourquoi pour l’Occident, notamment pour Barack Obama, François Hollande et Bakhos Baalbaki, l’utilisation des armes chimiques constitue le franchissement d’une ligne rouge qui exige une riposte programmée et puissante de la communauté internationale. Un point qui n’a pas du tout été compris d’une part, par la majorité des populations et de l’intelligentsia des pays d’Orient et des pays émergents, et d’autre part, par une partie de l’opinion publique occidentale. Les premiers se demandent pourquoi 1 % de victimes mobilisent tant les pays occidentaux, sans saisir parfaitement le caractère particulière grave de l’utilisation des armes chimiques, les seconds, ne souhaitent surtout pas s’embourber dans ce qui s’apparente pour eux à une « guerre civile ». Ces deux points de vue prouvent que la communication des médias libanais, arabes et occidentaux sur ce sujet gravissime et sur cette tragédie est insuffisante. Aujourd’hui, l’intervention militaire en Syrie attend trois réponses : d’abord, le feu vert du Congrès américain à Barack Obama (d’ici deux semaines), ensuite, le rapport des enquêteurs de l’ONU sur l’attaque chimique du 21 août (vers la mi-septembre) et enfin, une dernière tentative de passer par le Conseil de sécurité (sans doute la deuxième quinzaine de septembre), avant de décider de la suite des événements.

Réf.

Obama expliqué aux nuls. Episode 1/3 : Et nous autres Libanais, qu’avons-nous fait, que faisons-nous et que ferons-nous ? (Art.177) par Bakhos Baalbaki

Obama expliqué aux nuls. Episode 3/3 : de la tragédie de Ghouta à la stratégie d’Obama (Art.182) par Bakhos Baalbaki

dimanche 1 septembre 2013

Obama expliqué aux nuls. Episode 1/3 : Et nous autres Libanais, qu’avons-nous fait, que faisons-nous et que ferons-nous ? (Art.177)


A peine les tambours de la guerre ont commencé à raisonner au large de la Méditerranée orientale, que les hypocrites pacifistes s'agitèrent sur les côtes libanaises. Les sincères excités de la gâchette aussi. Bien que les guerres soient de tout temps populaires, celle tant désirée par les uns et tant crainte par les autres, n'aura probablement pas lieu. Pas comme les uns et les autres l'ont imaginé. Et ce ne sont pas les raisons qui manquent. Et combien même elle avait lieu, elle sera limitée dans le temps et la portée, à tous les niveaux. Et là aussi, ce ne sont pas les raisons qui manquent. De toutes ces raisons, il ne sera nullement question aujourd’hui. S'inspirant de la collection « Expliqué à » et de la série « Pour les nuls », le présent article est le premier épisode d’une trilogie que je consacre à la Syrie. Trois éclairages pour trois angles de vue, afin de mieux comprendre ce qui se passe dans une région passionnante, le Moyen-Orient, et surtout dans la tête d’un homme d’exception, Barack Obama.

Que l'on soit pour ou contre cette intervention, il est curieux de constater que tout le monde a déjà ouvert le feu sur le président américain. Les opposants libanais à cette intervention ne comprennent pas pourquoi l'oncle Sam débarque avec ses grands sabots pour troubler la vie paisible dans la campagne damascène. A les croire, bé rif dimacheq allah wakilkoun, bet zetto el ebré, betsma3o ranneta. On oublierait presque que 100 000 Syriens sont déjà morts pour une guerre absurde, où Barack Obama n’y est pour rien, afin de permettre à la minorité alaouite de continuer à dominer la majorité sunnite. On oublierait même que la dictature syrienne aurait eu recours à l'arme chimique contre la population civile le 21 août 2013. Même posture offensive chez les Libanais qui sont favorables à une intervention musclée en Syrie. On ne se gêne pas pour donner des leçons au prix Nobel de la paix et de se moquer de la conscience occidentale. A les écouter on croirait que jamais dans l'histoire récente de l'humanité une guerre n'a été aussi meurtrière et que l’Irak (où des études avancent le chiffre de 1,5 million de morts au total), le Liban (150 000 morts), la Yougoslavie (250 000 morts) ou le Soudan (2 millions de morts au total!) sont des planètes imaginaires de Star Wars. On croirait également que jamais un tyran n'a été aussi cruel et que Pol Pot (responsable de la mort de 1,7 millions de ses compatriotes de 1976 à 1979, tués méthodiquement au cours d'une programmation macabre odieuse, soit 20 % de la population cambodgienne ; un tyran qui a eu une vie heureuse, mort dans son lit à l’âge de 70 ans, auprès d’une jeune femme de 35 ans !), Slobodan Milosevic (accusé par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide ; mort d’un infarctus en prison lors de son procès) et Omar el-Béchir (qui se la coule douce au Soudan alors qu’il fait l’objet de mandats d’arrêt internationaux émis par la Cour pénale internationale depuis 2010, ayant scandalisé les pays arabes à l’époque, malgré de graves accusations de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide, dans le cadre de la guerre civile au Darfour qui a fait 300 000 morts les dix dernières années en dépit de 22 résolutions de l’ONU !) sont des ogres de Charles Perrault. On oublierait même que cette intervention fait courir des risques énormes pour toute la région et que la situation explosive du Moyen-Orient n’autorise aucune improvisation à la W. On finirait par croire naïvement, le temps d’une lecture, que la solution est au bout des Tomahawks. Achtung baby, tous ces détails ne sont pas donnés pour minimiser les crimes de Bachar el-Assad, mais pour dire tout simplement que malgré l’horreur et la peine, il faut rester « scientifique » et éviter les diatribes enflammées et les envolées lyriques.

Si la situation n'était pas aussi tragique, connaissant le nombrilisme légendaire de la majorité des Libanais, incapables de penser aux nombrils des autres, même à l’autre bout de leur propre pays, cette fixation sur la Syrie ferait sourire. Beaucoup de soutien et d’opposition à cette guerre sont avant tout intéressés. Ma3lé, les choses doivent être dites. Et on trouve encore le culot de s’offusquer de voir les pays occidentaux agir par intérêt. Certains s'érigent même en stratèges sur le petit écran pour nous expliquer que « le complot américano-sioniste veut détruire la Syrie mais celle-ci sortira plus forte après l'attaque ». Foutaises. D'autres compatriotes ont même publié wra2 elna3wé, les faire-part de décès du monstre. Kholso zeitéto lal akhou el charmouta. Quelle naïveté ! Il faut dire que ces derniers n'ont pas eu beaucoup d'effort à faire, il leur a fallu changer la date tout simplement. C'est ce qu'ils font depuis 2 ans et demi. C'est au moins la 4e fois que Bachar el-Assad mourra. Manno bé sabe3 rwé7 bachar ben-hafez ébén-elkalb. Bassita, le temps viendra où tout le monde finira par comprendre que dès le premier jour de la révolte on aurait dû savoir, et prendre en compte, que le conflit syrien sera long, que la militarisation et la généralisation du conflit constitueront de graves erreurs et que la solution restera politique. Espérons que ça viendra. En attendant ce jour béni, c’est encore la faute à Obama, n’est-ce pas ? Faisant fi de la complexité du dossier, il aurait dû agir depuis longtemps. C’est c’là oui. Au fait, sur l’échelle des responsabilités, quelle place occupe Barack Obama dans la tragédie syrienne ? Et puis qu’importe, ce qui sûr et certain, c’est que nous le devançons. Et c’est là où le bât blesse.

Si nous devions établir une échelle des responsabilités de la mort des 100 000 Syriens jusqu'à ce jour, la tyrannie des Assad arrivera en tête puisque ce clan contrôle la Syrie d'une main de fer depuis 43 ans et détient la clé pour mettre fin à cette hécatombe. A un moindre degré viennent les rebelles syriens toutes tendances confondues, qui ont eu la malencontreuse idée de militariser et de généraliser le conflit, dont le coût s’est révélé exorbitant (au niveau humain, social et économique). La médaille de bronze reviendra en ex-aequo à Vladimir Poutine himself, un être abject, sans le soutien de qui, le régime syrien n'aurait pas pu résister aussi longtemps et aux mollahs d'Iran, une bande de fascistes, sans le soutien de qui, Bachar el-Assad n'aurait jamais pu aller si loin dans l'horreur et la terreur.

Dans la suite des responsabilités, trône incontestablement le Hezbollah, évidemment. Hassan Nasrallah justifie l’implication massive de sa milice dans la guerre civile syrienne, par la nécessité de lutter contre les takfiriyines, les mécréants, auto-désignation des salafistes. Lol, on croit rêver ! Alors je résume pour ceux qui étaient absents les trente dernières années -ma 7adann biya3rif, coma politique, voyage sur la planète 8 Mars, schizophrénie induite ou kidnapping au fin fond des abris de Da7yé- on ne sait jamais: le Hezbollah, qui est une milice exclusivement chiite et interdite aux autres communautés ; qui fait la guerre sur le territoire syrien (afin de permettre à une dictature alaouite qui ne représente que 10% des Syriens de continuer à écraser la communauté sunnite de Syrie qui elle représente 70% de la population syrienne) ; qui annonce fièrement que ses miliciens meurt sur le sol syrien « dans l'accomplissement de leur devoir djihadiste » ; qui est considéré comme une organisation terroriste par une partie de la population libanaise et par l'ensemble des pays arabes et occidentaux (au même titre que Jabhat al-Nosra et al-Qaeda) ; qui est accusé par le Tribunal Spécial pour le Liban de l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri (sunnite) ; qui projetait assassiner le député libanais Boutros Harb (maronite) ; qui est soupçonné de l'assassinat de plusieurs personnalités libanaises chrétiennes (Georges Haoui et Gebrane Tuéni, entre autres) ; qui s’autorise de réprimer dans le sang des manifestations pacifistes chiites qui lui sont hostiles (avec mort d’homme, Hachem Salman); qui s'est permis de s'attaquer à l’État libanais et à la population civile lors de l'invasion de Beyrouth et du Mont-Liban (considérée comme un "jour glorieux" par Hassan Nasrallah) ; qui s'est autorisé à détruire le Liban pour libérer un criminel libanais des geôles israéliennes (une guerre qui nous a couté l'équivalent de la moitié de notre PIB) ; qui a fait des attentats-suicide et des prises d'otage un modus operandi à la mode; qui a déclaré son allégeance absolue à Wali el-Fakih, le guide suprême de la République islamique d'Iran, Ali Khamenei, pour tout ce qui relève des questions stratégiques ; qui écrit noir sur blanc que la solution au bordel communautaire libanais réside dans l'établissement d'une République islamique chiite au Liban (cf. livre de cheikh Naïm Qassem) ; enfin bref, ce Hezbollah précisément, dont vous venez de lire un bref résumé de ces exploits nationaux, combat les takfiriyines en Syrie afin de protéger le Liban et la population libanaise de leur barbarie. Wlak, Allah wou akbar ! Mich maa2oul, même en fumant le hachich de toute la Bekaa en une seule nuit, on ne pourra trouver une once de sympathie pour ce Hezbollah et on ne saura distinguer les takfiriyins sunnites syriens de Jabhat al-Nosra et d'al-Qaeda des takfiririyines chiites libanais du Hezbollah ! Dans tous les cas, il est peut-être temps que quelques-uns de cha3eb lebnén el 3azim, magheiroun, se réveillent de leur coma politique et se demandent qui a été plus nuisible au Liban et au peuple libanais: les takfiriyines d'al-Nosra qu'il faut aller combattre en Syrie ou les takfiriyines du Hezb, « made in Lebanon », qui phagocytent l’Etat libanais ?

Je conçois qu'on puisse être favorables à une intervention musclée en Syrie contre le régime alaouite pour diverses raisons humanitaires et géopolitiques. Je ne fais partie de ce groupe. Je conçois aussi qu'on puisse être contre toute intervention militaire en Syrie pour diverses raisons humanitaires et géopolitiques également. Je ne fais pas partie de ce groupe non plus. Mes capacités intellectuelles me permettent même de concevoir qu'on puisse soutenir Bachar el-Assad. Impossible que je fasse partie de ce groupe, estaghfarallah el 3azim. Mais ce que je n'arrive pas à concevoir c'est qu'on puisse s'opposer à toute intervention militaire pour des soi-disant raisons humanitaires et géopolitiques, comme le font les politiciens du 8 Mars, de Hassan Nasrallah à Michel Aoun, alors qu'au fond ces derniers ne souhaitent qu'une chose, c'est la pérennité de la tyrannie des Assad pour diverses raisons politiciennes. Là, il y a anguille sous roche. Tout opposant à une intervention militaire en Syrie qui ne condamne pas clairement et sans ambiguïté aucune, le tyran de Damas et ses alliés locorégionaux, Hezbollah en tête, est un hypocrite camouflé sous le treillis 8 Martien, avec le slogan « Merci la Syrie des Assad » madrouz 3a sadro.

Avant d’accuser les États-Unis d'être insensibles à la souffrance syrienne, de fustiger Barack Obama de consulter le Congress avant d'engager les Américains dans une guerre qui n'est pas la leur, comme l’exige toute démocratie, de diaboliser François Hollande de privilégier la « logique de guerre », d’en vouloir à l'Angleterre, à l'Allemagne et au monde entier, d'être opposés à une intervention en Syrie, mais à propos, qu'avons-nous fait, que faisons-nous et que ferons-nous, pour empêcher des milliers de nos ressortissants chiites de combattre aux côtés du régime alaouite à Qusayr, à Homs et à Damas, et faire pencher le rapport des forces dans certaines batailles décisives du côté de Bachar el-Assad ? Rien, absolument rien. Avons-nous fermé ou ne serait-ce que tenter par télépathie de fermer nos frontières avec la Syrie aux trafics d’armes et d’hommes ? Non, absolument pas. Mais, cela n'empêche pas certains Libanais yenazzro 3achwé2iyann, et de critiquer avec véhémence Obama, Hollande, Cameron et Merkel. Comment peut-on s'autoriser dans ce contexte, de donner des leçons de morale et de stratégie au monde entier ? Si nous avons nos agendas et nos contraintes qui nous empêchent d'agir, d'autres pays ont les leurs qui les empêchent d'agir. Il faut les respecter. Et si d'autres pays ont les moyens d'agir et ne le font pas, nous aussi, nous avons les moyens d'agir et nous ne le faisons pas. Il faut le reconnaître. Cette manie agaçante que nous avons nous autres Libanais d’attendre que tout soit fait à notre place -par les Américains, les Français, les Anglais, les Allemands, les Israéliens même, et j’en passe, depuis 1982, 1976, 1958 au moins, voire depuis la création du Grand Liban par la France, il y a 93 ans jour pour jour- pendant que nous palabrons à longueur de journée, explique en grande partie pourquoi notre pays se trouve depuis des lustres dans un sacré merdier et le restera encore pour longtemps.

Réf.


Obama expliqué aux nuls. Episode 3/3 : de la tragédie de Ghouta à la stratégie d’Obama (Art.182) par Bakhos Baalbaki