A la lecture
de la presse cette semaine, il y a trois informations qui m’ont attiré
l’attention. Elles sont en rapport avec la longue bataille épique engagée ces derniers jours sur mon mur Facebook contre
les délires paranoïaques islamophobes de certains esprits hantés. Dans cet
article, je me limiterai à la première. Elle concerne le déchainement donquichottien
d’un coq de basse-cour, cette volaille de mauvais augure nommée Eric Zemmour, un défenseur zélé de la France dont la République
française se passerait bien. L’affaire est révélée il y a quelques jours par
le député européen Jean-Luc Mélenchon. L’histoire remonte au 30 octobre. Elle
concerne ce xénophobe et islamophobe notoire, qui serait tenter par les
méthodes staliniennes aux dernières nouvelles. C’est un moment d’anthologie qui
vaut le détour.
Pendant que l’essayiste gémissait sur
le sort de la France dans les pages du quotidien italien Corriere della Sera, il
déclara sans vergogne que « Les musulmans ont leur code civil, c'est
le Coran. Ils vivent entre eux, dans les périphéries. Les Français ont été
obligés de s'en aller ». Oubliez l’ânerie de fond de cette
allégation, notez bien ce détail gravissime, avec quelle aisance Eric Zemmour
a déjà déchu dans sa tête dérangée, les citoyens de confession musulmane, de la
nationalité française : les « Français » sont partis des
banlieues à cause des « Musulmans », parce que les Musulmans des
banlieues ne sont pas Français ? En tout cas, le journaliste italien ahuri
par ce qu’il venait d’entendre lui posa alors la question saugrenue : « Mais,
que suggérez-vous de faire ? ‘Déporter’ cinq millions de musulmans français,
les mettre dans des avions pour les chasser ? ». Zemmour
l’interrompt : « Ou sur des
bateaux ! » (précision
attestée par le journaliste dans Libération du 18 dec.). Et c’est la boite de Pandore qui s’ouvre pour le passéiste du
best-seller Le Suicide français. D’habitude
quand on lui posait ce genre de questions, « mais que proposez-vous ?
», Eric Zemmour répondait immanquablement, « mais je ne suis pas
politicien ! ». Et là pour cette question dont la formulation est
dérangeante pour tout Français normalement constitué, subitement, il s’est
trouvé très inspiré. Voici sa réponse, texto : « Je sais, c'est irréaliste mais
l'Histoire est surprenante. Qui aurait dit en 1940 qu’un million de
pieds-noirs, vingt ans plus tard, seraient partis d'Algérie pour revenir en
France ? Ou bien qu'après la guerre, 5 ou 6 millions d'Allemands auraient
abandonné l'Europe centrale et orientale où ils vivaient depuis des siècles ? »
Eh oui, c’est gravissime ! L’islamophobe a tenté par la suite
de faire diversion en polémiquant au sujet du mot « déporter », qu’il n’aurait jamais prononcé. Et pourtant, le mot y figure noir sur blanc. Dans tous les cas, le
problème n’est évidemment pas lexicologique, mais sémantique. « Déporter » désigne l'action de «
déplacer une population vers un territoire lointain ou vers un pays étranger », ce dont il était question dans l'interview. Donc
en gros, déporter cinq millions de Français, de confession musulmane, dont la
religion ne convient pas à ce Français de confession juive, n’est pas une idée
infâme en soi. Eric Zemmour ne
s’offusque pas, il ne condamne pas, il ne proteste même pas. Notons qu’il a
interrompu le journaliste italien pour glisser qu’une telle déportation
pourrait se faire par bateau, ce qui confirme que cette idée ignoble ne l'a
même pas choqué. Pire, il trouve simplement, avec la naïveté de tout intellectuel
xénophobe et islamophobe, que c’est surréaliste, mais réalisable par l’Histoire.
Pire encore, Eric Zemmour rajoute juste après, « Cette situation d’un
peuple dans le peuple, des musulmans dans le peuple français, nous conduira au
chaos et à la guerre civile. Des millions de personnes vivent ici, en France,
mais ne veulent pas vivre à la française. » Et encore là, il s’autorise
sans scrupules, à déchoir ses compatriotes dont la religion ne lui convient
pas, de leur nationalité : c’est un « peuple
dans le peuple français ». Ah oui, parce que la déportation de cinq
millions de personnes est de nature à pacifier la France ? Ou voyons, ses
déclarations xéno-islamophobes sont peut-être de nature à franciser la
mentalité de tous ces « musulmans dans le peuple français » et ces « millions de personnes (qui) vivent ici,
en France, mais (qui) ne veulent pas vivre à la française » ? J’ai rarement lu des déclarations aussi stupides,
et surtout, aussi irresponsables de la part d’un homme public en France. Et
quand on lui a demandé, « Mais que signifie : vivre à la
française ? », le Français dont la famille faisait partie de la
communauté juive d’Algérie, récemment débarquée en France, a détaillé le cahier des charges du « bon Français ». Pour
le besoin tragi-comique de ce moment d’anthologie, je morcellerai sa réponse en
huit critères :
1. « Cela signifie donner à ses
enfants des prénoms français », lol ! Et on fait quoi des
noms comme les Zemmour ? Une minute, les Zemmour, c’est pas très français
ça ? Il va falloir le franciser, et plus vite que ça ! Que fait-on des
prénoms comme les Aaron, Sarah ou le fameux Salomon de Louis de Funès ? Que
deviendront les Vanessa, Kevin, Maria et José ? Ah, j’ai oublié, ce sont
les Karim, Nadia et Bakhos qui dérangent ! Admettons, et une fois qu’on a
réglé le problème des prénoms, on fait quoi des « faciès » pas très
français ? Des basanés, des crépus, des bridés ? Des têtes de
bougnoules, des têtes de turcs, des têtes à claques comme la sienne par exemple ?
2. « Etre monogame »,
lol aussi. Toc toc toc, is there anybody
out there ? Réveille-toi Zemmour ! Comme si la polygamie est
répandue dans l’hexagone ou comme si elle n’était pas interdite en France. A
moins, que le petit Zemmour ne veuille interdire l’adultère, ce qui ne
m’étonnerait pas vu le personnage.
3. « S’habiller à la française »,
lol également. Ce n’est pas un peu du talibanisme ? Et pourquoi, les
musulmans s’habillent comment ? Ah, mais il pense au voile sans doute. Et
on fait quoi de ceux qui arborent la kippa en toutes circonstances, comme signe
ostentatoire de leur appartenance à la communauté juive française ? Il faudra peut-être commencer par balayer devant sa porte.
4. « Manger à la française »,
sauf pour le porc j’imagine ! Mais aussi le vin, le gigot, les poissons sans
écaille, le lapin, les huitres, les moules, la langouste, le homard, les
crevettes, les escargots, j’en passe et des meilleurs. « Manger à la
française » sauf qu’il faudra vérifier les méthodes d’abattage des animaux
(la shehita), la cachérisation de la viande dans les préparations, l’utilisation
de deux batteries de cuisine et deux vaisselles pour éviter de faire des mélanges
alimentaires interdits et faire poireauter le serveur au restaurant avant de
commander un dessert après avoir mangé un faux-filet ! Parce que sinon, il va
falloir qu’il inclut des « Juifs » dans les cinq millions de
compatriotes qui ne répondent pas à tous les critères zemmouriens de la
« vie à la Française » et qu’il va falloir éloigner du territoire
national. Et puisqu’on y est, on fait quoi des rayons casher des Monop ? Just asking.
5. « Manger du fromage par
exemple », lol. N’importe
quoi. Pourquoi, tous les musulmans ne mangent pas de fromages peut être ? Mais,
il va falloir faire une visite guidée dans le 9-3 ! Et sur ce point, qu’il
commence déjà par régler le problème chez ses coreligionnaires pour donner le
bon exemple.
6. « Blaguer au café »,
lol, j’adore la réflexion surtout venant de la part d’un type, qui, comme on
dit dans nos contrées orientales, ma
biyed7ak la rgriff el sokhinn, qui ne sourit même pas devant un pain chaud.
7. « Faire la cour aux filles »,
oh comme il est mignon Zemmour le nerd, qui
veut apprendre aux musulmans de France à draguer les filles ! Tiens,
puisque j’y pense, « vivre à la Française » c’est ne pas toucher au
zizi du petit. Ah si, dans le pays de la fille ainée de l’Eglise, on ne
circoncit pas les quéquettes.
8. « Aimer l’Histoire de France
et se sentir dépositaire de cette Histoire et vouloir la continuer, je cite ici
Renan ». Là j’étais tenté la moitié d’un quart de second d’être d’accord,
mais vu ce qui a précédé, j’ai laissé tomber. Ce journaliste populiste du Figaro Magazine oublie que nous ne
vivons pas sous un régime totalitaire maoïste et qu’on a le droit au pays de la
Révolution française et de Mai 68, ne lui en déplaise doublement, de ne pas
aimer certaines pages sombres de l’Histoire de France, d’éprouver une vive
révulsion pour les campagnes sanguinaires mégalomaniaques de Napoléon et pour la
stupidité historique de « l’Algérie
française », qui ont fauché gratuitement la vie de millions de personnes
en Europe et en Algérie. « La Marseillaise, même en reggae, ça
m'a toujours fait dégueuler ». Tiens, c’est un « Français de
souche » qui le dit. Il s’appelle Renaud. C’est dans « Où est-ce j’ai mis mon
flingue ? » Et je pense,
sans trop me tromper, qu’il t’emmerde mon petit Zemmour, avec 40 ans d’avance.
C’était dans « L’Hexagone » en
1975. J’invite tous ceux qui ne connaissent pas cette superbe chanson, à la
découvrir. Je vous préviens, Renaud est
très sévère avec ces compatriotes. Mais bon, qui aime bien, châtie bien ;
les zélés, ne font pas forcément de bons patriotes ; mais de bons fayots,
si. On dirait que certains vers ont été spécialement écrits pour un arriviste
xéno-islamophobes de la trempe d’Eric Zemmour. « Au
mois de juin... Ils oublient qu'à l'abri des
bombes, Les Français criaient "Vive Pétain", Qu'ils étaient bien
planqués à Londres, Qu'y'avait pas beaucoup d'Jean Moulin », n’est pas sans rappeler la
réhabilitation méprisable du Maréchal collabo par le passéiste polémiste !
« En septembre... Le fascisme c'est
la gangrène, À Santiago comme à Paris, Et le roi des cons, sur son trône, Il
est Français, ça j'en suis sûr » et voilà « (qu’)en octobre... Ils exportent le sang de la terre, Un peu
partout à l'étranger, Leur pinard et leur camembert, C'est leur seule gloire à
ces tarés ». Quelle merveilleuse chanson de circonstance ! Désolé
mon petit Zemmour, on ne pourra pas le déporter celui-là, il est
« Français de souche » et répond au cahier des charges, bien plus que
toi.
Il est sans doute difficile
de savoir d’où viennent les phobies
d’Eric Zemmour en général et cette aigreur tous azimuts qui suinte de sa
bouche en particulier. Il faut reconnaitre que sa psychanalyse serait
passionnante. Pêle-mêle, voilà ce que j’ai trouvé d’intéressants : des
parents modestes (père ambulancier, mère au foyer ; disons, il a été élevé
à la dure, content sans doute de prendre sa revanche sur la société), originaire de la
communauté juive-pieds-noirs (Français seulement depuis le
19e siècle, chassés d'Algérie ; encore une revanche à prendre !),
il se prénomme « Moïse » à la synagogue (no comment), il reconnait lui-même qu’il avait le « syndrome du premier de la
classe » (ah, il y a peut-être un début d’explication ; comme
on dit en anglais c’était un « nerd » ;
mais il était mauvais dans cette langue), il
rate l’ENA, l’Ecole Nationale d’Administration, à deux reprises quand même
(ah, l’explication se précise ; « J'étais
meurtri car on ne me reconnaissait plus comme premier de la classe. Mais, il
est faux de dire que je fais payer cet échec aux élites ! », Le Point
1/4/2010 ; c’est c’là oui, cause toujours !), salaire pénard à 2 000
€/émission à l’époque de On n’est pas
couché chez Laurent Ruquier, il se
définit comme un « gaullo-bonapartiste » (les
« massacres » de l’empereur ne semblent « guerre » le
déranger !), j’en passe et des meilleures.
Oubliez le révisionnisme zemmourien
qui donne une logique tordue du genre, le régime de Vichy aurait livré les
Juifs de France aux nazis pour mieux protéger les Juifs français, ce n’est pas
vraiment ce qu’il y a de plus grave chez le bonhomme. Eric Zemmour craint la guerre civile en France. Ça, c’est grave. Il
en parle dans « Le Suicide
français ». Il est revenu dessus, après sa polémique sur ses
déclarations ignobles à propos de la « déportation » des musulmans de
France. Une chose est sure et certaine, ce
n’est pas seulement qu’il la craint, il la souhaite surtout. Et il fait
tout, pour qu’on y arrive. C’est cela qui est grave dans le phénomène Eric
Zemmour. Qu’importe, le sujet de la polémique, il est aujourd’hui légitime de se demander, pourquoi cet homme
d’extrême droite a une aussi large assise et couverture médiatiques (RTL,
i>Télé, Paris Première, Figaro), malgré
les propos infâmes qu’il assène depuis trop longtemps déjà ? Pour
beaucoup moins que ça, des gens comme Dieudonné ont été traqué comme la bête du
Gévaudan. Les dérapages savamment étudiés d’Eric Zemmour, ne sont pas sans
rappeler, ceux de ce dernier. En toute logique, ils devraient conduire à des « poursuites » judiciaires,
administratives et médiatiques, de même nature que celles engagées contre
l’humoriste français. Faute de quoi, comment justifier ce « deux poids,
deux mesures » au sein de la République française. Bientôt, certains
mettront les autorités françaises en demeure de choisir entre la libération de la « parole antisémite » et le
traitement de la « parole islamophobe » avec la même fermeté !
Critiquer avec décence c’est sain, propager la haine populiste c’est
malsain. Tout ce qu'Eric Zemmour réussira à faire, c'est nourrir à la fois l'islamophobie et l'antisémitisme en France. Libérez la parole
islamophobe, et vous obtiendrez Eric Zemmour, le prédicateur de la prochaine
« guerre civile ». Pour mesurer à quel point Eric Zemmour s'est montré ignoble dans cette interview, il suffit d'imaginer un Tariq Ramadan tenir les mêmes propos, en remplaçant « musulmans » par « juifs » et « Coran » par « Torah » ! Il n'y a pas de doute, cet homme est exécrable.
Nota Bene 1
Malgré toutes les polémiques qu’il déclenche, pour relancer son magma passéiste, Le Suicide français, Eric
Zemmour n’arrive pas à la cheville de Valérie Trierweiler. Ah, ça va encore
réveiller la plaie de l’ENA !
Nota Bene 2
« La situation actuelle qui fait que les communautés se figent, se durcissent, se séparent sur le territoire de la France, est une situation dramatique qui va conduire à la "libanisation" de la France, avec une guerre civile en perspective entre des communautés qui n'ont plus rien à se dire et qui vont s'affronter parce qu'elles n'auront plus les mêmes valeurs et les mêmes intérêts » (RTL 18 dec. 2014). C'est c'là oui ! Parce que tes déclarations ignobles sont de nature à rapprocher les communautés françaises peut-être ? Foutaises. Bakhos Baalbaki, résident
européen, originaire du Liban, où est née la "libanisation", a reçu l’amour de la France dans le lait
maternel. Il est de culture arabe, chrétienne, catholique et maronite, soit dit
au passage. Il sait d’après la tragédie qui déchire son pays depuis près de 40
ans, qu'au sein d'une République française qui évolue dans le
sillage des zélés nationalistes des Eric Zemmour et
ses apparentés, identitaires et religieux, islamophobes et
christianophobes, antisémites aussi, on ne trouvera que rance, confrontation, et un jour peut-être, la guerre
civile.
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