1. Il n’y a pas de mots pour qualifier l’attaque terroriste qui a frappé Charlie Hebdo le 7 janvier 2015. Quand j’ai appris cette triste nouvelle et j’ai visionné les vidéos qui circulent sur la toile de cette tuerie de sang-froid, les premières images qui me sont venues à l’esprit sont celles des attaques du 11 septembre 2001. Comme aux Etats-Unis, le terrorisme a frappé d’une manière spectaculaire, en plein cœur de Paris, et particulièrement odieuse, douze morts dont quatre grands noms qui ont marqué la France, Charb, Cabu, Wolinski et Tignous, et deux policiers, dont l’un d’origine arabe (précision utile par les temps qui courent), abattus avec une barbarie sans égale. Ce qui s’est passé hier à Paris ni pas moins que le 11-Septembre de la France. Il marquera les esprits des Français et des Occidentaux pendant longtemps.
2. Cette attaque odieuse est incontestablement
un grand succès pour les terroristes qui
l’ont commise. Comme celles du 11-Septembre d’ailleurs. Elle l’est à
plusieurs niveaux.
D’abord, il faut reconnaitre que supprimer en quelques secondes quatre dessinateurs
qui n’ont jamais été tendre avec l’islam (comme avec le christianisme et le
judaïsme), est hélas, quatre fois hélas, une opération réussie sur le plan
terroriste. Quoique qu’on dise, l’élimination
physique de Charb, Cabu, Wolinski et Tignous est irremplaçable, quel que
soit la teneur lyrique de l’hommage que nous entendons.
Ensuite, il faut reconnaitre aussi que le but des terroristes est d’intimider les
fidèles de la « liberté d’expression » et les adeptes de la
« démocratie ». Là aussi, quoique qu’on dise, tout caricaturiste,
journaliste et écrivain engagés, ne peut que penser désormais, consciemment ou pas, à
cette attaque odieuse avant la publication de toute caricature, tout article ou
tout livre, critiquant l’islam.
Enfin, il faut reconnaitre également que l’objectif des criminels est de terroriser les
populations mondiales, occidentales en générale, et française tout
particulièrement. Rien qu’à parcourir les réseaux sociaux, on s’aperçoit que
cet objectif est atteint en partie.
Avec le
11-Septembre, on a attaqué les symboles de la puissance américaine, commercial
et militaire, les World Trade Center et le Pentagone, avec le 7-Janvier, on a
attaqué les symboles de la puissance française, culturel et politique, la
liberté d’expression et la démocratie.
3. Pour
mettre en échec le plan des terroristes, qu’ils soient isolés ou pas, il
faut tout d’abord que les criminels,
et leurs commanditaires éventuellement, soient
traqués, attrapés, jugés, condamnés et mis hors d’état de nuire. Mais, ce
n’est pas suffisant. Absolument pas, car cela revient uniquement à rendre la
justice et honorer nos morts. Il faut
aussi assurer coûte que coûte la relève de Charb, Cabu, Wolinski et Tignous (l'Etat français devra garantir la survie financière du journal après ce coup dur et ceci jusqu'à nouvel ordre!), il
faut défendre avec la plus grande fermeté la liberté d’expression dans ce pays,
il faut préserver la démocratie de la France, il faut résister aux censeurs de
tout poil (aucune religion ne doit être à l’abri de la critique même la plus acerbe,
l’islam, pas plus que le christianisme ou le judaïsme ; « Dieu, Allah, Yahvé, Baal ou Bouddha »
sont des sujets comme les autres, tout résident sur le sol français doit le
comprendre !) et il faut ramener les événements à leurs justes valeurs
pour couper court aux délires les plus fous.
4. Cette
attaque terroriste soulève plusieurs questions auxquelles il faudrait apporter
une réponse à froid. Tous les défenseurs
zélés de la France dont la République française se passerait bien -qu’ils
soient en France, au Liban et ailleurs dans le monde- doivent d’ores et déjà
savoir qu’ils auront beaucoup du mal à
exploiter cet événement tragique, pour monter l’opinion nationale et
internationale, contre l’islam et les musulmans. Un nom et une anecdote qui
montrent le ridicule de ces zélés, Caroline
Fourest a conté à sa manière hier soir un élément clé de l’attaque
terroriste, alors que toute la presse ne savait pas grand-chose de l’événement.
« Il y avait une jeune journaliste, une
jeune contributrice de Charlie Hebdo, qui a eu la kalachnikov sur le nez et il
(le terroriste) lui a dit : ‘Récite le Coran et je t’épargne’. Et elle récitait
ça en boucle, elle disait : ‘il m’a dit ça, il avait de très beaux yeux bleus,
il m’a dit ça’. Ou de très beaux yeux. Je ne sais plus. » Selon la
féministe de pacotille et des plateaux TV, la terrorisée journaliste de Charlie,
à qui le terroriste islamique a demandé de réciter le Coran, avait de « très
beaux yeux bleus », ou elle ne sait plus. Eh bien ma cocotte, pour
paraphraser Chevènement, sache « qu’une
je-ne-sais-plus, ça sait ou ça ferme sa gueule », surtout devant une
tragédie nationale.
Toujours
est-il que les éléments en notre procession laissent indiquer que l’attaque de Charlie Hebdo est un acte
terroriste isolé, l’œuvre de deux frères français d’une trentaine d’années,
d’origine arabe, nés à Paris, et d’un complice de 18 ans, d’origine arabe, sans
domicile fixe. Les tueurs ont été identifiés et localisés, en quelques heures
seulement, grâce entre autre à une pièce d’identité oubliée dans une des
voitures empruntées, ce qui prouve l’amateurisme des criminels en dépit de
l’acte de barbarie commis. Au passage, les terroristes se seraient plantés d’immeuble
et l’un d’eux a perdu sa chaussure en descendant de la voiture ! Il faudra savoir aussi est-ce que les trois
individus aurait pu et dû être surveillés, sachant que l’un des frères était
impliqué dans une filière djihadiste vers le Moyen-Orient, démantelé il y a
quelques années, interpellé alors qu’il s’apprêtait à partir pour le djihad, et
condamné à trois ans de prison ? On
doit impérativement comprendre pourquoi
la présence policière était réduite au strict minimum alors que le journal est menacé depuis longtemps et qu’il a été
attaqué dans le passé avec un cocktail Molotov (2 nov. 2011 à l’occasion de la
sortie d’un numéro spécial baptisé « Charia Hebdo », avec Mahomet
comme rédacteur en chef), d’où vient
leur arsenal de guerre, comment les
criminels-amateurs ont pu disparaitre dans la nature alors que l’attaque a
eu lieu vers midi dans une capitale truffée de caméras de surveillance où il
est difficile de circuler, et au-delà de cette tragédie, mettre en œuvre un plan de désarmement du territoire français ?
5. Pour prévenir ces actes terroristes à
l’avenir, il faut agir dans diverses directions : primo, en finir une fois pour toutes avec le berceau de « l’islamisme
contemporain » qui affecte l’Europe -directement et indirectement, et
l’affectera à l’avenir si rien n’est fait à moyen terme- la Syrie de la tyrannie des Assad ; secundo, anéantir les organisations terroristes qui inspirent l'imaginaire de certains esprits dérangés et alimentent
l’islamisme dans le monde (Daech/Etat islamique, Jabhat al-Nosra, Al-Qaeda) et contenir l’hégémonie chiite de la
République islamique d’Iran et de la milice du Hezbollah sur les populations arabes (à
majorité sunnite) qui nourrit abondamment la rancune des islamistes ; et
surtout, tertio, réunir toutes les conditions
afin de permettre aux bourgeons du Printemps arabe d’éclore, pour laisser
naitre des sociétés démocratiques, condition sine qua non, pour débarrasser ces
sociétés arabo-musulmanes des extrémistes islamistes, les usurpateurs de
l’islam.
6. Cette
attaque odieuse n’est pas sans rappeler à nous autres Libanais, la quinzaine d’attentats
terroristes qui ont ensanglantés le Liban entre 2004 et 2013. Pour la
comparaison, le modus operandi est un détail qui perd son importance. Idem en
ce qui concerne les personnalités visées. Ce qui uni tous les terroristes du
monde, c’est une même philosophie mafieuse : l’élimination physique de
l’adversaire, cet être qui ne partage pas leurs avis, leurs valeurs ou leurs
croyances. Dans ce cadre, je pense notamment à la tragique année 2005, où ont
été assassinés Rafic Hariri, ancien
Premier ministre du Liban (cinq membres du Hezbollah sont accusés par le
Tribunal Spécial pour le Liban de son assassinat), ainsi que Samir Kassir et Gebrane Tuéni, deux des
plus brillants journalistes libanais.
7. Cette
attaque nous rappelle amèrement la nécessité vitale de combattre tous les
extrémistes, qui se nourrissent les uns des autres, qu'ils soient islamistes
(sunnites et chiites), islamophobes,
(chrétiens et juifs) et tyranniques
(régime syrien alaouite et régime iranien des mollahs). Sans la moindre
hésitation, nous devons combattre les islamistes avec la même vigueur que nous
lutterons contre les islamophobes. Cette affirmation hérissera les poils de ces
derniers. Ces deux catégories partagent la même nature fanatique. Ne soyons pas
impressionner par les spectacles terroristes, du 11-Septembre ou du 7-Janvier,
ou les mises en scènes gore de Daech (Etat islamique) et de Jabhat al-Nosra. Ce qui sépare les islamistes sanguinaires
des islamophobes BCBG, c’est tout simplement l’élément déclencheur du passage à
l’acte. A la lecture de toute cette violence verbale qui a été déversée sur
certains murs Facebook, en France et au Liban, après l’attaque odieuse de Paris
- comme ce simple « leur Dieu »,
deux mots chargés de tant de haine- je me dis qu’un islamophobe BCBG qui sera
touché cruellement par un islamiste sanguinaire, lors de l’assassinat d’un de
ses proches par exemple, basculera dans le terrorisme à son tour. La guerre civile libanaise, comme la guerre
civile syrienne, sont en partie, des guerres de surenchères terroristes, il
ne faut jamais l’oublier, le « Samedi noir » n’est qu’un exemple parmi
tant d’autres (le massacre en décembre 1975, de centaines de musulmans après le
meurtre de quelques chrétiens). En tout cas, une chose est sûre rien n’est plus
dangereux qu’un cœur remplit de haine.
8. Et immanquablement certains « zélés »
sont rapidement montés au créneau avec l’indécence qui caractérise les ignares
et les haineux : « mais où sont donc les musulmans
modérés ? » Personne
ne songerait à demander « où sont les Américains modérés » après le
bordel déclenché par W au Moyen-Orient, dont on n’a pas encore fini d'en payer le prix, « où
sont les Français modérés » après le désastre libyen de Sarkozy et de BHL (Bernard-Henri Levy), « où sont les Libanais
modérés » alors que les miliciens du Hezbollah tombent en Syrie « dans
l’accomplissement de leur devoir djihadiste », ou « où sont les catholiques
modérés » face au scandale de pédophilie qui touchent des membres du
clergé ? Certes, on peut reprocher
aux communautés musulmanes du monde de ne pas manifester leur désapprobation d’une
manière plus tapageuse et ostentatoire, mais ce procès est
particulièrement malhonnête. Comme
en témoignent les réactions musulmanes après ce drame. Pour Dalil Boubakeur, le
président du Conseil français du culte musulman, recteur de la grande mosquée de
Paris, nous sommes face à « une vision absolument erronée,
malade, psychopathologique de la religion ». Pour l’imam de Drancy,
Hassen Chalghoumi, « Si on n’est pas d’accord avec Charlie Hebdo, on répond au dessin
par le dessin, à l’art par l’art, à l’écrit par l’écrit, et pas par la haine et
le sang ». Même ceux qui se réclament du « salafisme saoudien »
en France, rappellent la mise en garde du
grand mufti d’Arabie saoudite à ces coreligionnaires, « le terrorisme de Daech et
d’al-Qaïda est l’ennemi numéro un de l’islam ».
9. Ceci dit, il serait souhaitable d’une part, que les autorités et les associations
musulmanes, chrétiennes et judaïques de France, ainsi que les défenseurs zélés
d’Allah, de Dieu et de Yahvé, cessent de poursuivre abusivement
en justice, pour un oui et pour un non, ceux qui usent du droit français sacré de la
liberté d’expression pour s’exprimer librement sur l’islam, le christianisme et
le judaïsme, et d’autre part, que les autorités, les médias et la justice
mettent un terme à l’idée répandue en France, à tort ou à raison, dans toutes
les confessions confondues, qu’il existe dans ce pays « deux poids, deux
mesures ». Rien n’est plus nuisible dans une société, que le sentiment d’être
traité avec injustice et discrimination.
10. En ce jour tragique pour les amoureux
de la France et les défenseurs de la liberté d’expression, je me sens
doublement concerné et doublement peiné par l’attaque ignoble de Charlie Hebdo.
Je voudrais rendre hommage à Charb,
Cabu, Wolinski et Tignous, ces quatre dessinateurs morts pour la France et la
liberté d’expression, en reprenant un ensemble des dessins de Charlie Hebdo. Certaines caricatures heurteront la
sensibilité des hypocrites-défenseurs-zélés-xénophobes-et-islamophobes de
Charlie Hebdo et de la France, dont le journal satirique et la République
française se passeraient bien. En visionnant ces œuvres inoffensifs pour les croyants sûrs de leurs fois et pour tout esprit sain et équilibré, on se rend
compte de la barbarie des tueurs islamistes et la gratuité de leur acte. Le mot de la fin, je l’emprunterai
à Victor Hugo. Il résume si bien la nature infâme de certains. «
Depuis six mille ans, la guerre / Plaît aux peuples querelleurs / Et Dieu perd
son temps à faire / Les étoiles et les fleurs. »
Avertissement
Beaucoup de ceux qui ont écrit sur le sujet, ont été confrontés à la même question : devons-nous reproduire certaines caricatures « offensantes » de Charlie Hebdo pour accompagner un article ou un reportage sur la tragédie du 7-Janvier ? Certains l’ont fait, notamment en France, d’autres pas, notamment aux Etats-Unis. Je fais partie des premiers. J’expliquerai mon choix dans un article à l'avenir.
Beaucoup de ceux qui ont écrit sur le sujet, ont été confrontés à la même question : devons-nous reproduire certaines caricatures « offensantes » de Charlie Hebdo pour accompagner un article ou un reportage sur la tragédie du 7-Janvier ? Certains l’ont fait, notamment en France, d’autres pas, notamment aux Etats-Unis. Je fais partie des premiers. J’expliquerai mon choix dans un article à l'avenir.