D’abord, sur le plan humaniste. Tuer 21 hommes
et femmes gratuitement, à leur descente d’un autocar, et pourchasser les
survivants désarmés, c’est lâche et ignoble.
Ça l’est d’autant plus que les psychopathes savaient qu’en mitraillant les
visiteurs du musée national de Tunisie à la kalachnikov, ils tueraient un maximum de ressortissants occidentaux, ces « mécréants » comme ils
les appellent étaient de dix nationalités différentes,
, et qu’importe si dans la foulée, des Tunisiens « impies » seraient sacrifiés. En tout cas, malgré les ratés sécuritaires, on a évité un carnage grâce à l'intervention des forces de l'ordre qui ont abattu rapidement les terroristes : 300 visiteurs se trouvaient dans le musée au moment du drame et l'un des terroristes portait une ceinture explosive.
Ensuite, sur le plan historique. Beaucoup
de liens lient les Tunisiens aux Libanais. Primo, la cohabitation religieuse. Dans ce pays musulman à 98 %, la
liberté de culte est assurée depuis au moins la fin du 19e siècle, comme en
témoignent les magnifiques cathédrales Saint-Vincent-de-Paul à Tunis et Saint-Louis à Carthage. Secundo, l’appartenance
arabe. Et de ce fait, la Tunisie a plus d’une fois joué un rôle durant la
guerre civile libanaise (accueil de Yasser Arafat à son expulsion de Beyrouth
en 1982, négociations d’une sortie de crise avec Michel Aoun en 1989). Tertio, l'ascendance phénicienne, qui mérite
une parenthèse. Tous les petits tunisiens et libanais ont été bercés par l’histoire extraordinaire de la
reine Elissa. Il y a de quoi ! Nous sommes à Tyr, Sour de l'actuel Liban, en l’an 814 avant JC. Avide de richesse, le
roi de la cité phénicienne, Pygmalion, fait exécuter le mari de sa sœur Elissa.
Afin d’éviter une confrontation fratricide, la princesse phénicienne décide
alors de prendre la mer avec ceux qui lui étaient fidèles. Arrivée sur les
côtes africaines de l’actuelle Tunisie, elle passe un accord avec le seigneur
local, qui accepte de lui accorder autant de terres qu’une peau de bœuf pouvait
bien couvrir. Mais c’était sans compter sur l’intelligence de Didon, le surnom gréco-romain
de la « femme courageuse ».
Elissa fait découper la peau de bœuf en très fines lanières, les met bout à
bout, délimite une péninsule et fonde la légendaire Carthage, une grande
puissance économique et militaire qui a failli écraser Rome quelques siècles
plus tard et changer le cours de l’histoire. Restée fidèle à son défunt époux,
elle refuse de se marier à un des roitelets de la région et s’immole sur un bûcher
dresser pour les mânes phéniciennes.
2 825 ans plus tard, un descendant
d’Elissa s’immolera lui aussi par le feu, sans se douter un seul instant qu’il marquera
l’histoire contemporaine de la Tunisie. C’est enfin, le plan géopolitique. Nul doute que le lieu de l’attaque terroriste
de mercredi a été minutieusement choisi par les terroristes. Outre le fait
qu’il abritait beaucoup d’Occidentaux, ces « croisés »
comme le dira Daech dans sa revendication, les
terroristes souhaitaient porter un coup dur à la Tunisie en général et un coup
fatal au Bardo en particulier, un musée qui se situe dans les bâtiments qui abritent également la Chambre des députés tunisiens. Mais pourquoi donc ?
Flash-back. Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, un jeune vendeur ambulant de
fruits et légumes à Sidi Bouzid s’immole par le feu après la confiscation de sa
marchandise par les autorités. Choqué par ce geste désespéré très symptomatique
d’un certain malaise, le peuple tunisien
décide alors de se soulever contre l’ordre établi et les injustices. Des manifestations, des grèves et des
émeutes se succéderont pendant plusieurs mois, pour protester contre la
répression policière, les mesures liberticides, les inégalités sociales, le
chômage, la corruption, l’organisation mafieuse des Ben Ali et des Trabelsi
(épouse de Zine el-Abedine), les disparités de développement des régions, etc. Le
pouvoir de Ben Ali finit par vaciller. Le président tunisien ne tardera pas
d’ailleurs à fuir vers l’Arabie saoudite. Le parti au pouvoir est dissout, les
symboles du clan Ben Ali-Trabelsi et leurs proches sont arrêtés et poursuivis en
justice. Leurs avoirs sont gelés et leurs biens confisqués. Le régime s’effondrera progressivement, après
24 ans d’un règne despotique. Des réformes constitutionnelles sont engagées,
les lois antidémocratiques sont abolies, le pouvoir est purgé des piliers du
clan Ben Ali-Trabelsi, la sûreté de l'Etat et de la police politique est
dissoute. Tout un symbole, l’ancien président tunisien sera condamné par
contumace à la réclusion criminelle à perpétuité. Voici le Printemps arabe dans toute sa splendeur.
La Révolution
de Jasmin est porteuse de beaucoup d’espoir, je parle au présent puisque c’est
une certitude et le processus est loin d’être terminé, comme le prouve
l’attaque terroriste du 18 mars. C’est ce qui a poussé l’historien
français, Jean Tulard, en ce début d’année 2011, a parlé de « l'an
1789 de la Révolution tunisienne ». Certes, tout est loin d’être
rose aujourd’hui en Tunisie. Mais, rappelons
aux mauvaises langues, que cette révolution n’a que 4 ans. En 1793, la France
était plongée dans la Terreur, la guillotine marchait à plein régime, la
place de la Révolution était infecte, les pavés de la Concorde de nos jours étaient
livrés la nuit aux chiens errants qui venaient lécher le sang des 17 000 Français
décapités par les révolutionnaires des Lumières. Cette comparaison était donc justifiée.
Il n’empêche que ce spécialiste des révolutions a quand même zappé un grand détail.
La révolution tunisienne n’a comporté ni
volet religieux ni volet féodal, contrairement à la révolution de 1789 en
France qui était dirigée autant contre les autorités royales que contre
l’Eglise catholique et les seigneurs.
Et puisqu’on y est, sachez que certains Libanais avancent que le « Printemps arabe » n’a pas commencé à Tunis mais à Beyrouth, avec la Révolution du Cèdre, le 14 mars 2005. Là aussi, l’hypothèse est peut-être justifiée mais pas complètement. Notre révolution n’a jamais comporté, elle non plus, des volets religieux ou féodal, contrairement à la Révolution française, mais surtout, un volet social, contrairement à la Révolution tunisienne. La preuve, rendez-vous ce lundi à 17h pour le sit-in devant le musée national de Beyrouth, on constatera qu’en dehors des gens concernés, le monde médiatique, politique et intellectuel libanais, se sent peu concerné par les deux grands dossiers sociaux du moment, la nouvelle grille des salaires (le SMIC libanais est à 450 $/mois, alors qu’un abonnement électrique privé est de 150 $/mois) et la libéralisation des loyers anciens (800 000 personnes verront leur loyer augmenter de près de 1 000 $/mois d’ici 5 ans). Quand on voit tout ce que les Tunisiens ont fait au cours de leur révolution, à tous les niveaux, il est évident que l’usage du mot « révolution » dans le contexte libanais est inapproprié. Samir Kassir parlait de « soulèvement » et il avait bien raison. D’un autre côté, l’usage de mot « jasmin », symbole de la Tunisie, pour désigner une révolution qui a fait 338 morts est tout aussi inapproprié.
Et puisqu’on y est, sachez que certains Libanais avancent que le « Printemps arabe » n’a pas commencé à Tunis mais à Beyrouth, avec la Révolution du Cèdre, le 14 mars 2005. Là aussi, l’hypothèse est peut-être justifiée mais pas complètement. Notre révolution n’a jamais comporté, elle non plus, des volets religieux ou féodal, contrairement à la Révolution française, mais surtout, un volet social, contrairement à la Révolution tunisienne. La preuve, rendez-vous ce lundi à 17h pour le sit-in devant le musée national de Beyrouth, on constatera qu’en dehors des gens concernés, le monde médiatique, politique et intellectuel libanais, se sent peu concerné par les deux grands dossiers sociaux du moment, la nouvelle grille des salaires (le SMIC libanais est à 450 $/mois, alors qu’un abonnement électrique privé est de 150 $/mois) et la libéralisation des loyers anciens (800 000 personnes verront leur loyer augmenter de près de 1 000 $/mois d’ici 5 ans). Quand on voit tout ce que les Tunisiens ont fait au cours de leur révolution, à tous les niveaux, il est évident que l’usage du mot « révolution » dans le contexte libanais est inapproprié. Samir Kassir parlait de « soulèvement » et il avait bien raison. D’un autre côté, l’usage de mot « jasmin », symbole de la Tunisie, pour désigner une révolution qui a fait 338 morts est tout aussi inapproprié.
Toujours est-il que la Révolution tunisienne fut le premier bourgeon du fameux « Printemps
arabe », qui fait encore couler beaucoup d’encre et de sang. En ces moments
de doute que nous vivons, à cause de l’extrémisme en tout genre et des atrocités qui ravagent le Moyen-Orient, il n’est pas
superflu de rappeler aux sceptiques,
Kamel Daoud en tête, le chouchou arabe des médias occidentaux, que nous entrons à peine dans la 5e année des « Printemps arabes », le pluriel s’impose face à la
diversité des révolutions arabes, une nuance que l’écrivain algérien n’a pas bien
saisi dans son fameux article il y a quelques mois. Encore une fois, en 1794 la France était plongée dans la
Terreur de la Révolution française, une période qui ne prendra fin qu’avec
l’exécution de Robespierre, où en moins de deux ans, 100 000 Français seront
exécutés et victimes de massacres, et 500 000 emprisonnés, sachant que la
France de l’époque ne comptait que 28 600 000 personnes. Toujours
est-il que l’onde de choc de la « Révolution tunisienne » de 2011, se propagera ultérieurement vers l’Egypte, la
Libye et la Syrie. Hélas, elle se mua en guerres civiles dans les deux derniers pays. Il n’empêche que le principal bénéfice du Printemps arabe tunisien c’est d’avoir
introduit le pays et le monde arabe tout entier, dans l’ère démocratique post-coloniale. Même l'Arabie saoudite a procédé à quelques réformes sous la pression du vent démocratique déclenché par les Printemps arabes. Malgré l'interminable tragédie que vit la Syrie, cette voie est
irréversible car l’histoire ne revient pas en arrière. Hélas, on ne peut pas aller plus vite que la musique. Les révolutions
s’écrivent d’abord avec du sang, et ensuite, avec de l’encre.
On sait peu de choses sur les terroristes du Bardo, à part qu’ils
se seraient entraînés en Libye.
Merci donc à Sarkozy, Cameron & BHL, c’est grâce à leur intervention
irréfléchie, que ce pays a basculé dans le chaos islamique. La revendication par l’organisation « Etat
islamique » de l’attaque du musée du Bardo à Tunis est plausible, mais un doute
l’entoure. Comme par hasard, celle-ci n’a été diffusée par les psychopathes
de Raqqa qu’après l’identification des terroristes par le Premier ministre
tunisien, Habib Essid. Le doute se
confirme davantage avec la revendication beaucoup plus sérieuse de l’attaque du
Bardo par un groupe lié à l’AQMI, la succursale d’al-Qaeda au « Maghreb
islamique ». Dans un long texte cynique, accompagné de photos des psychopathes, le groupe d'al-Qaeda décrit en détail le parcours des
deux terroristes le jour du massacre et ne se gêne pas pour se moquer des « mécréants »
tunisiens attristés par la mort des touristes occidentaux. Rien ne permet de
trancher pour l’instant. Mais, il existe des pistes et quelques certitudes : Daech et al-Qaeda sont présentes toutes
les deux non seulement en Libye, mais aussi en Irak et en Syrie ; les deux organisations terroristes sont en
compétition pour le leadership de la lutte djihadiste contre l’Occident croisé
et l’Orient corrompu ; la première a l’ambition de créer un Etat
viable, la seconde à renverser les régimes arabes ; les deux s’opposent à l’ingérence chiite iranienne dans les affaires
sunnites arabes et à l’hégémonie de l’Iran en Irak, en Syrie, au Yémen et au Liban.
A partir de là, toutes les options sont ouvertes et tourneront désormais autour de la surenchère terroriste. Les attaques de Tunis mercredis et de Sanaa vendredi s’inscrivent dans cette logique. Etant en compétition, sur le même terrain, avec deux stratégies divergentes, il est clair que Daech et al-Qaeda finiront par se déclarer une guerre ouverte par groupes interposés. En attendant, une telle attaque de la part de Daech ou d’al-Qaeda à Tunis, viserait à hypothéquer le plus prometteur des Printemps arabes, en frappant ce pays là où ça lui ferait le plus mal, le secteur touristique.
A partir de là, toutes les options sont ouvertes et tourneront désormais autour de la surenchère terroriste. Les attaques de Tunis mercredis et de Sanaa vendredi s’inscrivent dans cette logique. Etant en compétition, sur le même terrain, avec deux stratégies divergentes, il est clair que Daech et al-Qaeda finiront par se déclarer une guerre ouverte par groupes interposés. En attendant, une telle attaque de la part de Daech ou d’al-Qaeda à Tunis, viserait à hypothéquer le plus prometteur des Printemps arabes, en frappant ce pays là où ça lui ferait le plus mal, le secteur touristique.
Les
terroristes peuvent aussi faire partie des islamistes affiliés à Ennahda (la Renaissance), même si cette
hypothèse parait peu probable. Petit rappel. Fondé en 1981, ce parti islamiste
de Tunisie fut interdit pendant le règne de Ben Ali. Il n’a obtenu un droit de
cité que grâce à la Révolution tunisienne en mars 2011. Aux premières élections
de l’Assemblée constituante de novembre 2011, les premières élections libres
depuis l’Indépendance en 1956, Ennahda concentre sa campagne sur le thème de
l’islam dans la vie publique (qui était assez contrôlé sous Ben-Ali) et réalise
un raz-de-marée en emportant la majorité relative, avec 89 sièges sur les 217
pourvus, contrôlant de ce fait, la Présidence de l’Assemblée et le Conseil des
ministres. Lors des élections suivantes,
en octobre 2014, le parti islamiste reçoit une belle claque en perdant 20
sièges, en 3 ans de règne, au profit d’un parti laïc, Nidaa Tounes (Appel de Tunis), qui rafle 86 sièges sur 217, et remporte
la présidence de la République deux mois plus tard. Ce jour-là, j’étais l’homme
le plus heureux, non seulement pour la Tunisie, mais aussi parce que ces résultats sont venus soutenir ma thèse élaborée
en observant le Printemps arabe égyptien et que j’ai résumée dans ce titre un
jour : « Leçon d’Egypte : la meilleure façon d’affaiblir les islamistes reste la démocratie et non la dictature. L’illusion islamiste », une
autre leçon qui a échappé à Kamel Daoud et un autre bénéfice des Printemps
arabes que les sceptiques ne veulent pas voir. En tout cas, ce qui accrédite
la thèse de l’implication d’Ennahda dans l’attaque du Bardo, ce sont deux faits. Le parti islamiste est soupçonné déjà dans deux assassinats d’hommes politiques
survenus en 2013 et l’un des terroristes abattus serait un militant du parti.
L’attaque
du Bardo peut aussi avoir été commanditée par les Ben Ali et les Trabelsi. Biya3emlouwa wou beya3emlo rabba ! Il
est assez difficile d’imaginer les pertes subies par ce clan mafieux à cause du
Printemps tunisien. Pour vous donner une idée, sachez qu’on estime que le clan Ben Ali-Trabelsi a détourné en 24
ans de règne jusqu’à 50 milliards de dollars. La fortune personnelle du
despote déchu s’élèverait à 5 milliards de dollars selon le magazine Forbes. La
Banque mondiale estime que ce clan soutirait
plus de 21% des bénéfices réalisés par le secteur privé en Tunisie via un
réseau d'entreprises placées sous son contrôle direct. Les lois étaient façonnées
selon les intérêts des 19 frères et sœurs du couple présidentiel et de leurs
descendances. Et dire que certains osent
encore être sceptiques sur le Printemps arabe ! En tout cas, avec ce pactole,
dont une grande partie n’a toujours pas été restituée au peuple tunisien, et un
tel préjudice, il n’est pas difficile de trouver quelques racailles pour mener
une attaque terroriste d’envergure et frapper la Tunisie démocratique et faire payer ceux
qui ont mis fin à ce système mafieux.
D’autres éléments pèsent sur « l’Etat
islamique ». A commencer par le fait que la Tunisie est le premier exportateur de djihadistes étrangers vers la Syrie.
On les estime à près de 3 000 individus, dont 500 seraient rentrés au
bercail. Il y a aussi l’autre actualité infâme, les explosions survenues
vendredi dans deux mosquées chiites de Sanaa au Yémen, qui ont fait 142 morts.
Elles ont été revendiquées aussitôt par Daech. Si les revendications par cette dernière des attaques de Tunis et de Sanaa sont
authentifiées, on peut dire que la bête blessée grièvement en Irak et en Syrie,
d’une part, par les frappes aériennes de la coalition arabo-occidentale et d’autre
part, par les interventions terrestres de l'armée irakienne, des milices sunnites et chiites et de l’Iran, cherche par tous les moyens à
terroriser ses ennemis, pour les
dissuader de poursuivre le plan d’anéantissement de Daech, qui est mis en œuvre
depuis août 2014 par les pays arabes et occidentaux, et à remonter le moral de ses troupes, en leur faisant croire que Daech garde l'initiative et possède elle aussi la capacité de frapper ses ennemis chez eux. Les revers de l’EI y seraient pour beaucoup dans ces attaques
terroristes transnationales tous azimuts. Kobané (Syrie) a été libérée, Tikrit (Irak) est sur le point de tomber. Deux
attaques d’envergure sont programmées pour ce printemps : à grande
échelle, la reprise de la ville de Mossoul (Irak) et à petite échelle, le
nettoyage de jurd Ersal (Liban). Et même les troupes de Bachar el-Assad commencent à attaquer les djihadistes sérieusement. Jamais
« l’Etat islamique » dans sa courte existence, n’a été autant menacé.
Que les
victimes de Tunis reposent en paix et que les terroristes aillent au diable. La Terre
continuera de tourner, la lune éclipsera de nouveau le soleil et le Bardo ouvrira mardi à 9h30. Ce musée est d’une richesse exceptionnelle.
Il abrite une partie de ce que toutes ces prestigieuses civilisations méditerranéennes nous ont
légués, des chefs-d’œuvre phéniciens, romains, grecs, ottomans, chrétiens et
islamiques, de quoi donner les pires cauchemars aux djihadistes de tout
poil. Si d’aventure vous vous y rendez, je
vous conseille de vous arrêter longuement devant ma pièce favorite, ce
masque grimaçant d'un Phénicien de Carthage, au sourire narquois vieux de 2 500 ans. Sapristi, il ne
lui manque plus que la parole, comme au dit dans nos contrées ! A propos, il parait que c’est un témoin
clé de l’enquête. On raconte que depuis l’attaque du musée, on l’entend murmurer aux
oreilles de ceux qui l’approchent : « Wlak tozz 3a daech wou3al qa3ida. La racaille disparaîtra et les
civilisations resteront ».
Post-Scriptum
Le musée du Bardo est considéré comme l’un
des plus importants musées du bassin méditerranéen. Il abrite quatre chefs-d’œuvre :
Le sarcophage des trois Grâces, qui
provient de Oued Rmel, date du début du IIIe siècle. Il représente Les trois Grâces, ces déesses romaines qui
personnifient la beauté, la séduction et la fécondité. On les retrouve nues et
enlacées. Elles sont entourées par des figures masculines, nues elles aussi, qui représentent les
saisons. « L’idée sous-jacente est
la résurrection et la survie » (Wikipédia).
C’est une grande mosaïque qui date de la
fin du IVe siècle et qui fait 565 cm sur 450 cm. Elle provient du site
archéologique de Carthage. « Elle
représente un grand domaine au milieu duquel se dresse une villa entourée de
scènes réparties sur trois registres, évoquant à la fois les activités du
domaine agricole aux différentes saisons et celles des propriétaires des
lieux. » (Wikipédia)
Selon l’historien Christian Courtois, il
s’agit de « l’un des plus beaux ensembles
de mosaïques chrétiennes... du monde romain ». Il a été découvert
dans les ruines d’une basilique qui se trouve aujourd’hui à Demna (une
cinquantaine de kilomètres de Tunis). Il date du VIe siècle et mesure 330 cm de
côté. La cuve est en forme de croix grecque. Sur son bord il est inscrit :
« En l’honneur du saint et bienheureux
évêque Cyprien, chef de notre église catholique, avec le saint Adelphius, prêtre
de cette église de l’unité, Aquinius et Juliana son épouse, ainsi que leurs
enfants, Villa et Deogratias, ont posé cette mosaïque destinée à l’eau éternelle
» (Wikipédia). Au passage, notez
qu’on a là, une preuve qu’au début du christianisme, le sacerdoce n’empêchait
pas les clercs d'être marié, comme dans certaines Eglises orientales, notamment maronite.
Le Bardo n’est pas le seul musée au monde
qui conserve des feuillets de ce Coran exceptionnel du IXe siècle, de grand format (41 cm sur 31 cm), composé de sept volumes. On pense
qu’il a été commandé soit par les Fatimides, soit par le calife abbasside
al-Ma’moun, pour le mausolée de son père, le grand Haroun el-Rachid. « Le texte est rédigé en calligraphie
coufique... le bleu symbolise le ciel et le doré la lumière diffusée par
la parole divine. Cette palette inhabituelle peut avoir été inspirée par les
codex impériaux byzantins » (Wikipédia).