Il y a d’abord l’anecdote à 1 piastre. Il a fallu 9 minutes et 59 secondes de tractations
pour que les services de sécurité d’Assad accordent à l’équipe de Pujadas le
droit d’ouvrir le coffre de la voiture qui le transportait de Beyrouth à Damas,
afin que la star de France 2 récupère ses lentilles de contact et la trousse de
maquillage. Il y a ensuite la question de
principes à 5 piastres. « Ils
n’ont pas exigé de connaître ni les questions ni les thèmes » (France
TV, 20 avril). Il y a enfin les justifications
à 10 piastres. « Bien sûr, il
est au ban de la communauté internationale. Mais, il doit être questionné,
confronté aux faits, aux éléments, sur sa répression » (20 Minutes, 20
avril). Au total, cette interview de France 2 vaut 16 piastres, les centimes n’ont pas cours dans nos contrées.
Qui suit les déclarations de « l’homme malade » de la Syrie,
qui est très rusé soit dit en passant, n’apprendra rien de celles de dimanche
dernier. Aucune valeur ajoutée. Certes, David Pujadas a pu poser des questions
directes et dérangeantes à Bachar el-Assad, in
english please, sur un ensemble de sujets sensibles concernant la guerre
civile syrienne. D’où l’autosatisfaction affichée par le journaliste français à
son retour. Même s’il faut reconnaitre que ce dernier n’a pas mâché ses mots en
posant ses questions, il est intéressant de constater aussi que le chef du
régime syrien s’est vu offrir une
tribune occidentale et tout le loisir de diffuser sa propagande sans qu’il ne
soit contredit, ou peu, et mis en échec, à aucun moment. Et c’est bien là
où réside l’erreur professionnelle commise par le présentateur du JT de France
2. Pour s’en rendre compte, la preuve par huit, qui me permettront au passage, de faire un état des lieux de la guerre en Syrie.
I. Le
début de la révolution syrienne
- David Pujadas (DP) : « Pour une grande partie de la France, vous êtes en large part responsable du
chaos qui règne en Syrie à cause de la brutalité de la répression qui a été
menée ici depuis quatre ans. Selon vous, quelle est votre part de
responsabilité ? »
- Bachar el-Assad (BA) : « Dès les premières semaines du conflit les terroristes se sont infiltrés
en Syrie avec l'appui d'états occidentaux et régionaux. Ils ont
commencé à attaquer les civils et à détruire des propriétés publiques et
privées... Si ce que vous dites était vrai, comment un gouvernement ou un
président qui a agi de façon brutale envers sa population, tué ses concitoyens
(...) aurait-il pu résister pendant quatre ans ? Est-il possible d’avoir
le soutien de son peuple quand on est brutal avec lui ? »
- DP : « Au départ, il y avait des dizaines de milliers de
personnes dans les rues. Il n’y avait que des djihadistes ? »
- BA : « Bien sûr que non... »
D’entrée en matière, on a donc droit à la réécriture de l’histoire de la
révolution syrienne. C’est le leitmotiv
du leader alaouite syrien pour faire oublier les raisons profondes du soulèvement
de la communauté sunnite syrienne, qui représente 70% de la population de
la Syrie, contre la dynastie tyrannique
des Assad, père et fils, qui est issue de la communauté alaouite, qui ne
représente que 10% de la population syrienne, mais domine tous les appareils de
l’Etat syrien -notamment l’armée, ainsi que les services de sécurité et de
renseignement- et qui réprime, tue et massacre depuis 40 ans, en Syrie comme au
Liban, les populations syrienne et libanaise.
Pour ce qui est du conflit actuel, comme l’a confirmé la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, créée par le Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies,
dans un rapport datant du 5 février 2015
(publié le 20) : « Les
forces gouvernementales ont ouvert le feu sur les manifestants quand un
mouvement de protestation a éclaté dans la ville de Deraa en mars 2011. Pour
faire face à la propagation de ce mouvement au reste du pays, le gouvernement eu recours à la violence
et, souvent, à la force meurtrière (...) Durant les premières attaques
terrestres, les forces gouvernementales ont tué ou torturé des civils résidant
dans ces localités ainsi que des individus armés qu’elles avaient capturés (...)
Des crimes contre l’humanité sous forme
de torture et de meurtres (ont été commis dans les prisons gouvernementales
entre mars 2011 et janvier 2015). » Assad est donc le premier
responsable du désastre en Syrie.
II. L’émergence
de l’Etat islamique
- DP : « Beaucoup de journalistes et d’analystes disent
que vous avez favorisez l’émergence du
groupe ‘Etat islamique’ (EI) parce que c’est une opportunité pour vous d’apparaître
comme un rempart, un bouclier. »
- BA : « Mais le groupe ‘Etat islamique’ a été créé en
Irak en 2006 sous la supervision des Américains... quand il y a eu le
chaos en Syrie, le groupe EI est venu en Syrie... »
- DP : « Donc vous
n’avez aucune responsabilité dans ce qui s’est passé ces dernières
années ? »
- BA : «... Chacun a une part de responsabilité (...) Mais là,
je parle de ce qui a amené le groupe EI en Syrie, le chaos. Et votre
gouvernement, ou si vous préférez qu’on le désigne par le terme de ‘régime’
comme ils le font pour nous, le ‘régime
français’ est responsable car il a soutenu ces djihadistes en les
considérant comme une opposition modérée. »
- DP : « La France soutient la Coalition National
Syrienne. Sont-ils des terroristes ? »
- BA : « Ceux qui à l’heure actuelle reçoivent le soutien
et possèdent des armes occidentales appartiennent au groupe EI, armé et équipé par votre Etat et
d’autres pays occidentaux (...) Ceux que vous considérez comme modérés, ont
diffusé en 2012, avant que le groupe EI n’apparaisse, et que l’Occident ne reconnaisse
même l’existence du Front al-Nosra, une branche d’al-Qaeda, des vidéos dans lesquels
ils dévoraient le cœur d’un soldat
syrien, mutilaient des corps d’autres victimes, décapitaient d’autres (...)
Comment pouvez-vous ignorer cette réalité puisque ce sont eux qui la diffusent ?
».
- DP : « Let’s talk about the present ».
Foutaises. Ce que les deux protagonistes
ont oublié de mentionner aux téléspectateurs français -le Syrien par
conviction, le Français par omission- c’est que Bachar el-Assad a tout fait pour offrir aux islamistes et aux
djihadistes, d’Irak et de Syrie, les meilleures conditions qui soient, pour s’épanouir
en Syrie, dans le but de saboter la révolution syrienne de l’intérieur. Durant
ces quatre années de révolte, de révolution et de guerre, le régime syrien a
travaillé dans trois directions en se
fixant trois objectifs :
1. Maintenir
la répression brutale et sanglante des opposants pacifistes sunnites, d’une part, pour
les neutraliser, et d’autre part, pour favoriser leur radicalisation et
justifier ainsi, la répression du régime.
2. Libérer
massivement tous les islamistes sunnites emprisonnés par le régime de
Bachar el-Assad avant 2011 afin que ces éléments sunnites radicalisés par la
torture qui leur était infligée dans les prisons du régime alaouite, puissent infiltrer
et radicaliser les opposants au régime et faire apparaitre Bachar el-Assad
comme un rempart à l’expansion islamiste en Syrie.
3. Epargner
les groupes extrémistes sunnites, Etat islamique et Jabhat al-Nosra, pour
s’attaquer en priorité aux groupes modérés de l’Armée Syrienne Libre (ASL) et
de la Coalition Nationale Syrienne (CNS), afin d’écarter du théâtre syrien les
opposants respectables aux yeux des pays arabes et occidentaux, qui sont à même
d’assurer la relève du pouvoir militaire et politique à Damas.
Pour la diversion cannibale, il faut savoir qu’effectivement un Syrien sans
doute meurtri par toutes les horreurs qu’il avait vues, avait extrait le cœur
d’un soldat mort de sa cage thoracique, mais ne l’avait pas dévoré. En tout cas,
ce détail macabre de la guerre ne saurait faire
oublier l’institutionnalisation barbare de la torture par le régime syrien
comme le confirme l’album de César, un témoignage accablant pour Bachar
el-Assad, composé de 54 000 photographies qui montrent les corps de 11 000 hommes, femmes et enfants
syriens, mutilés, affamés et torturés par les services du régime. Si David
Pujadas ne pouvait pas connaitre l’anecdote cannibale, il n’avait aucune excuse
d’ignorer qu’il y a quelques semaines seulement, des clichés de l’album de
César ont été exposés au siège de l’ONU. Pire encore, avant de prendre la route
de Damas, le journaliste français aurait dû plonger dans ce rapport de 64 pages
de la Commission d’enquête de l’ONU
publié il y a 2 mois. Il aurait appris que « le
recours à la torture était généralisé et systématique dans les locaux de
plusieurs institutions (du régime)... Les informations recueillies (par la Commission
d’enquête de l’ONU) dénotent l’existence
d’une politique d’État mise en œuvre dans les différents
gouvernorats ».
III.
L’usage de barils explosifs
- DP : « Il apparait que l’armée syrienne continue à
utiliser des armes aveugles, notamment des barils explosifs (...) pourquoi poursuivez-vous cette
stratégie ? »
- BA : « Nous n’avons jamais entendu parler au sein de
notre armée d’armes aveugles... qui seraient inutiles de point de vue
militaire... »
- DP : « Vous n’utilisez pas de barils
explosifs ? »
- BA : « C’est quoi
les barils explosifs ? Vous pouvez me dire ce que c’est ? »
- DP : « Il y a des documents, des vidéos ou des photos comme
celle-ci où l’on peut voir un baril explosif largué d’un hélicoptère. Ceci est
à Alep, ceci est à Hama (...) seule l’armée syrienne possède des hélicoptères... »
- BA : « Ce n’est pas une preuve... je n’ai jamais vu une
chose de ce genre dans notre armée. »
- DP : « Vous dites que ce sont de faux
documents ? »
- BA : « Il faut que ça soit vérifié. Dans notre armée
nous n’utilisons que des bombes conventionnelles qui nécessitent de viser. Nous
n’avons aucun armement qui puisse être utilisé aveuglement. C’est tout. »
- DP : « Ce sont bien des hélicoptères. Seule l’armée
syrienne en possède. »
- BA : « ... A quoi bon de tuer aveuglement ? Pourquoi tuer
les civils ? La guerre en
Syrie consiste à gagner le cœur des gens, pas à les tuer. Si vous tuez les
gens, vous ne pouvez pas rester au gouvernement ou rester président. C’est
impossible. »
- DP : Zapping.
On comprend que le tyran de Damas a tout
intérêt à jouer au naïf concernant les barils d’explosifs. Mais, il aurait dû
être ridiculisé par le journaliste français. De conception primitive, ces
armements de racaille, composés de
barils que les artificiers du régime bourrent de matières explosives, comme
la TNT, et d’éclats d’obus ou de chlore, pour les rendre beaucoup plus
meurtriers, sont lancés à l’aveugle sur les habitations par les hélicoptères de
l’armée syrienne. Il y a quelques mois, Bachar el-Assad a prétendu devant un
journaliste de la BBC que « c'est
une histoire infantile qu’on continue à répéter en Occident ». S’il
s'était donné la peine de se renseigner auprès de son ambassadeur à l'ONU, il
aurait appris que dans la résolution
2139, adoptée il y a un peu plus d’un an, « Le Conseil de sécurité... exige également que toutes les parties
mettent immédiatement fin à toutes attaques contre les civils, ainsi qu’à
l’emploi sans discrimination d’armes dans des zones peuplées, tels que les tirs
d’obus et les bombardements aériens, tels que l’emploi de barils d’explosifs, et de méthodes de guerre qui sont de nature à causer des maux superflus ou
des souffrances inutiles ». L'armée de Bachar el-Assad est accusée, par
le Réseau syrien des droits de l'homme, d'avoir largué 5 150 de ces armes meurtrières depuis octobre 2012, qui ont tué, pardon, « gagné le cœur » de 12
194 Syriens, 96 % des victimes étaient des civils, 50 % des femmes et des
enfants.
Enfin, comme nous célébrons aujourd’hui le
10e anniversaire du retrait des troupes d’occupation syrienne du
Liban, ces armements de racaille utilisés contre la population civile syrienne ne sont pas sans rappeler d’autres armements
de racaille, les « orgues de Staline », utilisés au Liban entre 1976 et 1990
par les troupes de l’époque du père, Hafez el-Assad, contre les populations
civiles libanaises, notamment celle des régions chrétiennes libres (Achrafieh,
Metn, Kesrouan, etc.) et des régions sunnites occupées (Tripoli). En tout cas,
la conclusion du rapport de février de la Commission
d’enquête de l’ONU sur la Syrie est sans appel à ce sujet : « L’usage
de barils d’explosifs dans des campagnes aériennes contre des zones
entières est une violation du droit international humanitaire et, dans certains
cas, constitue un crime de guerre
qui consiste à prendre des civils pour cible. Les forces gouvernementales ont
systématiquement pris pour cible des civils et des infrastructures civiles,
attestant l’intention de tuer, de blesser et d’estropier. »
IV. Le
recours aux armes chimiques
- DP : « Il y a deux ans, vous vous êtes engagé à ne plus
utiliser d’armes chimiques. Avez-vous
utilisez du gaz de chlore durant la bataille d’Idlib le mois dernier
? »
- BA : « C’est
encore un mensonge raconté par les gouvernements occidentaux... »
- DP : « Je pense que vous avez lu les rapports de Human Rights
Watch concernant Idlib. Il y a eu trois attaques... dans des zones sous
contrôles de l’opposition armée. Est-ce que HRW ment ? »
- BA : « Nous n’avons pas utilisé de chlore. Nous n’avons pas
besoin. Nous avons nos armements classiques. Nous pouvons atteindre nos
objectifs sans y avoir recours. Il n’y a aucune preuve. »
- DP : « Il y a des témoins, il y a des témoignages de
médecins »
- BA : « Non, non. En réponse à toutes les allégations concernant
l’usage dans le passé ou à présent, d’armes chimiques, c’est nous qui
demandions toujours aux institutions internationales d’envoyer des délégations
pour enquêter... et pas le camp adverse. Il
y a deux ans, nos soldats ont été exposés au gaz sarin. Nous avons invité
l’ONU à mener une enquête. Comment aurions-nous pu le faire si c’était nous qui
utilisions ce gaz ? Tout cela n’est pas vrai »
- DP : « Vous sauriez prêt à les inviter à nouveau à venir
concernant Idlib ? »
- BA : « Nous l’avons déjà fait. Nous le faisons toujours.
Nous n’avons aucun problème avec cela »
- DP : Zapping.
Encore un exemple de la méconnaissance de
David Pujadas du dossier syrien. L’implication
du régime de Bachar el-Assad dans la mort de près de 1 500 personnes en
quelques minutes, le 21 août 2013 à Ghouta (banlieue de Damas), ne fait pas l’ombre d’un doute comme je
l’ai détaillé dans plusieurs articles consacrés à ce sujet. Les troupes
syriennes se sont retrouvées en difficulté cette nuit-là et craignaient une
percée des rebelles vers une région hautement symbolique, le palais
présidentiel. Après le gazage des rebelles et de la population syrienne dans la
nuit du 21 aout 2013 par l’armée du régime, c’est bel et bien sous la menace du
président américain Barack Obama, que le dernier tyran des Assad fut contraint
de se débarrasser de son arsenal chimique (1 000 tonnes dont quelques
kilos seulement ont suffi à exterminer 1 500 personnes en quelques
minutes), afin d’éviter l’humiliation et les risques des frappes américaines. Le fait d’avoir accepté de livrer à l’ONU
un arsenal « d’armes de destruction massive » accumulé sur plusieurs
décennies par la tyrannie des Assad père et fils, sans aucune contrepartie, est une preuve absolue de la culpabilité du régime de Bachar el-Assad. Pour ce qui des dernières attaques au chlore, non
seulement le rapport de Human Right Watch publié le 14 avril 2015 est accablant
pour le régime mais il y a également le rapport de la Commission d’enquête de l’ONU qui ne laisse aucune place au
doute sur la responsabilité du régime dans les attaques au chlore : « En avril 2014, les forces gouvernementales ont largué des barils d’explosifs
contenant des agents chimiques, sans doute du chlore, sur des localités des
gouvernorats d’Idlib et de Hama. » Comme pour les attaques au gaz sarin
de la région de Ghouta en août 2013, c’est
parce que le régime de Bachar el-Assad se trouve en grande difficulté dans
cette région stratégique du nord-ouest de la Syrie, dont la chute pourrait
menacer le « réduit alaouite » sur les côtes méditerranéennes, que
les troupes syriennes ont pulvérisé à plusieurs reprises la province d’Idlib avec
du gaz de chlore.
V. Les
frappes de la coalition arabo-occidentale contre l’EI
- DP : « Une coalition internationale avec à sa tête les
Etats-Unis mène des bombardements
aériens contre le groupe EI. Est-ce que c’est pour vous un problème ou est-ce
que c’est une aide ? »
- BA : « Ni l’un ni l’autre (...) Si la coalition n’est pas sérieuse, cela ne nous aide pas. »
- DP : « Pourquoi pas sérieuse ? »
- BA : « Si on compare le nombre de frappes aériennes
effectuées par les forces de la coalition composée de 60 Etats à celle que nous
avons effectué nous petit Etat, vous constaterez que nous bombardons parfois 10
fois plus que la coalition en une journée (...) Ils ne sont pas sérieux. C’est
la raison pour laquelle, ils n’aident personne dans cette région (...) On ne peut pas former une coalition contre
le terrorisme et soutenir en même temps les terroristes... »
- DP : Zapping.
Foutaises sur toute la ligne. Pour plus de
détails, voir le point II. Par ailleurs, il convient de rajouter, même si David
Pujadas l’ignorait et Bachar el-Assad n’osait pas l’avouer, que « l’Etat islamique », qui
contrôle aujourd’hui une grande partie de la production pétrolière de la Syrie,
écoule une partie de son pétrole sur le
marché du régime de Bachar el-Assad, ce qui prouve qu’il existe une
certaine connivence entre les terroristes de Daech et les terroristes du régime
syrien. Dans ce sillage, il faut aussi rappeler que si les troupes syriennes se
sont acharnées sur Alep et Homs, aucun baril
d’explosifs n’a été largué sur Raqqa la capitale de « l’Etat
islamique ». Toutes les niaiseries du leader alaouite ne sauraient faire
oublier que ce sont les bombardements
arabo-occidentaux de cette coalition internationale constituée autour des
Etats-Unis, qui ont permis de stopper la
progression fulgurante de Daech en Irak comme en Syrie. Et c’est bien grâce
à ces frappes internationales que les villes de Kobané (Syrie) et de Tikrit
(Irak), ont été nettoyées des djihadistes et que Mossoul (Irak) pourrait être libérée prochainement.
Par contre, qui soutient et pratique le terrorisme en Syrie c’est bel et bien le
dernier tyran des Assad, qui a recours à la torture de masse (voir point
II), aux barils d’explosifs (voir point III) et aux armes chimiques (voir point
IV). L’ironie de l’histoire a voulu qu’au même moment où Bachar el-Assad poussait
des cris de vierge effarouchée sur le petit écran des Français, son ancien envoyé spécial au Liban, Michel
Samaha, livrait devant le tribunal militaire libanais où il est
actuellement jugé, un témoignage
accablant contre le leader syrien. En effet, on a appris lundi dernier par
la bouche de cet ancien ministre libanais, de la mouvance pro-régime syrien,
ami personnel de Bachar el-Assad, qu’il fut
chargé en 2012 par un haut officier de sécurité du régime syrien, Ali
Mamelouk, de mener avec les 24 charges explosives qui lui ont été remises en
main propre en Syrie (il a été pris en flagrant délit à son retour au Liban), des attentats terroristes au Liban ayant un
caractère confessionnel, dont l’assassinat du patriarche maronite dans une
région sunnite du Nord, afin de replonger le pays du Cèdre dans une guerre
confessionnelle islamo-chrétienne.
VI. Le
dialogue avec la France
- DP : « Il y a aujourd’hui des gens en France... qui
disent qu’il faut renouer le dialogue
avec vous... »
- BA : « Ils
doivent d’abord me convaincre qu’ils ne soutiennent pas les terroristes et
qu’ils ne sont pas impliqué dans l’effusion de sang en Syrie (...) C’est
vous qui avez aidé les terroristes... Votre pays, les Occidentaux, doivent nous
convaincre qu’ils ne soutiennent pas les terroristes (...) Pour moi le résultat
(du dialogue) serait que le gouvernement français cesse son appui aux
terroristes dans mon pays. »
- DP : « Donc vous n’avez pas de message à adresser à
François Hollande en vue d’un dialogue ? »
- BA : « ... Les sondages en France montrent bien le
message que Hollande devrait écouter davantage, à savoir qu’il est le président
le plus impopulaire depuis les années 50, il devrait s’occuper de ses citoyens
et les protéger des terroristes qui viennent en France (...) Quand on parle de
terrorisme, sachez qu’il y a toute une montagne sous la mer, soyez conscients
que cette montagne s’en prendra à votre société. »
- DP : Zapping.
Quelle mascarade, et dire que tout cela se
déroule avec la bénédiction d’une chaine publique, France 2 ! On a là un
parfait exemple d’une manœuvre de diversion de la part du leader syrien, qui a
échappé au journaliste français, dont les objectifs sont doubles. Faire oublier d’une part, que les Assad,
père et fils, constituent une tyrannie dont le terrorisme qu’elle pratique touche aujourd’hui comme dans le passé,
en Syrie comme au Liban, non seulement des civils syriens et libanais, comme on
l’a vu précédemment, mais aussi des responsables
syriens et étrangers. Du meurtre de l’ambassadeur de France, Louis Delamare, à l’assassinat de
l’ancien Premier ministre du Liban, Rafic
Hariri, tués à Beyrouth respectivement en 1981 et en 2005, les Assad ont recours au terrorisme d’Etat
pour taire toute forme de menace à leur dynastie tyrannique en Syrie, même
si cela doit passer par des liquidations fratricides. C’est dans ce cadre que
s’inscrirait par exemple, l’élimination
dans des circonstances étranges des trois « maîtres d’œuvre » de
l’assassinat de Rafic Hariri, qui travaillaient pour le compte des trois « maîtres
d’ouvrage » de l’assassinat, le régime syrien, le régime iranien et la
milice libanaise (Ghazi Kenaan,
Syrien alaouite, chef des services de renseignements syriens au Liban entre
1982 et 2002 et ministre de l’Intérieur en 2004 ; Imad Moughnieh, Libanais chiite, chef des opérations du Hezbollah ;
et Rustom Ghazalé, Syrien sunnite,
chef des services de renseignements syriens au Liban entre 2002 et 2005 ;
les trois hommes ont été tués à Damas respectivement en 2005, 2008 et 2015, avant-hier
pour être précis).
Le deuxième objectif du délire de Bachar
el-Assad est de faire oublier d’autre part,
que la mise du régime terroriste syrien au ban des nations par la France, n’est
pas du tout appréciée. Et comment ! Devant la répression brutale du
peuple syrien par le leader alaouite, la France a demandé au représentant du
régime syrien à Paris il y a plus de 3 ans, le 3 mars 2012, de prendre ses
cliques et ses claques et de débarrasser le plancher. Depuis le 13 novembre
2012, la France, comme la plupart des chancelleries arabes et occidentales,
reconnait la Coalition nationale syrienne comme « le seul représentant légitime du peuple syrien », et de
ce fait, seule habilitée à nommer un ambassadeur à Paris. C’est dans ce cadre
aussi que la France a interdit la tenue sur son territoire d’une parodie de
scrutin de l’élection présidentielle syrienne le 28 mai 2014.
Il faut signaler au passage que Bachar el-Assad n’est évidemment pas prêt
d’encaisser les coups de massue que les ministres français et anglais des
Affaires étrangères, Laurent Fabius et Philip Hammond, lui ont donné le 27
février 2015, et qui auraient dû pousser David Pujadas à mieux préparer son
entretien : « Dans les médias
occidentaux, il (Bachar el-Assad) tente
de profiter de l’effroi suscité par les extrémistes pour se présenter en
rempart contre le chaos. Certains paraissent sensibles à ce discours (...)
En réalité, Bachar représente à la fois
l’injustice, le désordre et la terreur. Et nous, France et Royaume-Uni, nous
disons non aux trois (...) Il mène une guerre
civile avec barbarie. La liste de ses
crimes – crimes de guerre et crimes contre l’humanité – est longue. Ceux-ci ont prétendument été commis au nom de la lutte
contre le terrorisme, mais ils l’ont été en réalité dans le cadre d’une
politique systématique (...) Proposer Bachar el-Assad comme solution face à
l’extrémisme, c’est méconnaître les causes de la radicalisation (...) Le maître de Damas ne peut pas être
l’avenir de la Syrie. »
VII.
Le soutien de l’Iran et du Hezbollah au régime syrien
- DP : « Est-ce que
vous pourriez sans le soutien de l’Iran et du Hezbollah combattre le terrorisme
en ce moment ? »
- BA : « ... Nous avons invité le Hezbollah, mais pas les
Iraniens. Il n’y a pas de troupes iraniennes en Syrie et ils n’ont envoyé
aucune force. »
- DP : « Pas d’Iraniens à vos côtés ? »
- BA : « Non, non (...) En revanche, la France et d’autres pays n’ont pas le
droit de soutenir qui que ce soit dans notre pays, c’est une violation du
droit international et de notre souveraineté (...) Est-ce j’ai le droit de
soutenir les terroristes qui ont attaqué Charlie Hebdo par exemple ? »
- DP : « Vous savez ce que le Premier ministre français a
dit récemment de vous ? Il a dit, ‘c’est un boucher’. Que
répondez-vous ? »
- BA : « Personne ne prend plus au sérieux les
déclarations des responsables français, pour une simple raison c’est que la
France est devenu en quelque sorte un satellite de la politique américaine dans
la région... »
Oui parce que le haut gradé des Gardiens iraniens de la Révolution et la demi-douzaine
de miliciens libanais du Hezbollah, dont le fils d'Imad Moughniyé, tués le 18 janvier 2015 lors d’un raid
israélien sur Quneitra, faisaient du tourisme écologique dans cette ville
syrienne fantôme du plateau du Golan ? Foutaises. En tout cas, le
Hezbollah n’a jamais caché depuis le départ que ces miliciens meurent en Syrie « dans l’accomplissement de leur devoir
djihadiste ». Comme le précise la Commission
d’enquête de l’ONU dans son dernier rapport sur la Syrie, publié il y a
deux mois : « Tout au long des
violences en République arabe syrienne, les forces gouvernementales se sont
appuyées sur des groupes paramilitaires et des milices, la chabiha initialement
et la Force de défense nationale à présent. Elles ont bénéficié de l’intervention de combattants étrangers,
dont des membres du Hezbollah et de milices chiites irakiennes ». Ses
enfantillages sur la France trouvent leur explication dans les coups de massue
donnés par Laurent Fabius et Philip
Hammonde le 27 février dernier : « Bachar
est plus faible qu’il y a un an et ne cesse de s’affaiblir. Son armée est exsangue, désertée de
plus en plus par ses propres soldats et contrainte
de recruter des mercenaires jusqu’en Asie. Il est devenu le vassal de ses parrains régionaux qui, tel le Hezbollah,
font la loi dans le pays. » Hasard du calendrier, trois jours avant la
déclaration commune des ministres français et anglais des Affaires étrangères,
j’avais publié un article sur
l’opération turque en Syrie, Chah de
l’Euphrate, en l’intitulant : « Quand
l’Iran, Israël, la Turquie, les Etats-Unis et l’Arabie saoudite, agissent comme
bon leur semble en Syrie, alors il faut croire que le régime qui prétend contrôler ce pays, est bel et bien fini. »
La chute de la ville stratégique de Jisr
al-Choughour, le dernier bastion du régime dans la province d’Idlib et qui
se situe à 75 km de la ville côtière de Lattaquié, entre les mains des djihadistes
du Front al-Nosra ce week-end, moins d’un mois après la chute de la ville
d’Idlib elle-même, parachève l’isolement
de « l’Etat des Alaouites », option de secours de Bachar el-Assad
à la chute de Damas, et confirme l’engagement
certain de l’armée syrienne dans une guerre d’usure, malgré l’aide conjointe
et de plus en plus accrue du Hezbollah et de l’Iran.
VIII.
Le départ de Bachar el-Assad
- DP : « ... Avec
Bachar el-Assad à la tête du pays ? »
- BA : « Ce qui m’intéresse c’est ce que souhaite le
peuple syrien. S’ils veulent Bachar el-Assad, il restera. S’ils ne veulent pas
de lui, il partira sur le champ. Comment serait-il en mesure de gouverner sans
l’appui de son peuple ? Il ne pourra pas... »
- DP : « Si vous aviez la certitude que votre départ amènerait
la paix en Syrie, est-ce que vous partiriez ? »
- BA : « Sans hésitation. »
- DP : « Que vous partirez ? »
- BA : « Sans hésitation. Je quitterai le pouvoir. Si je suis la cause du conflit dans mon pays,
je ne dois pas être là où je suis. C’est évident. »
Foutaises comme le prouvent l’impossibilité
de mettre en œuvre « Genève 1 » et l’échec des négociations de
« Genève 2 ». « Genève 1 »,
qui a été conclu le 30 juin 2012 entre les pays membres du groupe d’action sur
la Syrie, qui rassemble entre autres, les Etats-Unis, la France et la Russie, a
établi les « Principes et lignes directrices pour une transition conduite par les
Syriens », qui prévoit la formation d’un gouvernement d’union nationale
ayant les pleins pouvoirs exécutifs qui devait inclure l’opposition et des membres
du gouvernement en place (une composition déterminée par consentement mutuel),
le désarmement des milices, la démobilisation des forces armées, des réformes
constitutionnelles (qui seront soumis à l’approbation du peuple syrien), des
élections multipartites, libres et équitables, et des mesures pour assurer la
réconciliation nationale et favoriser le pardon. A cette belle époque, si j’ose
dire, on comptait près de 20 000 morts en Syrie et 25 000 réfugiés au Liban.
Aujourd’hui nous sommes respectivement à 220 000 morts (10 fois plus) et 1 300
000 réfugiés (50 fois plus). Mais, l’ophtalmo
de Damas n’a pas vu de bon œil cet accord, à cause du principe de transition,
et l’opposition syrienne non plus, n’a pas accueilli l’accord d’une manière favorable,
car il ne prévoyait pas le sort de Bachar el-Assad. Hélas, on connait la
suite. Un an et demi plus tard, s’engagent les négociations de « Genève 2 », entre les rebelles
syriens, la Coalition nationale syrienne présidée par Ahmad Jarba, et des
représentants du régime de Bachar el-Assad. On était à 140 000 morts déjà. Elles n’ont pas abouti non plus, par la
faute conjointe du régime syrien qui ne souhaitait pas engager des discussions
sur une « période de transition » en
Syrie et des rebelles modérés qui se trouvent toujours incapables de « combattre le terrorisme »
des organisations djihadistes en Syrie, Daech / Etat islamique et Jabhat
al-Nosra / al-Qaeda.
Au vu de cette réalité accablante pour le
dernier tyran de Damas, on peut maintenant
mieux mesurer l’amateurisme de David Pujadas et la faute de son employeur,
France 2, d’avoir offert à Bachar el-Assad une tribune pour exposer sa
propagande avec ruse et mauvaise foi, sans être en mesure de démonter le tissu
de mensonges qu’elle véhiculait. Le fait que la chaine appartient à la
sphère publique est une circonstance aggravante, bien évidemment.
Sur le fond, le déni de la réalité de Bachar el-Assad, tel qu'il se manifeste dans ces interviews aux médias occidentaux, ne saurait faire oublier d'une part, les horreurs du passé de cette dynastie tyrannique, en Syrie comme au Liban, et d'autre part, les revers à présent du régime syrien, comme la chute d’Idlib et de Jisr al-Choughour. Si le premier point laisse toujours présager le pire avec la tyrannie des Assad, le second laisse entrevoir une lueur d'espoir. Ces revers pourraient forcer le leader alaouite à assouplir sa position intransigeante qu’il affiche depuis quatre ans et être mieux disposé pour un « Genève 3 ». Mais là, ce sont les djihadistes-jusqu’au-boutistes, beaucoup plus puissants sur le terrain que les rebelles modérés, qui refuseront certainement de mettre de l’eau dans leur vin. Tous les protagonistes de cette tragédie qui se joue actuellement sur le théâtre du Moyen-Orient n’étant encore pas « mûrs », ils risquent de torpiller une nouvelle fois, la recherche d’une « solution politique » à l’interminable guerre civile syrienne. Et quand les chefs de guerre boivent, les populations trinquent.
Sur le fond, le déni de la réalité de Bachar el-Assad, tel qu'il se manifeste dans ces interviews aux médias occidentaux, ne saurait faire oublier d'une part, les horreurs du passé de cette dynastie tyrannique, en Syrie comme au Liban, et d'autre part, les revers à présent du régime syrien, comme la chute d’Idlib et de Jisr al-Choughour. Si le premier point laisse toujours présager le pire avec la tyrannie des Assad, le second laisse entrevoir une lueur d'espoir. Ces revers pourraient forcer le leader alaouite à assouplir sa position intransigeante qu’il affiche depuis quatre ans et être mieux disposé pour un « Genève 3 ». Mais là, ce sont les djihadistes-jusqu’au-boutistes, beaucoup plus puissants sur le terrain que les rebelles modérés, qui refuseront certainement de mettre de l’eau dans leur vin. Tous les protagonistes de cette tragédie qui se joue actuellement sur le théâtre du Moyen-Orient n’étant encore pas « mûrs », ils risquent de torpiller une nouvelle fois, la recherche d’une « solution politique » à l’interminable guerre civile syrienne. Et quand les chefs de guerre boivent, les populations trinquent.