Ce n’est pas banal que deux anciens Secrétaires d’Etat américains, sous Nixon, Ford et
Reagan, s’associent pour publier un article le 7 avril dans le prestigieux Wall Street Journal (WSJ), sur l’accord de principe concernant le dossier nucléaire iranien qui a été
conclu quelques jours auparavant entre la communauté internationale -représentée
par les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France, le Royaume uni et l’Allemagne
(groupe des P5+1)- et la République islamique d’Iran.
Commençons si vous voulez bien par situer les deux hommes sur l’échiquier oriental.
Henry Kissinger (HK) a accompagné les préparatifs et le
déclenchement de la guerre civile libanaise (1969-1977, en tant que conseiller à la Sécurité nationale, puis Secrétaire d'Etat), George Shultz (GS), son paroxysme (1982-1989, en tant que Secrétaire d'Etat). Les Accords du Caire, l'implantation de l'OLP au Liban, la guerre d'Octobre, la tranquillité dans
le Golan (entre la Syrie et Israël), l’invasion
palestinienne du Liban et « la route de Jérusalem passe par Ouyoun el-Siman,
Antoura et Jounieh », ce qui devait libérer l’Etat hébreux du droit de
retour des réfugiés palestiniens chassés de leurs terres en offrant le Liban
aux Palestiniens en compensation, c’était au cours du règne du premier. L’invasion israélienne du
Liban et « Mikhael el-Daher ou le chaos », ce qui devait combler les
desiderata de la Syrie en lui offrant le Liban dans les deux cas, c’était
l’époque du second. C’est de l’histoire ancienne, mais c’est pour vous dire
combien ces diplomates républicains portent le Liban et le Moyen-Orient, pardon,
je veux dire Israël et ses intérêts, dans leurs cœurs et leur esprits.
Dès l’entrée en matière, les anciens
Secrétaires d’Etat nous glacent le sang en affirmant que « les négociations... visant
à prévenir une capacité iranienne de développer un arsenal nucléaire, se
terminent avec un accord qui concède cette capacité (à l’Iran) ».
Pour le prouver, HK & GS expliquent que le nombre de centrifugeuses de
l’Iran sont passés de 100 à 20 000 au cours des négociations. C’est une opinion
qui vaut d’autres sauf que les deux papis
de la diplomatie américaine, âgés respectivement de 92 et de 95 ans, semblent oublier un détail du droit
international, l’article 4 du Traité de
non-prolifération (TNP), dont l’Iran est signataire, et qui précise :
« Aucune disposition du présent
Traité ne sera interprétée comme portant atteinte au droit inaliénable de
toutes les Parties au Traité de développer la recherche, la production et
l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques sans
discrimination ».
L’Iran avait donc un droit à l’énergie
nucléaire que la communauté internationale ne pouvait pas lui enlever. Je doute
que Kissinger soit de cet avis. En tout cas, on voit mal comment « l’accord
concède une capacité à l’Iran de développer un arsenal nucléaire » avec toutes les contraintes qui lui sont imposées et sur lesquelles les
diplomates américains n’ont pas jugé bon de s’y attarder. Il sera par exemple interdit à l’Iran de construire de
nouveaux sites d’enrichissement d’uranium d’ici 2030. Pour les sites
existants, l’Iran devra se contenter du
site de Natanz pour l’enrichissement d’uranium. Les diplomates américains ont zappé aussi
qu’il ne sera plus possible pour l’Iran
d’enrichir de l’uranium sur le site de Fordo jusqu’en 2030, ni d’y stocker
du matériel fissile, ni d’effectuer de recherche liée à l’uranium sur ce site,
car celui-ci se trouve enfoui sous une montagne, et par conséquent, impossible
à détruire si une action militaire est décidée contre l’Iran un jour. De plus,
jusqu’en 2025, la recherche et le développement de l’Iran en matière
d’enrichissement de l’uranium sera limitée de telle sorte que le temps qu’il faudrait à l’Iran pour
acquérir suffisamment du matériel fissile pour une arme nucléaire devrait
passer de 2 mois à un an, au minimum. Allez comprendre où les détracteurs
de tous bords de cet accord -Américains, Israéliens et Arabes, Libanais
compris, John McCain en tête, que je regrouperai sous le terme « Kissinger & Co » pour
la suite de l’article- ont pu conclure qu’on a concédé à l’Iran la capacité
de développer un arsenal nucléaire alors qu’il est écrit dans cet
accord noir sur blanc qu’au-delà de
2025, l’Iran se limitera à un plan d’enrichissement, ainsi qu’à un plan de
recherche et de développement sur l’enrichissement, qui devront être soumis au
préalable à l’Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) et au groupe des P5+1 ! Les papis de la diplomatie n’ont
même pas relevé le fait que les Iraniens s’engagent à ne pas construire de
nouveau réacteur à eau lourde jusqu’en 2030 et accepte de détruire le cœur du réacteur au plutonium existant à Arak
ou son transfert en dehors du pays, ainsi que l’affectation du site à la
recherche et à la production d’isotopes médicaux.
Poursuivons. Ces diplomates chevronnés nous
préviennent « que l'Iran sera en mesure
de renforcer sa technologie nucléaire avancée pendant la période de l'accord et de
déployer rapidement des centrifugeuses
plus avancées... après l'expiration de l'accord ou si l’accord est rompu ».
Foutaises, ne serait-ce qu’à cause des nombreuses contraintes que j’ai
développées précédemment. Le contrôle
des centrifugeuses est l’élément clé de l’accord car les centrifugeuses
sont les machines qui permettent l’enrichissement de l’uranium jusqu’à 90%,
seuil nécessaire pour la fabrication d’une bombe nucléaire. Jusqu’en 2035, il sera interdit à l’Iran de fabriquer de
nouvelles centrifugeuses. De plus, l’Iran devra réduire drastiquement le
nombre de centrifugeuses, pour passer
de 19 000 centrifugeuses actuellement, à près de 6 000 de la première
génération (moins performantes), dont 5 000 uniquement pourraient rester
en activité. Kissinger & Co zappent aussi le fait que les centrifugeuses
excédentaires et celles de 2e génération (plus performantes), seront
placées sous le contrôle de l’AIEA. En
plus, jusqu’en 2030, l’Iran ne pourra
pas enrichir l’uranium au-delà de 3,67% (usage civil, notamment pour la
production d’énergie) et ne pourra
utiliser que 300 kg de cet uranium faiblement enrichi, sur un stock total
de 10 000 kg, qui sera placé aussi sous le contrôle de l’AIEA. Pas de doute, il n’y a
pas plus aveugle, que celui qui ne veut pas voir.
Sentant quand même que tous ces arguments
apparaitront faibles pour tout connaisseur de l’accord, les anciens diplomates
américains ont choisi aussi un autre angle d’attaque, semer le douter. C’est un
classique du genre. « Dans un grand
pays avec de multiples installations et une vaste expérience dans la dissimulation
nucléaire, les violations seront
intrinsèquement difficile à détecter ». Là franchement, du grand
n’importe quoi. Pas parce que je fais confiance aux mollahs, mais
parce que le régime iranien a
l’obligation d’autoriser les inspecteurs de l’AIEA d’accéder « à l'ensemble des installations
nucléaires de l'Iran », y compris les sites d’enrichissements
et les mines d’uranium, jusqu’en 2040.
Enno, ces Thomas veulent quoi ?
Un accord qui prévoit le déploiement de toute l’armada occidentale pour
contrôler les sites iraniens jusqu’en l’an de grâce 2345 ? Et ce n’est pas
tout. L’Iran devra permettre à l’AIEA d’enquêter sur n’importe quel « site
suspect » dans le pays et mettre en œuvre un ensemble de mesures
pour répondre aux préoccupations de l'AIEA concernant les dimensions militaires
possibles de son programme.
Allons plus loin, vers un autre angle d’attaque.
« La menace de rétablir des sanctions... sera un processus obscur et difficile à
mettre en œuvre et donne l’avantage à l'Iran ». Alors là, seule la
mauvaise foi peut expliquer cette phrase. Si l’Iran respecte ces contraintes,
ce qui doit être certifié par l’AIEA quand même, l’accord prévoit un allégement
des sanctions prises à l’encontre du pays. Celles prises par le Conseil de
sécurité de l’ONU, seront levées progressivement. Par contre, celles prises par
les Etats-Unis et l’Europe, seront « suspendues », notez bien ce terme qui est sans ambiguïté.
L’accord prévoit que « si l'Iran ne respecte pas ses engagements,
ces sanctions (américaines et européennes) seront rétablies rapidement à tout
moment », notez bien les
termes, là aussi. L’accord envisage même que « l'architecture des sanctions américaines », concernant
le programme nucléaire de l’Iran, sera gardée pour une grande partie de la
durée de l’arrangement, permettant de les rétablir rapidement en cas de
non-respect de l’accord par l’Iran.
Pour donner un peu plus de consistance à
cette argumentation qui reste tout de même rachitique, Kissinger & Co tapent
sur trois cordes sensibles.
1. La
course aux armements nucléaires pour l’Arabie saoudite. Maintenant que « les Etats-Unis sont prêts à concéder
à l’Iran... une capacité nucléaire militaire, plusieurs (des principaux acteurs
au Moyen-Orient, comme l’Arabie saoudite) insisteront pour obtenir au moins,
une capacité équivalente ». Bof, la première partie étant fausse, la
seconde devient alors hypothétique.
2.
L’hégémonie de l’Iran sur le Moyen-Orient. « Un
accord libérant l'Iran des sanctions, risque d’habiliter les efforts
hégémoniques de l'Iran ».
3. L’engagement
accru des Etats-Unis au Moyen-Orient. « Dès
lors que les Etats sunnites se prépareront à résister à un nouvel empire
chiite... cela peut pousser les
Etats-Unis à un engagement plus important (dans la région) ».
Habilitation de l’hégémonie iranienne et
engagement américain accru, parlons-en ! Les deux républicains auraient
été plus crédibles s’ils avaient rappelé que les soupçons sur le programme nucléaire de l’Iran remontent aux années
2002-2003, au moment où les néoconservateurs de leur camp républicain préparaient leur
stupide invasion de l’Irak, pour détruire les soi-disant armes de
destruction massive (ADM) détenus par une dictature arabe sunnite, qui
était inoffensive pour ses voisins à cette époque, n’ayant pas d’ADM et sans
prétention régionale. Rappelons dans ce sillage, que George Shultz himself fut un moment conseiller de W (George Bush) et qu’Henry Kissinger himself, qui est un
admirateur de l’ancien cowboy de la Maison-Blanche, était favorable à cette démonstration de force comme il dit, à 55% ! Les 45% restant sont destinés
sans doute afin qu’on ne le prenne pas pour un stratège raté et naïf, n'ayant pas prévu les conséquences désastreuses de cette stupide décision. En se fixant sur l’Irak du sunnite Saddam Hussein, les
néocons d’Amérique, dont le leader est un Born-Again Christian, ont permis au régime chiite des mollahs, non seulement de contrôler son voisin, mais aussi, aux extrémistes sunnites de « l’Etat islamique / Daech » de naitre et de
s’épanouir, et puisque c’est le sujet de l’article, de développer tranquillement
son programme nucléaire, d’accroitre paisiblement le nombre de
centrifugeuses comme l’a souligné le vieux et d’enrichir sereinement l’uranium,
avec l’aide de la Chine et de la Russie, à l’ombre de l’armada
américaine ! Toutes mes félicitations aux P3, ces trois pays permanents du
Conseil de sécurité, ils méritent vraiment leur siège à New York.
Ce qui est fait étant fait, reste à savoir
comment s’en sortir aujourd’hui ? Sur ce point, nos diplomates
chevronnés restent évasifs. Ils appellent les Etats-Unis à avoir « une
doctrine stratégique pour la région... forçant
l’Iran à accepter des contraintes sur sa capacité à déstabiliser le
Moyen-Orient et à contester l’ordre international ». Quel rapport direct avec le nucléaire
iranien ? Aucun. Là, c’est de la politique internationale dont il
s’agit, qui n’a rien avoir avec l’article 4 du TNT. Dans tous les cas, sachez
qu’il est convenu dans l’accord que « les
sanctions américaines contre l'Iran, concernant le terrorisme, les violations
des droits de l'homme et les missiles balistiques resteront en place ». Il
est également clairement stipulé que les dispositions des résolutions du
Conseil de sécurité concernant « les transferts de technologies et des
activités sensibles » seront reconduites dans la nouvelle résolution de
l’ONU, qui imposera à l’Iran « d'importantes
restrictions sur les armes conventionnelles et les missiles balistiques »
et inclura « des dispositions permettant
les inspections des frets et le gel des avoirs qui leur sont liées ».
En lisant les arguments des détracteurs de cet accord international, merveilleusement
représentés par Henry Kissinger et George Shultz, je crois que les mécontents commettent
trois erreurs d’appréciation.
La première, c’est d’oublier que toute
négociation doit se fixer des objectifs
clairs et réalisables. Oui ça serait bien de parler avec l’Iran de son
ingérence dans les affaires arabes en Irak, en Syrie, au Liban, au Bahreïn et
au Yémen, mais c’est s’assurer d’une chose : ne pas avancer sur aucun
dossier. Voilà pourquoi, ces
négociations se sont limitées au dossier nucléaire. Il faut être Libanais
pour croire que notre « dossier présidentiel » était lié à leur « dossier
nucléaire ».
La seconde, c’est de ne pas comprendre que
lorsqu’on a un passif aussi chargé qu’avec l’Iran, mieux vaux limiter les objectifs à la résolution des problèmes
les plus urgents. Il est incontestable que l’urgence était d’empêcher
l’Iran d’accéder à la bombe nucléaire. Les raisons ne manquent pas, en voici
les cinq principales. Un « Iran militairement
nucléarisé » :
1. ferait prendre à toutes les populations
de la région, iranienne en premier, le risque intrinsèque lié aux activités nucléaires ;
2. rendrait le Moyen-Orient incontrôlable à
cause de l’ingérence de l’Iran dans les affaires arabes (les menaces militaires
ne fonctionneraient plus) ;
3. relancerait la course aux armements
conventionnels pour tous les pays de la région (pays arabes, Israël,
Turquie) ;
4. poussera les grandes puissances arabes sunnites,
à mettre rapidement en route des programmes nucléaires (Arabie saoudite et
Egypte);
5. fera planer sur la région du Moyen-Orient
la menace d’une guerre nucléaire (l’Iran possédant déjà des missiles
balistiques).
La troisième, c’est de zapper une règle de
base en matière d’action, les objectifs
doivent être atteints au moindre coût. Il est clair que si l’accord est conclu dans les mois qui
viennent, l’Iran n’aura plus les moyens de fabriquer une bombe, même à long
terme. Les détracteurs de l’accord pestent en avançant que rien ne permet
d’en être entièrement sûr. Une guerre ouverte et l’isolement total de l’Iran encore
moins ! Et c’est sans parler du coût exorbitant et des conséquences d’une
telle aventure hasardeuse à long terme, alors que le Moyen-Orient est plongé dans
le chaos plus qu’à aucun autre moment de son histoire.
Pour être complet sur le sujet, il convient
de préciser que dans cet accord le groupe des P5+1 et l’Iran se sont entendus sur les « paramètres clés » de l’accord final sur le programme
nucléaire iranien. Néanmoins, « des
détails importants sont encore soumis à la négociation ». Cela
concerne les détails techniques de la mise en œuvre mais aussi le casse-tête du
calendrier de la levée des sanctions. L’accord final doit aussi déterminer le « processus de résolution des
différends » et inscrire noir sur blanc, qu’à défaut, « toutes
les sanctions précédentes de l'ONU pourraient être de nouveau imposées ».
Il sera rédigé selon un principe qui figure dans l’introduction de
l’accord préliminaire : « rien n’est convenu tant que tout
n’est pas convenu ». Il
doit faire l’objet d’une résolution spéciale du Conseil de sécurité. La date
butoir est fixée au 30 juin. D’ici là, tout le monde sait, de Barack Obama à
Ali Khamenei, en passant par Henry Kissinger et Bakhos Baalbaki, que le diable se cache justement dans les
détails. D’où le scepticisme anticipé de certains, notamment
du Guide suprême de la République islamique d’Iran, qui serait soi-disant « ni pour ni contre » l’accord
final.
Si
l’Iran tire un certain avantage de cet accord, c’est normal, sinon il n’y aurait
pas eu de deal mon cher Watson. En tout cas, le Moyen-Orient en tire bien davantage, pour les raisons inverses
de celles exposées précédemment. Cet
accord est une bonne nouvelle à la fois pour le peuple iranien et tous les
peuples arabes, ainsi que pour la population israélienne. Il n’est mauvais qu’aux
yeux des dirigeants d’Israël, d’où la charge de l’ancien Secrétaire d’Etat
américain. Selon le Premier ministre israélien, « l’accord est mauvais pour Israël, pour la région et pour le
monde ». Comme par hasard !
A ce propos, il est intéressant de constater
que le tour de passe-passe d’Henry
Kissinger dans le WSJ était prodigieux, comme la déclaration à chaud de Benjamin Netanyahu et son show à l’ONU en
septembre 2012 (photo de couverture). Les deux hommes nous font presque
oublier que l’Etat
hébreux dispose de l’arme nucléaire depuis les années 60 (obtenue avec
l’aide de la France, de la Grande-Bretagne et d’Afrique du Sud), il stockerait jusqu’à 400 ogives nucléaires
dans le pays et produirait une quinzaine de bombes nucléaires par an. En plus, Israël détient tous les vecteurs pour les envoyer aux quatre coins du monde : des bombardiers fournis par les Etats-Unis, des missiles balistiques fabriqués en Israël d’une portée allant
jusqu’à 6 800 km (Jéricho III, peut transporter plusieurs têtes nucléaires et atteindre n'importe quelle ville moyen-orientale et même européenne, et une grande partie des villes africaines et asiatiques, Riyad, Téhéran, Istanbul, Paris, Londres et Moscou comprises) et cinq sous-marins
nucléaires livrés par l’Allemagne, deux à titre gratuit, un à moitié prix,
le dernier sera remis très prochainement et un sixième est d'ores et déjà prévu ! Israël qui possède donc de quoi raser
tout le Moyen-Orient, 3an bekrit abih,
et une grande partie du monde, n’est pas de surcroit signataire du TNT,
ni soumis à aucun contrôle de quelque nature que ce soit de la part de l’AIEA, contrairement à l'Iran comme on l'a vu précédemment.
Tout cela sans que le Conseil de sécurité
ne s’en émeuve pour autant, alors qu’Israël
fait courir à toutes les populations de la région, les risques d’un accident
nucléaire grave, comme celui de Fukushima, sachant qu’un grand séisme
frappera la Méditerranée orientale prochainement, et d’une attaque nucléaire probable contre ses voisins arabes et perse,
comme celle d’Hiroshima, si l’Etat hébreux se trouverait un jour en
difficulté sur le plan militaire. Vous trouvez que cela relève de la fiction ? Détrompez-vous, ce fut le cas durant la guerre d’Octobre en 1973 (guerre de Kippour) où devant
l’avancée fulgurante conjointe des armées arabes d’Egypte et de Syrie sur les
fronts du Sinaï et du Golan, et l’effondrement des lignes de défenses
israéliennes, « l’option nucléaire »
fut sérieusement proposée à la Première ministre israélienne, Golda Meir,
lorsque Moshe Dayan, ministre israélien de la Défense avait exprimé ses
inquiétudes sur une éventuelle «
destruction du troisième Temple », l’Etat d’Israël. Sacré Kissinger, il avait
oublié ce détail ! Et pourtant, personne ne connait mieux cette anecdote
que lui. C’était 15 jours après sa prise de fonction en tant que Secrétaire d'Etat !
Au-delà de l’objectif principal des
négociations, empêcher l’Iran d’accéder à la bombe nucléaire, le deal, dans son chapitre qui prévoit
la levée des sanctions (ONU, américaine et européenne), permettra peut-être d’atteindre des buts secondaires, en donnant de
l’air aux courants réformateurs dans la République islamique d’Iran. Quelle
chance de réussite avec les mollahs ? Infinitésimale, sauf que ce n’est pas du côté du
régime iranien qu’il faut regarder, mais du côté du peuple iranien. Il ne faut pas se leurrer, le droit de
l’Iran au nucléaire civil, fait l’unanimité en Iran. C’est dans ce cadre qu’il
faut placer les manifestations spontanées de joie des jeunes iraniens dans les
rues de Téhéran après l’annonce de l’accord. Ce deal met en sourdine le ressentiment d’une population frappée
indirectement par les sanctions économiques imposées à l’Iran. Rester
bloquer sur ce point, ad vitam æternam, c’est donné toutes les raisons aux
Iraniens de demeurer méfiants de l’Occident et solidaires du régime des mollahs
sur cette question hautement nationaliste. L’histoire ne s’arrête pas là,
évidemment. Il ne faut pas non plus déplacer
les problèmes en fuyant les responsabilités, comme on le fait souvent au
Moyen-Orient. Aujourd’hui, plus que jamais, c’est aux 78 millions d’Iraniens de lancer le « printemps perse », pour réformer ce pays bloqué depuis 36
ans par un régime théocratique asphyxiant et pour mettre un terme au
prosélytisme polico-militaro-religieux des mollahs au sein des communautés arabo-chiites du monde arabo-sunnite, seul responsable de la mise au ban des
nations de ce géant du Moyen-Orient. Ce n’est ni aux Américains ni aux Européens de le faire. Comme le
dit si bien Kissinger, enfin nous sommes d’accord sur au moins quelque chose :
« L’histoire ne fera pas le travail pour nous, elle aide uniquement
ceux qui cherchent à s’aider eux-mêmes ». Avec ce coup de pouce, les
Iraniens ont maintenant une occasion en or de montrer au monde entier qu’ils désapprouvent
la politique menée en leur nom. Sinon, à l'avenir, ils n’auront plus que leurs yeux pour pleurer de nouveau.