dimanche 12 avril 2015

Kissinger & Co disent tout bas ce qu’Israël pense tout haut de l’accord nucléaire avec l’Iran (Art.283)


Ce n’est pas banal que deux anciens Secrétaires d’Etat américains, sous Nixon, Ford et Reagan, s’associent pour publier un article le 7 avril dans le prestigieux Wall Street Journal (WSJ), sur l’accord de principe concernant le dossier nucléaire iranien qui a été conclu quelques jours auparavant entre la communauté internationale -représentée par les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France, le Royaume uni et l’Allemagne (groupe des P5+1)- et la République islamique d’Iran.

Commençons si vous voulez bien par situer les deux hommes sur l’échiquier oriental. Henry Kissinger (HK) a accompagné les préparatifs et le déclenchement de la guerre civile libanaise (1969-1977, en tant que conseiller à la Sécurité nationale, puis Secrétaire d'Etat), George Shultz (GS), son paroxysme (1982-1989, en tant que Secrétaire d'Etat). Les Accords du Caire, l'implantation de l'OLP au Liban, la guerre d'Octobre, la tranquillité dans le Golan (entre la Syrie et Israël), l’invasion palestinienne du Liban et « la route de Jérusalem passe par Ouyoun el-Siman, Antoura et Jounieh », ce qui devait libérer l’Etat hébreux du droit de retour des réfugiés palestiniens chassés de leurs terres en offrant le Liban aux Palestiniens en compensation, c’était au cours du règne du premier. L’invasion israélienne du Liban et « Mikhael el-Daher ou le chaos », ce qui devait combler les desiderata de la Syrie en lui offrant le Liban dans les deux cas, c’était l’époque du second. C’est de l’histoire ancienne, mais c’est pour vous dire combien ces diplomates républicains portent le Liban et le Moyen-Orient, pardon, je veux dire Israël et ses intérêts, dans leurs cœurs et leur esprits.

Dès l’entrée en matière, les anciens Secrétaires d’Etat nous glacent le sang en affirmant que « les négociations... visant à prévenir une capacité iranienne de développer un arsenal nucléaire, se terminent avec un accord qui concède cette capacité (à l’Iran) ». Pour le prouver, HK & GS expliquent que le nombre de centrifugeuses de l’Iran sont passés de 100 à 20 000 au cours des négociations. C’est une opinion qui vaut d’autres sauf que les deux papis de la diplomatie américaine, âgés respectivement de 92 et de 95 ans, semblent oublier un détail du droit international, l’article 4 du Traité de non-prolifération (TNP), dont l’Iran est signataire, et qui précise : « Aucune disposition du présent Traité ne sera interprétée comme portant atteinte au droit inaliénable de toutes les Parties au Traité de développer la recherche, la production et l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques sans discrimination ».

L’Iran avait donc un droit à l’énergie nucléaire que la communauté internationale ne pouvait pas lui enlever. Je doute que Kissinger soit de cet avis. En tout cas, on voit mal comment « l’accord concède une capacité à l’Iran de développer un arsenal nucléaire » avec toutes les contraintes qui lui sont imposées et sur lesquelles les diplomates américains n’ont pas jugé bon de s’y attarder. Il sera par exemple interdit à l’Iran de construire de nouveaux sites d’enrichissement d’uranium d’ici 2030. Pour les sites existants, l’Iran devra se contenter du site de Natanz pour l’enrichissement d’uranium. Les diplomates américains ont zappé aussi qu’il ne sera plus possible pour l’Iran d’enrichir de l’uranium sur le site de Fordo jusqu’en 2030, ni d’y stocker du matériel fissile, ni d’effectuer de recherche liée à l’uranium sur ce site, car celui-ci se trouve enfoui sous une montagne, et par conséquent, impossible à détruire si une action militaire est décidée contre l’Iran un jour. De plus, jusqu’en 2025, la recherche et le développement de l’Iran en matière d’enrichissement de l’uranium sera limitée de telle sorte que le temps qu’il faudrait à l’Iran pour acquérir suffisamment du matériel fissile pour une arme nucléaire devrait passer de 2 mois à un an, au minimum. Allez comprendre où les détracteurs de tous bords de cet accord -Américains, Israéliens et Arabes, Libanais compris, John McCain en tête, que je regrouperai sous le terme « Kissinger & Co » pour la suite de l’article- ont pu conclure qu’on a concédé à l’Iran la capacité de développer un arsenal nucléaire alors qu’il est écrit dans cet accord noir sur blanc qu’au-delà de 2025, l’Iran se limitera à un plan d’enrichissement, ainsi qu’à un plan de recherche et de développement sur l’enrichissement, qui devront être soumis au préalable à l’Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) et au groupe des P5+1 ! Les papis de la diplomatie n’ont même pas relevé le fait que les Iraniens s’engagent à ne pas construire de nouveau réacteur à eau lourde jusqu’en 2030 et accepte de détruire le cœur du réacteur au plutonium existant à Arak ou son transfert en dehors du pays, ainsi que l’affectation du site à la recherche et à la production d’isotopes médicaux.

Poursuivons. Ces diplomates chevronnés nous préviennent « que l'Iran sera en mesure de renforcer sa technologie nucléaire avancée pendant la période de l'accord et de déployer rapidement des centrifugeuses plus avancées... après l'expiration de l'accord ou si l’accord est rompu ». Foutaises, ne serait-ce qu’à cause des nombreuses contraintes que j’ai développées précédemment. Le contrôle des centrifugeuses est l’élément clé de l’accord car les centrifugeuses sont les machines qui permettent l’enrichissement de l’uranium jusqu’à 90%, seuil nécessaire pour la fabrication d’une bombe nucléaire. Jusqu’en 2035, il sera interdit à l’Iran de fabriquer de nouvelles centrifugeuses. De plus, l’Iran devra réduire drastiquement le nombre de centrifugeuses, pour passer de 19 000 centrifugeuses actuellement, à près de 6 000 de la première génération (moins performantes), dont 5 000 uniquement pourraient rester en activité. Kissinger & Co zappent aussi le fait que les centrifugeuses excédentaires et celles de 2e génération (plus performantes), seront placées sous le contrôle de l’AIEA. En plus, jusqu’en 2030, l’Iran ne pourra pas enrichir l’uranium au-delà de 3,67% (usage civil, notamment pour la production d’énergie) et ne pourra utiliser que 300 kg de cet uranium faiblement enrichi, sur un stock total de 10 000 kg, qui sera placé aussi sous le contrôle de l’AIEA. Pas de doute, il n’y a pas plus aveugle, que celui qui ne veut pas voir.

Sentant quand même que tous ces arguments apparaitront faibles pour tout connaisseur de l’accord, les anciens diplomates américains ont choisi aussi un autre angle d’attaque, semer le douter. C’est un classique du genre. « Dans un grand pays avec de multiples installations et une vaste expérience dans la dissimulation nucléaire, les violations seront intrinsèquement difficile à détecter ». Là franchement, du grand n’importe quoi. Pas parce que je fais confiance aux mollahs, mais parce que le régime iranien a l’obligation d’autoriser les inspecteurs de l’AIEA d’accéder « à l'ensemble des installations nucléaires de l'Iran », y compris les sites d’enrichissements et les mines d’uranium, jusqu’en 2040. Enno, ces Thomas veulent quoi ? Un accord qui prévoit le déploiement de toute l’armada occidentale pour contrôler les sites iraniens jusqu’en l’an de grâce 2345 ? Et ce n’est pas tout. L’Iran devra permettre à l’AIEA d’enquêter sur n’importe quel « site suspect » dans le pays et mettre en œuvre un ensemble de mesures pour répondre aux préoccupations de l'AIEA concernant les dimensions militaires possibles de son programme.

Allons plus loin, vers un autre angle d’attaque. « La menace de rétablir des sanctions... sera un processus obscur et difficile à mettre en œuvre et donne l’avantage à l'Iran ». Alors là, seule la mauvaise foi peut expliquer cette phrase. Si l’Iran respecte ces contraintes, ce qui doit être certifié par l’AIEA quand même, l’accord prévoit un allégement des sanctions prises à l’encontre du pays. Celles prises par le Conseil de sécurité de l’ONU, seront levées progressivement. Par contre, celles prises par les Etats-Unis et l’Europe, seront « suspendues », notez bien ce terme qui est sans ambiguïté. L’accord prévoit que « si l'Iran ne respecte pas ses engagements, ces sanctions (américaines et européennes) seront rétablies rapidement à tout moment », notez bien les termes, là aussi. L’accord envisage même que « l'architecture des sanctions américaines », concernant le programme nucléaire de l’Iran, sera gardée pour une grande partie de la durée de l’arrangement, permettant de les rétablir rapidement en cas de non-respect de l’accord par l’Iran.

Pour donner un peu plus de consistance à cette argumentation qui reste tout de même rachitique, Kissinger & Co tapent sur trois cordes sensibles.
1. La course aux armements nucléaires pour l’Arabie saoudite. Maintenant que « les Etats-Unis sont prêts à concéder à l’Iran... une capacité nucléaire militaire, plusieurs (des principaux acteurs au Moyen-Orient, comme l’Arabie saoudite) insisteront pour obtenir au moins, une capacité équivalente ». Bof, la première partie étant fausse, la seconde devient alors hypothétique.
2. L’hégémonie de l’Iran sur le Moyen-Orient. « Un accord libérant l'Iran des sanctions, risque d’habiliter les efforts hégémoniques de l'Iran ».
3. L’engagement accru des Etats-Unis au Moyen-Orient. « Dès lors que les Etats sunnites se prépareront à résister à un nouvel empire chiite... cela peut pousser les Etats-Unis à un engagement plus important (dans la région) ».

Habilitation de l’hégémonie iranienne et engagement américain accru, parlons-en ! Les deux républicains auraient été plus crédibles s’ils avaient rappelé que les soupçons sur le programme nucléaire de l’Iran remontent aux années 2002-2003, au moment où les néoconservateurs de leur camp républicain préparaient leur stupide invasion de l’Irak, pour détruire les soi-disant armes de destruction massive (ADM) détenus par une dictature arabe sunnite, qui était inoffensive pour ses voisins à cette époque, n’ayant pas d’ADM et sans prétention régionale. Rappelons dans ce sillage, que George Shultz himself fut un moment conseiller de W (George Bush) et qu’Henry Kissinger himself, qui est un admirateur de l’ancien cowboy de la Maison-Blanche, était favorable à cette démonstration de force comme il dit, à 55% ! Les 45% restant sont destinés sans doute afin qu’on ne le prenne pas pour un stratège raté et naïf, n'ayant pas prévu les conséquences désastreuses de cette stupide décision. En se fixant sur l’Irak du sunnite Saddam Hussein, les néocons d’Amérique, dont le leader est un Born-Again Christian, ont permis au régime chiite des mollahs, non seulement de contrôler son voisin, mais aussi, aux extrémistes sunnites de « l’Etat islamique / Daech » de naitre et de s’épanouir, et puisque c’est le sujet de l’article, de développer tranquillement son programme nucléaire, d’accroitre paisiblement le nombre de centrifugeuses comme l’a souligné le vieux et d’enrichir sereinement l’uranium, avec l’aide de la Chine et de la Russie, à l’ombre de l’armada américaine ! Toutes mes félicitations aux P3, ces trois pays permanents du Conseil de sécurité, ils méritent vraiment leur siège à New York.

Ce qui est fait étant fait, reste à savoir comment s’en sortir aujourd’hui ? Sur ce point, nos diplomates chevronnés restent évasifs. Ils appellent les Etats-Unis à avoir « une doctrine stratégique pour la région... forçant l’Iran à accepter des contraintes sur sa capacité à déstabiliser le Moyen-Orient et à contester l’ordre international ». Quel rapport direct avec le nucléaire iranien ? Aucun. Là, c’est de la politique internationale dont il s’agit, qui n’a rien avoir avec l’article 4 du TNT. Dans tous les cas, sachez qu’il est convenu dans l’accord que « les sanctions américaines contre l'Iran, concernant le terrorisme, les violations des droits de l'homme et les missiles balistiques resteront en place ». Il est également clairement stipulé que les dispositions des résolutions du Conseil de sécurité concernant « les transferts de technologies et des activités sensibles » seront reconduites dans la nouvelle résolution de l’ONU, qui imposera à l’Iran « d'importantes restrictions sur les armes conventionnelles et les missiles balistiques » et inclura « des dispositions permettant les inspections des frets et le gel des avoirs qui leur sont liées ».

En lisant les arguments des détracteurs de cet accord international, merveilleusement représentés par Henry Kissinger et George Shultz, je crois que les mécontents commettent trois erreurs d’appréciation.

La première, c’est d’oublier que toute négociation doit se fixer des objectifs clairs et réalisables. Oui ça serait bien de parler avec l’Iran de son ingérence dans les affaires arabes en Irak, en Syrie, au Liban, au Bahreïn et au Yémen, mais c’est s’assurer d’une chose : ne pas avancer sur aucun dossier. Voilà pourquoi, ces négociations se sont limitées au dossier nucléaire. Il faut être Libanais pour croire que notre « dossier présidentiel » était lié à leur « dossier nucléaire ».

La seconde, c’est de ne pas comprendre que lorsqu’on a un passif aussi chargé qu’avec l’Iran, mieux vaux limiter les objectifs à la résolution des problèmes les plus urgents. Il est incontestable que l’urgence était d’empêcher l’Iran d’accéder à la bombe nucléaire. Les raisons ne manquent pas, en voici les cinq principales. Un « Iran militairement nucléarisé » :
1. ferait prendre à toutes les populations de la région, iranienne en premier, le risque intrinsèque lié aux activités nucléaires ;
2. rendrait le Moyen-Orient incontrôlable à cause de l’ingérence de l’Iran dans les affaires arabes (les menaces militaires ne fonctionneraient plus) ;
3. relancerait la course aux armements conventionnels pour tous les pays de la région (pays arabes, Israël, Turquie) ;
4. poussera les grandes puissances arabes sunnites, à mettre rapidement en route des programmes nucléaires (Arabie saoudite et Egypte);
5. fera planer sur la région du Moyen-Orient la menace d’une guerre nucléaire (l’Iran possédant déjà des missiles balistiques).

La troisième, c’est de zapper une règle de base en matière d’action, les objectifs doivent être atteints au moindre coût. Il est clair que si l’accord est conclu dans les mois qui viennent, l’Iran n’aura plus les moyens de fabriquer une bombe, même à long terme. Les détracteurs de l’accord pestent en avançant que rien ne permet d’en être entièrement sûr. Une guerre ouverte et l’isolement total de l’Iran encore moins ! Et c’est sans parler du coût exorbitant et des conséquences d’une telle aventure hasardeuse à long terme, alors que le Moyen-Orient est plongé dans le chaos plus qu’à aucun autre moment de son histoire.

Pour être complet sur le sujet, il convient de préciser que dans cet accord le groupe des P5+1 et l’Iran se sont entendus sur les « paramètres clés » de l’accord final sur le programme nucléaire iranien. Néanmoins, « des détails importants sont encore soumis à la négociation ». Cela concerne les détails techniques de la mise en œuvre mais aussi le casse-tête du calendrier de la levée des sanctions. L’accord final doit aussi déterminer le « processus de résolution des différends » et inscrire noir sur blanc, qu’à défaut, « toutes les sanctions précédentes de l'ONU pourraient être de nouveau imposées ». Il sera rédigé selon un principe qui figure dans l’introduction de l’accord préliminaire : « rien n’est convenu tant que tout n’est pas convenu ». Il doit faire l’objet d’une résolution spéciale du Conseil de sécurité. La date butoir est fixée au 30 juin. D’ici là, tout le monde sait, de Barack Obama à Ali Khamenei, en passant par Henry Kissinger et Bakhos Baalbaki, que le diable se cache justement dans les détails. D’où le scepticisme anticipé de certains, notamment du Guide suprême de la République islamique d’Iran, qui serait soi-disant « ni pour ni contre » l’accord final.

Si l’Iran tire un certain avantage de cet accord, c’est normal, sinon il n’y aurait pas eu de deal mon cher Watson. En tout cas, le Moyen-Orient en tire bien davantage, pour les raisons inverses de celles exposées précédemment. Cet accord est une bonne nouvelle à la fois pour le peuple iranien et tous les peuples arabes, ainsi que pour la population israélienne. Il n’est mauvais qu’aux yeux des dirigeants d’Israël, d’où la charge de l’ancien Secrétaire d’Etat américain. Selon le Premier ministre israélien, « l’accord est mauvais pour Israël, pour la région et pour le monde ». Comme par hasard !

A ce propos, il est intéressant de constater que le tour de passe-passe d’Henry Kissinger dans le WSJ était prodigieux, comme la déclaration à chaud de Benjamin Netanyahu et son show à l’ONU en septembre 2012 (photo de couverture). Les deux hommes nous font presque oublier que l’Etat hébreux dispose de l’arme nucléaire depuis les années 60 (obtenue avec l’aide de la France, de la Grande-Bretagne et d’Afrique du Sud), il stockerait jusqu’à 400 ogives nucléaires dans le pays et produirait une quinzaine de bombes nucléaires par an. En plus, Israël détient tous les vecteurs pour les envoyer aux quatre coins du monde : des bombardiers fournis par les Etats-Unis, des missiles balistiques fabriqués en Israël d’une portée allant jusqu’à 6 800 km (Jéricho III, peut transporter plusieurs têtes nucléaires et atteindre n'importe quelle ville moyen-orientale et même européenne, et une grande partie des villes africaines et asiatiques, Riyad, Téhéran, Istanbul, Paris, Londres et Moscou comprises) et cinq sous-marins nucléaires livrés par l’Allemagne, deux à titre gratuit, un à moitié prix, le dernier sera remis très prochainement et un sixième est d'ores et déjà prévu ! Israël qui possède donc de quoi raser tout le Moyen-Orient, 3an bekrit abih, et une grande partie du monde, n’est pas de surcroit signataire du TNT, ni soumis à aucun contrôle de quelque nature que ce soit de la part de l’AIEA, contrairement à l'Iran comme on l'a vu précédemment.

Tout cela sans que le Conseil de sécurité ne s’en émeuve pour autant, alors qu’Israël fait courir à toutes les populations de la région, les risques d’un accident nucléaire grave, comme celui de Fukushima, sachant qu’un grand séisme frappera la Méditerranée orientale prochainement, et d’une attaque nucléaire probable contre ses voisins arabes et perse, comme celle d’Hiroshima, si l’Etat hébreux se trouverait un jour en difficulté sur le plan militaire. Vous trouvez que cela relève de la fiction ? Détrompez-vous, ce fut le cas durant la guerre d’Octobre en 1973 (guerre de Kippour) où devant l’avancée fulgurante conjointe des armées arabes d’Egypte et de Syrie sur les fronts du Sinaï et du Golan, et l’effondrement des lignes de défenses israéliennes, « l’option nucléaire » fut sérieusement proposée à la Première ministre israélienne, Golda Meir, lorsque Moshe Dayan, ministre israélien de la Défense avait exprimé ses inquiétudes sur une éventuelle « destruction du troisième Temple », l’Etat d’Israël. Sacré Kissinger, il avait oublié ce détail ! Et pourtant, personne ne connait mieux cette anecdote que lui. C’était 15 jours après sa prise de fonction en tant que Secrétaire d'Etat !

Au-delà de l’objectif principal des négociations, empêcher l’Iran d’accéder à la bombe nucléaire, le deal, dans son chapitre qui prévoit la levée des sanctions (ONU, américaine et européenne), permettra peut-être d’atteindre des buts secondaires, en donnant de l’air aux courants réformateurs dans la République islamique d’Iran. Quelle chance de réussite avec les mollahs ? Infinitésimale, sauf que ce n’est pas du côté du régime iranien qu’il faut regarder, mais du côté du peuple iranien. Il ne faut pas se leurrer, le droit de l’Iran au nucléaire civil, fait l’unanimité en Iran. C’est dans ce cadre qu’il faut placer les manifestations spontanées de joie des jeunes iraniens dans les rues de Téhéran après l’annonce de l’accord. Ce deal met en sourdine le ressentiment d’une population frappée indirectement par les sanctions économiques imposées à l’Iran. Rester bloquer sur ce point, ad vitam æternam, c’est donné toutes les raisons aux Iraniens de demeurer méfiants de l’Occident et solidaires du régime des mollahs sur cette question hautement nationaliste. L’histoire ne s’arrête pas là, évidemment. Il ne faut pas non plus déplacer les problèmes en fuyant les responsabilités, comme on le fait souvent au Moyen-Orient. Aujourd’hui, plus que jamais, c’est aux 78 millions d’Iraniens de lancer le « printemps perse », pour réformer ce pays bloqué depuis 36 ans par un régime théocratique asphyxiant et pour mettre un terme au prosélytisme polico-militaro-religieux des mollahs au sein des communautés arabo-chiites du monde arabo-sunnite, seul responsable de la mise au ban des nations de ce géant du Moyen-Orient. Ce n’est ni aux Américains ni aux Européens de le faire. Comme le dit si bien Kissinger, enfin nous sommes d’accord sur au moins quelque chose : « L’histoire ne fera pas le travail pour nous, elle aide uniquement ceux qui cherchent à s’aider eux-mêmes ». Avec ce coup de pouce, les Iraniens ont maintenant une occasion en or de montrer au monde entier qu’ils désapprouvent la politique menée en leur nom. Sinon, à l'avenir, ils n’auront plus que leurs yeux pour pleurer de nouveau.