Rencontre de Barack Obama avec Vladimir
Poutine, le 28 septembre 2015 à New York, dans le cadre de la 70e Assemblée générale des Nations unies. Photo Kremlin |
Si
l’Occident
n’est pas intervenu massivement en Syrie
à ce jour, ce n’est pas parce qu’il n’a pas bon cœur, mais parce que le
cœur n’y était pas. Nuance. L’accueil massif, généreux et bienveillant des
réfugiés syriens actuellement, prouve que les Occidentaux ont bel et bien bon cœur,
le problème n’est donc pas là. Si leur cœur n’y était pas pour une grande intervention
en Syrie, c’est parce que les intérêts
vitaux des pays occidentaux n’étaient pas menacés et le dossier syrien est bien
complexe. Daech (l’Etat islamique), pas plus que le régime syrien, ne
représente un risque sérieux pour l’Occident. Certains pensent que Bachar
el-Assad n’est pas une menace pour les pays occidentaux. Et c’est vrai. Le « Lapin
du Golan » porte bien le surnom taillé pour son père. Mais à vrai dire,
n’est-ce pas valable pour Daech aussi ?
L’éloignement territorial, les mesures
sécuritaires drastiques, la puissance militaire, la marge de manœuvre, les
ressources financières et bien d’autres paramètres, mettent les Etats-Unis à l’abri d’une attaque sérieuse
d’origine syro-irakienne. La plus grande menace djihadiste qui a frappé l’Amérique
fait partie du passé. Ce fut le 11-Septembre (2001). Les chances pour que « l’Etat
islamique en Irak et au Levant (Syrie) » battent ce sinistre record
d’al-Qaeda, sont infinitésimales, au moins pour l'instant.
Pour l’Europe
les choses sont un peu différentes. Pas d’intérêts vitaux en jeu comme pour les
Etats-Unis et pas de risques majeurs. Le
conflit syrien a deux conséquences directes sur le Vieux Continent. On peut
les représenter par ce chassé-croisé
auquel nous assistons depuis un certain temps aux larges de la Méditerranée, entre
les réfugiés syriens, qui vont vers
l’Europe, et les djihadistes européens,
qui se rendent en Syrie. Mais les enjeux humanitaire et sécuritaire de l’un et
de l’autre, ne peuvent pas être déterminants dans la politique européenne en
Syrie.
En dépit du drame humain, plusieurs
éléments permettent de nuancer l’influence
du facteur des réfugiés syriens sur la politique de l’Union européenne en Syrie.
Loin du sentimentalisme des bisounours en chair et en os, tout le monde sait
que l’Europe accueillera un certain nombre de réfugiés. Qu’importe le chiffre, c’est
son devoir de bastion des droits de l’homme. Nous savons aussi que l’Union
européenne sera amenée ensuite, hélas, à fermer ses frontières. C’est le cas
d’ailleurs, même pour l’Allemagne. On aura toutes les raisons humaines de
contester cela, mais un tour au Liban, en Jordanie et en Turquie, permettra de
mieux comprendre ce genre de décision au goût bien amer.
Cela dit, pour le besoin du débat,
supposons que le facteur des réfugiés doit influencer la politique européenne
en Syrie. Rien ne permet d’avancer
qu’une intervention massive de l’Europe au Moyen-Orient, limitera l’afflux de
réfugiés vers le Vieux Continent à l’avenir. D’abord, parce qu’il semble
que la grande majorité des réfugiés qui débarquent en Europe, ne viennent pas
fraichement de Syrie, mais résidaient dans les pays limitrophes de la Syrie et
depuis un moment. Donc, ce qui pousse ces personnes à partir ce sont les
conditions de vie déplorables dans les pays d’accueil en Orient et ce grand
espoir d’un avenir meilleur en Occident, plutôt que les frayeurs directes de la
guerre civile syrienne. Ensuite, parce que seulement 18,5 % des demandeurs
d’asile dans l’Union européenne pour le 1er semestre de l’année 2015
sont des Syriens. Intervenir en Syrie ne permettra donc pas de zapper 81,5 %
des demandes d’asiles concernant des migrants non-syriens (notamment
Afghans ; près de 10 % en 2015). On s’attend à 800 000 demandes d’asile
pour l’année 2015, rien que pour l’Allemagne. Enfin, parce qu’en dépit d’une
intervention musclée politico-militaire au Kosovo et en Serbie (1999-2008), comme
celle qu’on réclame pour la Syrie, 15,5 % des demandes d’asile pour l’année
2015, sont encore déposées par des Kosovars. C’est pour dire !
Idem, en dépit du risque sécuritaire,
plusieurs éléments permettent de nuancer
l’influence du facteur des djihadistes européens sur la politique de l’Union
européenne en Syrie. D’abord, parce que l’objectif principal de
l’organisation terroriste Daech reste l’élimination du régime syrien. Ensuite,
comme l’a prouvé plusieurs attaques terroristes menées sur le sol européen, le
lien direct avec « l’Etat islamique » (EI) n’est pas toujours établi.
Les Kouachi, responsables de l’attaque la plus meurtrière en Europe ces
derniers temps, ne se sont jamais rendus sur les territoires de l’EI. Enfin, la
menace terroriste des Européens est surestimée et le verrouillage sécuritaire
de l’Europe est sous-estimé. Le nombre d’attaques terroristes frappant l’Europe
depuis la naissance de Daech il y a dix ans demeure négligeable. On meurt bien
davantage des accidents de la route et des accidents domestiques, du tabac et
de l’alcool, du suicide et des violences conjugales, que du terrorisme de Daech
& Co.
On
voit bien avec ce survol de la situation syrienne que les pays occidentaux,
Etats-Unis et Union européenne en tête, n’ont pas un intérêt stratégique majeur
pour intervenir de tout leur poids en Syrie. C’est
d’autant plus valide que le dossier syrien est bien compliqué, les risques
sont très importants, l’enlisement est grand et les prévisions économiques en
Occident ne sont pas au beau fixe. Inutile de préciser aussi, que toute
intervention occidentale massive en Syrie, dans un tel contexte, n’aura pas le
plébiscite des populations occidentales. Il
n’y a qu’un homme qui a intérêt à pousser les dirigeants occidentaux dans le
marécage syrien et dans un but bien déterminé, c’est Vladimir Poutine.
Le président russe est un piètre stratège,
n’en déplaise à ses admirateurs en Orient comme en Occident. Ses manœuvres militaro-politiques depuis
quelques mois, menées dans le seul but de réhabiliter son poulain, Bachar
el-Assad, sous prétexte de former une coalition internationale pour combattre le
« terrorisme », sont vouées à
l’échec, pour les raisons évoquées précédemment et qu’on peut résumer
dans une seule phrase : l’Occident n’a pas
d’enjeux vitaux en Syrie, la Russie si.
L’engagement
militaire de la Russie en Syrie au vu et au su de tous le 30 septembre, prouve trois choses.
- Primo, la limite du soutien chiite au régime alaouite. Après quatre ans et
demi de bons et loyaux services, ça ne suffit plus. En dépit de l’implication militaire,
logistique et financière du régime iranien des mollahs et de la milice
libanaise du Hezbollah, les troupes de Bachar el-Assad ne parviennent ni à
reprendre l’initiative ni à limiter les pertes. Les cas des batailles qui
s’éternisent se multiplient, comme celles de Zabadani
(à la frontière libanaise ; un verrou stratégique qui permet de contrôler
l’axe Beyrouth-Damas) et de Ghouta
(banlieue de Damas ; centre du pouvoir syrien). Ils constituent la meilleure
illustration de l'impuissance du régime actuellement. L’apport chiite est si déficient, qu’une unité russe serait
aujourd’hui engagée au sol dans les combats de Zabadani.
- Secundo, la fragilité du régime syrien et l’épuisement des troupes syriennes,
sur les plans physique et surtout, moral. Plus le temps passe, plus la Syrie des Assad se réduit comme peau
de chagrin. Le dernier tyran des Assad ne contrôle plus que le tiers du territoire du premier tyran des Assad. La survie du clan Assad est sérieusement en jeu. Les chars,
les hélicoptères et les avions russes
qui ont rejoint les côtes méditerranéennes de Lattaquié en Syrie, forcément via
l’Iran (sinon ils auraient survolé la Turquie, qui fait partie de l’OTAN), ont comme principale mission de prendre
part aux combats pour empêcher quel qu’en soit le prix à payer, la chute du
régime à Damas et son repli de secours vers « l’Etat des Alaouites ».
L’enjeu pour la Russie est considérable, sauver ce vieil allié, le dernier
héritage de l’Union soviétique en Méditerranée. Cela impliquera le bombardement
de tous ceux qui menacent le régime syrien, qu’ils soient djihadistes ou
rebelles.
- Tertio, toute intervention massive américaine en Syrie, dans le passé ou à
présent, peut se transformer en un affrontement direct entre les Etats-Unis et
la Russie, où Vladimir Poutine joue gros, pas Barack Obama. Ainsi, la
prudence occidentale, notamment américaine, a toujours été pleinement justifiée,
n’en déplaise aux interventionnistes arabes. Eh oui, comme il est facile d’être irresponsable et difficile d’être
responsable. Si Barack Obama
avait les pulsions guerrières de Vladimir Poutine et de George W. Bush, les deux
plus grands désastres de l’histoire contemporaine, la République islamique
d’Iran détiendrait un jour l’arme atomique, le régime syrien possèderait
toujours les armes chimiques et la Syrie serait le théâtre d’une Troisième
Guerre mondiale. Grâce à la sagesse du locataire de la Maison-Blanche, il en
sera autrement, comme l’a précisé le président américain devant l’Assemblée
générale de l’ONU, le 28 septembre. « Je
dirige l'armée la plus puissante que le monde ait jamais connue, et je
n'hésiterai jamais à protéger mon pays ou nos alliés, unilatéralement, et par
la force si nécessaire. Mais, je suis devant vous aujourd'hui avec la
conviction que nous, les nations du
monde, ne pouvons pas revenir à l'ancienne manière marquée par le conflit et la
force ». C’est une critique à peine voilée à l’esprit soviétique
qui dicte encore les décisions de cet ancien officier subalterne du KGB qui est
devenu le Tsar de la nouvelle Russie. Tout est d'ailleurs dit dans les regards de cette
photo de couverture dont le choix ne doit rien au hasard.
Sur le
terrain,
alors que le ministre russe de la Défense a annoncé que les premières frappes
des avions de la Russie ont concerné « huit
cibles du groupe Etat islamique », détruisant un poste de commandement
et des stocks d’armes, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent
Fabius, a fait savoir dans un langage diplomatique « qu’il y a des indications selon lesquelles les frappes russes n'ont pas visé Daech ». En effet, pour
le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, « les rapports dont nous disposons, nous indiquent que les frappes
russes n’étaient pas dirigées contre l’Etat islamique ». Preuve des
intentions cachées de Poutine, « il
n’y a pas eu de réel effort de la part des Russes pour coordonner les frappes
avec les combats en cours menés par la coalition dirigée par les
Etats-Unis ». Et pourtant, selon Haaretz, Tsahal en fut informée. La Russie n'a donc jugé utile que d'en informer Israël ! En
tout cas, les infos publiées par une organisation syrienne de secours fait état
de 33 civils tués à Homs par les
avions de Poutine. Un officier de l’Armée syrienne libre a affirmé que les
frappes sur Hama auraient tué des rebelles et non des djihadistes. Même son de
cloche du côté du secrétaire américain de la Défense, Ashton Carter, qui a
indiqué que les frappes russes ont concerné des zones où il n’y avait « probablement pas » de
djihadistes de Daech. Pour le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, « des frappes de
ce genre soulèveraient des questions sur les intentions réelles de la Russie :
combattre l'EI ou protéger le régime Assad ? » Ah, il suffit de se
référer aux informations de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH)
pour avoir la réponse. Les frappes russes de mercredi ont visé Jaïch el-Fateh, la coalition islamiste
qui a expulsé l’armée syrienne de la région d’Idlib, et l’Armée syrienne libre,
les rebelles modérés. Tout sauf Daech.
Ces premières frappes russes sont le moins
qu’on puisse dire « louches ». L’autorisation ayant été votée à
l’unanimité par le Sénat russe, tout aussi louche, elles ont coïncidé avec une offensive diplomatique menée par la
Russie à l’ONU, le pays préside le Conseil de sécurité ce mois-ci. Celle-ci vise à concocter une résolution pour sauver le
soldat Assad, sous le prétexte bidon de « créer
une véritable et large coalition antiterroriste internationale », qui inclurait le régime de Bachar,
comme l’a affirmé Vladimir Poutine devant l’Assemblée générale de l’ONU le 28
septembre. Ah, poussons des youyous,
l’ours russe sort de son hibernation ! Mais, cela fait plus d’un an qu’une
coalition de 13 Etats du monde,
notamment des pays occidentaux et arabes, réunis autour des Etats-Unis, luttent
contre Daech en Irak et en Syrie. En 417
jours, cette coalition internationale a mené 2 590 frappes en Syrie et 4 558 frappes en Irak, utilisant 22 478 bombes et missiles, tuant plus de 15 000 djihadistes de
Daech et 19 de ses 43 grands chefs. Double réussite pour cette coalition arabo-occidentale puisque ce sont ces frappes qui ont arrêté l’expansion fulgurante de « l’Etat
islamique » en Irak et en Syrie, sans renforcer pour autant le régime syrien. N’ayant pas peur du ridicule, Poutine
poursuit : « À l’instar de la coalition anti-hitlérienne,
celle-ci pourrait unir dans ses rangs les forces les plus diverses, prêtes à
combattre de façon radicale ceux qui, comme les nazis, sèment le mal et la
haine. » Staline jubile dans sa tombe. Ah oui, parce que Bachar
el-Assad sème le bien et l’amour de son prochain ? Avec les barils
explosifs bourrés de TNT sans doute ! « Il faut enfin reconnaître, hormis les troupes gouvernementales
du président Bachar el-Assad... personne ne se bat réellement contre l’État
islamique ». C’est c’là oui, on se croirait jadis, du temps
soviétique.
Toujours est-il que c’est encore Laurent Fabius qui a donné le coup de grâce
à cette initiative foireuse, à l'issue de la réunion du Conseil de Sécurité des
Nations unies sur le terrorisme, qui s'est tenue le mercredi 30 septembre, en fixant trois conditions rédhibitoires pour
le tandem Poutine-Assad. Afin que l’initiative russe se concrétise, « 1. Les frappes doivent être dirigée contre Daech et contre les
groupes terroristes seulement, à l’exclusion des civils et des opposants
modérés... 2. Mettre fin aux
bombardements des populations civiles... avec des barils d’explosifs et de
la chlorine. Ce sont ces violences commanditées par Bachar el-Assad qui
alimentent pour l’essentiel l’extrémisme et les flots de réfugiés... 3. Si on
veut être efficace, c’est qu’il faut traiter la crise à la racine. Il faut une transition de nature politique, qui
dise clairement au peuple syrien que son bourreau, c’est-à-dire Monsieur Bachar
el-Assad, n’est pas son avenir. » Vladimir Poutine va encore piquer
une crise et délirer sur « l’arrogance
du monde occidental ».
Si la chancelière allemande, Angela Merkel,
a cru bon d’entrevoir qu’une ouverture vers Poutine et Assad pourrait tarir
l’afflux massif des réfugiés syriens en Allemagne, heureusement, que la France
et les Etats-Unis ont remis les pendules du Moyen-Orient à l’heure. Le
président américain, Barack Obama a
fait savoir à l’ONU en début de semaine, que « les États-Unis sont prêts à travailler avec tout pays, y compris
la Russie et l'Iran, pour résoudre le conflit. Mais nous devons reconnaître qu'après tant de sang versé, on ne peut pas
revenir au statu quo d'avant la guerre ». Bachar el-Assad c’est fini,
c’est ce qui sort aussi de l’intervention de François Hollande, le président français. « On ne peut pas faire travailler ensemble les victimes et le
bourreau... Assad est à l’origine du
problème et il ne peut pas faire partie de la solution ». Pour le
chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, « englober Assad dans l'avenir de la Syrie nous expose à
l'échec ».
La
solution globale en Syrie est politique et ne passe donc pas par Bachar
el-Assad.
La Russie ne l’a toujours pas compris.
Les présidents américain et français en ont encore parlé au cours de leurs
allocutions devant l’Assemblée générale des Nations Unies. Pour Barack Obama, « un compromis sera nécessaire pour mettre fin
aux combats et finalement éradiquer Daech. Mais ce réalisme exige également une transition qui ne serait pas gérée
par le Président syrien Bachar Al-Assad mais par un nouveau dirigeant et par un gouvernement inclusif ». François Hollande a aussi plaidé pour « un
gouvernement de transition doté des pleins pouvoirs incluant des membres du
gouvernement actuel et de l’opposition ». Il faut le dire et redire, haut et fort, sans les quatre vetos du premier et du dernier bastions du communisme
de la planète, la Russie et la Chine -en octobre 2011, février 2012,
juillet 2012 et mai 2014- pour bloquer
des résolutions du Conseil de sécurité portant sur la répression et le conflit
en Syrie, on ne serait vraiment pas là, "l'Etat islamique" n'aurait pas eu des conditions avantageuses pour s'épanouir et le Moyen-Orient se porterait beaucoup
mieux. Les présidents russe et chinois, Vladimir Poutine et Xi Jinping, assument donc
pleinement la responsabilité du chaos et du drame syriens.
Je terminerai par deux événements qui
justifient le postulat d'une
solution politique qui ne passe pas par Assad. Le premier, concerne une info qui est
passée inaperçue, surtout aux yeux des interventionnistes arabes, et pourtant
elle est très grave. Alors que l’armée
américaine a mis en œuvre un programme de formation et d’équipement de
5 000 rebelles syriens par an, doté d’un budget de 500 millions de dollars, dont la
mission est de combattre l’Etat islamique sur le terrain, la surprise fut
grande d’apprendre que les premiers
recrues syriens, intégrés après une grande sélectivité, n’ont pas trouvé mieux que de remettre une
partie de leur équipement et leurs munitions au groupe al-Nosra, la branche
syrienne de l’organisation terroriste al-Qaeda. Ce début décevant a poussé le
Pentagone à suspendre le programme le 29 septembre, le temps de prendre des
mesures plus drastiques pour éviter un comportement aussi fâcheux à l’avenir. Le
chaos libyen, est dans toutes les mémoires. Double merci au duo de choc,
Sarko-BHL. Une tarte pour deux svp !
Le second, c’est un autre hasard du
calendrier. Le 15 septembre, une enquête
préliminaire pour « crimes contre l’humanité » a été ouverte par le parquet de
Paris. Elle concerne les exactions commises par le régime de Bachar
el-Assad sur près de 11 000 Syriens, entre 2011 et 2013, et qui sont
immortalisées dans l’album de César.
Cette démarche est pleinement justifiée car il y aurait parmi les victimes des
citoyens franco-syriens. L’industrialisation de la torture est illustrée par
55 000 clichés pris par un ancien photographe du régime qui était chargé à
partir du début de la révolte syrienne en mars 2011, d’apporter la preuve par
l’image que les opposants arrêtés par le régime ont bel et bien étaient numérotés,
torturés et tués, par des tortionnaires à la solde de Bachar el-Assad, et de
fabriquer ensuite, une cause fictive pour justifier leur mort subite auprès de leurs
proches.
Depuis
le début du conflit en Syrie, je me suis toujours prononcé contre la
généralisation et la militarisation du conflit. Ceci n’a conduit
qu’à propager la désolation dans le pays, en donnant au régime et aux
djihadistes l’occasion de déployer leur cruauté et leur barbarie. Tous les
chiffres relatifs au nombre de morts, de blessés et de réfugiés ont explosé. Les
Syriens n’en ont récolté que destruction et souffrance. Par ailleurs, je me suis opposé non seulement à
l’implication massive de l’Occident en Syrie, qui ne peut pas avoir lieu dans
des conditions convenables, ni dans l'intérêt des Syriens ni dans l'intérêt des Occidentaux, pour diverses raisons dont une partie est exposée dans
cet article, mais aussi à une
intervention mal réfléchie, comme la stupide invasion américaine de l’Irak
en 2003, qui est à l’origine du chaos qui règne au Moyen-Orient actuellement.
Si l'entrée
en scène de la Russie, dans le but réel est de maintenir la domination de la
minorité alaouite de Bachar el-Assad (10 % de la population) sur la majorité
sunnite de la Syrie (70 %), est une « guerre
sainte », selon les délires du porte-parole de l’Eglise orthodoxe russe, ça sera alors du « pain béni par
Allah » pour les djihadistes de Daech, d’al-Nosra et d’al-Qaeda, et j’en
passe et des meilleures. Et si on laisse faire les Russes en Syrie, comme en
Ukraine après l'annexion de la Crimée, on peut être sûrs de trois choses : la perspective d’une solution à moyen terme s’éloignera, la désolation
s’étendra encore davantage et le fanatisme augmentera. Et à l’arrivée, on
aura, et le régime syrien et les groupes djihadistes. L’intervention russe en Syrie est une escalade dangereuse qu’il faut
stopper net. Afin de l'amener à la table des négociations, les Etats-Unis
doivent faire une « offre » au tandem Poutine-Assad, que le duo ne
pourra pas refuser. Quelques Tomahawk
bien ciblés feront l’affaire. Il faudra aussi que les pays occidentaux alourdissent les sanctions
économiques contre la Russie et que les pays arabes s'y mettent également. L'argent c'est le nerf de la guerre, il faut tâcher de ne jamais l'oublier. Maintenant que le dossier nucléaire iranien
est réglé, il est temps de signifier ses limites de manœuvre à Poutine l’Imposteur.