lundi 16 novembre 2015

Attaques de Paris : autant il est difficile de décider ce qu’il faut faire pour les éviter en Occident, autant il est facile de prévoir ce qu’il ne faut pas faire pour laisser leur commanditaire, Daech, proliférer en Orient (Art.319)



Il n’y a pas de mot pour qualifier la barbarie qui s’est exprimée à Paris le vendredi 13 novembre. Les chiffres suffisent à en prendre conscience. Six attaques simultanées, cinq dans Paris intra-muros, trois à Saint-Denis, 129 morts et 352 blessés, 99 dans un état critique. L’état d’urgence a été décrété, les frontières bouclées, commerces et musées fermés, trois jours de deuil national. Les rues de la plus belle ville du monde ont été désertées sur recommandation de la préfecture de police qui a demandé aux Parisiens le lendemain de cette tragédie de limiter les déplacements au strict nécessaire. C’est sans doute la journée la plus odieuse de l’histoire contemporaine de la France, au moins depuis l’attaque terroriste du QG des parachutistes français à Beyrouth le 23 octobre 1983 (simultanément avec l’attaque du QG des marines américains) par l’Organisation du Jihad islamique (une mouvance d’obédience chiite, contrairement à Daech qui est d’obédience sunnite, et qui est liée à la République islamique d’Iran), attentat-suicide déjà à l’époque (attribué par la France et les Etats-Unis au Hezbollah), et qui avait fait 58 morts chez les Français (et 241 morts chez les Américains). Pas la peine d’en rajouter encore, à la masse d’information dans laquelle nous sommes noyés depuis plusieurs jours. Juste quelques réflexions qui n’ont pas été abordées dans les médias ces derniers jours.

13-Novembre vs. 7-Janvier : assisterons-nous au retour au bercail de la république des « je ne suis pas charlie » ?

Après les premières attaques parisiennes du 7-Janvier, qui ont visé les journalistes satiriques de Charlie Hebdo et des clients de la supérette Hyper Cacher à Paris au début de l’année, malgré la barbarie des fusillades et son onde de choc, tout le monde n’a pas été « Charlie ». Parmi ces voix dissonantes, on y trouve des gens d’extrêmes droites, mais aussi des gens de gauche comme des gens de droite, des musulmans de diverses nationalités, des antisémites, des laïcs et des chrétiens, sans doute des juifs, des bouddhistes et des crudivores. Certes, chacun ses raisons, mais un point les réuni : ils ne sont pas Charlie et ne le cache pas.

Denis Tillinac par exemple, un billettiste de Valeurs actuelles (droite), a compati au sort des journalistes de Charlie Hebdo, mais a précisé néanmoins, « tout me hérisse (dans ce journal) ». Même logique chez l’islamologue suisse, Tareq Ramadan, qui condamne, mais n’est pas Charlie pour autant. Alain Soral et Dieudonné sont allés jusqu’à organiser une journée spéciale « Je ne suis pas Charlie » au début de l’été, au théâtre de la Main d’Or. Il existe même une page sur Facebook « Je ne suis pas Charlie », qui a déjà récolté 49 802 likes. Sur sa photo de couverture qui n’a été modifiée qu’à deux reprises, le 8 janvier (au lendemain de l’attaque de Charlie Hebdo) et le 15 novembre (surlendemain des attaques de Paris), l’auteur précise que « je ne suis pas l’islamophobe Charlie, qui a insulté ma religion, mon livre sacré et mon prophète ». Pas de conclusion hâtive svp, tout ce beau monde, notamment dans la communauté musulmane, a été dénoncé par Mohamed Sifaoui. Le journaliste franco-algérien n'a pas mâché pas ses mots sur cette question : « même si un chien avait été parmi les victimes. J'aurais été aussi un chien. Car je préfère, de loin, être le plus affreux des chiens que le meilleur des islamistes terroristes ou pas ». Il faut dire que pour lui, l'islamisme serait comparable au fascisme et au nazisme.

D’autres esprits ont pu penser tout bas, et c’est resté inavouable, que les premières victimes l’ont quand même cherché, ou disons qu’ils connaissaient le risque qu’ils prenaient en caricaturant Mahomet, le prophète de l’islam, et que les secondes étaient somme toute des cibles naturelles, en tout cas, pas choisis au hasard, étant juives. Ce beau monde était choqué, voire réjoui pour certains, mais beaucoup sont restés rassurer, voire distants par rapport à cette tragédie car ils ne partageaient pas la vision républicaine de cette France trop permissive concernant la liberté d’expression. De ce fait, ils ne se sont pas sentis concernés par la « Marche républicaine ». Pire encore, celle-ci a poussé des gens comme l’historien et sociologue Emmanuel Todd, tendance de gauche, à un délire dont on mesure mieux aujourd’hui le caractère hallucinatoire. « Pour la première fois de ma vie, je n'ai vraiment pas été fier d'être Français... Lorsqu'on se réunit à 4 millions pour dire que caricaturer la religion des autres est un droit absolu... (c'est) une pure et simple imposture... Ce qui m'inquiète n'est pas tant la poignée de déséquilibrés mentaux qui se réclament de l'Islam pour commettre des crimes que les raisons pour lesquelles une société est devenue totalement hystérique jusqu'à aller convoquer des gamins de huit ans dans des commissariats de police ». Eh bien, l’imposture c’est qu’un intellectuel de son calibre fasse croire que ces 4 millions de Français et de résidents en France, choqués par l’exécution de 17 personnes de sang-froid parce qu’ils étaient caricaturistes et juifs, sont « islamophobes » (et qu’ils sont descendus dans la rue pour la raison naïve qu’il invoque), et que par contre, le môme dont il est question (l’usage du pluriel étant abusif), qui a reconnu avoir dit en classe qu’il est « du côté des terroristes » (et qui aurait dit aussi « qu’il faut tuer les Français... les musulmans ont bien fait, les journalistes méritaient leur sort »), ne représente pas le foyer dans lequel il est élevé.

Hommages aux victimes des attaques terroristes
du 7-Janvier à Nantes (Source Sipa)

Le 13-Novembre vient de nous démontrer que ces esprits étaient pour certains confus, donc excusables, et pour d’autres dérangés, et bien coupables, pour être capables de produire de telles pensées déplacées et malsaines. Il nous permet aujourd’hui de mieux comprendre, avec le recul dont on dispose, l’importance de la démonstration citoyenne française du 11 janvier contre le diktat des obscurantistes, qu’ils appartiennent à Al-Qaeda ou à Daech, et qui ne vaut pas une adhésion à la ligne éditoriale de Charlie Hebdo. La nouvelle tragédie parisienne rappelle aux Français et au monde libre, une évidence, simple et limpide, que les sceptiques adeptes des « oui, mais... » ont tendance à oublier : les terroristes n’ont pas de principe. Ne pas condamner sans équivoque les actes terroristes, c’est se montrer magnanime à l’égard des terroristes. C’est cela que certains Arabes ou Perses, mais des Français aussi, ne saisissent pas. L’identité individuelle n’a aucune importance dans la majorité des actes terroristes. Par conséquent, tout le monde peut être concerné à un moment ou un autre, ici ou ailleurs, aujourd’hui ou demain : à Paris ou à Beyrouth et à Damas ou à Raqqa, comme à Tunis ou au Sinaï, à Alger ou à Madrid et à New York ou à Moscou. Penser le contraire, c’est avoir une vision courte, bornée et biaisée des événements. Il serait d’ailleurs intéressant de publier la liste de tous les citoyens français de confession musulmane dont la vie a été fauchée par ces psychopathes d’islamistes.

PRINCIPE DU TERRORISME : DES CIVILS REPRÉSENTATIFS LES ENTITÉS ENNEMIES

A Paris, au Bataclan, ainsi que dans les café, bar et restaurant qui ont été attaqués, les gens étaient exécutés sommairement, avant tout car ils étaient Français et parce que la France est en guerre contre Daech. De même, à Beyrouth le 12 novembre, les gens étaient exécutés car ils étaient chiites libanais et parce que le Hezbollah soutient le régime syrien. A Jérusalem, depuis plusieurs semaines les gens sont poignardés car ils sont juifs israéliens et parce qu’Israël poursuit son occupation et sa colonisation des Territoires palestiniens. Idem dans la région al-Anbar en Irak, les gens étaient exécutés en masse il y a quelques semaines car ils étaient sunnites irakiens et parce que leur tribu Abou Nimr est opposée à la domination de Daech. On voit bien que les gens sont visés pour ce qu’ils représentent sur le plan collectif, plus que ce qu’ils représentent sur le plan individuel. Dans ces quatre exemples, les terroristes considèrent que les « civils » sont représentatifs des entités ennemies -la France, le Hezbollah, Israël, Abou Nimr- et pensent que les actes terroristes commis sont de nature à influer le cours des événements, ce qui est rarement le cas. Si les actes terroristes bouleversent la vie quotidienne d’un pays, ils renforcent toujours la cohésion nationale ou communautaire de la population. Et de ce fait, ils ratent toujours leur objectif principal, infléchir la politique générale de leurs ennemis. 

D'ailleurs, la réponse des autorités françaises n'a pas tardé. L'état d'urgence a été décrété quelques heures après les attaques, et pour douze jours (il devrait être porté à trois mois), donnant aux services de police des pouvoirs exceptionnels, notamment en ce qui concerne les perquisitions et les gardes à vue. Le surlendemain, plusieurs raids ont été menés par les chasseurs français basés aux Emirats et en Jordanie, sur le fief des terroristes à Rakka en Syrie, visant un poste de commandement, un centre de recrutement djihadiste, un dépôt d’armes et de munitions, ainsi qu'un camp d’entraînement. Le président de la République, François Hollande, a annoncé par ailleurs, l'envoi du porte-avions Charles-de-Gaulle en Méditerranée orientale. En France, l'enquête progresse à grande vitesse, les perquisitions sont nombreuses et les arrestations se multiplient. Sans l'ombre d'un doute, les attaques du 13-Novembre (2015) étaient les attentats de trop pour l'Etat islamique, comme le 11-Septembre l'était pour al-Qaeda (2001). Les opérations de neutralisation des djihadistes en Europe, qui prendront du temps et demanderont beaucoup d'efforts, sont déclenchées. Rien ne pourra les arrêter.

LE triangle « Bastille-Nation-République » MEILLEURE REPRÉSENTATION DE LA DEVISE DE LA FRANCE : LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ

Bataclan à Paris, le 13 novembre 2015,
quelques minutes seulement avant le drame.
Concert des « Eagles of Death Metal »
Source : Manuwino

Le choix des lieux des attaques terroristes du 13-Novembre a beaucoup d’importance. Ces lieux ont offert avant tout un cadre idéal, du fait de la densité humaine (rues étroites, terrasses de café, salle de spectacle, etc.), notamment le soir, pour provoquer le maximum de morts, ce qui constituait le but secondaire des actes terroristes. La simultanéité des attaques a visé à neutraliser les services d’intervention étatiques et à amplifier l’impact de la terreur sur la population. Par ailleurs, le symbolisme des lieux était capital et reflète sans doute une bonne connaissance de Paris de la part des criminels. Nul endroit à Paris ne symbolise mieux la devise de la France, « Liberté-Egalité-Fraternité », que le triangle « Bastille-Nation-République ». Nul zone à Paris, ne reflète plus la « mixité sociale » (classe aisée-classe moyenne, autochtone-immigré-touriste, laïc-croyant, etc.), que le cœur de ce triangle, le quartier de la Roquette. Nulle région à Paris, n'est aussi « jeune » et bouillonnant de « vie », autant que le boulevard Voltaire, la rue de Charonne, la rue de la Fontaine au Roi ou le Bataclan. C’est aussi là où a eu lieu le 11 janvier dernier la Marche républicaine, entre les places de la République et de la Nation, rassemblant plus de 1,5 millions de Franciliens, pour dénoncer la barbarie des premières attaques parisiennes. En somme, nous avons là tout ce qui peut horripiler la secte islamiste de Daech. En choisissant le concert d'un groupe de rock américain dans la salle du Bataclan, les terroristes ont sans doute espéré tuer que des « Français non-musulmans » durant leurs attaques. Raté. Plusieurs victimes, notamment celles qui sont tombées en dehors du Bataclan, sont de confession musulmane.

Que prévoyait daech au Stade de France ?

Il serait intéressant de s’arrêter à ce qui s’est passé au Stade de France, où le cauchemar de cette longue nuit avait commencé. Dans un espace de 30 minutes, à partir de 21h20, on dénombra trois explosions tout autour du stade où se déroulait la rencontre France-Allemagne. Trois éléments sont intrigants. Le premier concerne le fait que le modus operandi choisi était nouveau en France. Il s’agit pour la première fois, d’attentat-suicides via des ceintures d’explosifs bourrées de boulons. Le second élément intriguant c’est le fait que malgré trois explosions, on ne compte que quatre morts, dont les trois terroristes. Il est a priori clair qu’il y a quelque chose qui a mal tourné. Il parait peu probable que les terroristes aient envisagé ces attentats, pour n’en faire qu’un mort. On peut expliquer ce paradoxe soit par la sécurisation des lieux par les forces de police, surtout que le président de la République était présent, soit par un dysfonctionnement dans la mise en œuvre du plan criminel, ou les deux. Un des kamikazes avait un billet pour le match et avait tenté d’y pénétrer, mais son gilet d’explosifs aurait été détecté, et c’est à ce moment-là qu’il aurait actionné le détonateur. Le troisième élément concerne justement la tentative ou l'idée que les kamikazes avaient de pénétrer dans le stade sans billet, sachant que n'importe quel écolier sait qu'il en faut un et qu'il y a des portiques de contrôle pour détecter les objets métalliques et les matières explosives dans ce genre d'endroits.

Il existe aussi un détail qui renforce cette thèse. Il se trouve dans le communiqué de revendication de l’organisation terroriste « Etat islamique ». Dans un style grandiloquent qui confine au ridicule, Daech évoque ses attaques terroristes dans « la capitale des abominations et de la perversion, qui porte la bannière des croisés », dont une opération dans le 18e arrondissement de Paris. Or, il ne s’est rien passé dans le Nord de Paris vendredi. Ce qui laisse penser que les terroristes qui se trouvaient à Saint-Denis (au nord du 18e) ou ceux qui se trouvaient dans le 10e (au sud du 18e), avaient des fusils d’assaut cachés et étaient peut-être chargés de mener aussi une opération dans le 18e, mais le plan a foiré. A moins qu'il y ait eu une 4e équipe, qui devait intervenir avec des kalachnikovs contre les hommes de la sécurité qui se trouvaient devant les portes d'entrée, pour permettre aux kamikazes de rentrer dans les gradins et se faire sauter. Reste cette hypothèse invraisemblable, l'équipe en charge du stade était composée de tocards, pris de panique et de remords, ils se seraient tout simplement suicidés comme Judas jadis ? 

Toujours est-il que le Stade de France a une capacité de 81 338 places, soit 54 fois celle du Bataclan (1 500 places). Entre ceux qui seraient morts directement par les explosions et ceux indirectement par le piétinement dû au mouvement de panique, le tout filmé en direct et regardé par des millions de personnes en France et dans le monde, on peut donc dire qu’on l’a échappé belle. Il faut donc connaitre les raisons de ce ratage afin de pouvoir l’exploiter à l’avenir.

Autant il est difficile de décider ce qu'il faut  faire pour éviter d'autres attaques terroristes en occident, autant il est facile de prévoir ce qu'il ne faut pas faire pour laisser daech, le commanditaire des attaques du 13-novembre, proliférer en orient

Le risque zéro en matière de terrorisme n’existe pas. Mais, dans un Etat digne de ce nom, les actes terroristes, comme les crashs d’avion, permettent de combler les failles sécuritaires et de potentialiser les moyens pour faire face aux menaces à l’avenir. Aucune inquiétude à se faire pour la France, même s’il y aura d’autres attentats. Toujours est-il qu’il est encore tôt pour savoir comment un tel carnage a pu avoir lieu sur le sol français. Difficile aussi de faire des prédictions sur les conséquences de ces attaques meurtrières, en France, en Europe et dans le monde. Toutefois, on connait d’ores et déjà les motivations des terroristes. Lors des échanges entre les terroristes du Bataclan et les forces de l’ordre, il a été question de « ce que fait la France en Syrie », ainsi que des « insultes faites au prophète Mahomet ». Dans ce contexte, on peut affirmer qu’on n’évitera pas efficacement ces tragédies à l’avenir sans se donner la peine d'identifier l’origine du mal. Pour les islamophobes, c’est l’islam. Pour les partis d’extrême droite, c’est le conglomérat islamistes, immigrés et migrants. Vaste sujet que je n’aborderai pas, je préfère me concentrer sur un seul point, Daech.

Dans mon article du 17 septembre 2014, « Ça sera la ‘quatrième guerre du Golfe’ ! Objectif : l’anéantissement de l’Etat islamique », j’ai tenté de remonter justement à l’origine du mal qui porte cet acronyme. Je ne reviendrai pas dans cet article sur tous les paramètres qui ont conduit de près ou de loin, activement ou passivement, à la naissance de cette organisation terroriste en Irak (2006) et à son épanouissement en Syrie (2013) où sont impliqués des personnes (le trio infernal, George W. Bush, Nouri al-Maliki et Bachar el-Assad), des organisations (opposition syrienne, rebelles syriens, Hezbollah) et des Etats (Qatar, Turquie, Arabie saoudite, Iran). Et pourtant, il y a en a un qui mérite une distinction particulière, c’est le blocage par la Russie et la Chine de quatre résolutions du Conseil de sécurité portant sur la Syrie en octobre 2011, en février 2012, en juillet 2012 et en mai 2014. Pour mieux mesurer la culpabilité de ces deux pays, surtout au moment où beaucoup de voix comme celle de Nicolas Sarkozy, s’élèvent pour prôner un rapprochement avec Vladimir Poutine, il faut savoir que la veille du vote de la 2e résolution sur la Syrie au début de l’année 2012, bloquée par le duo Russie-Chine, on venait à peine de dépasser le seuil des 5 000 morts (et 5 000 réfugiés au Liban). Après et faute d’option diplomatique, on est passé dans l’erreur de la militarisation du conflit. Au moment de voter la 3e résolution sur la Syrie au milieu de l’année 2012, nous n’étions qu’à 15 000 morts (et 25 000 réfugiés au Liban). Par la suite et faute d’option diplomatique, on est passé dans l’erreur de la généralisation du conflit. Aujourd’hui, faute d’options diplomatiques, nous sommes à 250 000 morts au total, 10 millions de déplacés, dont 1 500 000 de réfugiés au Liban.

Les vétos russe et chinois, ont permis à Bachar el-Assad de s’offrir le luxe de l’intransigeance dès le départ, et d’avoir les coudés franches dans la répression sanglante et grandissante du soulèvement populaire syrien. Il en résulta, d’une part, un durcissement de la Révolution syrienne, avec la militarisation et la généralisation du conflit, et d’autre part, un enlisement de la guerre civile syrienne, qui ont permis à « l'Etat islamique en Irak et au Levant » de se développer, de s’épanouir et de s’exporter.

Cela dit, la tragédie du 13-Novembre, qui a visé la France via les attaques de Paris (129 morts), et qui survient un peu plus de 24 heures après celle qui a visé le Hezbollah et l'Iran via les attentats de Beyrouth (43 morts), et moins de deux semaines après celle qui a visé la Russie via le crash du Sinaï (224 morts), et un peu plus d'un mois après celle qui a visé la Turquie via les attentats d'Ankara (102 morts)toutes ayant le même commanditaire, Daech, ont eu un seul mérite, celui de mettre la pression sur les grandes puissances qui se sont réunies samedi à Vienne pour discuter de la Syrie justement, le bastion des terroristes de « l'Etat islamique ». Etats-Unis, Russie, Union européenne dont la France, Turquie, Iran, Arabie saoudite et d’autres pays arabes, dont le Liban, sachant qu'ils peuvent être tous visés à l'avenir par les djihadistes de Raqqa, se sont entendus pour « coordonner la lutte internationale contre le terrorisme ». Reste à savoir comment cela se traduira sur le terrain, sachant par exemple que les frappes menées par Vladimir Poutine depuis le 30 septembre évitent sciemment Daech et ont comme principale objectif de permettre aux troupes syriennes du régime de reprendre du terrain, de l’aveu même du président russe qui a reconnu publiquement que l’intervention de la Russie vise à « stabiliser l’autorité légitime (de Bachar el-Assad) ».

En tout cas, la lueur d’espoir après ce weekend funeste,  réside dans l’entente des 17 pays réunis à Vienne, sur un calendrier de transition pour régler le conflit syrien, qui prévoit trois actions : d’ici un mois et demi, de réunir des représentants de l’opposition et du régime syriens, pour conclure au plus vite un cessez-le-feu ; dans les six mois, de former un gouvernement de transition qui aura comme tâche de rédiger une nouvelle Constitution ; d’ici 18 mois, d’organiser des élections législatives libres. Oui, c’est un remake de Genève. Non, il ne faut pas cracher dessus. Et pourtant, il y a deux bémols : la composition de la délégation qui représentera l’opposition syrienne et le sort de Bachar el-Assad. Pour le premier, on a chargé la Jordanie de trouver un compromis avec tous les protagonistes afin de « coordonner une liste commune des groupes terroristes », qui seront exclus des négociations. Le tyran de Damas aimerait y mettre tous ses opposants, cela va sans dire. Le second point reste en suspens pour l’instant. Et pourtant, il y a des équations claires comme l’eau de source, qu’aucun esprit sain dans ce monde ne peut contester sérieusement et honnêtement : tant que le clan alaouite de Bachar el-Assad, qui est issu d’une communauté qui ne représente que 9 % de la population syrienne, domine 70 % des 22 millions de Syriens qui sont de confession sunnite, ET tant que 12 millions d’Irakiens sunnites continuent à être marginalisés par 24 millions d’Irakiens chiites, ET tant que la République islamique (chiite) d’Iran continue de s’immiscer dans les affaires (des communautés sunnites) d’Irak, de Syrie, du Yémen et du Liban, ET tant que l’Etat d’Israël (juifs) continue à piétiner le droit de la population palestinien (sunnites), « l’Etat islamique (sunnite) en Irak et au Levant (Syrie) », Daech, se trouvera sur des terrains fertiles, en Orient comme en Occident, et aura de beaux jours devant lui. Il faut se rendre à la raison et à ces évidences, dans l’intérêt de tout le monde. Sinon, l’histoire ne fera que se répéter.