Tout
dépend où l'on se place. De loin, certains diraient que le
rassemblement du Trocadéro peut déjà être relégué aux
archives. Pas parce que c'est un échec. Mais parce qu'il est
inefficace pour changer le destin. Le 15 mars, François Fillon boira
le calice jusqu'à la lie. C'est sans doute vrai, sauf que la
démonstration de force hier était essentiellement une communication
interne.
Elle
avait un triple objectif. Primo, rassurer les fidèles
du candidat de la droite et du centre. Secundo, faire office de
garrot afin d'arrêter l'hémorragie de ses soutiens. Tertio,
court-circuiter le Comité politique du parti qui doit se
réunir ce lundi pour « évaluer la situation ».
Trouver
50 000 irréductibles pour venir un dimanche pluvieux soutenir
François Fillon, n'a rien d'extraordinaire mais c'est quand même
remarquable. Ce qui l'est tout autant, c'est le fait que la
plupart des ténors des Républicains n'y étaient pas. A sept
semaines du premier tour de l'élection présidentielle en France, c'est un
signe qui ne trompe pas. La réunion de cet état-major politique cet
après-midi vient couronner une semaine de grandes manœuvres
politiques pour déterminer la suite des événements. Le temps presse. C'est une course
contre la montre qui s'engage. Je vois plusieurs options. En voici
les principales.
1.
Continuer la bataille présidentielle jusqu'au bout avec François
Fillon
Ça
sera la poursuite du plan A. Il est actuellement en cours et
jusqu'à nouvel ordre. Disons que c'est une option défendable.
François Fillon tire sa légitimité du vote de 2,9 millions d'électeurs, et non 4 millions comme il prétend, qui ont choisi son projet présidentiel. Le candidat en a
longuement parlé hier devant ses partisans. « Je
continuerai à dire a mes amis politiques que ce choix, à la fois
leur appartient et ne leur appartient pas. Parce que ce choix est le
vôtre, celui de vos suffrages et à travers eux de vos espérances. »
Remettre en cause cette légitimité peut conduire à l'éclatement
du parti Les Républicains.
En tout cas, il est clair que François Fillon n'abandonnera jamais. Il faut tout de même se souvenir de la lutte fratricide qui l'opposa à Copé pour la présidence de l'UMP il n'y a pas si longtemps (2012), pour le lire entre les lignes tout au long de son discours. En s'adressant à ses amis politiques, il dira : « Laisserez-vous les passions du moment l’emporter sur les nécessités nationales ? Laisserez-vous les intérêts de factions et de carrière et les arrière-pensées de tous ordres l’emporter sur la grandeur et la cohérence d’un projet adopté par plus de quatre millions d’électeurs ? Vous laisserez-vous dicter par l’écume des choses ce choix décisif qu’une part de notre peuple a remis entre vos mains, le désir profond d’un renouveau, d’une fierté nationale enfin retrouvée ? » C'est une façon de mettre en garde le Comité politique à 24 heures de cette réunion fatidique. « Mon examen de conscience, je l’ai fait... Aux hommes politiques de mon camp je dirai à présent ceci : il vous revient maintenant de faire le vôtre. » Le soir, sur le plateau de France 2, il le formulera d'une manière encore plus claire : « Personne n'a le pouvoir de m'obliger à retirer ma candidature ». Notez aussi que les dizaines de défections ne l'ont pas conduit à se remettre en cause, bien au contraire, là aussi, il a cherché à culpabiliser les déserteurs. « Je dois aussi m’interroger sur ceux qui doutent et fuient le navire, leur responsabilité est immense ».
Cela étant dit, le premier des plans B peut paraître comme un coup de poker qui comporte le grand risque que la droite soit sanctionnée aux prochaines élections, présidentielles et législatives, à cause du cas personnel de son candidat. Mais, ce dernier a des chances de réussir. En tout cas, il faut l'admettre une fois pour toutes, il n'a absolument pas l'intention de se retirer. Il l'a fait savoir à la télé : « Au Trocadéro, le peuple a montré qu'il était derrière son candidat. Personne ne peut m'empêcher d'être candidat ». S'il réussit, François Fillon raflera la mise et beaucoup de déserteurs des derniers jours s'en mordront les doigts.
En tout cas, il est clair que François Fillon n'abandonnera jamais. Il faut tout de même se souvenir de la lutte fratricide qui l'opposa à Copé pour la présidence de l'UMP il n'y a pas si longtemps (2012), pour le lire entre les lignes tout au long de son discours. En s'adressant à ses amis politiques, il dira : « Laisserez-vous les passions du moment l’emporter sur les nécessités nationales ? Laisserez-vous les intérêts de factions et de carrière et les arrière-pensées de tous ordres l’emporter sur la grandeur et la cohérence d’un projet adopté par plus de quatre millions d’électeurs ? Vous laisserez-vous dicter par l’écume des choses ce choix décisif qu’une part de notre peuple a remis entre vos mains, le désir profond d’un renouveau, d’une fierté nationale enfin retrouvée ? » C'est une façon de mettre en garde le Comité politique à 24 heures de cette réunion fatidique. « Mon examen de conscience, je l’ai fait... Aux hommes politiques de mon camp je dirai à présent ceci : il vous revient maintenant de faire le vôtre. » Le soir, sur le plateau de France 2, il le formulera d'une manière encore plus claire : « Personne n'a le pouvoir de m'obliger à retirer ma candidature ». Notez aussi que les dizaines de défections ne l'ont pas conduit à se remettre en cause, bien au contraire, là aussi, il a cherché à culpabiliser les déserteurs. « Je dois aussi m’interroger sur ceux qui doutent et fuient le navire, leur responsabilité est immense ».
Cela étant dit, le premier des plans B peut paraître comme un coup de poker qui comporte le grand risque que la droite soit sanctionnée aux prochaines élections, présidentielles et législatives, à cause du cas personnel de son candidat. Mais, ce dernier a des chances de réussir. En tout cas, il faut l'admettre une fois pour toutes, il n'a absolument pas l'intention de se retirer. Il l'a fait savoir à la télé : « Au Trocadéro, le peuple a montré qu'il était derrière son candidat. Personne ne peut m'empêcher d'être candidat ». S'il réussit, François Fillon raflera la mise et beaucoup de déserteurs des derniers jours s'en mordront les doigts.
2.
Organiser une nouvelle primaire de la droite et du centre
C'est
l'option la plus logique en théorie. Les détracteurs du plan A
peuvent arguer à juste raison que si François Fillon a bel et
bien obtenu l'investiture légitime de la droite et du centre,
c'était quand même avant la révélation du scandale qui l'éclabousse depuis le 25 janvier et sa prochaine mise en examen le 15 mars,
pour détournements de fonds publics. Il est évident que si les 4,4
millions d'électeurs qui se sont exprimés en novembre connaissaient les faits, nul ne peut affirmer sérieusement qu'une
révélation aussi grave n'aurait pas influencé leur vote. Une
nouvelle primaire peut s'organiser rapidement, associer ou pas au
report de l'élection présidentielle.
3.
Remplacer manu militari François Fillon par Alain Juppé
A
partir du moment où l'on accepte le principe que le facteur
Penelope Gate remet en cause la légitimité de
François Fillon pour représenter la droite et le centre à
l'élection présidentielle, la solution la plus logique sur le plan
pratique, consiste à remplacer François Fillon par celui qui est
arrivé en 2e position à la primaire de la droite et du centre,
Alain Juppé. Comme l'actuel candidat s'obstine à rester dans la
course, il pourrait être disqualifié par le parti, sur les bases
que l'intérêt des Français en général est au-dessus de toute
considération politicienne et l'intérêt des Républicains en
particulier est au-dessus du destin personnel de l'un des
leurs, aussi émérite soit-il. Qui argue que cela risque de faire éclater le parti Les Républicains oublient que vu le nombre grandissant de défections, au contraire, pour l'instant c'est le maintien de la candidature de François Fillon qui est en train de faire éclater la droite et le centre, partis et électeurs!
4.
Négocier un accord à l'amiable entre François Fillon et Alain
Juppé
C'est
d'ailleurs la condition qui était fixée par le principal intéressé. Il ne remplacera pas Fillon, que si et seulement si,
le vainqueur de la primaire de la droite et du centre le lui demande.
Pour ce faire, chacun des deux ténors devrait mettre de l'eau dans
son vin, surmonter son ego et réprimer sa mégalomanie. Alain Juppé
intégrerait des éléments spécifiques du programme Fillon.
François Fillon accepterait que le projet présidentiel de la droite
intègre désormais le programme Juppé. Comme gage de bonne foi, on
peut imaginer l'intégration des lieutenants de Fillon dans
l'organigramme de la campagne Juppé, voire la nomination de François
Fillon comme vice-candidat d'Alain Juppé.
Mais aux dernières nouvelles, vu la « détermination » et « l'obstination » de l'actuel candidat de la droite et du centre, qu'il a constaté lui même constaté et qui se sont manifestées sur la place du Trocadéro et sur le plateau de France 2, et parce qu'il ne fait l'unanimité au sein de sa famille, le maire de Bordeaux n'a pas envie de jouer un remake du film Fillon-Copé, il y renonce définitivement, sa décision est prise « une bonne fois pour toutes ».
Mais aux dernières nouvelles, vu la « détermination » et « l'obstination » de l'actuel candidat de la droite et du centre, qu'il a constaté lui même constaté et qui se sont manifestées sur la place du Trocadéro et sur le plateau de France 2, et parce qu'il ne fait l'unanimité au sein de sa famille, le maire de Bordeaux n'a pas envie de jouer un remake du film Fillon-Copé, il y renonce définitivement, sa décision est prise « une bonne fois pour toutes ».
5.
Faire une intifada avec Nicolas Sarkozy
Il
y pense évidemment devant son miroir le matin. Comme il le
disait en 2003 à Alain Duhamel, « pas simplement quand
je me rase ».
Il souhaiterait bien
échapper à son archivage dans la catégorie des « présidents
à usage unique ».
Il aimerait tant prendre sa revanche de cette primaire humiliante. Il
voudrait plutôt qu'on vienne le supplier. C'est vers lui, grand
connaisseur en ustensiles de cuisine, que François Fillon s'est tourné
pour prendre conseil à plusieurs reprises depuis le 25 janvier. Mais
les choses se compliquent depuis l'hémorragie déclenchée le 1er
mars. Il pourrait profiter
du désarroi de la droite pour faire un putsch, un coup de force, une
intifada. Un signe, ce
vendredi. Au dernier coup de fil de l'ex-Premier ministre,
l'ex-Président de la République a dit : « Cela ne peut
pas durer comme ça ». Mais
encore ?
6.
Poursuivre la course avec un soutien de la première heure de
François Fillon
Le
but c'est de livrer la bataille présidentielle avec le programme
de François Fillon, mais sans le principal concerné. Hélas, on
n'y trouve aucun poids lourd ou même un poids moyen. Il y a qu'un
poids léger, Gérard Larcher. Ce n'est pas le genre à
enflammer les foules mais il est le président du Sénat quand même
et dès le départ il pense que le programme de Fillon est
« abouti, construit et concret ». Il y a aussi un
poids plume, Bernard Debré, député de Paris. Certes, ce
n'est pas le type à soulever les passions mais dès le départ il
pense que Fillon est « le seul qui travaille ».
A moins de se rabattre sur un poids paille comme Thierry Mariani,
le député de la 11e circonscription des Français établis hors de
France, celle qui englobe une partie d'Europe de l'Est, de l’Asie
et de l'Océanie, dont la Russie et l'Iran. L'homme n'a pratiquement
pas de déclaration d'intérêt public et dont le seul fait d'armes
connu est sa visite au tyran de Damas, il y a près d'un an, et la
publication du tweet de l'achat du « mug qui fait fureur »
du souk de la ville, créé à l'effigie de Bachar el-Assad et de Vladimir
Poutine. En tout cas, on ne peut plus compter sur Patrick
Stefanini, le directeur de campagne de François Fillon, et sur Thierry Solère, un des porte-parole du candidat, ils viennent
de quitter le navire tous les deux.
7.
S'engager dans la bataille avec les seconds couteaux
Contrairement
au point précédent, ici la liste est longue. Avec ou sans l'accord
de François Fillon, on pourra décider d'engager la bataille derrière des personnalités qui ne feront ni le poids ni
l'unanimité comme Nathalie Kosciusko-Morizet, François Baroin,
Laurent Wauquiez, Xavier Bertrand, etc. Ça sera la grande aventure.
8.
Livrer la bataille présidentielle avec François Fillon et un autre
candidat
Certes,
le risque c'est d'avoir tous les inconvénients du maintien de la
candidature de Fillon en plus de ceux de la dispersion des voix de la droite au grand bonheur de l'extrême droite.
Mais, au moins dans un tel cas de figure, les électeurs de droite
et du centre auront le choix entre le vainqueur de la primaire, dont
la désignation peut apparaître aujourd'hui biaisée par le Penelope Gate,
et un autre candidat, qui ne traine aucune casserole. A moins
de retourner à la case numéro deux et d'organiser une nouvelle primaire.
9.
Former un triumvirat Fillon-Sarkozy-Juppé
On
l'a bien fait à l'époque de l'URSS. Alors, pourquoi pas en France?
Ça sera un triumvirat un peu spécial. On partagera les
postes de président de la République, de Premier ministre et de chef du
parti, entre un homme politique mis en examen, un autre envoyé en
correctionnel et un troisième déjà condamné. On procédera
par tirage au sort pour les désignations.
On
pourra s'inspirer des romains également. Et là, ça sera
beaucoup plus passionnant et riche en enseignements. C'était
après l'assassinat de l'Imperator Iulius Caesar, Jules César, en
l'an 44 avant JC. La guerre civile reprenait de plus belle à
Rome. C'est alors que s'établit une alliance politique entre
Marc Antoine (consul et ancien lieutenant de César), Lépide
(ancien maitre de cavalerie de César) et Octave (petit-neveu
et fils adoptif de César), contre les sénateurs et les
républicains, défenseurs de l'assassin de César et favorables
au rétablissement de la République. Les triumvirs se répartirent
les légions et le gouvernement des provinces, mais se mirent
d'accord pour garder la péninsule italienne indivisible. Après des
années de persécutions et de guerre, ils écrasèrent leurs ennemis
et établirent la paix.
Tout
allait pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu'au jour où Lépide
tenta d'obtenir une plus grande part du gâteau. En vain, il sera
finalement exclu du triumvirat et vaincu par Octave. Vers l'an 33
avant JC, les deux triumvirs s'embrouillèrent. Octave, qui
dominait l'Occident, reprocha à Marc Antoine, qui régnait sur
l'Orient, de brader les intérêts de Rome (en Orient), de ne pas
respecter les traditions romaines (lors d'une cérémonie à
Alexandrie) et d'humilier sa sœur Octavie (mariée à Marc Antoine,
qui a délaissé sa femme à Athènes et est allé se la couler douce
avec Cléopâtre, au bord du Nil). Marc Antoine lui, n'a pas
apprécié qu'Octave ait mis la main sur les territoires de
Lépide, que celui-ci l'empêche de recruter en Italie et que ses
vétérans soient exclus des distributions de terres. L'affrontement
entre les deux hommes devint inéluctable.
Octave
se présentera comme le défenseur de la civilisation romaine face
aux aventures orientalistes de Marc Antoine et son égarement sous le charme de la reine d'Egypte, qui ne cachait pas pourtant, ses ambitions
méditerranéennes et qui présentait une menace pour Rome. La
guerre entre les deux mondes finira par éclater en l'an 32 avant JC.
Elle durera jusqu'à la bataille d'Actium le 2 décembre de l'an -31,
qui restera dans les chroniques comme l'une des plus importantes de
l'histoire navale. Octave en est sorti grand vainqueur. Marc
Antoine et Cléopâtre se suicidèrent par la suite. De retour à
Rome, Octave sera baptisé par le Sénat comme « Auguste »,
« le plus illustre » de tous, un titre réservé
aux dieux. Son règne marquera la fin de la République et le
début de l'Empire romaine. Il mourra en l'an 14. Jésus de Nazareth
était alors âgé d'une vingtaine d'années.
*
Voilà
pour l'histoire ancienne. Tout est parti d'une idée, d'un mot, d'une
option, le triumvirat. Certains pourraient voir dans Lépide,
Nicolas Sarkozy, dans Marc Antoine, Alain Juppé, et dans Octave,
François Fillon. Ils concluraient que c'est l'actuel candidat de
la droite et du centre qui serait intronisé président de la
République française prochainement. Mais nous pourrions tous nous
tromper sur toute la ligne. L'élection présidentielle française ne se situerait pas dans
le cadre de l'histoire romaine mais dans le registre d'une tragédie grecque, qui se terminera forcément mal. Alain Juppé a très bien résumé la situation lors de sa conférence de presse dans la matinée : « La droite et le centre, quel gâchis ! » Merci qui ?