Le Liban pays pétrolier, « #لبنان_بلد_نفطي », criaient à l'unisson les dirigeants libanais, à la mi-décembre. Finalement, le pays du Cèdre n'a eu droit qu'à un mois et demi de réjouissance.
Et encore, même pas, si on tient compte des turbulences de ces derniers jours. La fête foraine Bassil-Berri a failli faire passer sous silence les propos abjectes d'un vrai « baltajé », tenus par Avigdor Lieberman mercredi.
Le ministre de la Défense d'Israël a fait savoir au cours d'une réunion organisée par un think tank israélien, que « personne ne cherche des aventures, mais si nous n'avons pas le choix, le but (en cas de guerre) est de mettre fin aux combats aussi rapidement que possible et sans équivoque ». Non mais qu'est-ce qu'il mijote? « Ce que nous savons de tous les conflits au Moyen-Orient, c'est que les guerres ne prennent pas fin sans soldats sur le terrain (...) Toutes les options sont ouvertes. »
Ah ha, c'est déjà plus précis. Ainsi, les Libanais apprennent qu'une invasion israélienne du Liban est envisagée en permanence par Israël en cas de conflit. Et Yahvé sait à quel point un conflit part de rien, surtout qu'on est prédisposé ! Pour plus de précisions, le faucon soviétique d'origine moldave qui n'a retrouvé le chemin de la Terre promise qu'en 1978 svp, précise : « Nous ne verrons pas de photos comme celles de la Seconde guerre du Liban (Juillet 2006) au cours de laquelle les habitants de Beyrouth étaient à la plage, alors qu'à Tel Aviv les gens étaient dans des abris anti-aériens. »
L'énergumène doit déjà bien s'informer, il n'y a plus de plage à Beyrouth! La dernière et incontestablement la plus belle de toutes les plages de la côte orientale de la Méditerranée, Ramlet el-Baïda, a été défigurée par tenez vous bien, l'ex-gendre de l'Estèz (« soumouwto » comme l'a qualifié un conducteur de taxi originaire de Baalbek), pour y installer un méga complexe balnéaire laid qui se veut de luxe, avec la bénédiction de la municipalité de Beyrouth, qui s'était engagée dans la bataille des élections municipales il y a deux ans sous le slogan Lei7it el biyerté ("La liste des Beyrouthins", tu parles!). Toujours est-il que pour Avigdor Lieberman « si en Israël, ils (les gens) sont assis dans des abris, alors aux prochains combats (avec le Liban), tout Beyrouth sera dans les abris. » Ce bouffon de ministre ferait bien de s'informer également sur le droit international en vigueur, bombarder des civils est un « crime de guerre », quelque soit l'identité des agresseurs et leur prétexte, notamment quand ils agissent intentionnellement, comme il pense le faire. Ça serait même un « crime contre l'humanité » dans ce cas précis.
Source: Commerce du Levant |
Tenez, on a comme une vague impression, que lui aussi est le genre de type qui cherche constamment la bagarre, 3am béfattich 3a machkal. Le faucon ne s'est pas contenté de menacer le Liban, il s'est adressé également aux sociétés intéressées par l'exploitation des hydrocarbures au large des côtes libanaises. « Les entreprises respectables qui répondent à l'appel d'offres font, à mon avis, une grave erreur, car cela est contraire à toutes les règles et à tous les protocoles dans des cas comme celui-ci. » Avis à Total, Eni et Novatek, le message est clair et la rime coule de source : oubliez vos forages et pliez bagages.
Pour Michel Aoun, le Président de la République libanaise, « les paroles de Lieberman à propos du bloc 9 constituent une menace pour le Liban et son droit à la souveraineté sur ses eaux territoriales ». Pour Nabih Berri, le chef du Parlement libanais, elles sont « dangereuses ». Quant à Saad Hariri, le Premier ministre libanais, ces propos sont « infondés et dénotent une politique expansionniste et colonialiste israélienne qui porte atteinte à la sécurité régionale ».
Le Liban a des problèmes frontaliers avec Israël, au niveau terrestre, les Fermes de Chebaa, comme au niveau maritime, où le différend concerne une zone de près de 900 km2. Le pays du Cèdre a aussi un problème de souveraineté avec l'Etat hébreux, ses avions sont maitres de l'espace aérien libanais, comme si de rien n'était et dans l'indifférence générale du Conseil de sécurité.
Les menaces de Lieberman sont graves. Elles émanent d'un extrémiste israélien, dont certaines déclarations rappellent celles des jihadistes de Daech: « Les Arabes Israéliens qui sont contre nous méritent de se faire décapiter à la hache », « Je propose de transporter les prisonniers palestiniens en autocars jusqu'à la mer Morte pour les noyer », « L'Europe suit une politique hostile aux Juifs, comme à la fin des années 1930 », et j'en passe et des meilleures.
Les contrats sur l'exploitation des hydrocarbures au Liban doivent être officiellement signés le 9 février, dans une semaine, jour pour jour. Le timing des déclarations de Lieberman ne doit rien au hasard. Elles visent deux objectifs. D'une part, empêcher le Liban, de profiter des blocs 8, 9 et 10, de ses eaux territoriales (ET) et de sa zone économique exclusive (ZEE) mitoyennes des ET et de la ZEE d'Israël. Et d'autre part, dissuader les trois grandes entreprises internationales (française, italienne et russe), gagnantes de l'appel d'offres, d'exploiter le bloc 9 dans un premier temps.
Israël menace alors qu'il ne s'est absolument pas gêné de redessiner la frontière maritime contestée à sa guise et à sa convenance en décembre 2016! Il est là le fond du problème et c'est bien cette « agression israélienne » qui a poussé le gouvernement libanais à choisir d'urgence de commencer par le « bloc 9 ». Rappelons aussi que l'Etat hébreux exploite depuis des années les ET et la ZEE israéliennes situées de l'autre côté des ET et de la ZEE libanaises, les gisements de Léviathan et de Tamar.
Un plan de partage de la zone contestée a été proposé par les Etats-Unis en 2012 (plan Hoff), attribuant 60% de la superficie en litige au Liban et 40% à Israël. Depuis, on multiplie les réunions et les palabres, et un bouffon s'est installé à la Maison Blanche. Après la reconnaissance par Donald Trump de Jérusalem comme capitale d'Israël, il est clair que les Américains sont hors-jeux sur ce dossier. Le litige pourrait se régler devant la Cour internationale de justice ou le Tribunal de la mer de Hambourg, sauf qu'Israël ne reconnaît ni l'un ni l'autre. Comme options, il ne reste donc que le Conseil de sécurité ou la guerre.
Israël est déterminé à retarder l'exploitation des hydrocarbures offshore par le Liban, pendant qu'il pompe et pompera, indirectement et en profondeur, les zones en commun et en litige. Cette attitude est inadmissible. Les déclarations israéliennes de Lieberman sont inacceptables. Elles relèvent de la « baltaja », pour reprendre ce terme qui met le Liban en effervescence. Ainsi, il ne reste plus que l'ONU pour éviter au Moyen-Orient une nouvelle guerre entre Israël et le Liban.
Une plainte doit donc être déposée au Conseil de sécurité. C'est fait. Celui-ci doit prendre ses responsabilités afin de baisser la tension entre les deux pays et rassurer les sociétés chargées officiellement par le Liban d'explorer le bloc 9. Le litige doit être rapidement tranché pour que ces sociétés puissent travailler en toute sécurité et dans la sérénité. La France, l'Italie et la Russie, qui seront directement concernés par cette première phase d'exploitation, doivent prendre le problème à bras le corps. Il faut mettre une limite à l'arrogance de l'Etat d'Israël. Qui se considère au-dessus du droit international est « hors-la-loi » et doit être traité en tant que tel.