Alors, récapitulons. A 21h précises samedi soir, pendant que les retardataires se pomponnaient
encore dans les salles de bain d’Istanbul, 572
soldats turcs, accompagnés de 39 chars et 57 véhicules blindés, et protégés
s’il le fallait par des F-16 mis en état d’alerte -à l’échelle militaire,
c’est un bataillon, enno bel mchabra7,
ils ne passent pas inaperçu !- franchissent
la frontière turco-syrienne, celle de ce pays qui est soi-disant contrôlé
par le dernier tyran des Assad qui prétend depuis quatre ans déjà qu’il n’en a
plus pour longtemps avec cette bande de racaille de djihadistes de
Seine-Saint-Denis, qui foutent la merde dans les paisibles oasis de la Syrie
d’antan.
Ils traversent du côté du poste frontalier
de Mürşitpınar, qui se situe à un jet de pierre du jardin public de Kobané, Aïn el-Arab, ou ce qu’il en
reste, libérée héroïquement par les forces kurdes, grâce aux frappes aériennes
de la coalition arabo-occidentale, que peu d’Arabes, Libanais compris, se sont
donnés la peine de remercier, trop préoccupés par la garde-robe de Michelle
Obama, la femme de magheiro, le
remplaçant du blaireau de la Maison-Blanche, le sous-doué surnommé W.
Ils entrent
dans une zone tenue par les djihadistes de Daech, une organisation terroriste
qui s’est autoproclamée « Etat islamique » et qui menace de marcher sur Rome, avec des Fiats Panda, dérobés à des
concessionnaires chrétiens de Mossoul avant de les expulser de la ville. A en
croire les concernés, avec leur humour légendaire, les Italiens se préparent à les affronter avec du chianti et du salami.
Après tout, si l’ail éloigne Dracula, le vin et le saucisson pourraient avoir le
même effet sur les sanguinaires usurpateurs du califat et de l’islam de la
bande d’Abou-Bakr el-Baghdadi.
La colonne s’enfonce
35 kilomètres en territoire syrien svp, vers le nord-est d’Alep, comme si de
rien n’était. Il n’y avait pas un chat sur les routes défoncées par les barils de TNT. Que de gros nids-de-poules en grande quantité ! Merci qui ?
Merci Bachar évidemment, le spécialiste en la matière. On en sait quelque
chose au Liban en 29 ans d’occupation syrienne ! La colonne militaire passe
dans des régions où campent des
miliciens chiites libanais, de l’organisation kezbé kbiré, qui prétend lutter contre Israël, alors qu’en réalité,
elle fait croire à ses miliciens qu’elle envoie « accomplir leur devoir djihadiste » à Damas, Homs et
Alep, qu’ils se trouvent « Sur la
route de Jérusalem ». La colonne turque mène une opération militaire d’envergure baptisée « Şah Fırat » (le Chah de l’Euphrate). Celle-ci s’est
composée de deux phases.
La première
consistait d’une part, à rapatrier 38 soldats encerclés par les psychopathes de
Daech, qui gardaient la tombe du grand-père d’Osman Ier, le fondateur de la dynastie ottomane
qui régna sur le monde oriental pendant plus de 624 ans, et d’autre part, à mettre à l’abri «
les reliques du dignitaire turc », mort vers 1236, comme l’a
indiqué le Premier ministre de la Turquie d’aujourd’hui, Ahmet Davutoglu. Il
faut savoir que ce tombeau est situé
dans une enclave de 10 000 mètres carrés, considérée comme un territoire turc en vertu de l’article 9 du traité
d’Ankara, signé en 1921 par la France et la Turquie, et enregistré à la Société
des Nations en 1926. Par ce traité la nouvelle Turquie reconnut la souveraineté
française sur ses anciens territoires d’Orient (le Liban et la Syrie). Le
traité stipule par ailleurs que « le
tombeau de Suleiman Chah, le grand-père du Sultan Osman, fondateur de la
dynastie ottomane (...) situé à Djaber-Kalessi (Syrie) restera, avec ses
dépendances, la propriété de la Turquie, qui pourra y maintenir des gardiens et
y hisser le drapeau turc ».
La seconde phase
devait conduire à sécuriser une nouvelle zone en territoire syrien svp, afin
d’inhumer de nouveau, dans les jours à venir, les reliques de l’ancêtre d’Osman
Ier. Ainsi, ce
grand-père n’en finit pas de se retourner dans sa tombe, le repos éternel n’étant
pas pour tout de suite. On l’a déjà déménagé en 1973, après la construction sur
l’Euphrate du barrage d’al-Thawra et la formation du lac artificiel al-Assad,
deux sinistres hommages au 1er président de la dynastie tyrannique
des Assad. Il fut déplacé de Qalaat Jaabar (50 km à l’est d’al-Raqqa), 80 km en
amont vers Sarrin (à 25 km de la frontière turque), toujours sur les rives
droites de l’Euphrate, puisque la légende dit que l’ancêtre périt noyer dans
les eaux du fleuve, alors qu’il fuyait les troupes mongoles. Disons, en
d’autres termes plus explicites, que l’opération
turque de ce weekend a consisté à planter le drapeau turc dans une nouvelle
zone, située à quelques kilomètres sur la rive droite de l’Euphrate (Firat
en turc, al-Fourat en arabe), à quelques centaines de mètres de la frontière
turque, je répète dans le sol syrien,
par une décision unilatérale turque, qui de ce fait, a transformée un
territoire de Syrie en une enclave sous souveraineté de la Turquie, signifiant à tous les protagonistes de la
guerre civile syrienne, que les héritiers d’Osman Ier, au nationalisme
exacerbé, gardent cette enclave turque de Syrie, comme le lui confère un
traité international, mais se garde le droit de la situer où bon lui semble, uniquement
selon ses intérêts.
En tout cas, tout s’est déroulé en
coordination avec les forces kurdes et l’Armée syrienne libre, sans livrer bataille. Aucun combat n’a
eu lieu. On déplore un mort, par accident. Les troupes turques sont rentrées
avant la levée du jour, pour siroter un café turc et des loukoums sur les bords du
Bosphore, après avoir pris le soin de détruire la sépulture historique pour
éviter que les psychopathes de Daech ne la profanent.
Ceci étant conté, deux remarques.
1. Dans un pays où l’horreur a dépassé les
limites de l’imaginable, de la part du régime alaouite de Bachar el-Assad (cf.
« album César », des dizaines de milliers de photos de corps
suppliciés prises dans les geôles du régime ; l’extermination par le gaz
sarin de 1 429 Syriens de la banlieue de Damas, etc.) et de la milice chiite
libanaise du Hezbollah (à Qousseir, Damas et Homs, entre autres), mais aussi de
la part des djihadistes de Daech et d’al-Nosra (exécutions de masse, décapitations,
etc.), malgré des kidnappings de ressortissants turcs (libérés depuis), comment se fait-il que cette enclave turque
n’ait pas été attaquée par aucun des belligérants en quatre ans d’une
guerre qui a fait plus de 200 000 morts, ou rien ni personne n’est
respecté, sachant que ce genre de site est banni par les islamistes de Daech qui le considèrent comme un lieu d’idolâtrie
infâme et que ces derniers ont menacé de détruire il y a un an,
mais n’ont jamais mis leurs menaces à exécution ? Disons-le clairement, de deux choses l’une : soit la Turquie
sait se faire entendre, soit elle sait s’entendre. La réponse se situe sans
doute entre les deux, entre la nuance diplomatique et cette subtilité
linguistique ! Par comparaison, au
Liban, Daech et Nosra sont libres de leurs mouvements, à peu de chose près,
dans l’Anti-Liban et dans le jurd de
Ersal notamment. Leurs attaques ont déjà couté la vie à plusieurs militaires
libanais, dont deux par décapitation et deux par balle. Les deux organisations
terroristes détiennent toujours plus d’une vingtaine de militaires libanais,
menacés de mort à tout instant !
2. Tout
le monde sait que le régime fasciste de Bachar el-Assad a perdu, à jamais, le
contrôle de la Syrie de son tyran de père. Il y a quelques semaines au Sud
de la Syrie, l’affaire de Quneitra qui a
impliqué les pasdarans iraniens, les hezbollahis libanais et les tsahalis
israéliens, nous l’a prouvé. Il n’y avait aucun représentant du régime
syrien, même pas un planton. Aujourd’hui, au nord de la Syrie, l’affaire du « Chah de l’Euphrate »
nous le prouve. On a des Turcs, des Kurdes, des djihadistes, mais toujours
aucun représentant du régime syrien. Entre les deux événements, l’attentat-suicide de Qordaha ce weekend,
survenu au cœur du fief de la dynastie tyrannique des Assad, le prouve. Idem pour tous ses territoires à l’Est et à
l’Ouest, qui sont passés entre les mains de « l’Armée syrienne libre »
et de « l’Etat islamique en Irak et au Levant ». Idem pour les frappes aériennes de la
coalition arabo-occidentale en Syrie.
Enfin bref, tout le monde le sait à l’exception du dernier tyran de Damas. Bachar
el-Assad a beau joué au schizophrène frappé d’amnésie à chaque apparition
médiatique, et faire de l’humour sur les cadavres de son peuple, il n’empêche
que l’excellent interview qu’il a accordée à Jeremy Bowen de la BBC, le 10 février dernier, le prouve encore,
toujours et magistralement, contrairement
à l’interview nauséeux, complaisant et sans intérêt de Régis Le Sommier pour Paris Match en
novembre 2014. Le chef du régime syrien n’est jamais apparu aussi « abruti »
dans le passé qu’aujourd’hui. Voici une
longue liste de morceaux choisis, que la presse ne s’est pas donnée la peine de
détailler. Ça vaut le détour.
« On ne peut pas parler d’Etat en faillite,
parler de la perte de contrôle (de certains territoires) est une chose
complètement différente... nous avons une invasion de terroristes venant de l’étranger...
depuis le début, les manifestations n’étaient pas pacifiques... un million de manifestants, pour 24
millions de Syriens, c’est rien...
nous défendons les civils... pourquoi ceux qu’on appelle l’opposition modérée se
sont évaporés... (à propos des barils
d'explosifs, bourrés de TNT et d’éclats d’obus, lancés à l’aveugle par les hélicoptères
du régime syrien sur les populations, voire photo ci-jointe) c'est une histoire infantile qu’on continue
à répéter en Occident (si l'ignare s'était donné la peine de se renseigner auprès de son ambassadeur à l'ONU, il aurait appris que dans la résolution 2139, adoptée il y a un an, jour pour jour, « Le Conseil de sécurité... exige
également que toutes les parties mettent immédiatement fin à toutes attaques
contre les civils, ainsi qu’à l’emploi sans discrimination d’armes dans des
zones peuplées, tels que les tirs d’obus et les bombardements aériens, tels que
l’emploi de barils d’explosifs, et de méthodes de guerre qui sont de nature à causer
des maux superflus ou des souffrances inutiles »)... Je n'ai pas entendu parler que l'armée (syrienne)
utilise des barils ou des cocottes-minute (rire bête, et pourtant l'armée du régime de Bachar el-Assad est accusée, par le Réseau syrien des droits de l'homme, d'avoir largué 5 150 de ces engins meurtriers primitifs depuis octobre 2012)... Si vous voulez parler de
victimes (collatérales des barils explosifs), c’est la guerre, on ne peut pas
avoir de guerre sans victimes (on estime que 12 194 personnes ont été tuées par les barils d'explosifs du régime alaouite syrien)... comment peut-on tuer sa population et avoir
son soutien en même temps, ce n’est pas logique (96 % des victimes des barils explosifs du régime syrien étaient des civils, 50 % des femmes et des enfants... (il était question que le régime cesse l'usage des barils explosifs, afin de montrer qu’il peut
faire partie de la solution et non du problème) vous nous demandez d’arrêter de
remplir notre devoir et de défendre nos compatriotes contre les terroristes... (« vous
n’avez pas mené les attaques chimiques de Ghouta ? »),
définitivement, non... le nombre de victimes a été exagéré dans les médias (l’implication
de son régime dans la mort de près de 1 500 personnes le 21 août 2013, ne
fait pas l’ombre d’un doute comme je l’ai détaillé dans plusieurs articles consacrés à ce sujet)... nous ne pouvons
pas nous allier à des pays qui soutiennent le terrorisme (coalition
arabo-occidentale qui bombarde Daech depuis le mois d’août 2015), parce que
nous combattons le terrorisme (le régime affronte en priorité l’Armée syrienne
libre)... la société saoudienne est plus disposée à accepter Daech (à l’entendre
il n’y a aucun Syrien avec Daech, les djihadistes viennent tous de l’étranger)...
Nous sommes informés avant que la campagne (de frappes aériennes de la coalition)
ne commence, mais pas des détails (mais soi-disant les coalisés soutiennent les
terroristes !)... Il n’y a pas de dialogues (avec la coalition) mais des
informations... (Sur la question à savoir s’il fait connaitre quoi que ce soit à
la coalition) Quand nous faisons quelque
chose sur notre territoire, nous ne demandons et nous n’en parlons à personne
(très grand sourire, manifestement il était très fier de sa réponse alors que
les F-16 franchissaient le mur du son peu de temps auparavant)...Oui elles (les
frappes) pourraient avoir quelques bénéfices (pour le régime) si elles étaient
plus sérieuses et plus efficaces... dans la plupart des cas, les civils ont quitté les zones contrôlées
par les rebelles pour venir dans les nôtres (sourire ; le journaliste
lui fait quand même remarqué que si les civils viennent se réfugier dans les
zones du régime, c’est parce que les zones contrôlées par les rebelles sont
massivement bombardées, notamment par des armes non-conventionnelles comme les
barils explosifs)... lorsque un organisme (de l’ONU) ou une organisation (ONG)
dit quelque chose sur nous, cela ne signifie pas que c’est véridique... (à la
question de savoir s’il se considère chanceux d’être encore là alors que la
Syrie est détruite et meurtrie, et qu’il a une certaine responsabilité dans ce
désastre) d’après la Constitution et votre éthique de travail, il faut protéger
votre pays quand il est sous attaque... pourquoi voulez-vous que nous
bombardons les écoles et tuer des enfants et des étudiants... encore une fois, c’est une chose d’avoir des victimes
collatérales dans une guerre et de prendre pour cible les écoles... (« qu’est-ce
qui vous empêcherait de dormir ? ») beaucoup de raisons, celles qui
pourraient affecter tout être humain, la vie... (« avez-vous pensé à ces
victimes ? ») c’est quelque chose que nous vivons tous les jours, que
ces victimes soient de l’opposition ou des supporteurs... nous le vivons dans
la douleur ». Eh bien, disons que la douleur de
ce tyran schizophrène et amnésique, à la langue de bois bien pendue, doit être
terrible sachant qu’à ce jour, 210 000 Syriens sont morts, 10 000 000
de personnes ont quitté leurs foyers, 1 500 000 se sont réfugiés au
Liban, la plus part se trouvant dans des conditions misérables.
Toujours est-il que Bachar el-Assad peut qualifier
l’intervention turque de ce weekend « d’agression
flagrante », force est de
constater que son régime, bien que soutenu par l’autiste qui s’ignore,
Vladimir Poutine (selon un rapport sérieux de l’Ecole de guerre de la Marine
américaine), est aujourd’hui réduit à
prendre connaissance de l’imbroglio irano-libano-israélien de Quneitra et de
l’opération turque de Şah Fırat, dans la presse (enfin, presque !), de
s’enterrer six pieds sous terre et de regarder ses chaussures et boucher ses oreilles au passage des avions
de la coalition arabo-occidentale au-dessus de sa tête. Ainsi, quand des forces étrangères, comme l’Iran,
le Hezbollah, Israël, la Turquie, les Etats-Unis, la Jordanie et l’Arabie
saoudite, j’en passe et des meilleures, agissent comme bon leur semble en Syrie, alors il faut croire que le
régime qui prétend contrôler ce pays, est bel et bien fini. Sa chute n’est
qu’une question de temps, même si ce dernier se montre hélas, extensible.