L'impensable
est dans tous les esprits et l'inavouable est sur toutes les lèvres.
Eh oui, l'inévitable est bel et bien arrivé, Donald Trump entre en
fonction ce vendredi 20 janvier 2017, comme le 45e président des
Etats-Unis.
La
grandeur et la décadence de cette nation, qui ne cesse de fasciner
et façonner le monde, peuvent être résumées dans cette alternance
et son contraste, Barack Obama vs. Donald Trump. Le premier était
un président élégant, raffiné, décontracté, réfléchi,
raisonnable, responsable, et j'en passe et des meilleures. Le second
sera tout le contraire, rustre, fruste, grossier, impulsif,
populiste, irresponsable, et j'en passe et des meilleures. D'après une étude universitaire, le nouveau président a un niveau de grammaire en dessous de celui d'un élève de 6e. En tout cas, l'ex-président a su, ou au moins tenter, pacifier son pays et le
monde, le nouveau président saura, consciemment ou pas, attiser le
mépris des Etats-Unis dans le monde et le clivage entre les
Américains.
Il
n'est pas nécessaire d'entrer dans les détails de la politique
intérieure américaine. Vu d'Europe et du Moyen-Orient, ça n'a pas
beaucoup d'intérêt. D'autant plus que de par la Constitution américaine, le président des Etats-Unis est obligé de composer avec le Congrès en matière de politique intérieure, alors qu'il a beaucoup de marges de manoeuvre sur le plan international. Limitons-nous donc à ces deux régions spécifiques et au sujet qui n'a
aucune limite temporo-spatiale, l'environnement, et voyons ce que le nouveau locataire de la Maison Blanche pourrait faire. Hélas, sur ces
trois dossiers, Donald Trump sera un désastre.
Dans
un entretien accordé à deux journaux conservateurs allemand et
anglais il y a quelques jours, le président américain s'est
félicité du Brexit. « Le Brexit va s’avérer
être une chose géniale ». Et dire que la
majorité des experts en doutent. Il a même assuré qu'il y aura
d'autres sorties de l'Union européenne. Et pourquoi donc ? « Les
gens ne veulent pas que d’autres gens viennent dans leur pays et
les dérangent. » Ah bon, et Trump ça ne sonne pas très
américain on dirait. Il va peut-être falloir retourner en Allemagne
ou en Ecosse ! Le populiste s'insurge et se demande : « Quand
on va sur la 5e Avenue (New York), on voit que tout le
monde a une Mercedes garée devant chez lui, pas vrai? (…)
Combien de Chevrolet avez-vous en Allemagne ? (…) Dehors on n’en
voit pas une seule. » La réponse la plus humiliante est
venue du vice-chancelier allemand et ministre de l'Économie, Sigmar
Gabriel : « Les États-Unis doivent construire de meilleures
voitures ». Trump a fait savoir par ailleurs, que l'OTAN est
« obsolète ». Dans la foulée, cet
admirateur de Poutine a évidemment dénoncé ces sanctions « qui
font très mal à la Russie ». Ah bon ! Et quid de
l'annexion de la Crimée au grand mépris du droit international ?
Enfin bref, si tout cela relève du wishful thinking, il faut
bien comprendre que Donald Trump mettra tout en œuvre pour
affaiblir l'Union européenne, la contrée où il fait bon d'y vivre,
le seul et unique pays concurrent sérieux des Etats-Unis, sur tous
les plans et dans tous les domaines.
Au
Moyen-Orient, certains ressortissants arabes, libanais compris,
considèrent qu'il sera difficile d'être pire que Barack Obama.
Au cœur de leur constat, la politique américaine depuis 2011, après
le soulèvement populaire contre la tyrannie des Assad. En réalité,
ces personnes commettent trois erreurs d'appréciation.
.
Primo, il faut bien comprendre qu'aucun président américain,
qu'il se nomme Trump, Obama ou Bush, n'engagera les forces armées
américaines dans le monde, si les intérêts des Etats-Unis ne sont
pas en jeu ou sans en tirer des bénéfices compensatoires. Ce
n'était pas le cas en Syrie. Le maintien d'Assad au pouvoir est
principalement dû à la terreur imposée par le régime (comme en
témoigne les milliers de photos prises par le dénommé César qui prouve la barbarie du régime de Bachar el-Assad), au soutien indéfectible de la Russie
et de l'Iran (qui jouaient gros) et aux erreurs fatales des opposants
au régime (division, militarisation, généralisation du conflit et
radicalisation).
.
Secundo, l'histoire retiendra que Barack Obama a réussi à
débarrasser le Moyen-Orient de deux menaces apocalyptiques à court
et à moyen termes, constituées par les armes de destruction massive
: l'arsenal chimique du régime syrien de Bachar el-Assad et le
programme nucléaire du régime iranien des mollahs. On peut railler
ces menaces hypothétiques, il n'empêche que sans la stratégie
intelligente de la part de l'administration Obama, on aurait assisté
à une dissémination certaine des armes de destruction massive,
chimique et nucléaire, vers les groupes armés en conflit dans la
région, sunnites (Kurdes, Nosra, Daech, al-Qaeda, etc.) et chiites
(milices irakiennes, Hezbollah, etc.).
.
Tertio, il faut sans doute le rappeler, sans la coalition
internationale formée autour des Etats-Unis il y a deux ans et
demi, sous l'égide de Barack Obama, l'Etat islamique serait mieux
implanté en Syrie et en Irak, Bagdad serait tombée entre les
mains de Daech. L'intervention irano-russe n'a pas affaibli
l'organisation terroriste autant qu'elle a renforcé le régime
fasciste de Bachar el-Assad, comme en témoigne la prise d'Alep
récemment.
Cela
étant dit, à quoi doit-on s'attendre avec Trump? Au Liban, à
pas grand chose. C'est à se demander si le nouveau président
sait vraiment où se trouve notre pays et quel est le goût de notre tabboulé. Certains compatriotes croient que la présence
d'un conseiller libanais à ses côtés, Walid Fares (ex-milicien
des Forces libanaises, ex-14Mars), changera la donne,
notamment en ce qui concerne le Hezbollah. Un vœu pieux là
aussi. D'une part, parce que les actions politico-militaires ont
un pouvoir limité sur le Hezbollah comme l'ont démontré la guerre de Juillet (2006) et la guerre en Syrie (depuis 2011). Bien au
contraire, la menace externe renforce la cohésion
interne, sauf si elle en mesure de l'écraser, ce qui ne sera jamais
le cas au Liban. D'autre part, parce qu'on oublie qu'on pourrait
éventuellement affaiblir la branche armée, la milice, mais pas le
parti, la force principale du Hezbollah découlant
essentiellement du soutien massif de la communauté chiite libanaise
et pas seulement de ses armes. La preuve, les mesures financières
prises par les Etats-Unis à l'encontre du Hezbollah ont eu un impact
limité non seulement parce que le fonctionnement du Hezb n'est pas
conventionnel, mais surtout parce que le Hezb sait mobiliser ses
partisans au sein de l'Etat libanais.
En
Syrie et en Irak, partant de la tactique en trompe-l'oeil qu'il faut
changer une stratégie qui ne marche pas, ça sera le statu quo dans le meilleur des cas. Roue
libre pour la Russie, jusqu'à la victoire de Bachar el-Assad, et
frappes aériennes contre Daech, jusqu'à ce que mort s'en suive.
Le problème c'est que cette double stratégie va droit dans le
mur car elle est aveugle comme l'a été celle de son
prédécesseur, George W. Bush, en Irak. Elle ignore le problème
fondamental en Syrie : un tyran sanguinaire comme Bachar el-Assad,
issu d'une communauté alaouite représentant 10% de la population,
responsable d'une guerre ayant fait 300 000 morts et qui a jeté la
moitié de la population syrienne sur les routes, ne peut pas
continuer à réprimer en toute passivité et à massacrer en toute
impunité, 75% de la population sunnite de Syrie. Daech va de pair
avec Assad : soit on se débarrasse des deux, soit on aura les deux,
au monde de choisir. En tout cas, la nomination de T. Rex,
Rex Tillerson, comme Secrétaire d'Etat, un néophyte en
politique, PDG du géant pétrolier ExxonMobil, décoré de l'Ordre
de l'Amitié par Vladimir Poutine lui-même, est de bien mauvais
augure.
A propos du dossier israélo-palestinien, il faut s'attendre au pire, comme en
témoignent les trois premières décisions de Trump. Primo, de
nommer David Friedman, comme ambassadeur des Etats-Unis en Israël,
un homme connu pour être un partisan de la colonisation israélienne
des Territoires palestiniens occupés. Secundo, de reconnaître
Jérusalem comme « la capitale éternelle d'Israël ».
Tertio, de transférer l'ambassade américaine en Israël, de
Tel-Aviv à Jérusalem.
Sur
le plan de l'environnement, ça sera également un désastre. La
nomination de Scott Pruitt, un climatosceptique, une espèce qu'on
croyait en voie d'extinction, à la tête de l'Agence américaine
de protection de l'environnement (EPA), annonce déjà la couleur.
Que dire encore, de cet ami du secteur pétrolier, qui a passé une
partie de sa vie contemporaine à se battre contre les mesures
imposées par l'agence qu'il préside aujourd'hui. C'est du Trump
tout craché. Aussitôt après avoir prêté serment, il y a quelques heures seulement, il a décidé d'abandonner le plan de réduction des énergies polluantes au profit des énergies renouvelables et de relancer les forages de pétrole et de gaz de schiste « pour créer des emplois et apporter de la prospérité à des millions d’Américains », dans un total mépris des risques encourus.
A
ce stade et connaissant le personnage, nul ne peut affirmer avec
certitude que l'heureux élu terminera son mandat. La destitution
planera au-dessus de sa tête, comme une épée de Damoclès. Pas
à cause de ses détracteurs, mais à cause de ses erreurs. Trump
entre en fonction avec seulement 40% d'opinions favorables. Par
comparaison, Obama avait le double à l'époque. Reagan, Clinton,
Carter et même W. étaient plus populaires. Autre fait révélateur,
son équipe a un mal de chien à embaucher des célébrités pour
la cérémonie d'investiture. Le milliardaire découvre
sans doute, qu'il y a encore des choses dans ce monde que son argent ne
peut pas acheter. Le maître de cérémonie, Tom Barrack, un homme
d'affaires d'origine libanaise, a fait savoir qu'il se passerait
bien des vedettes puisque le président était lui-même « la
plus grande célébrité du monde ». C'est c'là oui, Tom
est un peu comme le renard gascon de La Fontaine qui prétendait
que les raisins au haut d'une treille n'étaient pas mûrs, parce
qu'en réalité, il ne pouvait pas les atteindre.
Donald
Trump peut être considéré comme une célébrité du monde, mais il
est aussi un « bouffon ». Pour éviter toute
confusion qui pourrait être à son avantage, sachez que dans ce
texte et le contexte, dès aujourd'hui et pour les quatre prochaines
années, ce terme dans mes articles ne désignera pas un personnage
dont les plaisanteries font rire, mais celui dont la conduite fait
perdre toute considération.
En songeant à l'investiture de Donald Trump, qui a l'indécence de jeter par la fenêtre près de 200 millions de dollars pour mettre son nombril en scène pendant plusieurs jours (couverte par des donations privées et de l'argent public !), je me suis demandé, comme Michael Moore, Meryl Streep, Alec Baldwin, Cher, Robert de Niro, Madonna, Moby, Scarlett Johansson et d'autres célébrités, si je devais me rendre à la cérémonie. Finalement, j'ai décidé de l'ignorer. Je me suis contenté de lui envoyer une carte postale du Manneken-Pis, en griffonnant ces mots : « Bonne chance Mr. President. Et bons baisers de Bruxelles. BB ». Veuillez noter que tout lien et toute ressemblance avec des personnes, des figures et des événements existants ou ayant existé, particulièrement entre « le gamin qui pisse » de Bruxelles et les « golden showers » de Moscou, n'est que sarcasmes et pas fortuits.
Je préfère me joindre à la Marche des femmes, ces manifestations organisées ce samedi dans les principales villes américaines et beaucoup de villes dans le monde, pour défendre les droits civiques des femmes et protester contre l'arrivée au pouvoir d'un homme profondément machiste et misogyne.
En songeant à l'investiture de Donald Trump, qui a l'indécence de jeter par la fenêtre près de 200 millions de dollars pour mettre son nombril en scène pendant plusieurs jours (couverte par des donations privées et de l'argent public !), je me suis demandé, comme Michael Moore, Meryl Streep, Alec Baldwin, Cher, Robert de Niro, Madonna, Moby, Scarlett Johansson et d'autres célébrités, si je devais me rendre à la cérémonie. Finalement, j'ai décidé de l'ignorer. Je me suis contenté de lui envoyer une carte postale du Manneken-Pis, en griffonnant ces mots : « Bonne chance Mr. President. Et bons baisers de Bruxelles. BB ». Veuillez noter que tout lien et toute ressemblance avec des personnes, des figures et des événements existants ou ayant existé, particulièrement entre « le gamin qui pisse » de Bruxelles et les « golden showers » de Moscou, n'est que sarcasmes et pas fortuits.
Je préfère me joindre à la Marche des femmes, ces manifestations organisées ce samedi dans les principales villes américaines et beaucoup de villes dans le monde, pour défendre les droits civiques des femmes et protester contre l'arrivée au pouvoir d'un homme profondément machiste et misogyne.